En cours au Siège de l'ONU

CS/1185

LA MISSION DES NATIONS UNIES EN SIERRA LEONE DEVRAIT PASSER DU MAINTIEN DE LA PAIX A L'IMPOSITION DE LA PAIX SELON CERTAINS ETATS MEMBRES

11 mai 2000


Communiqué de Presse
CS/1185


LA MISSION DES NATIONS UNIES EN SIERRA LEONE DEVRAIT PASSER DU MAINTIEN DE LA PAIX A L'IMPOSITION DE LA PAIX SELON CERTAINS ETATS MEMBRES

20000511

Le Conseil de sécurité, examinant ce soir la situation en Sierra Leone à la suite des récents événements sur le terrain, a évoqué plusieurs options qui visent à modifier le mandat de la MINUSIL (Mission des Nations Unies en Sierra Leone). Cette réunion du Conseil intervient à la suite de la détérioration de la situation dans le pays dont le point d'orgue a été la prise d'otage de plusieurs centaines de Casques bleus de la MINUSIL par des éléments armés du Front uni révolutionnaire (RUF) que dirige Foday Sankoh, en violation de l'Accord de paix de Lomé, signé en 1999 entre le Gouvernement sierra-léonais, le RUF et les Chefs d'Etats de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). "Le Conseil doit examiner toutes les options et prendre des mesures appropriées et efficaces", a déclaré le représentant de la Sierra Leone en insistant sur le terme efficace. Prenant la parole au nom de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), l'Algérie a estimé qu'après le Rwanda et la Bosnie-Herzégovine, l'ONU ne peut se permettre un nouvel échec. Selon l'OUA, l'épreuve de la MINUSIL montre que son mandat et ses moyens n'ont jamais été adaptés à la situation. Le Conseil doit donc revoir le mandat de la Mission et adopter une nouvelle résolution qui inscrive l'action de la Mission dans le cadre du Chapitre VII et qui en fasse une Mission d'imposition de la paix. La France s'est dite prête à réfléchir à une adaptation du mandat de la force pour tenir compte de la rupture unilatérale de l'Accord de Lomé par le RUF. Pour le Royaume-Uni, la priorité doit être le renforcement de la MINUSIL, étant donné que le mandat stipulé dans la résolution 1270 du 22 octobre 1999, est suffisant et qu'il contient des éléments qui permettent l'usage de la force en cas de légitime défense et pour défendre la population civile lorsque cela est possible. Ces propos ont été appuyés par la Fédération de Russie. Les Etats-Unis ont, pour leur part, pris note de la tenue prochaine d'une réunion extraordinaire des Ministres de la défense de la CEDEAO pour le cas où le Groupe de contrôle de la CEDEAO (ECOMOG) reprendrait ses activités en Sierra Leone.

Les intervenants ont unanimement attribué la détérioration de la situation au RUF et ont averti Foday Sankoh qu'il serait tenu responsable de tels agissements et que l'amnistie accordée en vertu de l'Accord de paix de Lomé pourrait être révoquée. Il a été également précisé que l'amnistie ne s'applique pas aux crimes commis après la signature de l'Accord de paix de Lomé.

Outre le Secrétaire général et les représentants de l'Algérie, de la France, du Royaume-Uni, de la Fédération de Russie et des Etats-Unis, les délégations suivantes ont pris la parole : Mali, en sa qualité de Coordonnateur de la CEDEAO; Canada, Malaisie, Pays-Bas, Bangladesh, Namibie, Argentine, Jamaïque, Ukraine, Tunisie, Chine, Sierra Leone, Portugal (au nom de l'Union européenne), Norvège, Inde, Japon, Djibouti, Pakistan, et Jordanie.

LA SITUATION EN SIERRA LEONE

Déclaration du Secrétaire général

M. KOFI ANNAN, a félicité le Conseil de sécurité et les Etats membres pour la diligence avec laquelle ils ont répondu à cette grave crise en Sierra Leone. Il a indiqué qu'à l'heure actuelle, plusieurs centaines d'otages sont toujours détenus dans différentes zones du pays. Il est déplorable et inacceptable que les membres du RUF, ceux-là mêmes qui ont signé l'Accord de Lomé, non seulement empiètent sur le processus de désarmement mais détiennent contre leur gré des membres de la Mission des Nations Unies. Je rappelle à M. Sankoh qu'il est tenu responsable des actes des hommes qu'il commande. J'exige la libération immédiate et inconditionnelle des membres de la MINUSIL. Le Secrétaire général a indiqué qu'au début de la journée, deux membres des Nations Unies ont été libérés. Nos préoccupations portent également sur le sort de la population sierra-léonaise. Il est essentiel que la communauté internationale n'abandonne pas la Sierra Leone qui est en droit d'attendre une aide humanitaire et une protection. Le Secrétaire général a rappelé que la Mission a été conçue comme une force de maintien de la paix et non pas comme une mission d'imposition de la paix. Mais elle a été attaquée avant même d'avoir été complètement déployée. Compte tenu de cette situation, nous devons renforcer nos troupes pour qu'elles soient à même de se défendre et de mener à bien leur mandat. Le Secrétaire général a annoncé que des troupes additionnelles expérimentées et équipées pour le combat étaient en voie de se rendre sur le terrain. Avec ces troupes supplémentaires, la composante militaire de la MINUSIL dépassera alors la limite fixée par le Conseil de sécurité.

Sur le plan logistique, le Secrétaire général a indiqué que le personnel travaille dans des délais très courts. Le Royaume-Uni a apporté une contribution précieuse en assurant la sécurité de l'aéroport, ce qui constitue un facteur de stabilisation très important. Le Secrétaire général a indiqué qu'il était encouragé par la volonté affichée par les dirigeants de la sous-région qui se sont engagés à mettre à disposition de nouvelles troupes et à faire preuve d'un nouvel engagement politique. Les nouveaux contingents militaires, a précisé le Secrétaire général pourraient constituer le noyau d'une force de réaction rapide. Les dirigeants africains ont demandé une révision du mandat de la mission pour qu'elle devienne une mission d'imposition de la paix. Je ne suis pas contre un tel mandat, a ajouté le Secrétaire général, mais il faut s'assurer au préalable de la capacité des Nations Unies de remplir un tel mandat. La proposition de l'ECOMOG est importante mais elle est également tributaire du soutien financier et logistique des autres Etats membres. Le Secrétaire général a ajouté qu'un certain niveau de spécialisation régionale et sous-régionale dans le maintien de la paix est sain mais ne doit pas être vu comme une substitution de la responsabilité des Nations Unies et du Conseil de sécurité dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Nous nous sommes engagés vis-à-vis de la population de la Sierra Leone, a souligné le Secrétaire général qui a demandé instamment au Conseil d'agir.

Déclarations

M. ABDALLAH BAALI (Algérie, au nom de l'Organisation de l'unité africaine, OUA), a déclaré que l'ONU est confrontée à un défi d'une extrême gravité en ce qu'elle est menacée dans sa chair et dans son âme, en ce qu'elle est l'ultime rempart contre l'injustice et l'arbitraire et en ce qu'elle est garante du maintien de la paix et de la sécurité, et de la prééminence de la raison. L'ONU, a dit le représentant, doit agir, exiger et obtenir la libération inconditionnelle de tout le personnel et tenir ce mouvement pour responsable. L'ONU doit retrouver son prestige et sa crédibilité et redorer une image mise à mal par les agissements d'un groupe de hors la loi. Pour le représentant, les actes du RUF sont un revers grave pour la cause de la paix, qui avait connu grâce aux efforts de l'OUA, des progrès. Les actes du RUF constituent un camouflet à l'ONU et au concept du maintien de la paix. Le représentant a rendu hommage aux efforts du Secrétaire général et a fait part du message qu'il a adressé au Sommet des pays membres du COmité de suivi de la CEDEAO réuni le 9 mai à Abuja dans lequel il dénonçait les actes de violence et les prises d'otage commis à l'encontre des personnels des Nations Unies et qui constituent des attentes intolérables à la MINUSIL et aux efforts louables de la communauté internationale pour favoriser la mise en oeuvre de l'Accord de paix de Lomé. La crise actuelle, a insisté le représentant, est une des crises les plus graves à laquelle l'ONU doit faire face au moment même où elle retrouvait ses marques et était appelée à s'impliquer d'une manière plus forte dans le continent. Après le Rwanda et la Bosnie-Herzégovine, l'ONU ne peut se permettre un nouvel échec, a insisté le représentant en insistant sur le fait que les images de casques bleus pris en otage, constituent la négation de toutes les valeurs de l'ONU et un signal aux ennemis de la paix que l'Organisation est un simple épouvantail incapable de s'imposer et de se faire respecter.

L'épreuve de la MINUSIL montre que le mandat et les moyens de la Mission ne sont pas et n'ont jamais été adaptés à la situation. Cette force n'est ni en mesure de maintenir la paix ni même de se protéger contre les provocations. Le représentant a appelé le Conseil à revoir le mandat de la Mission et à adopter une nouvelle résolution qui inscrive l'action de la Mission dans le cadre du Chapitre VII et qui en fasse une Mission d'imposition de la paix. Il ne s'agit pas de faire la guerre mais d'obtenir le mandat nécessaire et les forces et les armes adéquates pour se défendre contre les ennemis de la paix mais aussi de s'acquitter de la Mission confiée, à savoir veiller au respect des dispositions de l'Accord de paix. Le représentant a souligné la disponibilité de certains membres de la CEDEAO à mettre les troupes nécessaires à la disposition de l'ONU pour le renforcement de la Mission en appelant les pays qui en ont les moyens d'apporter une aide logistique et financière. L'Afrique attend du Conseil une réaction ferme et déterminée à la hauteur de la situation et des défis dont elle est porteuse. Le Conseil doit assumer ses responsabilités et le plus tôt sera le mieux, a conclu le représentant.

M. CHEICKNA KEITA (Mali) a, en sa qualité de coordinateur des membres de la CEDEAO et au nom de son pays, a jugé que les agissements du RUF défiaient l'autorité de la communauté internationale. Nous exigeons la libération immédiate des otages. La tournure prise par les évènements menace la paix dans la sous- région et la crédibilité des Nations Unies. Dans un tel contexte, le représentant a souligné que le dirigeant du RUF est le principal responsable de la reprise des combats et qu'en cas d'atteinte à la vie des otages, il pourrait ne plus bénéficier de l'amnistie accordée au RUF. Il convient de relever très rapidement le défi que le RUF a lancé. Nous appelons à une révision du mandat de la MINUSIL qui deviendrait alors une force d'imposition de la paix, a-t-il dit ajoutant que ce nouveau cadre d'intervention ne devrait toutefois pas remettre en cause l'Accord de Lomé. Le Mali s'oppose à toute prise de pouvoir par la force en Sierra Leone. L'ECOMOG est disposé à mettre à la disposition des Nations Unies des contingents expérimentés qui ont déjà fait leur preuve. Le représentant a demandé que des dispositions immédiates soient prises pour assurer la protection des civils. Le Conseil de sécurité doit agir et agir vite.

M. STEWART ELDON (Royaume-Uni) a cité Foday Sankoh et le RUF comme seuls responsables des violations des Accords de paix. Il a appelé à la prise de mesures nécessaires pour que le RUF ne parvienne pas à rompre la paix. Pour le représentant, la pierre angulaire des efforts de la communauté internationale doit être la MINUSIL dotée d'un personnel suffisant et bien équipé afin de remplir son mandat. Le représentant a poursuivi en faisant part des mesures prises par son Gouvernement pour appuyer la Mission comme le déploiement d'un bataillon d'élite, qui en protégeant l'aéroport de Lungi, a apporté une contribution aux efforts de la Mission. Le représentant a confirmé la décision de son Gouvernement selon laquelle les forces britanniques poursuivront l'évacuation des ressortissants du Royaume-Uni et autres et continueront à assurer la sécurité de l'aéroport de Lungi pendant que les forces de la MINUSIL sont renforcées. Il a souligné qu'il n'est pas question que les troupes de son pays soient engagées dans les combats. Le Royaume-Uni fournira un soutien logistique et technique pour aider la Mission, a assuré le représentant.

Il a continué en déclarant que la réaction des Nations Unies à la crise est la clé d'une solution future. Le Conseil, a-t-il dit, a une grave responsabilité et il est essentiel de bien faire les choses. La priorité doit être le renforcement de la MINUSIL, a insisté le représentant en estimant que le mandat actuel de la Mission est suffisant et contient des éléments qui permettent l'usage de la force en cas de légitime défense et pour défendre la population civile lorsque cela est possible. Au fur et à mesure que les choses évoluent, il faudra examiner les tâches qu'il faudra confier à la Mission et la décision concernant un mandat dépendra de ces tâches. Pour le représentant, il sera plus facile d'examiner ces questions lorsque le calme sera revenu. Il ne faut pas prendre des décisions précipitées, a-t-il dit en estimant que le changement du mandat ne transformerait pas seul la Mission en une mission d'imposition de la paix efficace. Il faut réfléchir et savoir s'il convient de le faire et si cela est réalisable. La réponse à la crise exige que l'on renforce la Mission, a insisté le représentant en appelant le Conseil à envoyer un message de soutien à la Mission.

M. ROBERT FOWLERS (Canada) a déclaré qu’il est impératif que la communauté internationale accélère et ravive ses efforts afin de soutenir la MINUSIL. Les Etats Membres doivent soutenir l’affirmation de la position de l’ONU sur le terrain, et ils doivent respecter leur engagement de ne pas abandonner la Sierra Leone et les personnes que le Conseil de sécurité a placées dans une situation dangereuse, et qu’il a chargées d’exécuter ses ordres au nom de tous les membres de l’Organisation. Le Canada envisage de renforcer l’aide qu’il apporte aux troupes de la MINUSIL, qui manquent d’équipements. Nous avons constaté que le déploiement rapide d’un contingent armé professionnel du Royaume-Uni à Freetown et à Lungi a contribué à stabiliser la situation. Nous espérons que le renforcement de la présence militaire internationale permettra de réunir les conditions de la reprise du processus de paix et de préserver la sécurité des personnels de maintien de la paix et des civils. La Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a démontré sa capacité de faire la différence en Sierra Leone. L’ECOMOG, son bras armé, a en particulier montré qu’elle était capable de contenir la violence du RUF. Nous espérons que les pays de la CEDEAO et, notamment le Nigéria, qui jouent déjà un rôle important au sein de la MINUSIL, accepteront d’accroître d'avantage leur participation.

Le Canada encourage les Etats Membres à oeuvrer pour la création d’une force unie, cohérente et puissante pour restaurer un climat d’ordre et de confiance en Sierra Leone. Cette force devrait prendre la forme d’une MINUSIL renforcée et devrait respecter le principe fondamental de l’unicité du commandement militaire, qui dans ce cas revient au Général Jetley. Le Conseil avait accepté, en octobre 1999, lors de l’approbation du mandat de la MINUSIL, qu’une force à caractère hybride en Sierra Leone, était dangereuse, injuste et indésirable, et pourrait mener à plus d’instabilité et de confusion. Nous devrions aussi revoir le mandat de la Mission à la lumière des changements de la situation sur le terrain, et prêter attention de façon régulière, aux besoins de la MINUSIL en hommes et en matériels.

M. AGAM HASMY (Malaisie) a condamné les attaques armées perpétrées par le RUF contre le personnel des Nations Unies. Le représentant a estimé que Foday Sankoh doit être tenu responsable des agissements des hommes du RUF. Il a fait part de son soutien à l'envoi d'une force de réaction rapide en Sierra Leone dans le but de stabiliser la situation. Il a demandé instamment aux pays qui en ont les ressources de permettre le déploiement d'une telle force. Le retrait des Nations Unies de la Sierra Leone n'est pas une option car cela enverrait un message erroné à sa population. Nous pensons toutefois que le mandat de la MINUSIL n'est plus de mise à l'heure actuelle. Nous devons donc procéder à une évaluation de la situation militaire et politique. Le RUF a défié le processus de paix mais également la force de maintien de la paix la plus importante qui ait jamais été déployée. La question qui se pose maintenant est de savoir si le mandat de la MINUSIL, qui est limité au chapitre VII de la Charte, est suffisant. Nous avons compris que nous avons eu tort et nous devons réadapter notre réponse, a ajouté le représentant qui s'est dit favorable à un déploiement rapide de troupes additionnelles de la CEDEAO. Toutefois, tous les pays qui déploient des troupes en Sierra Leone devraient oeuvrer sous un seul drapeau, a-t-il précisé.

M. JAMES B. CUNNIGHAM (Etats-Unis) a déclaré que le Conseil doit désigner Foday Sankoh et le RUF comme responsables des violations de l'Accord de Lomé. Il a appelé à des mesures pour éviter que le conflit ne finisse par menacer la stabilité de toute l'Afrique occidentale. Le représentant a exprimé l'appui de son pays à la Mission qui, a-t-il rappelé, est sur place pour contribuer à la mise en oeuvre de l'Accord de paix de Lomé, signé par le RUF lui-même. Les agissements de ce dernier contre le personnel de la MINUSIL sont une violation de l'Accord de paix, a insisté le représentant en appelant le RUF à libérer les détenus et à se conformer à ses engagements au titre de l'Accord de paix. Il a appuyé la tenue prochaine d'une réunion extraordinaire des ministres de la défense de la CEDEAO au cas où l'ECOMOG reprenait ses activités en Sierra Leone. Faisant part des efforts de son Gouvernement au plus haut niveau, le représentant a indiqué que le Président Clinton a demandé à son Envoyé spécial pour la promotion de la démocratie et des droits de l'homme en Afrique de retourner dans la région afin de participer à la résolution de la crise. Le représentant a affirmé que son pays contribuera au déploiement de troupes additionnelles en Sierra Leone. Les Etats- Unis sont disposés à transporter ces troupes et envisagent la possibilité de fournir des équipements d'appui pour les forces internationales en Sierra Leone, a dit le représentant.

M. PETER VAN WALSUM (Pays-Bas) s'est associé fermement à ceux qui ont estimé que Foday Sankoh doit être tenu responsable des actes du RUF. Il a rappelé qu'au moment de la signature de l'Accord de Lomé qui prévoit des mesures d'amnistie pour les membres du RUF, les Pays-Bas avaient exprimé sa déception devant une telle mesure. Nous avions demandé, sans que cela ne soit suivi d'effet, que la résolution 1270 du Conseil de sécurité adoptée en octobre 1999 mentionne nos préoccupations au regard de la responsabilité du RUF. Aujourd'hui, nous ne pouvons que nous demander dans quelle mesure la communauté internationale, qui n'avait pas voulu insister sur la responsabilité du RUF, n'a pas participé à la folie meurtrière de Foday Sankoh. Nous estimons toujours que la paix en Sierra Leone ne sera possible que si les responsables d'atrocités en sont pleinement tenus responsables.

M. ANWARUL KARIM CHOWDHURY (Bangladesh) a indiqué que les récents événements en Sierra Leone exigent que nous portions un regard nouveau sur le mandat de maintien de la paix et la structure de la paix que nous avons définis. Il nous faut également repenser notre stratégie consistant à donner trop d'importance à la direction du Front révolutionnaire uni (RUF) pour parvenir à une solution pacifique au conflit en Sierra Leone. Le Bangladesh estime que les Nations Unies ne peuvent et ne doivent pas abandonner la Sierra Leone. Laisser la plus grande mission de maintien de la paix de l'ONU s'acheminer vers l'échec porterait un coup fatal à la crédibilité du maintien de la paix de l'ONU. Face à cette situation, le Bangladesh préconise de renforcer la MINUSIL en déployant le plus tôt possible l'ensemble des forces qui ont été autorisées aux termes de son mandat.

Convaincu que des forces supplémentaires sur le terrain feront la différence, le Bangladesh a informé le Conseil de sécurité que le bataillon promis par son pays pour le renforcement de la MINUSIL sera pleinement équipé et prêt à être transporté par pont aérien d'ici au 20 mai. Il convient ensuite d'envisager la possibilité de mobiliser un nombre de troupes plus élevé que celui fixé par le mandat actuel. A cet égard, le Bangladesh se dit encouragé par le fait que les Etats de la CEDEAO sont disposés à fournir des troupes en vue de stabiliser la situation en Sierra Leone. De même, le Bangladesh est d'avis que l'ensemble de la présence militaire internationale en Sierra Leone devrait être placé sous un commandement intégré des Nations Unies. Le représentant a ensuite répondu à la critique selon laquelle les dysfonctionnements des missions de maintien de la paix de l'ONU seraient dus au déploiement de troupes, surtout celles des pays en développement, qui sont souvent mal équipées, mal formées et mal préparées pour faire face à la situation sur le terrain. La triste réalité, a-t-il dit, est que si les pays en développement ne répondaient plus à l'appel que leur lancent les Nations Unies aujourd'hui, il n'y aurait plus demain de maintien de la paix à l'exception de quelques régions exclusives dans le monde qui ont un intérêt stratégique pour les grandes puissances. Il convient par conséquent d'être reconnaissant aux pays en développement pour leur contribution au maintien de la paix.

M. MARTIN ANDJABA (Namibie) a affirmé que le Front révolutionnaire uni (RUF) a clairement montré qu'il n'a jamais porté d'intérêt à la paix. En tant que partie au conflit, le RUF n'a pas montré de volonté politique de se conformer aux dispositions de l'Accord de paix. Il continue à adopter cette attitude défiant ainsi de façon ouverte les Nations Unies. Face à cette situation, la communauté internationale doit prendre des mesures efficaces en vue de résoudre la crise. Il nous faut agir ainsi car la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL) est une entreprise collective, ce qui signifie que si nous échouons, l'échec sera collectif; mais aussi que si nous réussissons, nous serons alors tous les bénéficiaires de cette réussite.

Le représentant est d'avis que la MINUSIL n'est pas dotée d'une capacité suffisante de dissuasion. Le premier test auquel les rebelles l'ont soumise a confirmé l'extrême vulnérabilité de la mission. Par ailleurs, la MINUSIL compte un nombre trop faible de membres par rapport à la situation dans laquelle elle se trouve et elle n'est pas suffisamment équipée. M. Andjaba a en outre jugé inadéquat le mandat de la mission face aux tâches à réaliser. Nous avons hésité à nous fixer des objectifs clairs et réalistes, a-t-il ajouté avant de préciser qu'il ne s'agit pas là de faire porter le blâme à qui que ce soit mais bien de chercher à savoir à quel niveau les choses ont échoué. Il convient d'exercer notre responsabilité collective en déterminant ce qui peut être fait pour réengager le processus de paix en Sierra Leone. Les réalités politiques sur le terrain exigent un examen du mandat de la MINUSIL. A cet égard, la Namibie soutient pleinement un renforcement de la MINUSIL et un changement de mandat pour la Mission soit totalement sous l'autorité du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. La Namibie accueille avec satisfaction la décision prise par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) de mettre des troupes de l'ECOMOG immédiatement à disposition de la MINUSIL à laquelle elles devraient être intégrées, en soulignant que la moindre des choses que nous pouvons fournir à l'ECOMOG est un soutien financier et logistique. Nous demandons aussi à ceux qui sont en mesure de le faire, de fournir des équipements à la MINUSIL pour soutenir la paix en Sierra Leone.

M. ARNOLDO LISTRE (Argentine) a réaffirmé sa condamnation la plus totale des événements en Sierra Leone. Il est intolérable qu'un mouvement rebelle défie l'autorité des Nations Unies et désarme les contingents déployés sous l'égide de l'Organisation. En dépit des monstruosités commises par le RUF, nous avions toléré que ses dirigeants ne soient pas traduits en justice. Mais cela fut vain. Les violations de l'Accord de paix ne peuvent pas être tolérées et cette fois-ci Foday Sankoh devra être tenu personnellement responsable des actes du RUF. Le Conseil de sécurité doit répondre rapidement à cette situation d'urgence. Le représentant a estimé que bien que la solution ultime des problèmes du pays soit d'ordre politique, la situation actuelle et l'impossibilité pour le gouvernement légitime de ramener la stabilité exige le renforcement des bataillons de la MINUSIL. Nous devons agir le plus rapidement possible. Le représentant a également estimé qu'il faudrait aborder la question de la révision du mandat de la MINUSIL. Il a précisé qu'il ne s'opposerait pas à une telle révision tout en soulignant que le mandat autorisé en vertu de la résolution 1289 suffit pour assurer la sécurité du personnel de la MINUSIL et la protection des civils.

M. SERGUEY LAVROV (Fédération de Russie) a dit craindre que le conflit en Sierra Leone soit sur le point d'éclater à nouveau. Il a donc demandé au RUF d'arrêter les violations de l'Accord de paix de Lomé et avec les autres forces politiques, de réparer les conséquences du conflit. Il a également rappelé aux dirigeants du RUF que l'amnistie prévue par l'Accord de paix ne concerne pas les crimes commis après sa signature. Rappelant qu'un observateur russe est pris en otage, le représentant a demandé la libération du personnel détenu des Nations Unies. Il a souligné que le mandat de la MINUSIL prévoit des mesures énergiques pour garantir la sécurité de ce personnel. Il est essentiel, a dit le représentant, que la MINUSIL s'acquitte de son mandat avec efficacité. Il a donc souhaité le déploiement rapide des 11 000 soldats et officiers tel que prévu par la résolution pertinente du Conseil. Faisant part des décisions de son Gouvernement en matière d'envoi de matériel supplémentaire, le représentant a rappelé qu'après son plein déploiement, la MINUSIL sera l'opération de maintien de la paix des Nations Unies la plus importante. Une fois que la situation aura été stabilisée, le Conseil pourra réfléchir aux moyens de surmonter la crise. Aucune opération de maintien ou d'imposition de la paix ne peut se substituer au règlement politique d'un conflit qui exige la volonté politique des parties en présence, a conclu le représentant.

Mme PATRICIA DURRANT (Jamaïque) a condamné Foday Sankoh et les agissements du RUF qui tente de mettre en pièces l'Accord de paix de Lomé. Elle a demandé la libération immédiate des otages. Notre priorité est d'obtenir la libération de ceux qui sont détenus par les forces rebelles et d'assurer la protection de la population civile. La représentante a appuyé la révision du mandat de la MINUSIL dans le cadre du Chapitre VII de la Charte. Elle a souligné l'importance d'équiper de façon adéquate les contingents de la force de maintien de la paix des Nations Unies. La représentante s'est dit favorable aux options présentées par la CEDEAO qui visent l'intégration des troupes de l'ECOMOG à la MINUSIL. L'abandon de la population de Sierra Leone n'est pas une option, a-t-elle souligné.

M. VOLODYMYR YEL'CHENKO (Ukraine) a souligné que la présente réunion du Conseil de sécurité doit s'inscrire dans une perspective élargie qui ne saurait se limiter exclusivement à la situation sur le terrain. Ce contexte élargi devrait en effet comprendre la crédibilité et l'autorité des Nations Unies ainsi que son rôle dans le règlement des conflits. Nous continuons à tenir pour responsable à part entière le Front révolutionnaire uni (RUF) ainsi que sa direction de l'état de crise dans laquelle se trouve la Sierra Leone, a poursuivi M. Yel'Chenko. Dans sa déclaration officielle du 6 mai dernier, le Ministre des affaires étrangères de l'Ukraine a exigé la libération immédiate et sans heurt du personnel des Nations Unies détenu. L'Ukraine réitère aujourd'hui cette demande adressée au RUF. Dans le même temps, a ajouté le représentant, les Nations Unies doivent faire face à une tâche tout aussi urgente, celle d'empêcher que la crise ne débouche sur une nouvelle guerre dans ce pays. Pour cela, il convient de consacrer nos efforts aux trois domaines prioritaires suivants: la libération de tout le personnel de la MINUSIL et d'autres employés internationaux détenus, la stabilisation de la situation sur le terrain et le renforcement des troupes de l'ONU. Dans ce contexte, l'Ukraine se prononce en faveur d'un renforcement substantiel de la Mission actuelle des Nations Unies en Sierra Leone en renforçant ses capacités de combat. Ceci exige un réexamen du mandat actuel de la Mission, lequel doit être entièrement placé sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Dans le même temps, il faut équiper la Mission de façon adéquate et dans les délais les plus brefs pour lui permettre d'agir en conséquence. Un renforcement substantiel de la MINUSIL prouvera au RUF qu'il ne lui reste d'autre alternative que de satisfaire à ses obligations aux termes de l'Accord de Lomé et dissuaderait les rebelles de commettre d'autres actes humiliants à l'égard des soldats du maintien de la paix.

M. JEAN-DAVID LEVITTE (France) a souligné que les Nations Unies n'accepteront pas l'inacceptable, qu'elles ne renonceront pas, qu'elles ont un mandat et qu'elles l'accompliront. Ce soir, a dit le représentant, est le temps de la solidarité et du refus. La France, a-t-il ajouté, soutiendra toute proposition du Secrétaire général visant au renforcement de la MINUSIL qu'il estimerait nécessaire. Elle est prête à réfléchir à une adaptation du mandat de la force pour tenir compte de la rupture unilatérale de l'Accord de Lomé par le RUF. Pour le représentant, il faut que Foday Sankoh et tous les responsables du RUF comprennent qu'ils n'ont d'autre choix que le plein respect et la mise en oeuvre de l'Accord de Lomé. Le représentant a réaffirmé l'appui de son pays aux autorités démocratiquement élus de la Sierra Leone qui coopèrent de façon exemplaire avec les Nations Unies. La France, a-t-il dit, appelle le RUF à reprendre sans délais cette coopération. En Sierra Leone, comme ailleurs en Afrique, l'exploitation illégale des ressources naturelles, notamment des diamants,

alimente les forces de la guerre. En Sierra Leone comme en Angola et en République démocratique du Congo, les Nations Unies doivent réagir en établissant un mécanisme de surveillance et en prenant des mesures vigoureuses pour tarir les financements qui permettent au RUF de poursuivre son effort de guerre, a estimé le représentant. La France appelle le Conseil à agir avec détermination dans ce domaine.

Tirant les leçons de l'expérience, il a estimé que l'instauration de la paix exige l'engagement de toutes les parties. Partant, en accompagnement de tout déploiement d'une Force, une pression internationale de tous les instants doit être maintenue sur tous les acteurs de la crise. Il faut aussi assurer une vraie cohérence entre le mandat d'une Force et le volume, la préparation et l'équipement des contingents chargés de l'appliquer, a souligné le représentant en reconnaissant que cela n'a pas été suffisamment le cas pour la MINUSIL. Chaque crise a ses caractéristiques propres et celle qui nous mobilise ce soir ne doit en rien nous détourner d'agir en République démocratique du Congo ou ailleurs sur le continent a dit le représentant en disant tirer cette conclusion de la longue mission qu'il vient d'effectuer dans la région des Grands Lacs et dans la Corne de l'Afrique avec six autres membres du Conseil.

M. OTHMAN JERANDI (Tunisie) a condamné fermement les actes commis par le RUF et son chef Foday Sankoh qui constituent des violations flagrantes de l'accord de Lomé que le RUF a signé volontairement. Ces actes sont inacceptables et les agissements de son chef sont inadmissibles, a souligné le représentant. Il a souscrit aux conclusions, décisions et recommandations adoptées lors du Sommet des chefs d'Etats de la CEDEAO réunis à Abuja qui selon lui constituent la réponse adéquate à la crise actuelle et qui devraient bénéficier du soutien du Conseil de sécurité. Le Conseil doit réagir avec diligence à cette situation. Il faut renforcer la force onusienne par des troupes de la CEDEAO qui seraient intégrées à la MINUSIL et placées sous son commandement unique. Il est également indispensable d'assurer la libération des otages. Cette crise doit nous encourager à entamer une réflexion approfondie sur le maintien de la paix et les différents types d'intervention.

M. WANG YINGFAN (Chine) s'est dit préoccupé par la détérioration de la situation en Sierra Leone et a appuyé tous les Gouvernements qui déploient des efforts pour désamorcer la crise. Il a demandé à la communauté internationale de continuer à fournir une assistance d'urgence à la MINUSIL. Il a fait part de sa conviction que le Conseil doit prendre de nouvelles mesures pour faire face à la situation, en particulier le réexamen du mandat de la MINUSIL. Le représentant a espéré que des recommandations seront faites rapidement pour que le Conseil puisse les examiner.

M. IBRAHIM M. KAMARA (Sierra Leone) a assuré le Conseil de sécurité de la disposition de son pays à fournir toute l'assistance nécessaire pour que les soldats de la paix de la MINUSIL, illégalement retenus par les rebelles armés, soient immédiatement relâchés. Il a indiqué que le peuple sierra-léonais a réagi promptement face aux évènements de ces jours. Cette réaction, a-t-il souligné, était fondée sur leur perception du rôle de la MINUSIL. Pour ce peuple, la Mission a été dépêchée dans le pays en remplacement de l'ECOMOG et comme tout citoyen moyen de ce monde, il ne fait pas la différence entre le Chapitre VI et le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Il ne sait pas exactement qui du Commandant des forces sur le terrain ou du Secrétaire général peut donner le feu vert à une action appropriée lorsque des éléments du RUF décident de prendre les choses en main et de recourir à la violence. Beaucoup a été dit des "échecs" et de l'impact que les évènements en Sierra Leone peut avoir sur le mandat de maintien de la paix des Nations Unies en Afrique et dans d'autres parties du monde, a poursuivi le représentant. Il faut aller de l'avant, a-t-il estimé en soulignant que la situation en Sierra Leone demeure grave et qu'elle constitue toujours une menace pour la paix et la sécurité internationales. Il s'agit d'une question que le Conseil de sécurité doit traiter de manière urgente, a insisté le représentant

Il a lancé un appel au Conseil pour qu'il prenne la tête des opérations pour assurer la sécurité du peuple de Sierra Leone et de ceux qu'il a déployés pour donner effet à ses mandats dans le pays. Le représentant s'est, en conséquence, félicité des initiatives actuelles tendant à renforcer la MINUSIL par un déploiement rapide de troupes additionnelles. Il a dit espérer que le processus sera prompt afin d'éviter toute détérioration d'une situation qui, et il faut s'en féliciter, continue de s'améliorer au point que les civils peuvent maintenant vaquer à leurs occupations sans entrave. Le représentant a dit attendre du Conseil qu'il examine les différentes options et qu'il prenne des mesures appropriées et efficaces en insistant sur le terme efficace. Pour lui, ces mesures doivent viser à gérer la situation nouvelle qui prévaut dans le pays. Le Gouvernement de Sierra Leone, a affirmé le représentant, garde sa foi dans les Nations Unies et dans la capacité du Conseil de sécurité d'assumer ses responsabilités en vertu de la Charte. Il a terminé en faisant part d'un extrait du dernier communiqué officiel du Gouvernement de son pays qui réaffirme sa foi dans l'Accord de paix et exprime la conviction du Gouvernement qu'une grande partie des membres du RUF n'appuie ni la prise d'otage du personnel de la MINUSIL ni le refus de Foday Sankoh de désarmer volontairement ses combattants. Dans le même communiqué, le Gouvernement demande aux membres du RUF de tirer parti de l'amnistie offerte par l'Accord de paix et de coopérer au programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion. Tout manquement à cela conduira à l'annulation de cette amnistie, a prévenu le Gouvernement dans ce communiqué.

M. ANTONIO MONTEIRO (Portugal, au nom de l'Union européenne) a déclaré que l'Union européenne, comme elle l'avait affirmé dès le début de la crise, condamne dans les termes les plus forts les attaques et les actions du Front révolutionnaire uni en Sierra Leone. Elle condamne les attaques meurtrières à l'encontre du personnel de la MINUSIL et continue à être profondément perturbée par la détention inacceptable de plusieurs centaines de son personnel militaire et civil. L'Union européenne estime que les responsables devront répondre de leurs actes et lance un appel au Front révolutionnaire uni, et en particulier à son dirigeant, M. Foday Sankoh, lequel est responsable en grande partie de la situation de crise déplorable qui sévit actuellement, afin qu'ils libèrent sans condition et sans porter atteinte à leur sécurité toutes les personnes détenues et pour qu'ils s'engagent à nouveau en faveur de la pleine mise en œuvre de l'Accord de paix de Lomé. Face à l'urgence dans laquelle se trouve la MINUSIL, l'Union européenne encourage tous les Etats qui sont en mesure de le faire à apporter leur assistance et à fournir les moyens jugés nécessaires à la mise en œuvre du mandat de la mission. L'Union européenne fait observer que la MINUSIL est autorisée, au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, à faire usage de la force pour garantir la sécurité et la liberté de mouvement de son personnel et pour protéger les civils, où cela est possible. L'Union européenne souligne par ailleurs que l'un de ses Etats membre, le Royaume Uni, a fourni une importante contribution militaire, en particulier à l'aéroport de Lungi. Notant que les Nations Unies sont à nouveau confrontées à un défi majeur en Afrique et qu'elles ne doivent pas échouer, M. Monteiro a affirmé qu'une action ferme et soutenue de la MINUSIL et de la communauté internationale dans son

ensemble est requise pour réengager le processus de paix. A cet égard, l'Union européenne réitère l'importance de l'engagement actif des dirigeants de la région en vue de mettre fin à la crise et de restaurer la stabilité en Sierra Leone. Elle salue enfin le fait que le Sommet des Chefs d'Etat de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) qui s'est tenu à Abuja le 9 mai ait réaffirmé le plein soutien de la CEDEAO au processus de paix en Sierra Leone.

M. HANS BRATTSKAR (Norvège) a déclaré que la Norvège condamne fermement la détention de membres du personnel de la MINUSIL par le RUF et appelle à leur libération immédiate et inconditionnelle. Les auteurs de ces actes, en particulier la direction du RUF, a dit le représentant, en seront tenus responsables. Un observateur militaire norvégien, le Commandant Gjellestad est détenu en captivité quelque part en Sierra Leone, et nous n’avons aucune information sur sa situation et son état de santé, ce qui nous préoccupe sérieusement de même que nous nous faisons du souci sur le sort du reste du personnel de l’ONU et sur celui du peuple de Sierra Leone. Les Nations Unies devraient donner une priorité absolue à la libération des otages du RUF, et nous nous réjouissons de la création d’une équipe spéciale s’occupant de cette question au quartier général de la MINUSIL. La Norvège soutient les efforts de l’ONU pour un retour à la paix, et ceux actuellement déployés par la CEDEAO en vue de trouver une solution à la crise. Nous déplorons la violation des accords de Lomé par le RUF et appelons la direction de ce mouvement à mettre en application les termes de cet arrangement.

La recherche d’une solution à long terme à ce conflit doit nous amener à accorder la priorité à un arrêt des approvisionnements en armes et du trafic illicite des armes légères. Ces armes portent atteinte à la sécurité des civils et menacent la sécurité des personnels internationaux de maintien de la paix et des personnels humanitaires. La situation actuelle montre clairement l’importance d’initiatives comme celle du moratoire sur les armes légères en Afrique de l’Ouest, une démarche que la Norvège a soutenue. Dans le même ordre d’idées, nous voudrions souligner l’importance de la surveillance et de la régulation des ressources et revenus qui alimentent les conflits civils en Afrique, tels que le commerce des diamants et d’autres minerais précieux.

M. KAMALESH SHARMA (Inde) a déclaré qu’il apparaît clairement que la direction du Front révolutionnaire uni (RUF) n’a nullement l’intention d’honorer les engagements qu’elle a pris dans le cadre des accords de Lomé. D’autre part, selon certaines informations, M. Foday Sankoh aurait reçu asile. Si c’est le cas, a dit le représentant, nous sommes confiants que ceux qui l’ont accueilli et qui ont donc une certaine influence sur lui, le persuaderont de mettre fin aux actions militaires qu’il a lancées, de libérer le personnel de la MONUSIL pris en otage et de se soumettre à l’Accord de Lomé. Le Conseil de sécurité doit lui envoyer le ferme message que la communauté internationale est unie dans la condamnation de ses actions. Deux options s’offrent désormais à nous: la première, à laquelle nous nous opposons, est celle du retrait de la MONUSIL. Certains pourraient dire qu'elle a été envoyée pour maintenir la paix, et que si le peuple sierra-léonais ne veut pas de paix, la MONUSIL ne peut pas la lui imposer. Nous nous rappelons qu’en 1994, au Rwanda, dans une situation comparable, quand les Casques bleus de l’ONU furent mis en danger, l’ONU decida d’abandonner son opération, ce qui entraîna des conséquences que nul ne voudrait voir se répéter. L’Inde a des troupes en Sierra Leone, et nous ne sommes pas prêts à nous en retirer. Nous envoyons plutôt d’urgence un second bataillon pour renforcer la MONUSIL. La seconde option est de changer le mandat de la MONUSIL et d’en faire une opération de rétablissement de la paix placée sous le chapitre VII de la Charte. Nous voudrions rappeler au Conseil que la MONUSIL n’a pas actuellement les troupes, le matériel et la logistique qui lui permettraient de mener ce type d’opération. Le Conseil devrait donc examiner avec soin la question du changement de mandat en suivant l’évolution de la situation sur le terrain. Dans ce cas, nous attendons que les pays contributeurs de troupes soient associés au processus de décision dans l’esprit de l’article 44 de la Charte. Quant à ceux qui pensent que l’ONU ne peut pas faire ce qui est nécessaire en ce moment, et que d’autres entités devraient recevoir la bénédiction du Conseil de sécurité pour faire usage de la force, nous ne pouvons que marquer notre désaccord face à cette démarche. La Somalie nous a montré ce qui peut arriver quand des forces qui ne sont pas sous commandement onusien déclenchent des actions militaires sur un théâtre d’opérations où des Casques bleus sont en danger. Nous tenons à réaffirmer que l’Inde qui a déjà pris part à de difficiles missions de maintien de la paix, restera dans la course en Sierra Leone. Les raisons qui nous motivent sont que, premièrement, nous ne pouvons abandonner les populations de Sierra Leone à un sort tragique, et deuxièmement, nous devons défendre la crédibilité de l’ONU, qui est en jeu.

M. YUKIO SATOH (Japon) a condamné les actes de violence commis par les membres du FUR. Il a demandé la cessation de ces agissements et la libération immédiate des otages. Le représentant s'est également dit préoccupé quant aux conséquences que pourraient avoir ces événements sur l'avenir des opérations de maintien de la paix des Nations Unies dans leur ensemble et en particulier en Afrique. Il est donc indispensable que la communauté internationale réagisse rapidement et efficacement. Ses actions doivent être dictées par les décisions prises par le Conseil de sécurité, conformément à la Charte des Nations Unies.

M. ROBLE OLHAYE (Djibouti), prenant la parole en sa qualité de coordinateur de la sous-région de l'Afrique de l'Est, a souligné qu'au vu de l'intensité des engagements de maintien de la paix qui s'est accrue récemment sur le continent africain, la solution à apporter au conflit en Sierra Leone sera d'une importance cruciale pour l'ensemble de l'Afrique. Nous ne pouvons nous permettre d'abandonner la Sierra Leone. Le faire reviendrait non seulement à envoyer un message erroné à l'ensemble de l'Afrique mais serait tout simplement insupportable, en fait inacceptable, a poursuivi M. Olhaye. Rappelant que le Secrétaire général de l'ONU a engagé une longue campagne en vue de réengager la communauté internationale face aux conflits en Afrique, notamment en République centrafricaine, en Sierra Leone, en Guinée Bissau et en République démocratique du Congo, M. Olhaye a affirmé que l'Afrique est prête à apporter une solution régionale à la crise qui sévit en Sierra Leone, mais qu'elle manque de ressources pour y parvenir. L'Afrique ne parvenant pas à imposer une "force dominante" sur ses rebelles qui s'opposent à un mode de gouvernance démocratique, il lui faut recourir à la sécurité collective telle qu'inscrite dans la Charte, afin de parvenir à une paix durable.

M. SHAMSHAD AHMAD (Pakistan) a déclaré que la résolution 1289 décrit clairement les moyens de répondre aux défis en Sierra Leone. Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité a autorisé la MINUSIL à remplir des tâches supplémentaires, compte tenu de la situation sur le terrain. La question qui se pose maintenant est de savoir si la MINUSIL a pris les mesures nécessaires pour garantir la protection et la liberté de mouvement de son personnel et celle des civils. La réponse à cette question est négative. Il semble que si la MINUSIL a reçu le mandat adéquat lui permettant de répondre à des situations de prise d'otage, les casques bleus en revanche n'ont pas reçu l'équipement qu'il fallait pour remplir leur mandat. Il faut qu'il y ait un lien entre le mandat, la composition de la force et les modalités d'intervention opérationnelles. Le Secrétariat doit procéder à une évaluation des erreurs commises lors de la planification et du déploiement de la force sur le terrain. Il est important de ne pas répéter les mêmes erreurs dans le cadre d'autres missions, notamment en République démocratique du Congo. Nous aimerions que soit élaboré un concept pratique d'opérations de maintien de la paix dont le succès ne dépendrait pas uniquement des déclarations d'intention des parties.

Le Prince ZEID RA'AD ZEID AL-HUSSEIN (Jordanie) a affirmé qu'en dépit de la situation critique actuelle en Sierra Leone, son pays estime que les Nations Unies amélioreront leur position dans un futur proche. La Jordanie est actuellement en train de renforcer la Mission des Nations Unis en Sierra Leone (MINUSIL) par le biais de deux unités militaires supplémentaires issues des forces spéciales jordaniennes et entend envoyer d'ici quelques jours un autre bataillon. La Jordanie estime cependant qu'il n'est pas approprié d'envisager de nouvelles initiatives alors que ses troupes sont en train d'être déployées. Une reconsidération du mandat de la MINUSIL à l'heure actuelle pourrait bien conduire à l'absence d'accord parmi les pays contributeurs de troupes, tout en affaiblissant la position des Nations Unies en Sierra Leone. Nous estimons que le mandat actuel de la MINUSIL devrait être maintenu dans l'état actuel, jusqu'à ce que la situation se soit stabilisée, a affirmé le représentant. Par ailleurs, le Front révolutionnaire uni, sous la direction de M. Sankoh, se doit de prendre en compte les condamnations faites par le Conseil de sécurité et la communauté internationale. Ses troupes doivent se conformer aux dispositions de l'Accord de Lomé et des résolutions du Conseil de sécurité et déposer immédiatement leurs armes, pour que le peuple sierra-léonais puisse parvenir à la paix qu'il mérite tant.

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