DISCOURS DU SECRETAIRE GENERAL A L'UNIVERSITE NOTRE-DAME, A L'OCCASION DE LA REMISE SOLENNELLE DU DIPLOME DE DOCTEUR EN DROIT
Communiqué de Presse
SG/SM/7406
DISCOURS DU SECRETAIRE GENERAL A LUNIVERSITE NOTRE-DAME, A LOCCASION DE LA REMISE SOLENNELLE DU DIPLOME DE DOCTEUR EN DROIT
20000519On trouvera ci-après le texte du discours que M. Kofi Annan a prononcé le 21 mai à lUniversité Notre-Dame [South Bend (Indiana)].
Je vous remercie de cette introduction des plus flatteuses et ainsi que de ce diplôme de docteur en droit.
Je suis fort honoré de me trouver parmi tant dentre vous en cette occasion unique. Cest à juste titre que votre université jouit de sa grande renommée, et nous pouvons tous être fiers de nous y trouver associés.
La réputation de Notre-Dame est bâtie sur un lien solide avec lÉglise catholique, que nous ne pouvons quadmirer, même si nous nen faisons pas partie, pour le message de fraternité universelle, de justice sociale et de respect de la vie humaine quelle transmet.
Il y a tout juste six semaines de cela, jai eu, de même que mes collègues du système des Nations Unies, le privilège dêtre reçu à Rome par S. S. le pape Jean-Paul II. Jai été frappé, cette fois encore, par la finesse de sa perception du monde contemporain et par son désir ardent de voir plus largement et équitablement répartis les bienfaits apportés par les progrès de lhumanité.
Jean- Paul II a mis laccent sur linterdépendance croissante des pays du monde et a très justement constaté que cet état de choses nécessite de nouvelles façons de penser et de nouvelles modalités de coopération internationale.
Pour Sa Sainteté, le défi que nous avons à relever à laube du XXIe siècle réside dans lédification dun monde où les individus et les peuples assumeront complètement et sans équivoque la responsabilité de leur prochain et de tous les habitants de la planète.
Jai été dautant plus encouragé par ce message quil correspond très exactement à celui que je mefforce moi-même de faire passer.
Dans un peu plus de trois mois, les dirigeants politiques du monde entier se réuniront à New York pour le Sommet du Millénaire, en vue duquel jai publié un rapport qui a trait aux questions de paix et de sécurité, aux problèmes environnementaux et à la réforme de lONU.
Le chapitre le plus long, qui, me semble-t-il, est particulièrement proche du message du pape, sintitule « Vivre à labri du besoin ». Tel est le thème que jaimerais aborder brièvement avec vous cet après-midi.
Lun des buts de lOrganisation des Nations Unies est de « favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande ». Les fondateurs de lOrganisation savaient que ce but est inséparable de ceux quénonce également la Charte : la paix, les droits de lhomme et le respect du droit international.
Au cours des 50 dernières années, le monde a enregistré des progrès économiques sans précédent. Depuis les années 60, lespérance de vie dans les pays en développement est passée de 46 à 64 ans; les taux de mortalité infantile ont été réduits de moitié; la scolarisation au niveau primaire a augmenté de plus de 80 %; laccès à leau potable et aux installations sanitaires a doublé.
Si nous sommes de plus en plus nombreux à bénéficier dun niveau de vie sans précédent, beaucoup restent désespérément pauvres.
Le milliard de personnes qui vivent dans les pays développés gagnent 60 % du revenu de la planète, tandis que les 3,5 milliards dhabitants des pays à faible revenu en gagnent moins de 20 %.
Près de la moitié des habitants du globe parviennent à vivre avec moins de deux dollars par jour; environ 1,2 milliard dautres, encore plus défavorisés (dont 500 millions en Asie du Sud et 300 millions en Afrique), avec moins dun dollar.
Certes, un dollar na pas la même valeur dans un village de lInde et dans un complexe commercial en Indiana. Quoiquil en soit, essayez dimaginer un instant ce que serait votre vie si vous naviez quun dollar en poche pour satisfaire tous vos besoins quotidiens. Un dollar pour vous nourrir, vous vêtir, vous sinstruire, vous soigner ou vous loger...
Comment fonder une famille, ou mettre sur pied une entreprise avec pareil capital? Comment jouir de quelque liberté que ce soit? Comment échapper à la souffrance et au désespoir?
Outre quelle fait injure à lhumanité, la misère aggrave encore nombre dautres problèmes.
Cest ainsi que les pays pauvres, en particulier ceux où il existe de profondes inégalités entre groupes ethniques ou religieux, risquent beaucoup plus dêtre entraînés dans des conflits que les pays riches.
Cest dans les pays pauvres, notamment en Afrique, que le VIH/sida et les autres maladies font le plus de ravages.
Qui plus est, les pays pauvres manquent dans bien des cas des capacités et des ressources voulues pour mettre en oeuvre des politiques rationnelles de lenvironnement.
Je ne veux pas dire que la pauvreté du plus grand nombre résulte de la prospérité de quelques-uns, ou vice-versa. Ce nest pas que les pauvres soient exploités. Leur drame tient plutôt à ce quils sont exclus du marché mondial.
Ce que je veux dire, par contre, cest que le succès extraordinaire de la nouvelle économie mondiale nous offre à tous un exemple et des possibilités sans précédent. À lheure quil est, cependant, pour la moitié dentre eux sans doute, nos semblables ne sont que des laissés pour compte.
Il nous faut trouver les moyens daider les plus démunis à tirer profit de la mondialisation, afin quils puissent eux aussi devenir producteurs et consommateurs.
Mon rapport indique un certain nombre de moyens datteindre cet objectif. Bien des solutions doivent être apportées par les pays en développement eux-mêmes, et dont les dirigeants ont une responsabilité particulière à assumer en lespèce. Cela étant, les plus fortunés de ce monde, dont nous sommes tous ici, ont également un rôle important à jouer.
Lavenir des pays en développement dépend avant tout de leur capacité à mobiliser les capitaux et à attirer les investissements.
Pour cela, il faut bien entendu que leurs biens et services puissent accéder en libre concurrence aux marchés des pays riches, comme les États-Unis.
Dans bien des cas, il faut également que leurs gouvernements puissent investir dans léducation et la santé, plutôt que de devoir consacrer lintégralité de leurs ressources au remboursement de la dette extérieure.
Un pays disposé à adopter une politique raisonnable peut en outre se voir accorder une aide financière considérable.
Laide au développement nen est pas moins en recul constant depuis des dizaines dannées, alors que le monde industriel jouit dune prospérité sans précédent.
Il est particulièrement honteux que les États-Unis, pays le plus riche et le plus prospère de toute lhistoire du monde, soit lun des moins généreux si lon considère la part du produit national brut quil consacre à la lutte contre la pauvreté dans le monde. Je suis sûr que beaucoup dentre vous partagent mon sentiment face à un état de fait indigne des traditions de ce grand pays.
Jose en loccurrence espérer que vous tirerez parti de votre position privilégiée de citoyens dune grande démocratie pour prôner les réformes nécessaires dans les trois domaines qui nous intéressent plus particulièrement ici : échanges commerciaux, allégement de la dette, aide officielle au développement.
Vous pouvez aussi agir plus directement en tant quindividus. Limportance quelle accorde au sens civique et au bénévolat compte parmi les titres de gloire de cette université. Je crois savoir que bon nombre dentre vous ont travaillé comme bénévoles pendant leurs études, non pas seulement à titre occasionnel, mais aussi, de façon plus durable, au service de telle ou telle bonne cause, ici-même, à South Bend, ou ailleurs, pendant les vacances.
Fait plus encourageant encore, les étudiants de Notre-Dame ont pour tradition de consacrer lannée suivant la fin de leurs études à des activités de volontariat à plein temps, ce avec le soutien de leurs parents et de lUniversité. Jespère que vous serez nombreux à suivre cette tradition et à faire de cette année loccasion dapporter une véritable assistance aux plus nécessiteux : les pays les plus démunis et les plus pauvres des pauvres.
Permettez- moi de suggérer une manière de procéder à cette fin, en ce qui concerne plus spécialement ceux qui ont acquis un savoir-faire dans le domaine de la technologie de linformation, soit chacun, ou en tout cas la plupart dentre vous, quelle que soit votre spécialité.
La technologie de linformation constitue, jen suis convaincu, lun des moteurs de la croissance économique et du développement pour tous les pays. Elle est plus inégalement répartie encore que les autres formes de richesses. Il se trouve actuellement un plus grand nombre dordinateurs aux États-Unis que dans tout le reste du monde.
Cela étant, la technologie de linformation est moins onéreuse que dautres formes dinvestissement. Elle est de moins en moins tributaire de lexistence dinfrastructures ou de grosses mises de fonds, et de plus en plus de la matière grise, capital par bonheur le plus équitablement réparti du monde.
Il suffirait dinvestir un peu dans la formation de base et de rendre ordinateurs et téléphones portables accessibles aux groupes, afin que chacun nait pas à acheter le sien.
Un investissement de cet ordre mettrait les nouvelles technologies à la portée de bon nombre de personnes démunies et permettrait à bien des pays pauvres de brûler quelques-unes des étapes les plus laborieuses du développement.
Cest au reste déjà là ce qui se passe dans certains endroits du monde en développement. La ville de Bangalore, en Inde, sest ainsi imposée comme centre mondial de lindustrie du logiciel. Le Costa Rica, qui exporte des puces électroniques, a enregistré lan dernier le taux de croissance le plus élevé de lAmérique latine. Des centres publics de télécommunications ont été créés dans bon nombre dendroits, du Pérou au Kazakhstan.
En Égypte, pour ne citer quun exemple, le PNUD a participé à la création de centre daccès aux technologies qui ont amené lInternet et la télécopie dans les zones pauvres et dans les campagnes.
Voilà où vous pouvez intervenir. Nous mettons actuellement sur pied un Service de la technologie des Nations Unies, collectif dassociations bénévoles qui viendra en aide aux pays en développement en y formant des groupes à lutilisation et aux applications des technologies de linformation.
Net Corps America fait partie de ce collectif. Je suis sûr que nombre dentre vous pourraient apporter leur pierre à cet édifice, et jespère que vous nhésiterez pas à contacter Net Corps America ou le Programme des Volontaires des Nations Unies.
Votre année de bénévolat pourrait être dun très grand secours aux gens de tel ou tel pays en développement. Elle vous apporterait beaucoup à vous aussi, et vous noublieriez ni ne regretteriez jamais lexpérience, jen suis fermement convaincu.
Quoiquil en soit, jespère que vous saurez tirer parti de votre future profession, que vous deveniez homme daffaires, fonctionnaire, enseignant, médecin ou avocat, pour promouvoir la paix et le développement dans le monde.
Chacune de ces vocations peut revêtir une dimension internationale, et chacune vous permettre daider votre prochain.
Jai la certitude que vous saurez saisir ces occasions. Notre-Dame compte parmi les institutions les meilleures et les plus généreuses de celles qua suscitées la tradition américaine. Je suis fier, comme vous devez lêtre tous, dêtre admis aujourdhui dans les rangs des diplômés de votre université.
Je vous souhaite à tous une excellente journée; sachez chacun venir en aide aux autres et, ce faisant, pleinement vous épanouir.
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