LE CONSEIL DE SECURITE ADOPTE UNE LIGNE DE CONDUITE EN MATIERE DE PROTECTION DES CIVILS DANS LES CONFLITS ARMES
Communiqué de Presse
CS/1177
LE CONSEIL DE SECURITE ADOPTE UNE LIGNE DE CONDUITE EN MATIERE DE PROTECTION DES CIVILS DANS LES CONFLITS ARMES
20000419Les mandats des opérations de maintien de la paix devront désormais tenir compte des besoins spécifiques des civils
Les pratiques consistant à prendre délibérément pour cible des civils ou autres personnes protégées et à commettre des violations systématiques du droit international humanitaire et des droits de l'homme dans des situations de conflit armé peuvent constituer une menace à la paix et à la sécurité internationales. Partant de ce constat, le Conseil de sécurité a adopté, cet après-midi à l'unanimité et à l'issue d'un débat ayant vu la participation de plus de 30 intervenants, la résolution 1296 (2000) sur la protection des civils dans les conflits armés. Le Conseil y réaffirme que, s'il est important d'adopter une démarche globale en matière de prévention des conflits, il est nécessaire, pour l'examen de moyens permettant d'assurer la protection des civils en période de conflit armé, de procéder au cas par cas.
La résolution, qui se fonde sur les conclusions du Groupe de travail officieux, créé sur la question en septembre dernier, porte essentiellement sur la protection physique des civils. Le Conseil s'y déclare prêt à adopter, dans certaines circonstances, les mesures voulues pour aider à créer un climat de sécurité pour les civils, y compris l'envoi de missions préventives ou la création de zones ou de couloirs de sécurité. Les mandats des opérations de maintien de la paix devront, par exemple, tenir pleinement compte des besoins particuliers des civils, notamment les groupes les plus vulnérables d'entre eux. Le Conseil veillera donc à ce que les missions soient dûment chargées de protéger les civils en cas de menace imminente de danger physique et à ce que la capacité des Nations Unies en matière de déploiement rapide soit renforcée. Les mandats des missions pourraient aussi inclure des dispositions relatives au désarmement, à la démobilisation et à la réinsertion des anciens combattants, en particulier les enfants, et prévoir des mesures à l'égard de tous ceux, et notamment des médias, qui incitent au génocide ou à des violations graves du droit international humanitaire. Les missions de maintien de la paix devraient en outre comprendre une composante information qui puisse diffuser des informations sur le droit international humanitaire et les droits de l'homme. La formation dans ces domaines doit aussi s'adresser au personnel affecté sur le terrain.
Faisant écho aux remarques de nombreux représentants, dont ceux de la France et de l'Argentine, le texte de la résolution insiste sur l'importance pour le Conseil de se voir communiquer toutes les informations et analyses lui permettant daboutir dans ses délibérations sur les questions à son examen. Le Conseil y mentionne également son intention de collaborer avec les organisations régionales et sous-régionales intéressées.
Le Conseil entend demander aux parties à un conflit qu'elles prennent des dispositions spéciales pour répondre aux besoins des civils, notamment en veillant à ce que les prestations des services de base soient assurées en toute sécurité et sans entrave. Compte tenu de l'importance pour le personnel humanitaire d'avoir librement accès aux civils, le Conseil invite également les Etats et le Secrétaire général à l'informer de tout refus délibéré d'accorder un tel accès en violation du droit international. Le Secrétaire général est, pour sa part, prié de présenter, d'ici au 30 mars 2001, son prochain rapport sur la question en y incluant des recommandations sur la manière dont le Conseil et d'autres organes de l'ONU pourraient améliorer encore la protection des civils dans les conflits armés.
Au cours du débat, présidé par le Ministre des affaires étrangères du Canada, M. Lloyd Axworthy, plusieurs intervenants ont évoqué l'aspect juridique de la protection des civils dans les conflits armés, arguant que le plein respect des règles et principes du droit international et des Conventions, telles que celles de Genève et de La Haye, est indispensable. Les représentants des Pays-Bas et du Mali, notamment, ont ainsi plaidé pour la fin de la culture de "l'impunité", qui voit les coupables de génocide, de crimes contre l'humanité et autres crimes de guerre échapper à la justice. D'autres, dont les Etats-Unis et la Fédération de Russie, ont rappelé que la responsabilité première de la protection des civils incombe, non pas au Conseil de sécurité ou aux organisations humanitaires, mais aux Etats où le conflit sévit.
Outre le Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, et le nouveau Président du Comité international de la Croix-Rouge, M. Jakob Kellenberger, le Conseil de sécurité a entendu ses 15 membres, ainsi que les représentants des pays suivants : Autriche, Portugal (au nom de l'Union européenne et des Etats associés), Israël, République de Corée, Singapour, Japon, Egypte, Bahrein, Pakistan, Soudan, Australie, Colombie, Nouvelle-Zélande, Indonésie et Azerbaïdjan (au nom du GUUAM - Géorgie, Ukraine, Ouzbékistan, Azerbaïdjan et République de Moldova). L'Observateur de la Suisse est également intervenu.
PROTECTION DES CIVILS DANS LES CONFLITS ARMES
Texte du projet de résolution (S/2000/335)
Le Conseil de sécurité,
Rappelant sa résolution 1265 (1999) du 17 septembre 1999, la déclaration de son président en date du 12 février 1999 (S/PRST/1999/6), ainsi que les autres résolutions et les autres déclarations de son président sur la question,
Ayant examiné le rapport du Secrétaire général en date du 8 septembre 1999 sur la protection des civils en période de conflit armé (S/1999/957),
Remerciant de ses travaux le Groupe de travail officieux créé par la résolution 1265 (1999),
Déplorant que les civils constituent la vaste majorité des victimes des conflits armés et que les combattants et autres éléments armés les prennent de plus en plus souvent pour cible, se déclarant de nouveau préoccupé par les souffrances subies par les civils au cours de conflits armés du fait, notamment, dactes de violence dirigés contre eux, en particulier contre les femmes, les enfants et dautres groupes vulnérables, y compris les réfugiés et les personnes déplacées, et sachant les effets que cette situation a sur la paix, la réconciliation et le développement durables,
Ayant à lesprit la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales qui lui incombe en vertu de la Charte des Nations Unies et soulignant quil importe de prendre des mesures visant à prévenir et régler les conflits,
Réaffirmant son attachement aux buts énoncés dans la Charte des Nations Unies, aux paragraphes 1 à 4 de lArticle1, ainsi quaux principes qui y sont proclamés aux paragraphes 1 à 7 de lArticle 2, notamment aux principes de lindépendance politique, de légalité souveraine et de lintégrité territoriale de tous les États, et au respect de la souveraineté de tous les États,
Soulignant quil importe que toutes les parties concernées se tiennent aux dispositions de la Charte des Nations Unies et aux règles et principes du droit international, en particulier du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits de lhomme et aux réfugiés, et appliquent intégralement ses décisions sur la question,
1.Souligne que, pour lexamen de moyens permettant dassurer la protection des civils en période de conflit armé, il est nécessaire de procéder au cas par cas, compte tenu des circonstances propres à la situation considérée, et déclare que lorsquil sacquittera de ses fonctions, il tiendra compte des recommandations présentées à ce sujet par le Secrétaire général dans son rapport du 8 septembre 1999;
2. Réaffirme quil condamne énergiquement la pratique consistant à prendre délibérément pour cible des civils ou autres personnes protégées dans des situations de conflit armé et demande à toutes les parties de mettre fin à de telles pratiques;
3.Note quen période de conflit armé, limmense majorité des personnes déplacées et des membres dautres groupes vulnérables sont des civils et, quà ce titre, ils ont droit à la protection offerte aux civils en vertu du droit international humanitaire existant;
4.Réaffirme quil importe dadopter une démarche globale en matière de prévention des conflits, invite les États Membres et le Secrétaire général à porter à son attention toute question qui, à leur avis, risque de compromettre le maintien de la paix et de la sécurité internationales, se déclare disposé, à cet égard, à envisager, à la lumière de son examen de ces questions, la création de missions préventives, dans certaines circonstances, et rappelle, à cet égard, la déclaration faite par son président le 30 novembre 1999 (S/PRST/1999/34);
5.Note que les pratiques consistant à prendre délibérément pour cible des civils ou autres personnes protégées et à commettre des violations systématiques, flagrantes et généralisées du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits de lhomme dans des situations de conflit armé peuvent constituer une menace contre la paix et la sécurité internationales et, à cet égard, se déclare de nouveau prêt à examiner de telles situations et, le cas échéant, à adopter les mesures voulues;
6.Invite le Secrétaire général à continuer de lui communiquer des informations et analyses pertinentes chaque fois quil pense que ces informations et analyses pourraient contribuer à régler les questions dont le Conseil est saisi;
7.Déclare quil a lintention de collaborer avec les représentants des organisations régionales et sous-régionales intéressées, le cas échéant, afin daméliorer encore les possibilités de règlement des conflits armés et de protection des civils dans de tels conflits;
8.Souligne quil est important que le personnel humanitaire ait accès librement et en toute sécurité aux civils en période de conflit armé, demande à toutes les parties concernées, y compris aux États voisins, de coopérer pleinement avec le Coordonnateur des Nations Unies pour les affaires humanitaires et les organismes des Nations Unies afin dassurer un tel accès, invite les États et le Secrétaire général à linformer de tout refus délibéré daccorder un tel accès en violation du droit international, lorsque ce refus peut menacer la paix et la sécurité internationales et, à cet égard, se déclare disposé à examiner de telles informations et, le cas échéant, à adopter les mesures voulues;
9. Se déclare à nouveau vivement préoccupé par leffet préjudiciable généralisé des conflits armés sur les civils, en particulier sur les femmes, les enfants et les autres groupes vulnérables, et réaffirme, à cet égard, quil importe de tenir pleinement compte, dans le mandat des opérations de maintien, de rétablissement ou de renforcement de la paix, des besoins particuliers de ces groupes en matière de protection et dassistance;
10. Entend demander aux parties à un conflit, lorsquil y aura lieu, quelles prennent des dispositions spéciales pour répondre aux besoins des femmes, des enfants et des autres groupes vulnérables en matière de protection et dassistance, notamment en prévoyant des « journées de vaccination » et en veillant à ce que la prestation des services de base nécessaires puisse être assurée en toute sécurité et sans entrave;
11.Souligne quil importe que les organisations humanitaires respectent les principes de la neutralité, de limpartialité et de lhumanité dans leur action humanitaire et rappelle à cet égard la déclaration de son président en date du 9 mars 2000 (S/PRST/2000/7);
12.Lance de nouveau un appel à toutes les parties intéressées, y compris aux parties autres que les États, pour quelles assurent la sécurité et la liberté de circulation du personnel des Nations Unies et du personnel associé ainsi que du personnel des organisations humanitaires, et rappelle à cet égard la déclaration de son président datée du 9 février 2000 (S/PRST/2000/4);
13.Entend veiller, selon quil conviendra et autant que faire se pourra, à ce que les missions de maintien de la paix soient dûment chargées de protéger les civils en cas de menace imminente de danger physique et disposent des ressources nécessaires à cet effet, notamment en renforçant la capacité des Nations Unies en matière de planification et de déploiement rapide du personnel de maintien de la paix, de la police civile, des administrateurs civils et du personnel humanitaire à laide, lorsquil y aura lieu, des forces et moyens en attente;
14.Invite le Secrétaire général à appeler son attention sur les situations dans lesquelles réfugiés et personnes déplacées sont menacés de harcèlement ou se trouvent dans des camps exposés au risque dinfiltration par des éléments armés, et où une menace pèserait de ce fait sur la paix et la sécurité internationales, se déclare disposé, à cet égard, à examiner les situations considérées et, si nécessaire, à prendre les mesures voulues en vue daider à créer un climat de sécurité pour les civils mis en danger par des conflits, notamment en appuyant les États concernés, et rappelle à cet égard sa résolution 1208 (1998) du 19 novembre 1998;
15.Se déclare disposé à examiner la possibilité de créer, sil y a lieu et sil se peut, des zones de sécurité provisoires et des couloirs de sécurité pour la protection des civils et lacheminement de lassistance lorsquil y a menace de génocide, de crimes contre lhumanité et de crimes de guerre contre la population civile;
16.Entend inclure dans le mandat des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, selon quil y aura lieu et au cas par cas, des dispositions se rapportant expressément aux activités de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des ex-combattants, y compris en particulier des enfants soldats, ainsi quà la destruction rapide, par des moyens sûrs, des armes et munitions en surplus, souligne quil importe de prévoir des mesures de cet ordre dans les accords de paix, lorsquil y a lieu et avec lassentiment des parties, souligne également quil importe que les ressources voulues soient réunies à cet effet, et rappelle la déclaration de son président en date du 23 mars 2000 (S/PRST/2000/10);
17.Réaffirme quil condamne toutes les incitations à la violence contre des civils dans des situations de conflit armé, réaffirme aussi que tous ceux qui incitent à la violence ou la provoquent dune autre manière doivent être traduits en justice et se déclare disposé, lorsquil autorise le déploiement dune mission, à envisager, le cas échéant, des mesures à prendre à légard des médias incitant au génocide, à des crimes contre lhumanité et à des violations graves du droit international humanitaire;
18.Déclare que les missions de maintien de la paix des Nations Unies devraient comprendre, selon quil conviendra, un élément information qui puisse diffuser des informations sur le droit international humanitaire et les droits de lhomme, en particulier léducation pour la paix et la protection des enfants, et qui diffuse aussi des informations objectives sur les activités de lOrganisation des Nations Unies, et déclare en outre que, le cas échéant, les opérations régionales de maintien de la paix devraient être encouragées à se doter de tels éléments information;
19.Réaffirme quil importe dassurer le respect des dispositions pertinentes du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits de lhomme et aux réfugiés, ainsi que de dispenser au personnel affecté aux activités de maintien, de rétablissement et de renforcement de la paix la formation voulue dans ce domaine, en ce qui concerne notamment les dispositions se rapportant aux enfants et à la parité entre les sexes, la négociation et la communication, les spécificités culturelles, la coordination entre civils et militaires et le doigté en matière de prévention du VIH/sida et des autres maladies transmissibles, prie le Secrétaire général de diffuser des directives à cet effet et de veiller à ce que le personnel des Nations Unies reçoive la formation requise, et demande instamment aux États Membres concernés de diffuser, selon quil y aura lieu et autant que faire se pourra, des instructions à cet effet et de prévoir un volet approprié dans leurs programmes de formation du personnel appelé à prendre part à des activités analogues;
20.Donne acte de lentrée en vigueur de la Convention de 1997 sur linterdiction de lemploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction et du Protocole modifié sur linterdiction ou la limitation de lemploi de mines, pièges et autres dispositifs (Protocole II) annexé à la Convention de 1980 sur linterdiction ou la limitation de lemploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, rappelle les dispositions pertinentes qui y figurent, note les effets bénéfiques que leur mise en oeuvre aura sur la sécurité des civils, et encourage ceux qui sont en mesure de le faire à appuyer laction antimines à vocation humanitaire, notamment en apportant une assistance financière à cet effet;
21.Note que laccumulation excessive et leffet déstabilisateur des armes légères et de petit calibre font obstacle à lacheminement de lassistance humanitaire et peuvent exacerber et prolonger les conflits, mettre les civils en danger et porter atteinte à la sécurité et à la confiance nécessaires pour rétablir la paix et la stabilité;
22.Rappelle la décision des membres du Conseil dont fait état la note de son président en date du 17 avril 2000 (S/2000/319), tendant à ce quun groupe de travail officieux sur la question générale des sanctions soit mis en place, et prie ledit groupe dexaminer les recommandations formulées dans le rapport du Secrétaire général en date du 8 septembre 1999 qui ont à voir avec son mandat;
23.Rappelle la lettre en date du 14 février 2000 adressée au Président de lAssemblée générale par son président (S/2000/119), prend note de la lettre datée du 7 avril 2000 adressée à son président par le Président de lAssemblée générale (S/2000/298), ainsi que de la lettre du Président du Comité spécial des opérations de maintien de la paix en date du 1er avril 2000 quelle contenait, se félicite à cet égard des travaux du Comité portant sur les recommandations formulées dans le rapport du Secrétaire général en date du 8 septembre 1999 qui ont à voir avec son mandat, et encourage lAssemblée générale à continuer dexaminer les aspects considérés de la protection des civils en période de conflit armé;
24.Prie en outre le Secrétaire général de continuer à inclure, selon quil y aura lieu, dans les rapports écrits quil présente au Conseil au sujet des situations dont celui-ci est saisi, des observations sur la protection des civils en période de conflit armé;
25.Prie le Secrétaire général de lui présenter, dici au 30 mars 2001 son prochain rapport sur la protection des civils en période de conflit armé, entend demander que dautres rapports sur la question lui soient présentés à lavenir, prie en outre le Secrétaire général dinclure dans son rapport des recommandations sur la manière dont le Conseil et dautres organes de lOrganisation des Nations Unies, agissant dans le cadre de leur mandat, pourraient améliorer encore la protection des civils en période de conflit armé, et lencourage à consulter le Comité permanent interorganisations lorsquil établira ces rapports;
26.Décide de demeurer saisi de la question.
Rapport du Secrétaire général au Conseil de sécurité sur la protection des civils en période de conflit armé (S/1999/957)
Conformément à la déclaration présidentielle adoptée à la suite de la réunion du Conseil de sécurité du 12 février 1999, sur la question de la protection des civils touchés par les conflits armés, le Secrétaire général présente dans ce rapport des recommandations concernant les moyens par lesquels le Conseil pourrait agir afin d'améliorer la protection physique et juridique des civils dans les situations de conflit armé. Ces recommandations sont issues des consultations approfondies qu'il a eues, comme le Conseil l'avait demandé, avec le Comité permanent interinstitutions. Elles portent sur les mesures à prendre à tous les stades d'un conflit et s'étendent à des mesures visant à promouvoir le respect du droit international, grâce à des initiatives politiques et diplomatiques visant à influer sur le comportement des parties à un conflit, aux mesures coercitives visées au Chapitre VII de la Charte (qui permet par exemple au Conseil d'"entreprendre au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales". Selon le Secrétaire général, le rapport vise particulièrement à encourager le Conseil à prendre des mesures décisives pour résoudre cette question essentielle, et à promouvoir un "climat de respect des règles". Il ajoute que la façon dont le Conseil relèvera ce défi sera d'une importance cruciale compte tenu de ce que la protection des civils est un élément essentiel du mandat de l'Organisation des Nations Unies qui ne peut en transférer la responsabilité à quiconque.
Après une analyse des menaces et violences qui sont exercées contre les civils en période de conflit armé et du rôle du Conseil de sécurité dans la protection de ces civils, le Secrétaire général énumère une série de recommandations visant d'une part à renforcer la protection juridique et d'autre part la protection physique. Il appelle l'attention du Conseil sur neuf d'entre elles qu'il juge particulièrement importantes. En premier lieu, il faudrait que le Conseil prenne des mesures afin de renforcer la capacité de l'Organisation en matière de planification et de déploiement rapides. Il faudrait notamment renforcer la participation au système de forces en attente des Nations Unies, en augmentant par exemple les effectifs de la police civile et de l'administration civile spécialisée et ceux du personnel humanitaire. Le Secrétaire général recommande également au Conseil de mettre en place un mécanisme permanent d'évaluation technique et des régimes de sanctions régionaux pouvant utiliser les informations fournies par les membres du Conseil, les institutions financières compétentes, le Secrétariat, les organisations et autres secteurs humanitaires, afin de déterminer l'impact probable des sanctions sur les civils.
Le Secrétaire général met ensuite l'accent sur 4 recommandations que le Conseil pourrait appliquer lorsqu'il reçoit des informations qui donnent à penser que des violations contre des civils sont imminentes. Le Conseil pourrait ainsi imposer des embargos sur les armes dans les situations où les civils et les personnes protégées sont visés par les parties au conflit, ou lorsqu'on sait que les parties commettent des violences systématiques et généralisées du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits de l'homme.
Il pourrait aussi envisager de déployer dans certains cas une opération préventive de maintien de la paix ou une autre forme de présence préventive. Il suggère au Conseil de recourir plus largement aux sanctions ciblées, afin de dissuader et de retenir ceux qui commettent des violations flagrantes du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits de l'homme, ainsi que les parties à des conflits qui ne cessent de braver ses résolutions, défiant son autorité. Enfin, le Conseil pourrait déployer des observateurs militaires internationaux pour surveiller la situation dans les camps de personnes déplacées et de réfugiés lorsqu'on suppose la présence d'armes, de combattants et d'éléments armés. Si une telle présence est confirmée et si les forces nationales ne peuvent ou ne veulent pas intervenir, le Conseil devrait alors examiner une série d'options pouvant impliquer par exemple le déploiement de forces armées régionales ou internationales disposées à prendre effectivement des mesures pour protéger les civils, y compris le désarmement forcé des combattants ou éléments armés.
Enfin, le Secrétaire général fait trois recommandations visant à alléger les souffrances des civils dans les cas où le conflit a déjà éclaté et où ils sont pris pour cible. Il propose ainsi au Conseil de sécurité de souligner dans ses résolutions, à l'ouverture d'un conflit, qu'il est capital que les populations civiles aient pleinement accès à l'assistance humanitaire et que les parties concernées, y compris les acteurs autres que l'Etat, coopèrent pleinement avec le coordonnateur humanitaire des Nations Unies pour assurer cet accès et garantissent la sécurité des organismes humanitaires, conformément aux principes de la solidarité humanitaire, de la neutralité et de l'impartialité. Le Conseil devrait faire savoir avec force que tout manquement à cet égard se soldera par l'imposition de sanctions ciblées. Dans les situations de conflit ouvert, le Conseil devrait veiller à ce que les mesures voulues soient adoptées pour contrôler les médias qui incitent à la haine ou pour fermer leurs installations. Enfin, face à des violations massives et persistantes, le Secrétaire général recommande que le Conseil envisage une action coercitive appropriée. Dans ce cas et au préalable, afin d'éviter qu'on ne puisse l'accuser d'être sélectif ou de manifester un parti pris, le Conseil devrait prendre en compte les facteurs suivants : la nature et l'étendue des violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire; le fait que les autorités locales ne sont pas en mesure de maintenir l'ordre ou l'existence d'un schéma trahissant leur complicité;
le fait que toutes les solutions pacifiques ou consensuelles ont été recherchées en vain; sa capacité à maîtriser les actions qui seraient entreprises et le recours limité et non disproportionné à la force, compte tenu des répercussions possibles sur les populations civiles et l'environnement.
Le Secrétaire général fait observer en conclusion que bien que le droit doive avoir la primauté, il faut souvent assurer la sécurité physique avant la protection juridique. Le Conseil de sécurité doit agir rapidement pour que ce principe devienne une réalité. Pour cela, il importe de fixer un mécanisme et un calendrier concertés pour le suivi de la question.
Déclarations
M. KOFI ANNAN, Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, a rappelé que le débat sur la même question tenu l'an passé par le Conseil a préparé la voie pour transformer les paroles et les engagements en des actions concrètes. L'Assemblée générale a, ainsi, concentré ses efforts sur le renforcement du cadre juridique de la protection des civils, en adoptant plusieurs textes importants, dont le Protocole facultatif à la Convention sur les droits de l'enfant. De son côté, le Conseil de sécurité a également pris des mesures dans ce sens qui se sont traduites de manière très concrète lors de la création des opérations de maintien de la paix en Sierra Leone, au Timor oriental ou encore en République démocratique du Congo. Le Secrétariat et les institutions du Système de lONU ont soutenu tous ces efforts de manière différente. Ils se sont notamment efforcés d'améliorer la protection des personnes déplacées à l'intérieur des frontières. Le Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés a, par exemple, développé des programmes de prévention et de réaction à la violence sexuelle en Tanzanie, au Kenya, en Guinée, au Libéria ou encore en Sierra Leone. Et le Représentant spécial pour les enfants dans les conflits armés, M. Otunnu, a, en coopération avec l'UNICEF et l'OMS, négocié des "Journées de trêve" en Angola, au Timor oriental, en Sierra Leone et au Sri Lanka afin de permettre d'y réaliser des campagnes de vaccination.
Le Secrétaire général a attiré l'attention du Conseil sur 3 des propositions formulées dans son rapport sur la question. Il a exhorté le Conseil à réfléchir à leur mise en uvre. Selon lui, la proposition qui va le plus loin est liée à la création d'une force de déploiement rapide, ainsi que les événements survenus au Timor oriental la semaine même où paraissait son rapport en ont donné la claire nécessité. Cet exemple illustre l'importance pour les Nations Unies d'avoir une capacité systématique de réaction rapide. La deuxième proposition formulée par M. Annan est liée davantage aux situations où plusieurs alertes contre l'escalade du conflit ont eu lieu et où des mesures de déploiement préventif ont déjà été prises par certains instances, comme ce fut le cas en février dernier en République centrafricaine. L'utilité de telles mesures préventives continue d'être prouvée également dans la péninsule de Prevlaka, a ajouté le Secrétaire général, qui s'est réjoui de la volonté du Conseil de sécurité d'examiner l'établissement de futures missions préventives, y compris l'envoi de missions de surveillance et d'établissement des faits. Dans les cas où le conflit s'est déjà traduit par l'exode massif de la population civile, il est alors fondamental d'améliorer la sécurité des camps de réfugiés, a poursuivi le Secrétaire général. Et c'est sur ce point que se concentre sa troisième proposition. Depuis la parution de son rapport, il a indiqué que le HCR et d'autres institutions ont pris un certain nombre d'initiatives, telles que la fourniture de matériel aux services locaux de sécurité ou le redéploiement d'une partie des réfugiés vers des zones plus sûres, en général loin des frontières. M. Annan a averti qu'à l'avenir il faudra encore sûrement établir des zones de sécurité temporaires ou des "corridors de sécurité" afin de protéger les civils et il s'est félicité que le Conseil de sécurité soit prêt à examiner la faisabilité de telles mesures. Il a précisé sur ce point que dans les cas où le consentement des parties n'est pas assuré, la création de telles zones de sécurité requiert la présence d'une force crédible.
M. JAKOB KELLENBERGER, Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a rappelé que l'action du CICR est fondée sur le droit international humanitaire et qu'il s'efforce d'assurer que ce droit est respecté par toutes les parties au conflit, qu'elles soient des entités gouvernementales ou non étatiques. La protection des civils se trouve au centre de ce droit, a-t-il poursuivi, avant de souligner qu'une protection effective des civils nécessite cependant la ratification par tous les Etats des instruments du droit international humanitaire. En dépit des actes d'horreurs auxquels nous assistons souvent de façon impuissante, nous restons convaincus que le droit humanitaire est plus important que jamais. C'est là l'une des conclusions essentielles d=ðune étude intitulée "People on War" réalisée par le CICR l'année dernière au sein de populations qui ont été affligées par la guerre. M. Kellenberger a rappelé que le CICR fournit actuellement une protection et une assistance - les deux éléments étant souvent inséparables - à près de cinq millions de personnes déplacées, l'Afrique étant particulièrement touchée par ce phénomène. En Angola, par exemple, le CICR fournit des vivres, une assistance médicale et une aide dans le domaine du redressement agricole à quelque 330 000 personnes déplacées et aux résidents des régions de Huambo et de Kuito. De même en Afghanistan où le CICR compte 70 employés expatriés et plus de 1 000 employés locaux, une aide substantielle a été apportée à des milliers de familles déplacées ayant regagné leurs foyers. Le CICR reste cependant convaincu que la coopération et la coordination entre les différents acteurs de l'aide humanitaire peut et doit être améliorée. Pour l'heure, le CICR élabore également des directives pour les activités opérationnelles liées à la protection et à l'assistance aux femmes en période de conflits armés. Rappelant que les souffrances des enfants au cours des conflits armés représentent une source de préoccupation fondamentale, M. Kellenberger a souligné que, dans tous les domaines d'opération du CICR, les activités conduites par le Comité visent à protéger les enfants. Des exemples de ces activités se trouvent dans l'identification et l'enregistrement d'enfants non accompagnés ainsi que dans le suivi de leur cas. S'agissant des personnes disparues, le CICR s'efforce de négocier avec les autorités compétentes un accès aux centres de détention et de leur remettre des listes établies sur la base des témoignages recueillis auprès des familles des personnes disparues. Le Président du CICR a exprimé sa profonde satisfaction face à l'importance grandissante qu'accorde le Conseil de sécurité à la protection des civils en période de conflits armés. Cet effort fort louable ne le restera cependant que s'il s'accompagne de mesures pratiques et concrètes visant à améliorer la protection de l'intégrité physique des personnes. De l'avis du CICR, il est impératif de faire une distinction claire entre l'action politique et militaire visant à traiter les causes d'un conflit, d'une part, et l'action humanitaire visant à traiter ses effets, d'autre part. Les lois gouvernant le droit d'employer la force, ou "just ad bellum", doivent donc rester strictement distinctes du droit humanitaire applicable dans l'éventualité d'opérations militaires, ou "just in bello". Le CICR estime que les actions coercitives devraient créer les conditions propres à permettre aux agences humanitaires d'opérer sans qu'elles soient associées à cette action de quelque manière que ce soit. Y être associé mettrait en danger le travail des organisations humanitaires en sapant leur crédibilité et leur acceptation par les parties au conflit.
M. JOOP W. SCHEFFERS (Pays-Bas) a estimé que la question de la protection des civils en temps de guerre exige dabord le plein respect des règles et principes du droit international, y compris les droits de lhomme et le droit humanitaire international. Les Conventions de Genève et de La Haye doivent guider laction en la matière, a insisté le représentant avant dencourager le Conseil à renforcer sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge. Le représentant a souligné la nécessité de poursuivre et de punir dûment les personnes coupables de génocide, de crimes contre lhumanité et de crime de guerre. Après les deux Tribunaux spéciaux pour lex-Yougoslavie et pour le Rwanda, lentrée en vigueur du statut portant création de la Cour pénale internationale ne pourra que contribuer plus avant à mettre fin à limpunité et donc à prévenir les crimes de guerre. Bien que la question de limpunité ne soit pas abordée dans la résolution présentée aujourdhui, elle mérite la pleine attention des organes compétents des Nations Unies, a estimé le représentant.
Il a jugé que le Conseil a lobligation dagir au nom de la communauté internationale en ce qui concerne les violations des droits de lhomme et, en conséquence, de réfléchir au rôle quil peut jouer pour mettre fin à ces violations et prévenir ainsi laggravation des conflits. A cet égard, le représentant a souligné le rôle important de la Commission des droits de lhomme qui veille au respect des normes en la matière. Il a mis laccent sur la nécessité de permettre un libre accès au personnel humanitaire et au personnel des Nations Unies et, à cet égard, a souligné la responsabilité des Etats concernés par les conflits. Le Conseil doit prendre les mesures qui simposent lorsque laccès est nié aux organisations humanitaires et dans des circonstances particulières, ne pas écarter la possibilité dimposer des sanctions ciblées, a dit le représentant.
Il a terminé sur limportance quil y a à ce que les mandats des opérations de lONU soient adéquats, exhaustifs et intégrés. Les cadres stratégiques, tel que celui qui a été accepté pour lAfghanistan, sont un instrument puissant en la matière. Le représentant a particulièrement encouragé le Secrétaire général à faire pleinement siennes les prérogatives que lui confère la Charte des Nations Unies et à participer pleinement à la préparation de ces mandats qui doivent conjuguer les domaines de la politique, des droits de lhomme, de lassistance humanitaire, du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion et du développement.
Mme NANCY SORDERBERG (Etats-Unis) a déclaré que la question en discussion est à la fois difficile et importante et est au centre des préoccupations des fondateurs de l'Organisation. Malheureusement depuis la création de l'ONU et la conclusion des Conventions de Genève, on a continué d'assister, ainsi que l'a dit le Secrétaire général, à une "civilisation de conflits". De plus en plus, les acteurs des conflits méprisent ou ignorent tout simplement les principes fondamentaux du droit international concernant la protection des civils. Face à ce phénomène, les outils traditionnels de la diplomatie manquent parfois d'efficacité et, en tant que responsable du maintien de la paix et de la sécurité internationales, le Conseil de sécurité a le devoir et l'obligation de trouver les moyens de régler les violations des droits des personnes civiles. Cette situation conduit les membres du Conseil à faire face à un véritable dilemme, a expliqué Mme Soderberg, car s'il leur faut promouvoir les nobles idéaux des fondateurs de l'Organisation, il leur faut aussi répondre à des contraintes politiques. Il convient de trouver un équilibre entre ces exigences. Si les Etats-Unis appuient les idéaux et les objectifs généraux contenus dans le rapport du Secrétaire général, ils estiment néanmoins qu'il faut envisager chaque conflit de manière séparée, en le plaçant dans son contexte spécifique. Chaque action et décision doit être adaptée aux circonstances particulières de la situation considérée. Cela n'empêche pas les Etats-Unis d'appuyer la résolution qui doit être adoptée à l'issue du débat, a ajouté la représentante.
Le meilleur moyen de protéger les civils est bien entendu d'empêcher que les conflits n'éclatent et à cet égard, la délégation américaine reconnaît l'importance de l'alerte rapide. Mais, il existe toute une palette d'options à examiner. Ainsi, dans certains cas, la meilleure solution peut consister à encourager les parties à la négociation et à la diplomatie; dans d'autres, l'envoi de missions de surveillance, l'adoption de sanctions ciblées ou encore le déploiement de troupes de police civile et de maintien de la paix s'avèrent plus appropriés. La clef est en fait d'identifier les actions à la fois réalisables et efficaces. Il faut aussi s'assurer que le personnel des Nations Unies envoyé sur le terrain soit bien formé et équipé. Il faut aussi s'assurer que tout le personnel déployé, militaire ou non, connaisse notamment les règles du droit international humanitaire et les besoins spécifiques de protection des populations les plus vulnérables. Les Nations Unies ont véritablement un rôle à jouer à cet égard et doivent rendre cette formation disponible. L'ONU doit aussi favoriser la démobilisation, le désarmement et la réinsertion des combattants, y compris les enfants soldats. Mais, les Etats-Unis insistent sur le fait que la protection des civils ne peut être assurée par la seule communauté internationale. Les autorités des Etats où un conflit armé sévit doivent impérativement coopérer avec la communauté internationale et les organisations humanitaires pour garantir l'accès aux populations et la sécurité des personnels fournissant l'aide. Toutes les parties au conflit sont en effet redevables, au regard du droit international, envers les civils.
M. JEAN-DAVID LEVITTE (France) a rappelé qu'après la résolution 1265 du 17 septembre 1999, le Conseil de sécurité est appelé à adopter aujourd'hui une nouvelle résolution. Celle-ci devrait permettre de donner effet à plusieurs recommandations importantes contenues dans le rapport du Secrétaire général de septembre dernier. Le projet de résolution retient tout d'abord l'attention par la manière dont on entend placer la question de la protection des civils dans les conflits armés au cur des préoccupations du Conseil et même au cur de son activité. Le projet insiste également sur la volonté du Conseil d'obtenir toute l'information nécessaire sur la situation des civils dans les conflits armés. Ces informations peuvent provenir de toutes les sources pertinentes, parmi lesquelles nous savons que se trouvent les institutions humanitaires et de nombreuses organisations non gouvernementales présentes dans les lieux de conflit. Il reviendra au Conseil d'être en mesure de traiter cette information. Ceci suppose, comme cela a été souligné lors du débat sur le Rwanda, que nous ayons plus de temps pour cela et que nous consacrions sans doute moins de temps à des débats thématiques, a souligné M. Levitte. Le projet marque enfin et surtout la volonté du Conseil de faire face à ses responsabilités et d'agir, par tous les moyens à sa disposition, pour contribuer à une meilleure protection des civils dans les conflits armés. L'un des moyens visés par le projet, notamment aux paragraphes 9 et 13 du dispositif, est constitué par les appels lancés par le Conseil aux parties à un conflit. Un second moyen, visé au paragraphe 4, est la constitution d'opérations ayant une mission de prévention. Un troisième moyen réside dans les opérations de maintien de la paix plus classiques. Pour cela, il faudra une meilleure définition de leur mandat, une capacité de déploiement plus rapide des opérations et une attention particulière consacrée à la formation des personnels participant aux opérations, en particulier dans le domaine du droit humanitaire. Un quatrième instrument qui doit appeler notre attention est celui des sanctions. La question des sanctions touche à l'action du Conseil dans le cadre du Chapitre VII. Le projet de résolution contient des dispositions importantes à ce sujet. Son paragraphe 5 dispose en effet qu'une menace à la paix et à la sécurité internationales peut résulter d'attaques dirigées contre les populations civiles, et de la perpétration, en situation de conflits armés, de violations systématiques, flagrantes et étendues du droit international humanitaire et des droits de l'homme. Soulignant que cette affirmation revêt une grande importance, M. Levitte a indiqué qu'elle signifiait en effet que, face à de telles violations, le Conseil entend placer son action dans le cadre du Chapitre VII et recourir, selon les circonstances, aux possibilités offertes par ce chapitre. La résolution que le Conseil s'apprête à adopter constitue donc bien une étape importante dans les efforts qu'il mène pour éviter que ne se reproduisent les drames humanitaires de la dernière décennie, a indiqué M. Levitte.
M. SERGEY LAVROV (Fédération de Russie) a estimé qu'à la veille du 55ème anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, l'examen par le Conseil de sécurité des questions liées à la protection des civils dans les conflits armés revêt une signification particulière. La Fédération de Russie suit avec une grande attention les activités menées dans ce domaine par les Nations Unies, son Conseil de sécurité et ses autres organes. La position de la Fédération de Russie repose sur la nécessité pour la communauté internationale de répondre de manière efficace et adéquate à toutes les crises, y compris celles de nature humanitaire. Une telle réponse devrait toutefois être pleinement conforme au droit international et aux dispositions de la Charte de l'Organisation. Elle devrait aussi prendre en considération la responsabilité première qui incombe au Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, ainsi que le strict respect des règles de conduite internationales par tous les Etats et l'application des normes et principes du droit international, y compris le droit humanitaire, par toutes les parties au conflit.
La question de la protection des civils dans les conflits armés présente de multiples facettes et doit être abordée de manière globale. Il est en premier lieu fondamental d'éliminer les guerres de la vie des sociétés humaines, en les prévenant et en y mettant un terme. C'est à cet effet que la Fédération de Russie a élaboré sa "Conception du monde au XXIe siècle", une initiative visant à définir la base juridique du recours à la force dans les relations internationales dans le contexte de la mondialisation. Renforcer les capacités d'alerte précoce, la diplomatie préventive, le désarmement, en combattant notamment le trafic des petites armes, sont aussi parmi les plus hautes priorités de mon pays, a précisé le représentant. Le débat d'aujourd'hui devrait aussi clairement mettre l'accent sur le principe du règlement pacifique des différents et le rôle de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité des Nations Unies, au regard du Chapitre VI de la Charte. Mais, la Fédération de Russie estime que la responsabilité première de la protection des civils en toutes circonstances revient aux Etats et aux parties au conflit. Certes, les efforts déployés par la communauté internationale, et notamment par le Conseil de sécurité, peuvent apporter une contribution positive et c'est pourquoi la résolution que le Conseil s'apprête à adopter représente une avancée significative dans la bonne direction. Le texte lance une mise en garde sérieuse à ceux qui lors des conflits armés violent le droit humanitaire international. Evoquant les Conventions de Genève, M. Lavrov a estimé que le fossé entre leurs dispositions et leur application effective lors d'un conflit demeure trop large. L'Assemblée générale, l'ECOSOC, le Comité international de la Croix-Rouge et d'autres organes doivent continuer d'examiner cette question. M. Lavrov a également appuyé le renforcement de la coopération et de la coordination entre le Conseil de sécurité et les diverses instances susmentionnées, à condition que la "répartition des tâches" prévue par la Charte et les instruments juridiques internationaux soit respectée. M. HASMY AGAM (Malaisie) a estimé que la question de la protection des civils en situation de conflit ne doit pas seulement concerner la sécurité physique mais aussi la protection juridique fondée sur le droit international. Il existe des conventions et instruments internationaux, tout comme des résolutions, qui fournissent une base juridique pour la protection des civils, a précisé le représentant, tout en reconnaissant que ces instruments juridiques nont pu prévenir jusquici les attaques contre les civils. Pour lui, il est important que les coupables des crimes soient avertis quils seront tenus pour responsables de leurs actes et quils ne sauraient échapper à la justice même après la fin du conflit. De tels avertissements et la traduction des personnes coupables devant la justice sont les seuls moyens de mettre fin aux actes criminels, a estimé le représentant.
Il a jugé important que le personnel des Nations Unies soit sensibilisé à la question de la protection des civils et formé au droit humanitaire international afin de pouvoir faire face au mieux aux situations sur le terrain. Etant donné le nombre croissant de réfugiés dans le monde, le représentant a estimé extrêmement important de faire en sorte que des éléments armés ne soient pas admis dans les camps de réfugiés. Cest la seule façon de sassurer que les camps de réfugiés restent des camps de réfugiés et ne se transforment pas en centres de recrutement de combattants ou en foyer de violence et de désordre public. Le représentant a terminé sur la nécessité de coordonner les efforts de toutes les parties impliquées sur le terrain, à savoir les soldats de la paix, le personnel humanitaire des Nations Unies, le personnel dautres organisations internationales et les représentants des ONG.
M. WANG YINGFAN (Chine) a rappelé que depuis le mois de février 1999, date à laquelle le Conseil de sécurité a, pour la première fois, examiné la question de la protection des civils en période de conflits armés, des progrès ont été faits. Il a indiqué qu'étant donné les différentes causes et manifestations des conflits armés dans le monde, le Conseil de sécurité devrait tout d'abord aborder la question de la protection des civils au cas par cas, en examinant chaque situation selon ses circonstances particulières. Cependant, le Conseil de sécurité n'a aucune chance de traiter avec succès de cette question s'il ne bénéficie pas de l'étroite coopération des pays intéressés. Il y a peu de temps le Conseil a inclus dans les mandats de la MINUSIL et de la MONUC des éléments relatifs à la protection de civils, ce qui est fort louable, a souligné le représentant. Il faut également que les positions des Etats souverains soient respectées par le Conseil de sécurité. Prendre des mesures en l'absence de la coopération de la part des pays intéressés conduirait probablement à l'opposition de ces derniers. Il convient également de souligner que le fait d'interférer dans les affaires internes d=un Etat, ou pire, le fait de renverser un gouvernement légitime, sous le prétexte de protéger des civils, est contraire aux objectifs et aux principes de la Charte des Nations Unies. Le projet de résolution actuel réaffirme les buts et principes de la Charte et souligne la nécessité de respecter l'indépendance politique, la souveraineté et l'intégrité territoriale de tous les pays.
Deuxièmement, le Conseil de sécurité devrait respecter un partage clair du travail et assurer une meilleure coordination avec les autres instances. Toutes les institutions de l'ONU devraient se voir attribuer une description claire de leur travail et de leurs devoirs. Troisièmement, le Conseil de sécurité devrait chercher à éliminer les causes des crises. En tant que premier responsable du maintien de la paix et de la sécurité internationales, le Conseil devrait tirer les enseignements des succès et des échecs du passé afin de s'acquitter plus efficacement de son mandat, en vue de créer un environnement international de paix
plus favorable dans toutes les régions et dans tous les pays. Ce n'est qu'en créant un environnement pacifique que l'on pourra réellement réaliser la protection des civils, a conclu le représentant.
M. JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a estimé que le présent débat doit véritablement marquer une étape, car la résolution que le Conseil adoptera aujourd'hui n'est pas l'ultime développement d'un processus, mais l'annonce d'une approche désormais plus systématique par le Conseil de la question de la protection des civils. Vendredi dernier, le Conseil a tiré les enseignements des erreurs commises au Rwanda, a rappelé le représentant, avant de confier qu'il est difficile de savoir ce que le Conseil pourrait bien faire si un nouveau "Rwanda" se produisait demain. Pour le Royaume-Uni, le concept de la protection des civils n'est nullement en opposition avec celui de la protection des Etats. En fait, lorsque les individus et l'ensemble de leurs droits sont protégés, la stabilité internationale est renforcée. L'ambition première du Conseil de sécurité devrait être de contenir les menaces contre la paix, et il est temps d'adopter une approche "plus professionnelle" de la sécurité humaine et de la prévention des conflits. Il faudrait, par exemple, fournir un réel effort en vue d'améliorer la coordination et les flux d'information au sein du Système des Nations Unies. Le rôle proactif du Secrétaire général devrait notamment être renforcé. Mais avant tout, il faut que le Conseil franchisse un pas psychologique décisif et décide de s'attaquer réellement à la racine des conflits, à savoir les causes économiques, sociales, structurelles et parfois personnelles. Cela ne veut pas dire que le succès est à chaque fois assuré, a mis en garde M. Greenstock, précisant que dans ce cas, les troupes de maintien de la paix seront nécessaires. A cet égard, le Royaume-Uni attend beaucoup du rapport que doit publier le groupe d'expert conduit par M. Lakdar Brahimi sur le déploiement des forces de maintien de la paix. Au-delà et en fait à l'échelle de tout le Système des Nations Unies, il est besoin surtout d'une approche qui exploite au maximum les compétences de tous les organes pertinents, sans nuire nullement à la capacité de réaction de chacun. Il faut aussi élaborer des stratégies cohérentes de reconstruction de la paix, car la transition de la guerre à la paix a besoin d'être coordonnée très tôt au sein du système des Nations Unies. C'est d'ailleurs ce que le Royaume-Uni s'efforce de promouvoir en Sierra Leone.
La résolution soumise pour adoption se concentre, en premier lieu, sur la promotion de la protection physique et il s'agit du premier domaine dans lequel le Conseil peut faire une différence, a poursuivi M. Greenstock. Mais la protection des civils va au-delà du simple aspect physique, et, pour le Royaume-Uni, l'un des meilleurs moyens de poser les fondements d'une culture de protection est d'investir dans l'éducation. Il faut pour cela faire connaître aux forces de sécurité les exigences dans le domaine des droits de l'homme et du droit humanitaire international. Il faut que chaque soldat comprenne en termes simples et clairs les devoirs et obligations qui sont les siens. Parallèlement, l'application et le respect de ces principes doivent être étroitement surveillées. M. Greenstock a aussi appelé le Conseil à redoubler d'efforts en matière de lutte contre le trafic illégal des armes. Selon lui, il convient également de ne pas oublier qu'il s'agit d'assurer la protection d'individus et pour ce faire, il est impératif d'identifier les besoins propres à chacun. Autant d'éléments qui ne doivent pas cependant faire oublier que la responsabilité première de la protection des civils revient, non pas au Conseil de sécurité ou au CIRC, mais aux belligérants, qu'ils soient des acteurs gouvernementaux ou non. Eux aussi doivent s'engager à résoudre pacifiquement les différends quand cela est possible et à respecter et protéger les civils, a conclu le représentant.
M. SAID BEN MUSTAPHA (Tunisie) a indiqué que la résolution que sapprête à adopter le Conseil de sécurité détaille un certain nombre de démarches et dactions visant à renforcer la protection physique et juridique des civils durant les conflits armés de manière à ce quils soient épargnés lors des hostilités, que lassistance humanitaire leur parvienne et quun environnement sécurisant leur soit assuré en attendant une solution au conflit armé. Convaincue quil faut mettre un terme à cette pratique inhumaine du ciblage des civils dans les récents conflits armés, la Tunisie appuie ce projet de résolution.
Le représentant a toutefois noté quétant donné le caractère multidimensionnel de la protection des civils en temps de conflit armé, il est nécessaire dadopter une approche globale, cohérente, non sélective et prenant en considération les spécificités intrinsèques de chaque situation. La protection des civils doit être guidée par les principes de neutralité et dimpartialité. Toute action de protection devrait être complémentaire aux efforts visant à trouver une solution au conflit en question, la prévention constituant sans nul doute la meilleure manière déviter que les conflits éclatent. En raison de la diversité des dimensions qui caractérise la protection des civils, la coordination entre les divers intervenants est vivement souhaitée, a fait remarquer M. Mustapha. Il a insisté sur le fait que la nécessité du respect des principes de la souveraineté, de lindépendance politique des Etats, de leur intégrité territoriale et de la non-ingérence dans leurs affaires intérieures ainsi que la nécessité de veiller à garantir le consentement et la coopération des parties, en particulier la coopération des gouvernements touchés, constituent des paramètres essentiels.
M. MARTIN ANDJABA (Namibie) a déclaré que toutes les recommandations du Secrétaire général sur la protection des civils méritent dêtre considérées et appliquées. Mais la mise en uvre de ces recommandations devrait se faire de manière juste, équitable et consistante. Les civils, où quils soient, devraient recevoir les mêmes mesures de protection physique, si lon veut préserver la crédibilité du Conseil. La Namibie accorde une attention particulière aux recommandations relatives à la prolifération des armes et à leur impact dans les conflits armés, de même quà la fourniture de lassistance humanitaire. Le flot incontrôlé non seulement darmes légères, mais aussi de tous types darmes de plus en plus sophistiquées dans les zones de conflit, doit faire lobjet dun examen particulier. Les pays producteurs darmes, y compris de mines, ne devraient pas les transférer dans des régions où des conflits armés sont latents ou se déroulent. De même, il est important, sur cette même considération, que les Etats Membres sassurent que leurs citoyens naillent pas servir comme mercenaires dans les zones de guerre.
La Namibie soutient les recommandations relatives aux besoins spéciaux de protection des femmes et des enfants, et pense que des mesures spéciales devraient être mises en place pour les préserver des horreurs auxquelles ils sont exposés au cours des conflits. Mais les personnes déplacées sont aussi un poids social et économique énorme pour les pays voisins dans lesquels elles se réfugient, notamment en Afrique. Aussi la communauté internationale doit-elle fournir aux communautés daccueil et aux réfugiés un soutien consistant. La protection des civils est liée à la capacité de lONU de déployer rapidement ses troupes de maintien de la paix. Seuls un déploiement en temps opportun et un mandat adéquat peuvent améliorer le sort des civils assiégés durant les conflits armés.
Le représentant a appuyé lappel du Secrétaire général en faveur de la ratification de la Convention de 1994 sur la sécurité du personnel de lONU et des personnels associés, et sest prononcé pour la mise en place dun Protocole visant à étendre la protection juridique à tous les personnels. Il a soutenu pleinement le texte de résolution que le Conseil examine aujourdhui.
M. ARNOLDO LISTRE (Argentine) a déclaré que la question de la protection des civils dans les conflits armés est l'un des problèmes les plus préoccupants à l'ordre du jour du Conseil et qui nécessite une réponse urgente. L'expérience récente montre que les civils ne sont plus seulement des victimes des conflits armés, mais des cibles sciemment choisies. Le Conseil ne doit pas se contenter de condamner ces actes indécents, mais trouver le moyen d'empêcher qu'ils se reproduisent. Pour ce faire, la communauté internationale s'est dotée de nombreux instruments et de normes permettant d'affronter du point de vue juridique ces situations. Malheureusement, cette grande évolution juridique n'est pas allée de pair avec le respect des normes dans la pratique et il faut redoubler d'efforts pour combler le fossé dans ce domaine. S'agissant plus précisément de la protection physique, on n=ða malheureusement pas connu un développement comparable et il y a là également une lacune à combler.
Pour l'Argentine, il importe d'abord d'instaurer une communication fluide entre le Secrétariat et le Conseil, afin que ce dernier puisse être en possession de toutes les informations nécessaires à une prise de décisions, rapide et appropriée, permettant éventuellement une action préventive. Pour ce faire, le Conseil doit disposer d'un ensemble de règles claires relatives à la protection des civils qui prévoient notamment des mesures de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des combattants, de lutte contre le trafic des petites armes et aussi de contrôle des médias qui incitent au génocide, au crime ou aux violations des droits humanitaires et humains. Il convient aussi d'accorder toute l'attention nécessaire à la protection des personnels des Nations Unies et des personnels humanitaires, qui sont trop souvent pris pour cible. C'est pourquoi l'Argentine appuie l'élargissement du domaine d'application de la Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé. M. Listre a estimé que le Conseil doit prendre note des résultats de la réflexion du Groupe de travail sur la question et assumer un véritable rôle de guide et d'éclaireur en la matière en mettant en uvre l'élaboration de mécanismes et de mesures répondant aux recommandations du Secrétaire général.
Mme PATRICIA DURRANT (Jamaïque) a souligné qu'il ne fait aucun doute que la gravité des crises actuelles, qui découle en partie de la différence toujours plus difficile à faire entre les civils et les combattants. Cette situation exige que nou redoublions d'efforts dans l'élaboration et l'adoption de mesures efficaces, a-t-elle dit. A cet égard, le succès que remporteront les efforts du Conseil de sécurité dépendra en grande partie de notre volonté à prendre des mesures audacieuses dans plusieurs domaines clés. Il convient notamment de veiller à ce qu'une protection et une assistance spéciales pour des groupes vulnérables, en particulier les femmes et les enfants, soient intégrées aux mandats des opérations de maintien, de la réalisation et de la construction de la paix. A cet égard, la Jamaïque soutient vivement l'inclusion dans les accords de paix et dans les mandats des opérations de maintien de la paix, de dispositions précises visant le désarmement, la démobilisation et la réintégration notamment des enfants soldats. Il convient de conserver l'élan qui a été donné jusqu'à présent dans ce domaine. Ensuite, la question de l'impunité doit être traitée de façon ferme par le Conseil afin de dissuader les parties aux conflits de toute violation future des droits de l'homme. A cet égard, l'adoption de mesures appropriées, y compris des embargos sur les armes, pourrait représenter un moyen important et efficace pour parvenir à cet objectif. Il faudrait également que le Conseil améliore l'effet des sanctions sur les groupes ciblés tout en minimisant leurs effets non intentionnels sur les civils. Il conviendrait par ailleurs de n'épargner aucun effort pour que les missions de maintien de la paix soient dotées de mandats appropriés et de ressources adéquates. Dans tous ces domaines, il reste encore beaucoup à faire mais une coopération accrue entre le système des Nations Unies, les organes régionaux et les organisations non gouvernementales sera essentielle si nous voulons assurer une démarche globale face à la protection des civils en période de conflits armés. La démarche holistique que devrait adopter la communauté internationale devrait comprendre la mise en place de mécanismes de collecte d'informations et d'alerte précoce appropriée.
M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine), sassociant à la déclaration de lAzerbaïdjan, a estimé que la résolution que sapprête à adopter le Conseil de sécurité représente une étape majeure dans le travail de cet organe et reflète le consensus grandissant entre les membres de la communauté internationale quant aux moyens dassurer la protection des civils dans les conflits armés. Le texte réaffirme que le Conseil est en droit dagir et agira lorsque des attaques délibérées contre les civils comme des violations systématiques et évidentes des droits de lhomme et du droit international humanitaire menaceront la paix et la sécurité internationales. En se limitant aux recommandations du Secrétaire général relatives à la protection physique des civils et en ne se prononçant pas sur les autres aspects de la question, le Conseil laisse lexamen de ces derniers à davantage dEtats Membres, établissant ainsi un précédent pour ses travaux futurs, a-t-il observé. Le représentant a insisté sur la nécessité détablir un document de travail qui définisse clairement les principes et les critères ainsi que les mécanismes concrets selon lesquels le Conseil de sécurité donnera son autorisation pour des mesures de prévention des conflits armés à lintérieur des Etats dès leurs premières manifestations. Cette régulation des interventions pourrait favoriser lunanimité du Conseil, en particulier des membres permanents, lors de la prise de décision.
Bien que le projet de résolution ne traite pas des aspects juridiques de la protection des civils, M. YelChenko a rappelé la nécessité daccélérer la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, seul mécanisme démocratique viable et universel destiné à renforcer le respect du droit humanitaire international. De même, il a approuvé lélaboration dune loi relative aux crimes de génocide. La Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé est également un instrument dimportance et lUkraine soutient ladoption dun protocole additionnel qui permettrait détendre son champ dapplication. La finalisation du projet de protocole additionnel à la Convention sur les droits de lenfant imposant un âge minimum pour lenrôlement denfants dans les conflits a par ailleurs été saluée, par le représentant.
M. KARIM ANWARUL CHOWDHURY (Bangladesh) a rappelé que depuis presque un an l'attention du Conseil de sécurité à la protection des civils n'a cessé de croître et aboutit aujourd=hui à l=élaboration du texte qu'il s'apprête à adopter. Le sujet traité est évolutif dans la mesure où la nature des conflits et donc les besoins de protection des civils évoluent, a affirmé le représentant. La tâche qui consiste à identifier la réaction adéquate du Conseil doit donc aussi évoluer. Adopter un ensemble de mesures préconçues ne peut, de l'avis du Bangladesh, constituer la panacée, même si des éléments demeurent invariables d'une situation à l'autre. Le représentant s'est félicité que la résolution envisage les moyens d'examiner les situations au cas par cas et les besoins spécifiques de chacun, y compris les enfants, les femmes et les personnes déplacées à l'intérieur des frontières. Mais plus avant, le Bangladesh estime que le cadre juridique international actuel doit être intégré au cadre juridique des Etats. Il appuie également l'amélioration de la capacité de déploiement rapide et préventif de l'Organisation. Le représentant a estimé que l'accent mérite d'être mis sur les situations dans lesquelles les civils sont délibérément menacés et pris pour cibles. Il a insisté pour que les opérations de maintien de la paix comprennent une composante média afin de diffuser des informations sur les droits de l'homme ainsi que sur leurs tâches propres. M. Chowdhury a exprimé son soutien à l'établissement, en cas de besoin, lorsque nécessaire, de couloirs et de zones de sécurité ainsi qu'à la prise de mesures de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des anciens combattants, y compris des enfants soldats. Il faut en outre, impérativement, prévoir la formation des personnels en matière de droits de l'homme et de droit humanitaire international. Le Bangladesh attend avec impatience le rapport du groupe d'experts menés par M. Lakdar Brahimi.
M. CHEICKNA KEITA (Mali) a estimé que la protection des civils dans les conflits armés demeure un sujet de préoccupation majeure pour la communauté internationale. Les attaques contre les civils et le personnel humanitaire menacent la paix et la sécurité internationales et il importe d'adopter une attitude cohérente, globale et conforme à la Charte. Les actes délibérés que sont les violences contre les civils dans les conflits exigent une plus grande implication des Nations Unies et des organisations présentes sur le terrain, mais surtout de l'Etat dans lequel ces actes ont lieu. La protection physique passe par le renforcement de la protection juridique. A cet égard, le représentant a plaidé en faveur de l'adoption d'un nouveau cadre juridique prenant en compte la situation et les besoins particuliers des groupes les plus vulnérables, notamment les femmes et les enfants, les personnes déplacées et le personnel humanitaire.
Le représentant a exprimé ensuite sa vive préoccupation à l'égard de l'impact humanitaire des sanctions. Toute nouvelle sanction devrait donc tenir compte de la protection humaine et être ciblée. Le Mali estime aussi qu'il convient de lutter contre la prolifération des armes légères et de petit calibre, qui symbolisent les souffrances des populations civiles. Il faut pour cela arrêter les flux illégaux de petites armes et aussi de mines antipersonnel. La communauté internationale qui a jusqu'à présent montré son impuissance à faire respecter les embargos doit réagir pour endiguer ces phénomènes, a insisté le représentant, avant d'ajouter que la tenue en 2001 de la conférence sur les armes légères devrait apporter très certainement des réponses. Le représentant a insisté sur la nécessité de concevoir des opérations de maintien de la paix à caractère pluridimensionnel, et fortes de mandats précis couvrant tous les domaines, y compris une meilleure surveillance des camps de réfugiés. Il a plaidé pour le renforcement d'une action concertée entre l'ONU et les organisations régionales et de l'intervention rapide et préventive. L'ambition ultime doit être de prendre en compte la protection économique, sociale et culturelle des personnes, car il ne fait plus de doute qu'il existe un lien entre sécurité physique et sécurité économique. L'une des étapes pour cela passe par la fin de la culture de l'impunité, a-t-il conclu.
M. LLOYD AXWORTHY (Canada) a souligné qu'il est impératif d'adapter la pratique internationale de manière à faire de la sécurité des personnes - c'est-à-dire leurs droits, leur sécurité et leurs vies - une priorité collective. C'est notamment ce qui a inspiré la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel et ce qui a donné l'impulsion à la création de la Cour criminelle internationale. La promotion du programme de sécurité humaine était également l'un des objectifs poursuivis par le Canada en briguant un siège au Conseil de sécurité, a souligné M. Axworthy. Aujourd'hui, le Conseil adoptera une mesure qui assurera une plus grande cohérence de cette activité, qui définira une nouvelle ligne de conduite efficace pour le Conseil en ce qui concerne la promotion de la sécurité des personnes. Cette résolution ne signifie pas que l'Etat est une notion dépassée. Au contraire, a indiqué M. Axworthy. D'une part, la sécurité humaine n'affaiblit pas la souveraineté mais la conforte en renforçant les institutions et les comportements démocratiques, tolérants et ouverts; et d'autre part, l'Etat demeure l'instrument le plus puissant pour entreprendre une action collective. Toutefois, la résolution traduit une évolution dans la vision du Conseil - la sécurité des personnes n'est plus un sous-produit, mais une pièce maîtresse de ses travaux.
M. Axworthy a rappelé l'existence d'un mouvement en faveur d'une adaptation du recours aux régimes des sanctions, afin qu'elles servent à renforcer plutôt qu'à diminuer la sécurité des personnes. Les dispositions de la résolution favorisent cette pratique, en prévoyant des références procédurales additionnelles en ce qui concerne les opérations de maintien de la paix, le recours aux sanctions et l'échange d'information entre le Conseil de sécurité et le système onusien et ses membres. Le texte devant nous - a indiqué M. Axworthy - transmet un message fondamental: les personnes - et non pas seulement les Etats - sont au coeur des relations mondiales. Cependant, ce n'est manifestement pas un message sans défis importants, et l'accueil qui lui a été réservé n'a pas été des plus enthousiastes. Ceux qui ont subi le colonialisme et tout autre intervention étrangère dans leurs pays pourraient être sceptiques. Toutefois, la prévention des abus et l'arrêt des atrocités sont des questions qui les touchent aussi car elles influent manifestement sur la stabilité dans leur territoire. D'autres soutiennent que la promotion de la sécurité humaine détourne l'attention et les fonds de la priorité beaucoup plus fondamentale qu'est le développement. Cependant, loin de s'exclure mutuellement, la sécurité humaine et le développement humain représentent en fait les deux côtés d'une même médaille. Nous savons pour la plupart ce qui est nécessaire: des réactions plus rapides, plus fermes et plus efficaces, a souligné le représentant. En fin de compte, a-t-il poursuivi, cela nécessite une volonté politique et l'utilisation de ressources considérables. Ni l'une ni l'autre n'est inépuisable, et l'empressement de la communauté internationale à s'en servir pour promouvoir la sécurité humaine demeure une question ouverte. Grâce à cette résolution, la sécurité humaine fera partie intégrante des travaux du Conseil, chaque fois qu'il envisagera de prendre des mesures.
M. ANTONIO MONTEIRO (Portugal), au nom de lUnion européenne et des pays associés, a noté que dans son Rapport du Millénaire, le Secrétaire général écrit que les conflits récents ont surtout violé les peuples des pays concernés et non pas forcément leurs frontières ou intégrité territoriale. Le Conseil de sécurité fait, de ce fait, face à un besoin croissant de protection des personnes et des communautés contre les affrontements qui éclatent dans leur proche voisinage. LUnion européenne pense que le Conseil de sécurité devrait clairement déclarer dans ses résolutions que lassistance humanitaire doit parvenir aux populations civiles sans aucun obstacle ou empêchement, et que les parties en conflit devraient pleinement coopérer avec lONU pour assurer cet accès. La sécurité et des personnes chargées de fournir laide humanitaire doit être pleinement garantie.
Alors que les hommes forment le gros des troupes combattantes, les femmes et les enfants sont, de manière disproportionnée, affectés par les conflits. Les besoins spécifiques des femmes, des enfants, des personnes âgées et des handicapés devraient être pris en compte dans les camps de personnes déplacées et de réfugiés, dans les mandats des opérations de maintien de la paix et, quand cela est possible, durant les négociations sur les accords de paix. Le caractère humanitaire de ces camps et des zones de recasement devrait être strictement respecté et on devrait envisager dy déployer des observateurs militaires et autres personnels quand on saperçoit que ces camps sont utilisés à des fins militaires. LUnion européenne soutient la recommandation du Secrétaire général selon laquelle les Etats concernés par la situation des 25 millions de personnes vivant en situation de réfugiés dans le monde, doivent suivre les conseils juridiques contenus dans les Principes directifs sur les déplacements internes. La protection juridique des civils dans les conflits peut aussi être améliorée, et lUE soutient pleinement lappel du Secrétaire général pour la ratification de tous les instruments majeurs du droit humanitaire international et des droits de lhomme et des réfugiés. Nous demandons que soient retirées toutes les réserves qui affaiblissent la protection des civils et que soient prises toutes les mesures législatives, juridiques et administratives en vue de mettre en application les différents instruments. Le Conseil de sécurité pourrait aussi jouer un rôle important pour convaincre les Etats Membres qui ne lont pas encore fait, de ratifier la Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et des personnels associés. On devrait sérieusement considérer linclusion des personnels localement recrutés, qui sont indispensables au fonctionnement des opérations de maintien de la paix, dans les termes de ce texte.
LUE demande à tous les Etats Membres de soutenir pleinement les activités des deux tribunaux ad hoc existants, notamment en ce qui concerne larrestation et la traduction devant leurs instances des personnes accusées. Nous demandons à tous les Etats qui ne lont pas encore fait de signer le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, dont laction sera cruciale. LUnion européenne encourage le Secrétaire général à faire davantage usage des prérogatives que lui confère lArticle 99 de la Charte. Toute menace à la paix et à la sécurité internationales doit être portée à lattention du Conseil de sécurité, et le déploiement de missions préventives devrait être considéré partout où cela est possible. A cause de la rapidité dévolution des conflits, les Nations Unies doivent être prêtes à planifier et déployer rapidement leurs opérations. Celles- ci doivent être déployées aussitôt que possible sur le terrain, avec les ressources nécessaires à laccomplissement des mandats qui leur sont confiés par le Conseil.
M. YEHUDA LANCRY (Israël) s'est félicité des mesures prises en Sierra Leone et en Angola en faveur de la protection des civils et s'est déclaré favorable aux initiatives visant l'intégration des anciens combattants dans la société civile, au déploiement de forces de maintien de la paix là où les civils sont menacés et à l'accroissement de la composante de police civile des missions de maintien de la paix. Il a rappelé que ces mesures pratiques commencent par une mesure juridique : il faut que l'on identifie comme un crime distinct la prise pour cible des civils. Il est important de pénaliser les actes de violence à l'encontre des civils, qu'ils soient le fait de troupes gouvernementales ou de milices, et les Etats Membres se doivent de rendre ce type de pratiques illégales. Il a ensuite condamné la pratique désormais courante qui consiste à utiliser les civils comme boucliers et qui devrait, elle aussi, être jugée comme un crime.
Le représentant a mis en garde contre les campagnes médiatiques menées dans l'intention de nuire à un groupe ethnique en indiquant qu'elles ont souvent pour auteurs les mêmes groupes armés qui lancent des attaques contre les civils. C'est pourquoi, a-t-il ajouté, il importe que les Etats agissent pour prévenir la diabolisation d'un groupe de population avant qu'elle ne dégénère en violence. Si les civils ne peuvent en aucun cas être la cible d'opérations militaires, ils sont en revanche la première cible des opérations de maintien de la paix.
Tous les efforts de réconciliation entre les Etats et les parties en conflit doivent s'accompagner d'efforts visant à normaliser les relations entre les populations et les sociétés afin d'instaurer un climat favorable au respect de la vie civile et de la dignité humaine.
M. SUH DAE-WON (République de Corée) a appelé le Conseil de sécurité et la communauté internationale à prendre rapidement des mesures concrètes pour combler le fossé croissant qui sépare le droit humanitaire international de la réalité. En premier lieu, le cadre juridique devrait être assorti de mesures garantissant son respect, car il est crucial dinstaurer une culture de lapplication du droit. La Cour pénale internationale devrait aussi jouer un rôle important dans ce domaine, a-t-il indiqué, en précisant que son pays avait signé le Statut de la cour le mois dernier. Il faudrait également envisager lapplication de mesures coercitives pour permettre larrestation des personnes accusées par les tribunaux internationaux spéciaux. Invitant tous les Etats qui ne lont pas encore fait à ratifier la Convention de 1994 sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé, Le représentant sest déclaré convaincu quil faudrait en étendre la portée à toutes les catégories de personnel humanitaire, y compris le personnel embauché localement.
Favorable à une meilleure utilisation de la surveillance préventive des zones de conflit potentiel, le représentant a estimé urgent de renforcer la capacité de réaction rapide des Nations Unies et dinclure dans les mandats des missions de maintien de la paix la protection de laide humanitaire aux civils. Pour ce faire, il a appelé tous les Etats à participer plus activement au Système des forces en attente. Il importe aussi de doter les opérations de maintien de la paix de mandats plus précis et plus clairs. Pour ce qui est du recours aux sanctions, le représentant a souligné la nécessité de minimiser leur impact humanitaire par limposition de sanctions mieux ciblées et assorties de mécanismes dévaluation périodique. Il convient également de développer le recours aux sanctions intelligentes et dappliquer plus strictement les embargos sur les armes, en prenant notamment des mesures plus sévères pour contrôler les flux darmes légères et de petit calibre dans les régions de conflit. La Corée, a-t-il ajouté, continuera dappuyer les travaux du Conseil visant à renforcer la crédibilité et lefficacité des sanctions tout en minimisant leur coût humanitaire. Le représentant a insisté sur la nécessité de garantir le caractère civil des camps de réfugiés et sest déclaré favorable au déploiement dobservateurs militaires internationaux.
M. KISHORE MAHBUBANI (Singapour) a déclaré que le premier objectif des Nations Unies est de prévenir les conflits ou, aux termes de la Charte, "préserver les générations futures du fléau de la guerre". Il a ajouté que le rôle des Nations Unies, dans le cas où un conflit se déclenche, et c'est un cas de figure qui peut se présenter à plusieurs reprises, est de s'assurer que les vies des civils entraînés dans ce conflit passent avant celles des soldats. Le représentant s'est toutefois demandé s'il s'agit d'un objectif réalisable. Il a observé que cela fait des milliers d'années que des civils sont tués dans des conflits armés. Il a ensuite souligné qu'au XXIe siècle, l'humanité est devenue plus civilisée mais que les guerres entre Etats ont été remplacées par des guerres à lintérieur des Etats. Il ne s'agit donc plus de soldats qui en tuent d'autres mais de voisins qui se tuent entre eux et d'amis qui s'entretuent. Le représentant a cité les cas du Rwanda, de la Sierra Leone et du Kosovo. Il a souligné que les normes de protection des civils et des combattants sont clairement établies dans les Conventions de Genève, ainsi que dans les autres instruments du droit international humanitaire, mais qu'il est difficile de les expliquer à des combattants qui sont souvent très jeunes, pauvres et illettrés. Il a douté que l'on puisse attendre de tels soldats qu'ils respectent ces normes. En outre, dans les "nouveaux" conflits, la norme entre combattants et non combattants est floue.
La solution à long terme de ce phénomène est de promouvoir le développement et l'éducation. Mais, entre-temps, que pouvons-nous faire pour sauver les vies des civils lorsqu'un conflit armé éclate, s'est demandé le représentant. Le rapport du Secrétaire général sur la protection des civils dans les conflits armés du 8 septembre 1999, le "rapport Carlsson" du 15 décembre 1999 sur le génocide au Rwanda en 1994 et le rapport du Secrétaire général sur Srebrenica du 15 novembre 1999 fournissent des solutions intéressantes à ce problème, a-t-il fait remarquer. Les peuples du monde jugeront les Nations Unies sur ses actions et non pas sur ses paroles. Il a estimé qu'à Srebrenica et au Rwanda, il semblait plus important de protéger la vie des soldats que celle des civils. Ce choix en citant le Représentant permanent des Pays-Bas, M. Peter Van Walsum, qui aurait déclaré en substance qu'un pays dont le contingent militaire a souffert des pertes importantes finira par ressentir des pressions, de la part de son parlement et de ses médias, pour que ses soldats soient rappelés. Plus de telles pressions sont prévisibles et plus il est probable que ce contingent soit pris pour cible par les parties opposées aux opérations de paix.
M. Mahbubani a insisté sur le fait que, pour sauver des civils il faut disposer de forces militaires efficaces, et de fonds pour financer ces contingents. Il a rappelé que les contribuables australiens ont accepté de payer 1 000 dollars australiens supplémentaires d'impôt pour financer l'opération de maintien de la paix au Timor oriental. Il s'est demandé combien de contribuables des autres démocraties sont préparés à faire de même. Notant également le décalage entre les nobles idéaux qui sont évoqués dans le présent débat et les décisions pénibles que prend le Conseil, le représentant a regretté que le mandat de la MINUC en matière de protection des civils ait été délibérément formulé en des termes encore moins contraignants que dans le mandat attribué précédemment à la MONUSIL. Le représentant a souligné les ressources considérables, notamment en termes de personnel et de financement, qui doivent être engagées pour protéger les civils dans les conflits armés et déploré que l'on charge le Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies d'élaborer des politiques viables et cohérentes tout en le privant des moyens nécessaires.
M. HIDEAKI KOBAYASHI (Japon) a fait remarquer que le déplacement forcé des civils fait partie des questions de paix et de sécurité étant donné que la paix, la réconciliation et la reconstruction au sein des communautés ravagées par la guerre dépend de leur réintégration. De plus, sil nest pas pris en compte, le problème du déplacement interne des populations ne provoque pas uniquement des instabilités internes mais peut compromettre la stabilité de toute une région. Le Japon soutient lapproche adoptée par le Représentant du Secrétaire général pour les personnes déplacées à lintérieur des frontières, M. Francis Deng, inspirée de la conviction quêtre souverain cest aussi être responsable. Si un gouvernement nest pas en mesure dassumer ses responsabilités pour des raisons politiques, économiques ou autres, la communauté internationale peut venir à son aide avec son consentement et son appui, a expliqué M. Kobayashi, qui a souhaité que les efforts de M. Deng soient davantage soutenus financièrement.
Le nombre croissant de personnes déplacées et les activités menées par les organismes humanitaires suggèrent quen matière de sécurité, la réponse apportée au problème des personnes déplacées à lintérieur des frontières est encore trop faible. Lorsque les réfugiés et les personnes déplacées à lintérieur des frontières le sont pour les mêmes raisons ou que les réfugiées traversent les frontières pour rechercher asile dans des endroits où des populations ont déjà été déplacées internement, le Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés pourrait utiliser ses connaissances et ses capacités pour protéger les populations déplacées. Le représentant a suggéré quon pourrait ainsi obtenir une utilisation plus efficace des ressources et un allègement des procédures bureaucratiques.
Les efforts faits pour coordonner les actions humanitaires des Nations Unies et dautres organismes sont encourageants même sil nexiste pas de méthode idéale pour protéger les civils dans les conflits armés, a fait remarquer le représentant. Chaque conflit possède son histoire et sa géographie, et le mode daction des organismes des Nations Unies et autres organes internationaux diffère chaque fois, pendant et après les conflits. M. Kobayashi a recommandé que lorgane qui a le plus de connaissance et qui se trouve le mieux positionné sur le terrain soit désigné comme responsable. Le Japon a réitéré son soutien à la recherche dune solution au problème des personnes déplacées à lintérieur des frontières.
M. ABOUL GHEIT (Egypte) s'est opposé à ce qu'au sein des Nations Unies, le Conseil soit la seule instance à à examiner la question de la protection des civils en temps de guerre. Il a demandé que le rapport du Secrétaire général sur la question soit dûment transmis à l'Assemblée générale dans le cadre de ses prérogatives en matière de bien-être humain. En examinant cette question, le Conseil doit pleinement respecter l'équilibre délicat entre les organes principaux des Nations Unies tout en tenant compte des autres organisations qui s'occupent de la question. Pour l'Egypte, les prérogatives du Conseil, en ce qui concerne la question à l'examen aujourd'hui, se limitent aux situations dans lesquelles les civils sont visés par les belligérants ou dans lesquelles l'aide humanitaire est entravée sciemment. Le représentant a lancé un appel pour qu'en la matière, les mêmes mesures soient appliquées pour tous les pays. Le Conseil ne peut donc réagir que si les violations du droit humanitaire international et des droits de l'homme aboutissent à une menace à la paix et à la sécurité internationales. Il ne faut donc pas confondre le droit humanitaire international et les idées avancées dans certains milieux qui, du reste, n'ont toujours pas recueilli le consensus international.
Il faudrait donc poursuivre les efforts pour mettre au point des critères précis qui permettront de déterminer quand une violation des normes internationales constitue une menace à la paix et à la sécurité, afin d'éviter que les membres permanents du Conseil puissent imposer leurs idées aux autres membres des Nations Unies. Le Conseil doit se confiner au cadre établi par la Charte et éviter de se livrer à des interprétations libres de cette Charte. Le représentant a insisté sur le fait que tout différend interne ne peut être automatiquement considéré comme une menace à la paix et à la sécurité internationales et a appelé les organisations humanitaires à oeuvrer selon les principes de neutralité et d'impartialité comme l'exigent la Charte mais aussi la résolution 182/46 de l'Assemblée générale. L'octroi de l'aide humanitaire ne peut se faire qu'avec le consentement des pays concernés et selon le respect de la souveraineté, de l'intégrité, de l'indépendance politique et des lois internes. La création des couloirs de sécurité et autres zones sûres doit se faire sur cette base, a dit le représentant avant de souligner que l'action humanitaire ne saurait en aucun cas répondre aux objectifs politiques d'un Etat ou d'un groupe d'Etats.
Les personnes déplacées sont une partie intégrante de la population civile à laquelle s=ðappliquent les mêmes instruments internationaux, a dit le représentant en s'opposant à l'"invention" de nouvelles normes. Lorsqu'il lance des opérations d'établissement des faits, le Conseil doit être prudent et doit se fonder sur les précédents afin d'éviter la politique de deux poids, deux mesures ou toute sélectivité dans l'action. Il a souligné la nécessité pour le personnel humanitaire d'être doté de moyens adéquats, comme l'a démontré la situation à Srebrenica.
M. JENO STAEHELIN (Observateur de la Suisse) a fait remarquer que la multiplication de situations durgence complexes et prolongées, observées récemment en Somalie, en République démocratique du Congo, en Angola, au Burundi, en Sierra Leone, en Afghanistan et dans beaucoup dautres pays, défie les bases sur lesquelles ont été élaborés les instruments des droits de lhomme et du droit international humanitaire. Le respect des dispositions de ces instruments juridiques est largement fondé sur la responsabilité des Etats alors même que nous constatons que les acteurs armés non étatiques (groupes armés, milice privées, etc.) ont tendance à se multiplier. Il est hautement préoccupant de constater que, dans les conflits internes les plus récents, les civils ne sont pas seulement les victimes mais quils deviennent les cibles des belligérants. Le représentant a souligné quil importe dassurer le respect du droit et des principes humanitaires par les acteurs armés non étatiques. Evidemment cela pose des problèmes concrets, a-t-il ajouté, tel la reconnaissance de ces acteurs en tant que sujets du droit international ou la question de la légitimité qui leur est accordée en les engageant dans un dialogue politique. Pourtant ces groupes armés exercent souvent un pouvoir important sur le territoire placé sous leur contrôle et peuvent être appelés à assurer la protection de la population civile.
La Suisse estime quil est urgent détablir un contrôle plus étroit sur la présence et le transfert des armes légères et de petit calibre, ceci tant par des mesures préventives que normatives. Le Conseil de sécurité pourra également contribuer à ces efforts et donner une impulsion positive à tous les partenaires concernés, a suggéré le représentant, évoquant la nécessité dengager plus étroitement les acteurs économiques, et en particulier le secteur privé à la recherche de solutions durables aux conflits armés. En outre, lélaboration et le respect de codes de conduite ainsi quun travail approfondi dans le cadre du Pacte mondial proposé par le Secrétaire général pourraient également apporter des solutions novatrices.
M. JASSIM MOHAMMED BUALLAY (Bahreïn) a demandé à ce que l'on continue à prêter plus d'attention aux souffrances des civils dans les conflits armés qui nécessitent une action immédiate et prompte. Il importe que les parties en conflit respectent le droit humanitaire international et il faut prendre des mesures immédiates pour obliger les combattants à respecter les droits des civils. Il a rappelé qu'il existe un consensus pour condamner ceux qui prennent les civils pour cibles et a cité les précédentes décisions du Conseil rappelant les obligations vis-à-vis des civils et les instruments relatifs aux droits de l'homme. Il a souligné l'importance de traduire en justice les responsables de violations des droits des civils et de garantir le libre accès de l'aide humanitaire, ainsi que de protéger le personnel des Nations Unies et le personnel associé. Il a insisté sur la nécessité de s'intéresser de plus près à la prolifération des armes légères et de petit calibre. Les Etats qui exportent ce type d'armes devraient assumer une plus grande responsabilité pour ce qui est du contrôle de leur flux. Il a affirmé qu'il importe de s'assurer de l'application des mesures visant à la protection des civils. Il faut aussi se garder de porter préjudice aux Etats, c'est-à-dire qu'il faut respecter leur souveraineté et intégrité territoriale.
M. ELDAR KOULIEV (Azerbaïdjan), s'exprimant au nom du GUUAM (Géorgie, Ukraine, Ouzbékistan, Azerbaïdjan et République de Moldova), s'est félicité des recommandations du Secrétaire général sur les moyens dont le Conseil pourrait user pour améliorer la protection des civils dans les conflits armés. Il a inscrit la discussion d'aujourd'hui dans le cadre plus large de la résolution des conflits et de la réconciliation. Il a distingué la question de la protection de la population civile de celle de l'application du droit humanitaire international relatif aux actions des organisations humanitaires amenées à agir pour la protection des civils. Il a regretté, alors même que le droit international se renforce, la tendance actuelle à prendre les civils pour cibles et la multiplication des génocides et autres types d'épuration ethnique dans les conflits actuels. Il a réitéré que la population civile ne devrait, en aucun cas, être prise pour cible quelle que soit la nature du conflit. Ces pratiques ne font qu'élargir la zone de conflit et creuser la haine ethnique, a-t-il observé.
Le représentant a abordé la question des personnes déplacées qui constituent le groupe le plus vulnérable dans les conflits et a affirmé qu'il importe d'assurer le retour des personnes déplacées et veiller à leur sécurité lorsque le conflit armé risque de reprendre et de réduire à néant les efforts en faveur de la paix. Etablissant les liens entre les conflits actuels et les extrémismes religieux ou ethniques, le représentant a fait mention du terrorisme grandissant qui touche les populations civiles. A cet égard, il a appuyé la proposition de l'Ouzbékistan pour la création d'un centre international contre le terrorisme. Dans le même ordre d'idées, il a insisté sur la nécessité d'enrayer les flux massifs d'armes légères et de petit calibre et a demandé un renforcement des régimes d'embargos sur les armes. Il a appelé les pays exportateurs à se garder d'alimenter les zones de conflit.
Le représentant a fait valoir l'importance d'adopter aussi des mesures visant à assurer la réconciliation nationale et à restaurer la confiance entre les parties. Celles-ci doivent s'engager à respecter le droit international, à ne pas mener d'attaques contre les civils et veiller au bon acheminement de l'aide humanitaire. Le représentant a fait mention de la possibilité d'élaborer des cadres conceptuels pour favoriser le respect du droit.
M. ALFONSO VALDIVIESO (Colombie) a souhaité que la question de la protection des civils dans les situations de conflit armé soit également examinée par l'Assemblée générale et le Conseil économique et social. Les millions de personnes prises contre leur volonté entre les feux des conflits armés sont, à juste titre, sujets de préoccupations de la communauté internationale. La Colombie, a dit le représentant, se joint aux autres délégations pour condamner l'usage de méthodes interdites dans les conflits armés, telles que la prise d'otages, les attaques délibérées contre les civils et la faim utilisée comme instrument de guerre. S'attardant sur la question des armes légères, le représentant a appelé le Conseil de sécurité à se montrer plus énergique face au trafic illégale de ces armes. En ce qui concerne l'enrôlement des mineurs, il a fermement appuyé l'adoption du Protocole additionnel sur les enfants dans les conflits attaché à la Convention sur les droits de l'enfant. Le représentant a souligné que son pays a énoncé clairement qu'aucun mineur de moins de 18 ans ne peut servir dans les forces armées nationales. Il a donc catégoriquement condamné l'emploi de mineurs dans les armées et lancé un appel aux autres Etats pour une "attitude solidaire" visant à rejeter cette pratique.
Le représentant a poursuivi sur la nécessité d'impliquer davantage la société civile dans les missions de rétablissement de la confiance entre les belligérants que ce soit au commencement des conflits ou dans les phases de consolidation de la paix. Il a souhaité, à cet égard, la publication d'un manuel de bonnes pratiques. Abordant la question des sanctions, le représentant a souhaité une certaine prudence et un strict respect du droit international au risque, a-t-il dit, de créer une certaine confusion. Il a dit préférer un examen au cas par cas et le recours aux procédures de négociations avant toute décision d'imposer des sanctions. Rendant compte des résultats de la Conférence ministérielle du Mouvement des non alignés qui s'est tenue à Cartagena, le représentant a indiqué que les Ministres se sont prononcés sur le traitement réservé aux principes et normes du droit humanitaire et sur l'augmentation du nombre des réfugiés et des personnes déplacées. Ils ont lancé un appel aux belligérants pour qu'ils respectent les normes en vigueur et préconisé un plus grand effort financier, au niveau international, pour répondre aux besoins aux victimes. Les Ministres ont également souhaité qu'une distinction claire soit faite entre les actions humanitaires, les opérations de maintien ou d'imposition de la paix et les activités de développement, a dit le représentant avant de se féliciter de la résolution que le Conseil est sur le point d'adopter et de réitérer l'importance qu'il y a à ce que les autres organes des Nations Unies examinent aussi le meilleur moyen de protéger les civils dans les conflits armés.
M. MICHAEL POWLES (Nouvelle-Zélande) a estimé que la résolution que le Conseil est sur le point d'adopter montre l'intention de ses Membres de garder la question de la protection des civils en temps de guerre au centre de leur ordre du jour. Le droit humanitaire international actuel, a dit le représentant, comprend tous les principes nécessaires et les règles fondamentales pour guider l'action en la matière. S'il y a toujours des améliorations à apporter dans des domaines spécifiques, il n'en reste pas moins que les principes fondamentaux sont bien établis. Au cours de ces derniers mois, les normes internationales ont été élaborées plus avant avec le Protocole facultatif sur les enfants soldats attaché à la Convention sur les droits de l'enfant. Les enfants, a insisté le représentant, sont ceux qui portent les cicatrices de la guerre jusqu'à l'âge adulte en risquant ainsi de perpétuer la culture du conflit. Il est essentiel que des mesures particulières soient prises pour protéger les enfants des effets des conflits armés et prévenir leur participation. La nomination récente de spécialistes de la protection des enfants dans les missions de l'ONU en Sierre Leone et dans la République démocratique du Congo est une initiative dont le représentant s'est félicité.
Il a souligné que la difficulté à protéger les civils dans les conflits vient moins de l'absence de règles juridiques que du refus des belligérants de respecter la loi. Le manque patent de mécanismes contraignants est une lacune importante, a dit le représentant en espérant que la création prochaine de la Cour pénale internationale viendra changer les choses. La Nouvelle-Zélande, a-t-il poursuivi, est fermement résolue à ratifier le statut de la Cour et s'apprête à présenter au Parlement une législation tendant à mettre en uvre les différentes obligations contenues dans le statut. Après l'adoption de cette législation, le pays sera en mesure de ratifier le statut dans les prochains mois. Dans le même temps, le Gouvernement a décidé d'introduire le crime de génocide, le crime contre l'humanité et le crime de guerre dans le code pénal et de mettre en place une juridiction universelle qui permettrait la poursuite par les Cours néo-zélandaises de tout étranger coupable de ces crimes en Nouvelle-Zélande et de tout Néo- Zélandais qui n'a pas commis le crime en Nouvelle-Zélande. Le représentant a estimé qu'une telle mesure est particulièrement importante dans la période précédant l'entrée en vigueur de la Cour pénale.
Il a poursuivi en apportant son plein appui à l'élargissement du champ d'application de la Convention de 1994 sur la sécurité du personnel de l'ONU et du personnel associé et en déclarant attendre avec impatience le rapport du Secrétaire général sur la question, qui doit paraître au mois de mai 2000. Poursuivant sur les droits et libertés des personnes déplacées, le représentant a dit ne trouver aucune excuse aux Etats qui ne respectent pas les principes du droit humanitaire international en la matière, en particulier les "Principes directeurs sur le déplacement interne". Le représentant a terminé sur la question des réfugiés et souligné l'importance qu'il y a à séparer, dans les camps, les combattants et autres éléments armés des civils comme l'ont montré les situations dans la région des Grands Lacs ou au Timor oriental. Il a lié la question à l'accès du personnel humanitaire en considérant que la diversion ou la confiscation des biens humanitaires à des fins politiques est contraire aux principes humanitaires et devrait donner lieu à des sanctions appropriées.
M. MAKARIM WIBISONO (Indonésie) a souligné l'ironie que représente un monde dans lequel se sont multipliées les conventions internationales relatives au droit humanitaire et aux droits de l'homme et dans lequel les civils sont de plus en plus souvent pris pour cible. Reconnaissant qu'il est indispensable d'assortir le cadre juridique international de mesures garantissant son application, il a réaffirmé que le droit international n'a pas la primauté sur le droit interne des Etats et qu'il faut trouver un équilibre permettant de respecter, à la fois