DSG/SM/93

LA MONDIALISATION DOIT RESPECTER UNE GOUVERNANCE MONDIALE AU BENEFICE DES POPULATIONS, DECLARE MME LOUISE FRECHETTE

25 avril 2000


Communiqué de Presse
DSG/SM/93


LA MONDIALISATION DOIT RESPECTER UNE GOUVERNANCE MONDIALE AU BENEFICE DES POPULATIONS, DECLARE MME LOUISE FRECHETTE

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On trouvera ci-après le texte de l’allocution prononcée par la Vice- Secrétaire générale, Mme Louise Fréchette, le 18 avril à New York, à l’occasion de la Conférence nationale « L’ONU mise en scène » de 2000 :

C’est un grand plaisir pour moi d’être aujourd’hui parmi vous. Voir tant de jeunes rassemblés dans la salle de l’Assemblée générale nous rappelle que l’Organisation des Nations Unies a de fait été créée pour le bien des générations futures. En vous réunissant ici et en siégeant à la place des différents États Membres, en leur emboîtant le pas pour ainsi dire, vous gagnerez en profondeur de vues et viendrez à comprendre une grande diversité d’opinions. Vous serez admirablement préparés à reprendre le flambeau au XXIe siècle. Cette année, votre conférence « L’ONU mise en scène » se tient à un moment hautement symbolique. L’avènement d’un nouveau millénaire n’est peut-être qu’une convention du calendrier mais les peuples du monde et leurs gouvernements ont choisi d’y voir davantage. Pour les peuples du monde, c’est l’occasion de réfléchir à leur destinée commune. Ils attendent de leurs dirigeants que ceux-ci identifient les problèmes qui se posent et agissent en conséquence.

Nous espérons que c’est ce qui se produira lorsque les États Membres se réuniront ici même en septembre. Le Secrétaire général leur a récemment présenté un rapport sur lequel nous comptons pour orienter les débats du Sommet du millénaire. Ce manifeste pour le millénaire aborde de front des questions telles que la pauvreté, la paix, la sécurité et l’environnement. En partant du phénomène qui caractérise à lui seul toute notre époque : la mondialisation. Ce maître mot recouvre l’effacement progressif des frontières dans un monde qui s’intègre dans une seule économie, devient un espace commun, se transforme en village.

Imaginons un instant que le monde soit vraiment un «village planétaire». Imaginons que ce village compte 1 000 habitants constituant un échantillon représentatif de la population mondiale. À quoi ressemble-t-il?

Quelque 150 personnes habitent des quartiers cossus et près de 800 des quartiers plus pauvres, les autres vivent dans des zones en transition. Le revenu annuel moyen par habitant atteint 6 000 dollars et il y a plus de familles à revenu moyen que par le passé. Cependant, 86% des richesses sont aux mains de seulement 200 personnes, tandis que près de la moitié des villageois s’efforcent de survivre avec moins de 2 dollars par jour.

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Les adultes de notre village sont de plus en plus nombreux à savoir lire et écrire, mais environ 220 d’entre eux sont encore analphabètes, dont deux tiers de femmes. Près de 400 habitants ont moins de 20 ans, et les trois quarts d’entre eux vivent dans les quartiers les plus pauvres. Beaucoup recherchent désespérément un emploi hypothétique. Moins de 60 villageois possèdent un ordinateur et seuls 24 ont accès à Internet. Plus de la moitié de la population n’a jamais passé ni reçu de coup de téléphone.

Il n’existe aucun moyen infaillible de faire régner l’ordre dans ce village. Certains quartiers sont relativement sûrs, d’autres sont en proie à la violence organisée. Les indicateurs environnementaux sont également au rouge : la température moyenne est nettement plus élevée que par le passé, les émissions de gaz carbonique sont quatre fois plus importantes qu’il y a 50 ans et plus de 150 villageois risquent de perdre tout moyen de subsistance en raison de la dégradation des sols.

De toute évidence, la question est de savoir combien de temps un village peut survivre dans une semblable situation en l’absence de mesures permettant à tous les habitants de manger à leur faim et de vivre à l’abri de la violence, donnant à tous les enfants une véritable chance dans l’existence, et garantissant leur droit à boire de l’eau potable et à respirer un air salubre. Ces préoccupations doivent aussi être les nôtres dans notre monde bien réel où vivent six milliards d’individus.

Pour tirer pleinement parti de la mondialisation, nous devons apprendre à mieux gouverner, et à mieux gouverner ensemble. Nous devons gouverner de façon à satisfaire les besoins de la population.

Nous devons tout d’abord assurer à tous une existence décente. Si les pauvres sont privés de toute possibilité de gagner leur vie, nous sommes tous perdants. Notre objectif est de réduire de moitié la pauvreté extrême à l’horizon 2015. Les politiques à suivre sont simples. Elles doivent favoriser une croissance soutenue, car tout indique qu’il existe une forte corrélation entre la croissance économique et le niveau de revenu des pauvres.

Nous devons aussi créer des débouchés pour les jeunes. De par le monde, plus de 110 millions d’enfants d’âge scolaire, pour les deux tiers des filles, ne sont pas scolarisés. Éduquer les filles est une stratégie de développement dont les effets bénéfiques se font immédiatement sentir dans les domaines de la santé, de la nutrition et de la gestion des budgets familiaux. Voilà pourquoi, dans une semaine, à l’occasion du Forum mondial sur l’éducation, le Secrétaire général lancera une initiative des Nations Unies en faveur de l’éducation des filles. Notre objectif est que, d’ici à 2015, tous les enfants – filles et garçons – puissent achever leurs études primaires. Nous devons mettre au point des stratégies qui leur permettent de trouver un emploi décent une fois leur scolarité achevée.

Nous avons d’ores et déjà les moyens de donner une chance à chacun. Maintenant c’est la volonté politique qu’il faut mobiliser. Tous les pays doivent faire de la lutte contre la pauvreté une priorité et adopter des politiques en ce sens. Les pays riches doivent continuer à ouvrir leurs marchés aux produits en provenance des pays pauvres; alléger davantage et plus vite leur dette; augmenter et mieux cibler l’aide au développement. Les nouvelles technologies offrent aux

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pays pauvres une chance sans précédent, celle de brûler les premières étapes sur la voie du développement. Nous devons tout mettre en oeuvre pour que leurs peuples puissent accéder aux nouveaux réseaux d’information.

De nos progrès dans les domaines économiques et sociaux dépendront nos avancées dans les domaines de la paix et de la sécurité. Sans remonter plus loin que les 10 dernières années, les conflits – bien souvent des guerres civiles déchirant des pays pauvres – ont provoqué la mort de 5 millions de personnes et la fuite de millions d’autres. Devant un tel constat, nous devons faire plus et mieux et nous le pouvons. Toute mesure visant à atténuer la pauvreté et à généraliser la croissance économique est un pas en avant vers la prévention des conflits. Mais nous devons aussi prendre la ferme résolution de promouvoir la primauté du droit dans les affaires nationales et internationales, en particulier en veillant au respect des instruments relatifs aux droits de l’homme et au droit humanitaire et des traités concernant le contrôle des armements. Nous devons renforcer la capacité de l’Organisation de mener des opérations de maintien de la paix; nous efforcer de mieux cibler les sanctions économiques qu’elle impose de façon à épargner davantage les innocents et mieux châtier ou dissuader les véritables responsables; prendre des mesures énergiques pour juguler le trafic d’armes légères.

Nous devons travailler tout aussi assidûment à faire en sorte que notre planète offre des moyens d’existence durables aux générations futures. Les différentes régions font face à des menaces écologiques différentes, mais leurs populations ont quelque chose en commun : elles veulent que leurs gouvernements fassent davantage pour protéger l’environnement. Il est temps que nous, peuples et gouvernements, options résolument pour une nouvelle éthique de protection et de conservation.

Pour réaliser tous ces objectifs, nous devrons mobiliser toute notre imagination, toutes nos ressources et toute notre volonté. En outre, et ce n’est pas là le moins important, les peuples du monde doivent pouvoir compter sur une Organisation des Nations Unies qui fonctionne bien et soit en mesure de s’attaquer efficacement aux différents problèmes. Cela suppose notamment qu’elle sache tirer pleinement parti des technologies de l’information, et travailler en partenariat avec la société civile et le secteur privé. Nous avons beaucoup à apprendre de ces deux secteurs, qui se sont vite adaptés aux réalités nouvelles issues de la mondialisation et ont su tirer parti des technologies de la communication pour s’affranchir des frontières. Tous deux seront des partenaires à part entière de l’Organisation au cours du XXIe siècle.

Chacun d’entre vous compte au nombre de ces partenaires. L’Organisation des Nations Unies est votre organisation. Je sais que vous allez dès maintenant réfléchir à la façon dont vous pouvez maximiser l’efficacité et la capacité de réaction de cet instrument indispensable. En tant que jeunes Américains, vous avez un rôle crucial à jouer, car pour réussir, l’ONU a besoin des États-Unis.

Mais si vous êtes ici aujourd’hui, c’est parce que vous pensez aussi que pour réussir, les États-Unis ont besoin de l’ONU. Les principes énoncés dans la Charte des Nations Unies – promotion de la paix, respect des droits de l’homme, justice et liberté – sont chers à tous les Américains. De ce fait, je me félicite que vous ayez bientôt l’occasion d’entendre Mme Betty King, de la Mission des États-Unis auprès de l’Organisation. Au nom de l’ONU, je vous souhaite une session des plus agréables et des plus fructueuses. * *** *

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