CS/1175

L'IMPACT HUMANITAIRE DES SANCTIONS CONDUIT LE CONSEIL A CREER UN GROUPE DE TRAVAIL CHARGE D'AMELIORER LEUR EFFICACITE

17 avril 2000


Communiqué de Presse
CS/1175


L'IMPACT HUMANITAIRE DES SANCTIONS CONDUIT LE CONSEIL A CREER UN GROUPE DE TRAVAIL CHARGE D'AMELIORER LEUR EFFICACITE

20000417

En sa qualité de Président du Conseil, le Ministre des affaires étrangères du Canada, M. Lloyd Axworthy, a proposé, cet après-midi, la création d'un Groupe de travail chargé d'élaborer des recommandations sur la manière d'améliorer les sanctions imposées par les Nations Unies. "Les répercussions des sanctions sur des civils innocents ont conduit la communauté internationale à remettre en question la légitimité, la crédibilité et l'utilité de cet "important outil de l'action du Conseil de sécurité". Les 30 délégations, qui se sont exprimées au cours du débat, ont fait part de leurs idées pour inverser cette tendance. Pour Cuba, la solution ne peut provenir que d'une réforme du Conseil et, en particulier, de son processus de prise de décisions. L'application des sanctions ne saurait constituer un deuxième privilège qui viendrait s'ajouter au droit de véto, a souligné le représentant cubain. L'Iraq a, de son côté, réfuter l'idée défendue par certains d'élaborer en ce qui le concerne un "meilleur régime des sanctions". Le représentant iraquien a dénoncé cette idée comme une idée visant à faire de son pays "un laboratoire permanent de régimes de sanctions". Rejoint par la Libye, il a souhaité la levée pure et simple des sanctions imposées à son pays.

La levée des sanctions doit être directement liée à l'abandon du comportement que les sanctions visaient précisément, a dit le représentant des Etats-Unis, en jugeant important qu'en la matière, la charge de la preuve incombe à l'Etat visé. La levée des sanctions, a estimé pour sa part la Fédération de Russie, reste trop souvent assujettie à des considérations étroites comme le montre, en ce qui concerne certains pays sanctionnés, l'énumération de critères toujours nouveaux et non moins artificiels. Le bilan mitigé des sanctions et, en particulier, leur impact humanitaire, qui a été décrit par le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Kiera Prendergast, ont conduit les délégations, dont la France et la Chine, à accueillir avec satisfaction la proposition du Président du Conseil de sécurité, à savoir la création d’un Groupe de travail chargé de formuler les recommandations visant l’amélioration des sanctions.

Le Groupe, dont le rapport est attendu le 30 novembre 2000, a pour mandat d'étudier les rapports d'évaluation des sanctions avant et après leur imposition et de réfléchir à la manière de les cibler au mieux. Il doit surtout étudier la manière de recourir à une terminologie plus uniforme et plus précise dans les résolutions relatives aux sanctions, y compris les dispositions sur leur maintien et leur levée. Le Groupe doit également se pencher sur les questions de contrôle et de respect des sanctions et sur l'aide à apporter aux Etats en la matière.

(à suivre – 1a)

- 1a - CS/1175 17 avril 2000

Chargé, par ailleurs, d'analyser les effets non désirés des sanctions, le Groupe se penchera sur la question des dérogations humanitaires. Parmi les autres prérogatives du Groupe, on trouve l'analyse des méthodes de travail des comités des sanctions, de la capacité du Secrétariat des Nations Unies dans la mise en oeuvre des sanctions, de la coordination entre le Système des Nations Unies et de la coopération entre les organisations régionales et autres organisations internationales.

Le Royaume-Uni, a dit son représentant, ne jouera pas un rôle constructif au sein de ce Groupe mais il est disposé, si les autres membres du Conseil abordent la tâche dans le même esprit, à identifier les domaines où le Conseil n'a pas été à la hauteur et où les sanctions n'ont pas produit les résultats escomptés. Des délégations telles que le Pakistan, l'ex-République yougoslave de Macédoine et la Turquie, ont attiré l'attention du Conseil sur l'impact des sanctions sur les Etats tiers. La Bulgarie a chiffré à 10 milliards l'impact économique des sanctions imposées à la Bosnie-Herzégovine, à l'Iraq et à la Libye. Ces pays ont souhaité l'adoption de mesures compensatoires mais aussi des concertations plus systématiques avec le Conseil de sécurité avant toute imposition de sanctions.

Les représentants des pays suivants ont pris la parole : Bangladesh, Royaume-Uni, Etats-Unis, Ukraine, France, Namibie, Chine, Malaisie, Argentine, Pays-Bas, Tunisie, Mali, Jamaïque, Fédération de Russie et Canada. Les pays suivants sont également intervenus: Portugal (au nom de l'Union européenne et des Etats associés), Allemagne, Pakistan, Jamahiriya arabe libyenne, Italie, Suède, Australie, Bulgarie, Nouvelle-Zélande, Cuba, Iraq, ex-République yougoslave de Macédoine et Turquie. L'Observateur de la Suisse a fait une déclaration.

QUESTIONS GENERALES RELATIVES AUX SANCTIONS

M. KIERAN PRENDERGAST, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, retraçant l'évolution récente des régimes de sanctions, a fait état des doutes qu'ont soulevé l'application des sanctions économiques et leurs conséquences sur les civils et les Etats tiers. Il a insisté sur la nécessité de bien cibler les sanctions. Il importe aussi de les assortir de mesures pour protéger les Groupes vulnérables de leurs répercussions et de renforcer la capacité des mécanismes de contrôle. Il faut que le Conseil de sécurité et ses comités de sanctions disposent d'une évaluation globale des régimes de sanctions. Pour minimiser les conséquences humanitaires des sanctions, il est aussi possible de les assortir d'exceptions humanitaires et, pour minimiser leur impact sur les Etats tiers, il faut se souvenir des dispositions de l'Article 50 de la Charte qui prévoient que ces Etats peuvent faire appel au Conseil de sécurité.

Faisant part des leçons à tirer des sanctions appliquées au cours de la dernière décennie, le Secrétaire général adjoint a insisté sur l'importance de la clarté et de l'uniformité des libellés techniques des résolutions du Conseil de sécurité et sur la nécessité d'adopter la terminologie en vigueur dans l'économie. Il convient aussi d'être plus précis dans les libellés des embargos sur les armes et de les assortir d'un registre de produits et de services à double usage. En outre, il importe que les résolutions du Conseil précisent les critères permettant la levée des sanctions. Il a ajouté qu'il serait utile de mettre les ressources nécessaires à la disposition du Secrétariat pour effectuer les enquêtes et les missions d'évaluation et pour appuyer les efforts de contrôle des organisations régionales. Pour ce qui est du fonctionnement des comités de sanctions, il faudrait envisager une meilleure collaboration avec les institutions régionales et les institutions spécialisées de l'ONU. Le Secrétaire général adjoint a insisté sur la nécessité de renforcer également les capacités techniques du Secrétariat et coopérer avec les institutions financières internationales.

Abordant le rôle des Etats Membres, le Secrétaire général adjoint a indiqué que l'ONU pourrait fournir aux Etats Membres les conseils dont ils ont besoin pour appliquer les régimes de sanctions et pour modifier, si nécessaire, leur législation nationale pour se conformer au régime des sanctions. Il a insisté sur la nécessité de faire respecter les embargos sur les armes et d'en pénaliser les responsables des violations.

Pour ce qui est de l'application de sanctions "intelligentes", il est essentiel que l'ONU mette au point une démarche coordonnée et intégrée. Il convient de dépêcher des missions d'évaluation dans les Etats visés et de proposer des mesures pour minimiser leur impact négatif. Ces rapports doivent comprendre des directives visant les exemptions humanitaires et proposer des mesures en faveur des Etats tiers, visés par les dispositions de l'Article 50. En conclusion, il a souligné la nécessité de débloquer les ressources nécessaires pour faciliter le fonctionnement des comités de sanctions et pour assurer le suivi et l'évaluation

M. SHAMIM AHMED (Bangladesh) a estimé que les sanctions devraient être une voie de recours ultime pour assurer le respect des décisions prises par le Conseil de sécurité en vue du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Cependant, il est indéniable que la façon dont les sanctions sont appliquées actuellement suscite une insatisfaction généralisée, a-t-il poursuivi. Le représentant a ajouté que la crédibilité du Conseil pâtit d'une application inappropriée des sanctions. Il a déclaré que le fait que les sanctions soient peu efficaces ou, pire encore, que des innocents subissent le contrecoup de leur application, constitue un argument puissant en faveur de l'amélioration du mécanisme des sanctions. Il a salué la création d’un Groupe de travail chargé d'examiner les questions relatives aux sanctions. Il a recommandé que le Groupe de travail mette particulièrement l'accent sur quatre points. Premièrement, l'élaboration d'un régime de sanctions qui soit efficace tout en ayant peu ou pas de répercussions non intentionnelles. Pour ce faire, la question des exceptions humanitaires devrait être examinée de manière plus approfondie. Deuxièmement, le Groupe de travail devrait examiner en outre les manières de renforcer les capacités institutionnelles afin de mieux comprendre quels mécanismes fonctionnent ou ne fonctionnent pas, et afin que le mécanisme des sanctions élaboré soit efficace. Il va sans dire que le potentiel du Secrétariat doit être renforcé, et notamment grâce à une coordination accrue. Il est également indispensable que les effets des sanctions et leur efficacité soient régulièrement évalués, a ajouté le représentant. Il faut pour cela donner plus de moyens aux comités des sanctions afin qu'ils puissent suivre de près l'application des sanctions et examiner les allégations de violations. Troisièmement, en ce qui concerne les ressources adéquates, le représentant a suggéré que le Groupe de travail aborde la question des contributions volontaires, en même temps que tous les autres types de ressources indispensables à l'application des sanctions. Quatrièmement, a estimé le représentant, le Groupe de travail devrait réfléchir à la manière d'impliquer plus efficacement les Membres des Nations Unies et les autres acteurs dans l'application des sanctions. A cet égard, il a souligné la nécessité de fournir aux membres des Nations Unies les moyens techniques nécessaires au renforcement des institutions de contrôle et d'application des sanctions, afin de lutter contre le trafic illicite d'armes, d'imposer des restrictions sur les déplacements et d'identifier les violations ainsi que les sanctions financières.

M. JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a accueilli avec satisfaction la décision des membres du Conseil de créer un Groupe de travail chargé d'améliorer l'efficacité des sanctions imposées par les Nations Unies. Le Royaume-Uni ne jouera pas un rôle actif au sein de ce Groupe mais il est disposé, si les autres membres du Conseil abordent la tâche dans le même esprit, à identifier les domaines dans lesquels les sanctions n'ont pas abouti aux résultats escomptés. Faisant part de ses idées, le représentant a souhaité que les régimes de sanctions soient clairement définis, visent des objectifs réalistes et déterminent une stratégie de sortie claire. Les régimes de sanctions doivent aussi, selon le représentant, assurer une pleine mise en œuvre des sanctions en décrivant précisément la portée des biens et services sanctionnés. Les régimes doivent également être appuyés par un mécanisme efficace pour atteindre les objectifs visés, doivent être fréquemment réexaminés, afin de permettre de les mettre à jour ou de les adapter selon les besoins. Les régimes des sanctions doivent prévoir des mécanismes pour l'application des sanctions par tous les Etats et permettre d’envisager des possibilités de protéger les innocents des conséquences non souhaitées des sanctions. Le représentant a insisté sur le rôle des comités des sanctions qui, selon lui, doivent être aidés par le Secrétariat des Nations Unies. Il a demandé que soit mise en place une unité des sanctions qui bénéficierait des mécanismes nationaux d'information et d'enquête.

M. JAMES B. CUNNIGHAM (Etats-Unis) a souligné que les sanctions représentent un instrument approprié à la disposition de la communauté internationale pour lutter contre les menaces à l'ordre international. Pour le représentant, ces sanctions, une fois imposées, constituent des mesures coercitives qui ne sont pas prises à la légère. Comme tous les autres Etats Membres de l'ONU, les Etats-Unis auraient préféré ne jamais avoir recours à de telles initiatives, mais malheureusement, en la matière l'espoir ne suffit pas. Les sanctions ne représentent pas une fin, a poursuivi le représentant, qui a évoqué le lien entre leur efficacité et leur crédibilité. Il a insisté sur leur caractère ciblé et la qualité de leur mise en œuvre. Pour lui, la valeur des discussions que tient aujourd'hui le Conseil viendra de la volonté de promouvoir un accord qui puisse guider des efforts futurs pour élaborer et mettre en place des régimes de sanctions qui traitent du caractère unique des menaces spécifiques à la sécurité internationale. Tout modèle unique de sanctions est voué à l'échec, a estimé le représentant, en ajoutant que les régimes des sanctions doivent être soigneusement définis et conformes à une situation donnée.

Cela dit, le représentant a cité un certain nombre de principes sur lesquels doit se fonder tout régime de sanctions. Il a mis l'accent sur la nécessité d'anticiper et de minimiser l'impact, non souhaité, des sanctions sur la population de l'Etat visé, les pays voisins ou des pays plus éloignés. L'élimination complète des impacts non envisagés n'est pas un objectif possible, a dit le représentant pour expliquer sa préférence à une stratégie de minimisation. Le représentant a souligné la nécessité d'améliorer la capacité des Nations Unies, en particulier du Conseil de sécurité, à mettre en œuvre les régimes des sanctions avant de souligner que l'objectif en la matière doit être d'assurer le respect des sanctions. Partant, il a considéré que pour être efficaces, les régimes des sanctions doivent énoncer clairement les normes par lesquelles seront jugés les comportements inacceptables. La levée des sanctions doit donc être directement lié et ce, de manière transparente, à un changement de comportement. Pour le représentant, il est important, en la matière, de placer la charge de la preuve sur la partie sanctionnée. Si les sanctions ne doivent jamais être imposées à la légère, leur levée ne devrait pas non plus être due à un manque de détermination, de volonté ou de patience, a conclu le représentant.

M. VOLODYMYR YEL'CHENKO (Ukraine) a rappelé que des études récentes sur les sanctions ont démontré que la majorité des régimes de sanction imposés par le Conseil de sécurité pendant les années 1990 ont eu une efficacité politique moindre ou modérée, voire nulle. Appelant à la révision et à l'analyse des politiques et pratiques existantes dans ce domaine, le représentant a été d'avis que les sanctions ne devraient pas se substituer aux manières traditionnelles et reconnues de règlement des différends internationaux et des situations de conflit. Le recours aux sanctions devrait suivre et non pas précéder le recours aux autres moyens pacifiques de règlement des différents qui sont prévus par le droit international et la Charte des Nations Unies.

Evoquant les recommandations pratiques pour améliorer les travaux des comités de sanctions contenues dans la Note du Président adoptée par le Conseil le 29 janvier 1999, le représentant a regretté que peu d'entre elles aient été appliquées adéquatement, même les plus modérées.

Le représentant a souligné la nécessité de procéder à des améliorations techniques et administratives au sein du système des Nations Unies, et au premier chef du Conseil de sécurité, ainsi que parmi les Etats Membres, afin de renforcer l'application des sanctions et leur efficacité. Il a estimé qu'à moins de créer une instance permanente chargée d'examiner ces questions au sein du Conseil de sécurité, les efforts de la communauté internationale resteront fragmentés et sans effets. Les travaux des Comités de sanctions devraient bénéficier de l'expertise du Secrétariat des Nations Unies, a ajouté le représentant.

M. JEAN-DAVID LEVITTE (France) a estimé que les sanctions sont un instrument légitime qui permet de prendre des mesures intermédiaires entre la simple pression politique et le recours à la force. Pour cela, il importe de préserver la capacité du Conseil de recourir aux sanctions quand cela est nécessaire. Il a rappelé que lorsqu'elles sont bien utilisées les sanctions se sont révélées un outil efficace. Toutefois, des échecs ont été enregistrés dans l'application des régimes de sanctions globales dont le coût humain excède souvent les bénéfices que le Conseil peut attendre. Les sanctions globales sont souvent cruelles pour les populations et vont souvent à l'encontre du but recherché, car elles permettent aux dirigeants des Etats sanctionnés de renforcer leur emprise sur la société. En outre, ces sanctions frappent sans discrimination et ont souvent des effets négatifs sur les pays tiers. A cet égard, il a regretté que les effets économiques des sanctions sur les pays tiers ne sont pas suffisamment pris en considération.

Pour pallier à l'inefficacité des sanctions dans certains cas, M. Levitte a estimé qu'il convient d'examiner le dispositif institutionnel qui les accompagne, notamment en se demandant comment le Secrétariat et le Comité des sanctions pourraient faire plus. Il est indispensable que le Secrétariat soit doté de toute l'expertise nécessaire, ce qui passe par une augmentation de ses moyens humains et financiers. Le fonctionnement des comités des sanctions doit être modifié, a-t-il ajouté, en rappelant que rien dans la Charte ne les oblige à prendre des décisions par consensus. De plus, la transparence est également un concept que les comités ignorent. Les Etats tiers ou Etats cibles ne sont pas invités à s'exprimer devant les comités et les propositions faites dans ce sens par certains Etats Membres ont été rejetées, a-t-il regretté. Il a jugé l'audition d'intervenants extérieurs indispensable.

Il a estimé que l'évaluation des effets des sanctions sur les populations doit être systématique. Il existe des moyens plus efficaces pour faire respecter les décisions du Conseil, a-t-il souligné. Il a mis en garde contre la multiplication des régimes de sanctions, rappelant que les Nations Unies ont des difficultés pour faire appliquer ceux qui sont actuellement en vigueur. Il faut également veiller à la proportionnalité des mesures décidées et adapter les sanctions à l'évolution des situations qu'elles sont censées corriger. Pour ce faire, il convient de procéder à l'évaluation de leur adéquation tout au long de leur durée d'application, car la logique des sanctions n'est pas punitive mais incitative, a-t-il insisté. C'est pourquoi il importe de définir au préalable des critères clairs permettant de les alléger à mesure de l'évolution de la situation. Il a regretté que bien qu'il soit incontestable que l'Iraq se soit conformé à certaines de ses obligations, le Conseil n'a jamais examiné sérieusement la possibilité de réduire les sanctions contre ce pays. Il importe pour assurer leur légitimité de décider les sanctions pour une durée limitée et de prévoir qu'à l'issue de cette période, le Conseil sera appelé à prendre une nouvelle décision.

M. MARTIN ANDJABA (Namibie) a fait part de son sentiment que le processus déclenché aujourd'hui par le Conseil de sécurité arrive un peu tard, compte tenu, a-t-il dit, de la part des sanctions dans l'arsenal de maintien de la paix et de la sécurité internationales du Conseil de sécurité. Le Conseil devrait avoir suffisamment d'audace pour admettre que les choses ne fonctionnent pas et avoir le courage de corriger la tendance. Si les régimes de sanctions sont un des outils dont dispose le Conseil, il faut bien reconnaître, a insisté le représentant, que le bilan est au mieux mitigé. Un dilemme moral se pose en plus de plus souvent lorsque l'impact humanitaire des sanctions se révèle néfaste et que les préjudices et les pertes des pays tiers commencent à dépasser les objectifs à atteindre. Pour le représentant, les régimes des sanctions doivent comprendre d'emblée des dispositions pour leur levée. Il a appuyé la création d'un Groupe de travail du Conseil et a souhaité que tous les aspects des sanctions soient étudiés. Evoquant certains éléments à prendre en compte, le représentant a mentionné la nécessité de renforcer la capacité du Secrétariat de l'ONU à appuyer la mise en œuvre de sanctions ainsi que la capacité des présidents des comités des sanctions à se rendre dans les régions touchées. Le représentant a souhaité une évaluation de la situation humanitaire à toutes les étapes de mise en œuvre des sanctions et appelé le Conseil à entendre, sur une base régulière, les parties tierces, en soulignant qu'il y va de leur coopération. Le représentant a insisté que l'application de dérogations à titre humanitaire peut remédier, immédiatement, aux effets préjudiciables des sanctions. Il a souligné la nécessité de mettre en place un meilleur système de contrôle et d'imposition des sanctions ainsi qu'un système plus efficace de collecte de données. Il a ajouté que l'assistance aux Etats Membres dans la mise en œuvre des sanctions serait, comme l'a montré le cas des sanctions imposées à l'UNITA, une contribution importante à l'efficacité des sanctions.

M. WANG YINFANG (Chine) s'est déclaré favorable à la création d'un Groupe de travail informel chargé d'évaluer les sanctions décidées par le Conseil de sécurité et de mener une étude approfondie sur les moyens permettant d'améliorer les régimes de sanctions. Cette étude devrait mettre l'accent sur deux priorités, a-t-il estimé. Premièrement, il convient de renforcer l'efficacité pratique des sanctions, de procéder à une évaluation de leur impact avant leur adoption et de renforcer la coopération entre les pays et les institutions concernées. Deuxièmement, il importe de prendre en considération les conséquences humanitaires des sanctions. Le Groupe de travail devrait évaluer cet aspect des sanctions et proposer des solutions à ce problème, notamment par des exceptions humanitaires, l'analyse antérieure, l'évaluation a posteriori et la révision des régimes de sanctions en fonction de l'évolution de la situation visée. Il convient également de prévoir des critères clairs permettant la levée des sanctions.

Le représentant a rappelé que les expériences de cette dernière établissent un bilan mitigé de l'application des sanctions. C'est pour cela que la Chine estime que le recours aux sanctions doit être exceptionnel et que l'application unilatérale par un Etat de mesures coercitives, sans autorisation du Conseil de sécurité, est inacceptable. Il importe aussi que le Groupe de travail fasse des propositions sur les moyens de renforcer la capacité des comités de sanctions et d'améliorer leur fonctionnement.

M. AGAM HASMY (Malaisie) a déclaré que les sanctions, sans être expressément mentionnées dans la Charte des Nations Unies, restent un instrument légitime, n'impliquant pas l'emploi de la force armée, à la disposition du Conseil de sécurité contre les Etats dont les politiques et les actions constituent une menace à la paix ou la violent, ou constituent un acte d'agression. Toutefois, le Conseil doit à présent élaborer des régimes de sanctions qui fonctionnent efficacement et dont les répercussions non voulues sont minimales, a souligné le représentant. Il a déclaré que la Malaisie est contre l'emploi de sanctions contre un pays, à moins que le Conseil de sécurité, après examen détaillé de la situation, constate une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d'agression commis par ce pays et qui requiert une réaction collective directe de la part de la communauté internationale. Avant l'adoption de mesures de sanctions, a précisé le représentant, il convient d'élaborer un rapport d'évaluation anticipée de l'impact supposé qu'auront les sanctions prévues. Une fois que les sanctions sont imposées, elles devraient être évaluées périodiquement et leur impact devrait être mesuré dès les premiers temps de leur application. Le représentant a souligné la nature provisoire des sanctions aux termes de la Charte.

Le représentant a également relevé qu'à l'exception des sanctions générales qui frappent l'Iraq, le Conseil marque une préférence pour l'adoption de "sanctions ciblées" par lesquelles il vise certaines élites, Groupes d'individus ou entités afin de les obliger à respecter certaines dispositions ou de provoquer un changement d'attitude ou de politique. Dans ce contexte, a recommandé le représentant, il conviendrait d'évaluer les capitaux des élites visées et de les localiser. Il faudrait également déterminer quel type de sanctions peuvent avoir le plus d'effets sur les Groupes visés. Il a ajouté que les régimes de sanctions devraient comprendre les conditions à la levée de ces sanctions.

La Malaisie a de sérieuses réserves au maintien de sanctions au-delà d'une période déterminée car l'expérience a démontré que ces mesures agissent rarement sur les Groupes visés. Au contraire, a regretté le représentant, les sanctions ont provoqué une profonde souffrance chez les personnes "ordinaires". Parfois, les sanctions aboutissent même au renforcement de la position des Groupes contre lesquels elles sont dirigées, a-t-il observé.

En tant qu'alternative à l'emploi de la force armée, leur application doit tenir compte des principes de base du droit international humanitaire, et notamment du principe de "proportionnalité" dans les dommages infligés et de la "distinction" nécessaire entre les cibles civiles et militaires. A cet égard, le représentant s'est demandé si le Conseil de sécurité peut violer les droits économiques et sociaux et/ou civils et politiques au nom de la paix et de la sécurité internationales. Il a ajouté que les mesures coercitives, lorsqu'elles sont appliquées devraient être conjuguées avec des mesures concrètes incitant les pays visés à respecter les sanctions.

Soulignant le coût économique très élevé des sanctions tant sur les pays visés que sur leurs principaux partenaires économiques, le représentant a souligné la nécessité d'établir des compensations. De plus, pour que les sanctions soient efficaces, les Etats doivent s'engager dans des réformes légales. A ce propos, le représentant a déclaré que les sanctions globales imposées à l'Iraq depuis presque dix ans ont eu des effets dévastateurs et ont démontré qu'elles constituent un instrument qui viole les droits fondamentaux. Le représentant a conclu en apportant son soutien à la constitution d'un Groupe de travail chargé de développer les principales recommandations sur l'amélioration de l'efficacité des sanctions adoptées par les Nations Unies.

M. ARNOLDO LISTRE (Argentine) a reconnu, que d'un point de vue théorique, les régimes des sanctions constituent un outil important du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il a relevé que ces dernières années, le Conseil a eu recours aux sanctions non seulement plus souvent mais aussi face à des situations de plus en plus nombreuses. Pour rendre les sanctions plus efficaces, le représentant a estimé qu'il convient de revoir la manière dont le Conseil les conçoit. Il faut donc analyser au préalable le caractère réalisable des attentes et accepter aussi des évaluations périodiques pour déterminer si les conditions sont toujours réunies ou s'il convient de les modifier. Les différentes dispositions de l'Article pertinent de la Charte n'ayant pas de caractère punitif, il faut éviter d'imprimer un tel caractère aux sanctions et envisager, pour ce faire, des solutions de rechange. Le représentant a souhaité que dès les premiers stades, le Conseil prévoit des critères objectifs de levée des sanctions dont dépend d'ailleurs, selon lui, leur légitimité. Plaidant que tout soit mis en œuvre pour faciliter la mise en œuvre des sanctions, le représentant a souligné le rôle essentiel du Secrétariat en la matière et celui des comités des sanctions. Il a jugé utile, à cet égard, d'harmoniser la terminologie des résolutions. Le représentant a plaidé pour un mécanisme de contrôle et pour une diffusion plus large des informations afin de sensibiliser l'opinion publique aux buts des sanctions. Il a plaidé pour l'élaboration de sanctions plus ciblées et une affectation adéquate des ressources humaines et financières suffisantes en arguant que les sanctions doivent s'adapter aux besoins qui en découlent. Pour conclure, le représentant a insisté que les sanctions seront violées ou revêtiront pour certains un caractère anodin tant qu'elles seront perçues comme des mesures punitives ou que leur non-respect ne sera suivi d'aucun effet. M. JOOP W. SCHEFFERS (Pays-Bas), s'associant tout d'abord à la déclaration faite par le représentant du Portugal au nom de l'Union européenne, a souligné que le recours aux sanctions en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies est un instrument indispensable dans les relations diplomatiques internationales, à la fois pour prévenir les conflits armés et pour les régler pacifiquement. Toutefois, a estimé le représentant, les sanctions doivent faire partie d'une stratégie globale visant à provoquer des changements au sein du pays ou de l'entité visés. En tant que mesures coercitives aux termes du Chapitre VII de la Charte, les sanctions ont inévitablement des répercussions multiples, a-t-il également souligné. C'est pourquoi les "sanctions générales" et les mesures d'embargo commercial doivent impérativement comporter des exceptions humanitaires. Tous les régimes de sanctions en cours, à l'exception du régime qui frappe actuellement un pays particulier, sont ciblés et se concentrent sur des Groupes de personnes ou sur des activités économiques particuliers, et ils ne portent pas atteinte à la population. Bien que ces régimes n'aient pas tous eu les effets escomptés, les mesures de sanctions imposées à la Libye ont abouti au résultat désiré, s'est félicité le représentant. Il a conclu en soulignant le rôle essentiel que jouent les Comités de sanctions et la nécessité de renforcer les capacités du Secrétariat des Nations Unies dans ce domaine.

M. SAID BEN MUSTAPHA (Tunisie) s'est référé au consensus au sein de la communauté internationale sur la nécessité d'adapter la pratique des sanctions en vue de prendre en considération leur impact sur la population civile du pays ciblé et sur les pays tiers et d'améliorer l'efficacité des régimes de sanctions. Il a rappelé que les conséquences des sanctions peuvent aller jusqu'à la tragédie humanitaire et au blocage de l'économie entière d'un pays et a estimé que cette situation doit changer. Rappelant la réflexion menée au sein de l'Assemblée générale sur la question des sanctions, il a jugé que les solutions préconisées par l'Assemblée générale demeurent pertinentes et d'actualité et s'est félicité de la création d'un Groupe de travail du Conseil de sécurité chargé d'étudier cette question. Le représentant a suggéré qu'il convient de privilégier certains principes pour ce qui est du cadre conceptuel de la mise en œuvre de tout régime de sanctions. Ainsi, il faut réserver le recours aux sanctions comme ultime solution après l'épuisement de tous les moyens pacifiques, tracer des objectifs clairs et établir des conditions claires pour la levée des sanctions. Il importe également de prévoir la progressivité de la levée des sanctions en fonction de l'objectif recherché et envisager autant que faire se peut l'imposition de sanctions ciblées et de combiner les mesures de sanctions à d'autres moyens politiques dans le cadre d'une stratégie globale visant la réalisation des objectifs politiques tracés par le Conseil de sécurité.

Concernant l'impact humanitaire des sanctions, il importe d'évaluer préalablement cet impact sur les populations civiles, a-t-il déclaré. Cette évaluation devrait être faite périodiquement au cours de toute la durée d'application des sanctions. Il convient en outre de prévoir des exemptions, notamment en ce qui concerne la fourniture de produits humanitaires de base tels que les médicaments et les produits alimentaires. Envisageant l'impact sur les pays tiers visés par l'Article 50, le représentant a regretté qu'il n'y ait pas encore de mécanisme efficace pour compenser les pertes subies par les pays tiers. A cet égard, il a rappelé l'idée de créer un fonds de compensation qui avait été avancée dans le cadre de l'Assemblée générale, ainsi que d'autres mesures compensatoires spéciales, et a jugé nécessaire l'institutionnalisation d'une procédure appropriée.

Le représentant a ensuite abordé la question des méthodes de travail des comités des sanctions. Il a estimé nécessaire d'améliorer la transparence de ces comités, d'améliorer leurs relations et leur communication avec les Etats Membres et les organisations internationales. Il a encouragé la pratique des visites des présidents des comités de sanctions dans les régions concernées. Le représentant a ajouté qu'il convient de consacrer les ressources nécessaires pour doter le Secrétariat des Nations Unies de moyens techniques et administratifs pour lui permettre d'assurer le suivi et l'application des régimes de sanctions décidés par le Conseil. Il importe, a-t-il dit, d'ôter aux sanctions toute connotation punitive ou de représailles contre les peuples et de veiller à ne pas en faire un frein systématique au développement.

M. MOCTAR OUANE (Mali) a souligné la pertinence du recours aux sanctions comme moyen de pacification et de maintien de la paix, mais a rappelé que celles- ci ne devraient en aucun cas être imposées en vue de la poursuite d'intérêts nationaux particuliers. Il a estimé nécessaire de tirer les leçons d'une décennie d'imposition de sanctions et surtout de leurs graves conséquences sur le plan humanitaire. Ainsi, il importe d'examiner leur effet pervers à court, moyen et long terme. Le représentant a ajouté que les sanctions générales ont souvent des effets négatifs sur la capacité et les activités de développement des pays visés. Il s'est déclaré favorable à un meilleur usage des sanctions ciblées, en prêtant toutefois attention à leurs effets négatifs non recherchés. A cet égard, il s'est félicité de la création d'un Groupe de travail officieux du Conseil de sécurité chargé de formuler des recommandations concernant les dispositions à prendre pour renforcer l'efficacité des régimes de sanctions décidés par le Conseil de sécurité.

Le représentant a souligné l'importance de déterminer la durée des régimes de sanctions en tenant compte de l'objectif poursuivi pour ne pas pénaliser la population civile. Il a insisté sur la nécessité de réduire le plus possible les effets secondaires des sanctions, en particulier sur la situation humanitaire. Il convient de prévoir des moyens pour réduire les souffrances des Groupes les plus vulnérables, tout en gardant à l'esprit les situations d'urgence qui pourraient se présenter, en raison, par exemple, de flux massifs de réfugiés. Pour ce faire, le représentant a recommandé que l'assistance des institutions internationales et des organisations régionales et non gouvernementales soit sollicitée afin d'évaluer les vulnérabilités et les besoins humanitaires des pays visés. En outre, il importe que les comités des sanctions évaluent, à tous les stades de l'application des sanctions, leurs conséquences humanitaires sur les Groupes vulnérables. Il convient aussi d'aménager des mécanismes de dérogation afin de faciliter la fourniture de l'aide humanitaire et de faciliter la tâches des institutions compétentes et des organisations humanitaires.

Mme PATRICIA DURRANT (Jamaïque) a estimé que le recours aux sanctions a constitué dans de nombreux cas une solution de rechange utile par rapport aux interventions militaires. Mais dans bien des cas, a reconnu la représentante, les objectifs recherchés n'ont pas été atteints. Il faut donc prendre des mesures pour faire des sanctions un instrument plus approprié, a-t-elle dit, en soulignant d'abord la nécessité d'évaluer leur impact humanitaire dès le moment de leur conception. Elle a voulu que l'élimination de l'impact des sanctions sur les civils s'inspire des instruments internationaux. Elle a souligné l'importance qu'il y à prévoir des directives sur des dérogations à titre humanitaire et sur l'acheminement de l'aide humanitaire. Venant à la question de l'impact des sanctions sur les Etats tiers, la représentante a appelé le Conseil et le Secrétariat des Nations Unies à évaluer les besoins particuliers de ces Etats en vue d'assurer des aménagements. En ce qui concerne plus particulièrement le Conseil de sécurité, la représentante a souhaité une plus grande clarté dans les résolutions pour, a-t-elle dit, éliminer les interprétations subjectives en souhaitant aussi des critères clairs de levée ou de suspension des sanctions. S'attardant sur la question des embargos sur les armes, la représentante a encouragé une harmonisation des peines prévues en cas de violations. Elle a également invité le Conseil à recourir à des commissions d'enquête qui pourraient apporter des renseignements sur les responsables de violations des embargos, leurs sources de financement et leurs fournisseurs, pays ou particuliers. La représentante a terminé en plaidant pour le renforcement de la capacité du Secrétariat à aider à la mise en œuvre des sanctions.

M. GENNADI M. GATILOV (Fédération de Russie) a estimé que les sanctions représentent un outil important pour la paix et la sécurité dont l’utilisation doit se fonder sur une base juridique sûre et stable. La condition préalable à l'imposition d'un régime des sanctions ne saurait être autre chose que la définition d'une menace à la paix internationale. Le représentant a souligné que les sanctions doivent avoir des objectifs clairs, limités dans le temps et être accompagnées de conditions pour leur suspension ou leur levée. Le représentant a jugé important que les limites humanitaires des sanctions soient fixées au préalable et que tous les régimes de sanctions soient attachés à un règlement politique à long terme. Le représentant a poursuivi en qualifiant d'inadmissible le recours aux sanctions pour destituer ou changer des gouvernements légitimes. Les sanctions doivent être imposées non pas comme des châtiments mais pour amener un Etat à modifier son comportement. La réalité actuelle impose au Conseil de tenir compte des questions des droits de l'homme, de la position des organisations humanitaires et des ONG et de la nécessité d'adapter les sanctions à la situation du pays visé. Le représentant a regretté que les questions de l'imposition et de la levée restent assujetties à des préjugés qui font que l'on préfère retarder la levée de sanctions par l'imposition de critères toujours nouveaux et non moins artificiels. La politique de deux poids deux mesures en matière de sanction sapent l'autorité des Nations Unies, a dit le représentant, en promettant une démarche impartiale dans sa collaboration avec le Groupe de travail. A cet égard, le représentant a souhaité que le Groupe tienne compte des travaux de l'Assemblée générale en la matière en attirant l'attention sur un document présenté par son pays intitulé "conditions fondamentales et critères types d'imposition des sanctions et d'autres mesures coercitives et leur mise en œuvre".

M. LLOYD AXWORTHY, Ministre des affaires étrangères du Canada, a déclaré que si les sanctions sont essentielles aux efforts du Conseil pour protéger et faire progresser la sécurité des personnes, force est de constater que les résultats n’ont pas toujours été concluants. Le Ministre a cité le coût des sanctions, “parfois trop élevé en vies humaines”, pour expliquer la remise en question par la communauté internationale de la légitimité, la crédibilité et l’utilité de cet “important outil de l’action du Conseil de sécurité” que sont les sanctions. Le Ministre a conseillé de faire en sorte que les sanctions soient les plus efficaces possible tout en minimisant leurs conséquences pour les civils. Pour lui, les bonnes sanctions sont celles qui “offrent la combinaison la plus judicieuse possible de mesures punitives, de mesures dissuasives ainsi que d’incitatifs tout en accordant la plus grande importance aux préoccupations humanitaires”. Ces bonnes sanctions doivent reposer sur cinq critères, a dit le Ministre, qui a souligné la nécessité d’intégration des sanctions dans une stratégie générale du Conseil en matière de prévention et de résolution des conflits. C’est pourquoi, il faut non seulement bien définir toutes les modalités d’un régime de sanctions mais aussi le lier clairement à un processus de négociations.

Le Ministre a souligné en outre la nécessité de cibler les sanctions pour “éviter de faire du tort aux personnes mêmes que les sanctions doivent aider”. Il faut, a dit M. Axworthy, envisager les sanctions judicieusement et, à cet égard, se pencher tout particulièrement sur le recours aux embargos sur les armes. Une rédaction plus rigoureuse des textes, une surveillance plus stricte de leur application et un appui accru du Conseil à d’autres efforts, telle l’élaboration d’une convention contre le trafic des armes, permettraient de mieux contenir l’afflux destructeur des armes légères dans les régions en conflit. Il sied également, a poursuivi le Ministre, de conjuguer les sanctions avec d’autres mesures incitatives mieux ciblées comme l’aide étrangère, les prêts ou l’allégement de la dette, qui peuvent infléchir directement le comportement des intéressés ou encourager les personnes les plus disposées à appuyer le changement.

L’évaluation des sanctions avant leur imposition est importante, a estimé le Ministre, en plaidant pour une simplification des processus de demande d’exemption à des fins humanitaires et pour l’adoption d’une certaine souplesse dans l’application des sanctions. S’attardant sur le cas du régime des sanctions imposé à l’Iraq et soulignant que ce sont les civils et non le régime de Bagdad qui en subissent les conséquences, le Ministre a proposé la création par le Conseil de sécurité d’une sorte de collège de commissaires investi d’un mandat d’une durée limitée, chargé de mettre en relief les questions humanitaires et d’assurer la transparence des efforts dans ce domaine. Il devrait également avoir le mandat d’examiner régulièrement le respect des dispositions à caractère humanitaire de la résolution 1284 et de formuler des recommandations concrètes sur la façon d’améliorer ou de modifier, au besoin, le programme humanitaire.

Au titre du troisième critère, le Ministre a cité l’engagement et souligné que si l’efficacité des sanctions est tributaire de la volonté de la communauté internationale, il faut qu’elles reflètent la volonté de l’ensemble de cette communauté internationale et non seulement celle de ses membres les plus puissants. Le Conseil doit, en particulier, tenir compte des points de vue des pays tiers ou des régions situés à proximité d’un conflit qui en supportent souvent les conséquences les plus graves, tout en étant les moins aptes à le faire. Dans ce contexte, a estimé le Ministre, il serait possible d’organiser des conférences des pays donateurs pour répondre aux besoins particuliers de ce Groupe d’Etats Membres. Le Ministre a cité comme quatrième critère, la nécessité d’améliorer la capacité à mettre en œuvre les sanctions. Il a plaidé pour le renforcement de celle du Secrétariat des Nations Unies afin qu’il puisse aider judicieusement et pleinement le Conseil dans la mise en œuvre des sanctions et pour l’augmentation des ressources affectées aux comités des sanctions. Il faut conférer aux vérificateurs internationaux et aux commissions spéciales chargées d’examiner le respect des sanctions, une capacité institutionnelle et une autorité juridique accrues, qui leur permettront d’enquêter sur les violations, notamment en ce qui concerne les embargos sur les armes.

Le Ministre a relevé que les sanctions occupent une sorte de zone grise entre le droit humanitaire et le droit de la guerre. Il a donc jugé utile d’envisager l’élaboration d’un régime juridique précis qui pourrait contribuer à augmenter l’efficacité des sanctions. Il a donc annoncé que son pays a l’intention d’organiser une conférence d’experts chargés de concevoir un régime applicable aux sanctions, y compris des lignes directrices et des principes opérationnels uniformes.

M. ANTONIO MONTEIRO (Portugal), s'exprimant au nom de l'Union européenne et des Etats associés, s'est félicité de la possibilité de l'établissement d'un Groupe de travail officieux du Conseil de sécurité sur la question des sanctions. Reconnaissant l'accroissement du recours aux sanctions au cours de la dernière décennie, il a indiqué qu'il importe de s'assurer que les mesures adoptées par le Conseil de sécurité sont élaborées de façon à avoir un impact maximum sur les élites politiques des pays cibles et sur leurs capacités militaires, tout en ayant des conséquences limitées sur l'ensemble de la population. Il a rappelé les différentes réunions d'experts sur la question, notamment sur les sanctions financières (interlaken) et sur les sanctions intelligentes, les embargos sur les armes et les interdictions de déplacement (Bonn) qui ont élaboré des recommandations qui méritent l'attention du Secrétariat. Le représentant a estimé qu'il y a un consensus donnant la préférence aux sanctions intelligentes et que tous les efforts doivent être faits pour minimiser les conséquences humanitaires des sanctions. Ainsi, les régimes de sanctions économiques doivent prévoir des exceptions humanitaires. Il importe en outre que le Conseil de sécurité ou ses comités des sanctions procèdent à des évaluations périodiques de l'impact et de l'efficacité des sanctions.

Le représentant a souligné le rôle clé des comités de sanctions et du Secrétariat dans l'évaluation et le contrôle de l'application des régimes de sanctions. Il convient de fournir au Secrétariat les moyens techniques et financiers pour s'acquitter de sa tâche, a-t-il ajouté, et l'Union européenne est favorable au renforcement du personnel du Secrétariat dans ce domaine.

Le représentant a abordé le fonctionnement des comités de sanctions, estimant qu'il fallait leur permettre de participer plus efficacement à préparation de ces évaluations. Il a suggéré la création de Groupes de travail au sein des comités, dirigés par leurs présidents ou vice-présidents, qui seraient chargés de participer à l'évaluation de l'impact et de l'efficacité des sanctions. Pour ce qui est du contrôle de l'application des régimes de sanctions, M. Monteiro l'a jugé fondamental afin de prévenir leurs violations, garantir leur efficacité et minimiser leurs conséquences négatives sur la population civile. Il doit être confié aux comités des sanctions en coopération avec les Etats Membres, les organisations régionales et les institutions concernées. Pour faciliter l'application des résolutions du Conseil, le représentant a suggéré qu'il importe de recourir à une terminologie plus uniforme et plus précise dans leur rédaction. Il est également crucial de fournir une assistance technique aux pays tiers et voisins pour favoriser l'application des sanctions et prévenir leurs violations. Les visites de représentants des comités des sanctions, a-t-il poursuivi, sont également très utiles pour évaluer les besoins locaux et pour informer les Etats cibles sur les mesures qui les touchent.

M. DIETER KASTRUP (Allemagne)a indiqué que son Gouvernement, encouragé par les observations du Secrétaire général au sujet de la valeur des sanctions, a accepté le défi qui consiste à chercher des moyens de rendre plus intelligents les embargos sur les armes et les sanctions sur les voyages en les ciblant davantage. Au début de l'année dernière, le Ministère fédéral des affaires étrangères de l'Allemagne a demandé au Centre international de Bonn pour la Conversion d'organiser un processus de consultations comprenant des séminaires d'experts et des séries d'ateliers de travail. Le premier séminaire d'experts s'est tenu à Bonn au mois de novembre 1999 avec la participation de plus de 60 personnes venues de 21 pays. Cet événement a fourni une excellente occasion aux participants d'examiner les succès obtenus jusqu'à présent mais aussi les manquements actuels dans le domaine des embargos sur les armes et les sanctions sur les voyages. Il est prévu qu'un deuxième séminaire se tiendra à Berlin au mois de novembre prochain pour présenter les résultats et recommandations des quatre Groupes de travail sur l'application et le contrôle des sanctions. Le représentant a formulé l'espoir que ces résultats fourniront au Conseil de sécurité de meilleurs instruments dans l'éventualité où, à l'avenir, le Conseil de sécurité serait amené à imposer des sanctions aux termes du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. L'Allemagne, a conclu M. Kastrup, est fermement engagée dans le processus de sanctions ciblées en ce qu'il permettra de minimiser leur impact sur les populations civiles et les pays tiers. Lorsque cet objectif sera atteint, les sanctions imposées en vertu de la Charte des Nations Unies seront plus communément acceptées au sein des Etats Membres de l'Organisation.

M. SHAMSHAD AHMAD (Pakistan) a réitéré l'opposition de son pays à l'imposition de sanctions en donnant la préférence à la diplomatie préventive. Dans ce cadre, a précisé le représentant, les sanctions doivent devenir des mesures de dernier recours. L'analyse des sanctions, a-t-il poursuivi, doit être effectuée dans le contexte des buts et principes de la Charte des Nations Unies. Il apparaît clairement alors que les sanctions violent souvent les droits de l'homme et ont un impact certain sur les Groupes les plus vulnérables de la société. Il faut constater, a encore dit le représentant, que l'imposition de sanctions ne se fonde pas sur un critère unique. Certains pays ploient sous le poids des sanctions alors que d'autres, reconnus pour violer les résolutions du Conseil, ne sont pas tenus pour responsables, a dit le représentant, avant de dénoncer le fait que bien souvent, les sanctions sont imposées pour répondre aux intérêts nationaux. Ces faits exigent, a estimé le représentant, une évaluation objective de la situation avant toute imposition de sanctions. A cet égard, le représentant a souligné que, par le passé, les sanctions dites intelligentes ne se sont pas montrées assez intelligentes pour épargner les populations de leurs effets et a douté que les "sanctions ciblées", prônées aujourd'hui, puissent être imposées sans avoir d'effets secondaires sur les civils. S'arrêtant sur l'impact des sanctions sur les Etats tiers, le représentant a souhaité que le débat aille plus loin et qu'il envisage des mesures pratiques pour évaluer les dommages causés à ces Etats et étudier les moyens de leur offrir des compensations.

M. ISA AYAD BABAA (Jamahiriya arabe libyenne) s'est interrogé sur l'objectif réel des sanctions: s'agit-il de châtier un Etat ou d'appliquer les résolutions du Conseil de sécurité ? Les sanctions reflètent-elles la volonté de la communauté internationale ou celle d'un Etat motivé par son intérêt particulier, a-t-il demandé. Il a également posé la question de savoir si tous les moyens pacifiques ont bien été envisagés avant d'appliquer des sanctions. D'autre part, il faut se demander si les sanctions sont levées lorsqu'aucune menace ne pèse plus sur la paix. A cet égard, il a regretté que le Conseil n'applique pas strictement les dispositions de la Charte et a demandé à ce que toute plainte formulée par un Etat Membre du Conseil à l'encontre d'un Etat non membre soit examinée de manière transparente. Il faut que l'Etat concerné par les sanctions puisse faire entendre sa voix et qu'un Etat Membre qui serait partie à un différend respecte l'obligation de s'abstenir de voter sur cette question.

Le représentant a rappelé qu'un Etat qui subit des conséquences humanitaires négatives a le droit de soumettre son cas à la Cour internationale de Justice et que le Conseil doit se plier à la décision de celle-ci concernant la légitimité des sanctions. Le représentant a rappelé au Conseil son obligation d'aider un Etat victime de sanctions illégitimes à reconstruire son économie. Il l'a également mis en garde contre la politique de deux poids deux mesures et l'utilisation de sanctions pour faire pression sur les choix politiques des peuples.

En ce qui concerne le recours aux pressions politiques et économiques, le représentant a regretté que des pressions soient exercées sur les Etats Membres du Conseil pour les forcer à accepter à l'unanimité l'imposition de sanctions. Il a demandé instamment que les preuves des accusations soient examinées en détail et a cité l'exemple de son pays qui s'est vu imposer des sanctions sans aucune preuve des accusations avancées. Il a rappelé que la population de son pays souffre depuis 7 ans des conséquences de ces sanctions qui n'ont pas permis de régler le différend invoqué qui, en revanche, a été réglé par les moyens préconisés par la Charte. Il s'est inquiété du fait que les sanctions appliquées à son pays n'aient pas été levées alors même que la Libye a respecté ses engagements. Il a demandé la levée immédiate des sanctions contre son pays.

M. SERGIO VENTO (Italie) a déclaré qu’il est nécessaire de repenser le mécanisme des sanctions afin de le recentrer sur les objectifs qui lui sont assignés. A cette fin, il convient de privilégier le contrôle des flux financiers, des équipements militaires et des mesures stratégiques, de l’isolation des dirigeants politiques tout en garantissant les besoins vitaux des populations afin de garantir un maximum d’efficacité des sanctions contre le régime politique avec un minimum d’effets secondaires sur la vie civile. Cette approche ciblée devrait dans tous les cas être accompagnée d’une campagne d’information pour aider l’opposition démocratique et assurer une alternance politique viable. Il est essentiel d’éviter à l’avenir que des sanctions soient approuvées sans tenir compte de l’impact qu’elles peuvent avoir et des limites à y apporter. Il est important que les sanctions ne soient pas adoptées contre l’avis de la majorité des Etats Membres de l’Organisation et d’éviter que des agences du Système des Nations Unies condamnent dans leurs rapports les résultats des sanctions car ces divisions internes sapent le prestige et l’autorité de l’Organisation. Par conséquent, le débat sur les principes de la gestion des sanctions ne doit pas se faire seulement au Conseil de sécurité mais aussi à l’Assemblée générale dans le cadre du débat sur la réforme de l’Organisation car il est dans l’intérêt des Nations Unies et du mécanisme des sanctions de définir des règles claires et précises qui soient soutenues par un large consensus.

M. PER NORSTROM (Suède) a insisté sur la nécessité d'évaluer l'impact humanitaire des sanctions avant toute imposition et de prévoir des dispositions explicites pour des dérogations humanitaires. Après l'entrée en vigueur des sanctions, le représentant a jugé utile d'évaluer l'impact des sanctions sur une base régulière afin, a-t-il dit, de maintenir l'appui de la communauté internationale et donc l'application des sanctions. A cet égard, le représentant a estimé que pour lutter contre les violations des sanctions, il convient d'en identifier publiquement les responsables qu'il s'agisse d'Etats ou de particuliers. Montrer du doigt et faire honte, a insisté le représentant, peuvent être des outils de lutte précieux contre la violation des sanctions. Le représentant a souhaité une amélioration de la qualité des informations dont disposent les comités des sanctions. Il les a encouragés à recourir davantage aux ONG et aux experts. S'attardant sur la question des embargos sur les armes, le représentant a invité les pays à interdire la vente d'armes à des Groupes et à des gouvernements situés dans les régions à haut risque. Il a invité le Conseil à envisager plus fréquemment l'imposition d'embargos sur les armes contre les Groupes et les gouvernements impliqués dans des conflits et à prendre des mesures pour améliorer le contrôle, la diffusion d'informations et la mise en œuvre des sanctions sur le terrain. Pour le représentant, le Conseil doit notamment examiner les moyens d'assurer une coopération plus étroite avec les organisations régionales et les commissions d'enquête.

Mme PENNY WENSLEY (Australie) a reconnu la nécessité des sanctions qui font partie des outils à la disposition du Conseil de sécurité pour assurer la paix et la sécurité internationales. Toutefois, il faut tirer les leçons du passé et s'attacher à renforcer l'efficacité des sanctions tout en minimisant leurs conséquences humanitaires sur les populations civiles. Il faut prendre en compte que les souffrances des populations civiles sont également provoquées par les régimes politiques contre lesquels les sanctions ont été adoptées. Elle a suggéré que des dispositions permettent la levée progressive des sanctions à mesure que leur objectif est réalisé. Il convient de définir clairement les objectifs poursuivis par le Conseil de sécurité, d'évaluer périodiquement les conséquences humanitaires des sanctions et de prévoir une meilleure application des exceptions humanitaires par les comités des sanctions.

La représentante a estimé que la question des sanctions "intelligentes" doit être examinée attentivement. A cet égard, elle a rappelé la participation de son pays à plusieurs séminaires sur cette question qui ont proposé des recommandations en vue de développer et d'appliquer des sanctions qui ciblent plus efficacement les élites visées. Mme Wensley a insisté sur le fait que l'efficacité des sanctions repose sur la volonté des Etats. C'est pourquoi il convient, d'une part, d'aider les Etats à les appliquer quand c'est nécessaire et, d'autre part, de rendre compte des violations afin que le Conseil puisse agir rapidement. En outre, elle a indiqué que son pays est favorable à une augmentation des ressources mises à la disposition des comités des sanctions. A cet égard, elle s'est félicitée des mesures adoptées par le Conseil en vue d'améliorer le fonctionnement des comités des sanctions. En dernier lieu, elle s'est déclarée favorable à la création d'un Groupe de travail informel chargé d'élaborer des recommandations en vue d'améliorer l'efficacité des régimes de sanctions.

M. VLADIMIR SOTIROV (Bulgarie) a souligné que depuis l'entrée en vigueur de la Charte des Nations Unies, peu de questions ont été aussi importantes que celle de faire des sanctions un instrument approprié de la paix et du développement durables. La création d'un Groupe de travail est donc, pour le représentant, le meilleur moyen de rechercher des sanctions intelligentes ou des sanctions ciblées. En concentrant les sanctions sur les seuls dirigeants de l'Etat visé, il sera possible d'amoindrir les incidences des sanctions sur la population de même que des évaluations régulières de leur impact. Le Conseil doit appliquer les critères de proportionnalité en faisant en sorte que les sanctions soient compatibles avec les objectifs fixés. Le représentant a également mis l'accent sur la nécessité de mesurer l'impact social et économique des sanctions sur les Etats tiers. Il a indiqué, à cet égard, qu'à la suite des sanctions imposées à l'Iraq, à la Libye et à la Bosnie-Herzégovine, son pays a perdu quelque 10 milliards de dollars américains. Il a souhaité que les sanctions soient accompagnées d'efforts pour prévenir leurs incidences négatives et que des mécanismes spécifiques pour aider les Etats tiers soient adoptés. Le représentant a invité le Conseil à entendre l'évaluation des faits de ces Etats avant toute imposition de sanctions.

M. TREVOR HUGHES (Nouvelle-Zélande) a déclaré que le recours aux sanctions a considérablement augmenté au cours de ces dernières années, ce qui a mis en lumière de sérieux problèmes dans leur application, et particulièrement du fait qu’elles causent, involontairement, les souffrances de personnes innocentes et vulnérables. L’emploi des sanctions représente une action utile et peu onéreuse, qui se situe entre la censure diplomatique et l’usage de la force. Malheureusement, les sanctions peuvent être brutales, leur application n’est pas uniforme et leurs effets concrets sont mal connus, a regretté le représentant.

A ce propos, le représentant a rappelé que les élites des régimes autoritaires ont manipulé les effets des sanctions, qui ne les ont par ailleurs pas atteintes. Il a critiqué les effets des sanctions sur des civils innocents et sur les pays voisins de ceux qui sont frappés par des sanctions. Le représentant a recommandé que les sanctions visent des biens et des services importants pour les régimes et les élites qui menacent la paix et la sécurité internationales. En outre, les procédures d’approbation des exceptions humanitaires dans le cadre des régimes de sanctions devraient être remaniées et rationalisées. Les agences des Nations Unies et les organisations humanitaires devraient pouvoir s’adresser directement aux Comités de sanctions en ce qui concerne les exceptions humanitaires.

M. JENO C.A. STAEHELIN (Suisse) a constaté que cibler les sanctions à l’encontre des élites, des officiels de gouvernements et d’entités sélectionnées, a été identifié comme un objectif important pour renforcer l’efficacité des sanctions et pour alléger leurs effets secondaires indésirables. Il a indiqué qu’en tant que non-membre, la Suisse applique les sanctions des Nations Unies de manière autonome et qu’en tant que centre financier, elle porte un intérêt particulier à la question des sanctions financières. Les séminaires que la Suisse a organisés, connus sous le nom de “Processus d’Interlaken”, ont établi un lieu de dialogue entre représentants des gouvernements nationaux, des banques centrales, du Secrétariat des Nations Unies ainsi que du secteur bancaire privé et du monde académique et ont permis d’examiner des propositions concrètes pour améliorer les régimes des sanctions financières ciblées. Ils ont montré que les sanctions financières ciblées représentent un instrument efficace pour viser directement les décideurs des pays soumis à des régimes de sanctions.

Cependant elles ne suffisent pas à elles seules pour influencer le comportement des gouvernements et doivent donc être intégrées dans une stratégie d’ensemble comportant d’autres mesures ciblées tel qu’un embargo sur les armes, des restrictions de voyages ou de visa, etc. Le représentant a souligné que le choix des types de sanctions ainsi que les modalités de leur imposition dépendent d’une analyse minutieuse de la vulnérabilité du pays ciblé ainsi que de son élite et que la volonté politique de maintenir ces sanctions à long terme est indispensable.

Après avoir passé en revue les aspects pratiques et techniques des mesures à prendre pour assurer l’efficacité des sanctions financières ciblées, il a indiqué que la conclusion principale des séminaires d’Interlaken est que les sanctions financières ciblées sont techniquement réalisables mais qu’il est cependant nécessaire que des mesures concrètes, au niveau national et international ainsi qu’au Secrétariat des Nations Unies, soient prises pour les rendre plus efficaces.

M. RAFAEL DAUSA CESPEDES (Cuba) a estimé que la question des sanctions est liée à la réforme du Conseil de sécurité afin de garantir une application stricte de la Charte des Nations Unies. Il importe d'assurer que la décision d'appliquer des sanctions reflète bien la volonté de l'ensemble des Etats Membres et non de quelques-uns. L'application de sanctions ne saurait constituer un deuxième privilège qui s'ajouterait au droit de veto, a-t-il ajouté, en rappelant qu'il est urgent de réformer la prise de décisions du Conseil de sécurité et d'envisager son élargissement.

Il a regretté que certains Membres permanents du Conseil manipulent les régimes de sanctions en fonction de leurs intérêts économiques, géopolitiques et hégémoniques comme, par exemple, dans le cas de la Libye dont les sanctions n'ont pas été levées malgré le respect des résolutions du Conseil de sécurité ou dans le cas de l'Iraq dont les enfants meurent par milliers. Il s'est inquiété du fait que 70% des régimes de sanctions actuellement en vigueur touchent des pays d'Afrique alors que les pays en développement n'ont manifestement pas les moyens d'ébranler sérieusement la paix et la sécurité internationales. Citant l'exemple de l'embargo imposé à Cuba par les Etats-Unis, il a estimé que cet embargo constitue une violation flagrante des principes de la Charte des Nations Unies et du droit international, simplement parce que le peuple de Cuba a refusé l'impérialisme américain.

Le représentant a estimé que le seul moyen de garantir que les sanctions fonctionnent comme un instrument juste et efficace serait de renforcer les compétences de l'Assemblée générale dans le domaine de la paix et de la sécurité. Il importe de donner à l'Assemblée générale la possibilité de participer à la prise de décisions quant à l'adoption de sanctions et le contrôle de leur application. Il a rejeté l'application d'embargos qui n'atteignent jamais leurs objectifs et ont des conséquences graves sur les populations civiles. Il a également indiqué que les sanctions doivent avoir des objectifs clairement définis et qu'elles doivent être levées dès que ceux-ci sont atteints. Les régimes de sanction doivent également comprendre des mesures permettant de limiter leurs conséquences humanitaires sur la population et d'assurer que les capacités de développement des pays cibles ne sont pas atteintes. Il convient également d'évaluer régulièrement l'application des sanctions et de les modifier en fonction de la situation humanitaire. Il s'est indigné des modalités de fonctionnement des comités des sanctions qui souffrent du même manque de transparence que le Conseil de sécurité. En conclusion, le représentant a demandé une réforme du Conseil de sécurité et un rééquilibrage des pouvoirs avec l'Assemblée générale. Le Conseil doit prendre en considération les demandes des Etats Membres sur la nécessité d'établir des critères clairs pour l'application des sanctions et pour leur levée.

M. SAEED HASAN (Iraq) : Le monde étant devenu unipolaire, les Etats-Unis, qui sont dotés de moyens illégaux d'influencer les décisions internationales, ont pu imposer leur politique dont l'usage excessif des sanctions. Les Etats-Unis ont donc utilisé les Nations Unies comme un élément de leur arsenal politique et ont inauguré leur premier acte d'hégémonie sur l'Organisation par l'imposition de sanctions globales contre l'Iraq. Il faut dire, a rappelé le représentant, que les sanctions ont été décidées le 6 août 1990, soit quatre jours après le 2 août et de toute évidence, sans avoir épuisé les moyens pacifiques. Les sanctions interdisaient à notre Etat toute forme d'importations et d'exportations et les exceptions prévues n'avaient pas de contenu concret puisqu'il était interdit au pays d'effectuer des exportations qui lui auraient permis de se procurer les devises nécessaires à l'achat de médicaments et de nourriture. Parmi les raisons qu'ils ont invoquées pour encourager l'imposition des sanctions, les Etats-Unis ont cité l'absence dans la Charte des Nations Unies de solutions de rechange aux sanctions. Les sanctions imposées à l'Iraq, a souligné le représentant, ont entraîné une tragédie humanitaire comme l'illustre la mort d'1,5 millions d'Iraquiens. L'objectif des sanctions est de modifier un comportement et non de punir ou d'imposer quoi que ce soit à tout un peuple.

Dénonçant le caractère non démocratique du Comité des sanctions contre l'Iraq, le représentant a reproché à ce dernier de ne pas avoir tenu compte des améliorations apportées au régime des sanctions. Il faut croire, a dit le représentant, que le Comité des sanctions veut rester le seul à ne pas entendre la voix des ONG et autres organisations internationales qui plaident pour un allégement, voire une levée des sanctions. Il faut surtout regretter, a insisté le représentant, que le Président du Comité des sanctions se montre "plus royaliste que le Roi, les Etats-Unis". Lorsque le Conseil impose des mesures coercitives, a-t-il poursuivi, il doit garder à l'esprit le lien entre les responsabilités et les obligations internationales. Dans le cas de l'Iraq, les Etats-Unis ont forcé le Conseil à s'engager dans une voie contraire aux conventions internationales comme la Convention sur le crime de génocide. Le représentant a poursuivi en rejetant l'idée nourrie par certains de remplacer le régime de sanctions contre l'Iraq par "un régime intelligent". De tels appels, a estimé le représentant, ont pour objectif inavoué de faire durer les sanctions contre l’Iraq et d'en faire un objectif en soi. A dire vrai, il s'agit d'une tentative de faire de l'Iraq "un laboratoire permanent des régimes de sanctions".

L'Iraq a satisfait depuis longtemps aux exigences du Conseil, qu'il s'agisse, comme personne ne le conteste, du retrait du Koweït, ou de l'élimination des armes de destruction massive. A cet égard, l'UNSCOM et les Etas-Unis n'ont pas été en mesure de donner la moindre preuve du contraire. Ce qu'il faut maintenant, c'est d'envisager la levée des sanctions et non une simple suspension. Les sanctions, a insisté le représentant, ont été imposées au nom du Conseil de sécurité et les Membres du Conseil qui montreront la volonté de se délivrer de ce joug s'absoudront d'avoir participé au génocide d'un peuple entier et rétabliront la crédibilité des Nations Unies. Ils aideront aussi les Etats-Unis à prendre conscience de leurs crimes, à revenir sur la voie de la justice et à respecter la Charte des Nations Unies. Citant l'appui donné à la cause de son pays par les parlementaires russes et ceux de l'Union européenne, le représentant a conclu en déclarant qu'aujourd'hui personne ne saurait justifier le silence devant le crime commis contre le peuple iraquien.

M. NASTE CALOVSKI (ex-République yougoslave de Macédoine) a regretté que l'Article 50 de la Charte qui prévoit des mesures importantes pour les Etats tiers ne soit pas appliqué, ce qui a eu des conséquences négatives sur son pays au cours des dix dernières années. Il a imputé les problèmes de développement auxquels son pays est confronté à l'impact négatif des sanctions qui touchent également tous les pays de la région. Il a rappelé que les conséquences négatives des guerres en Slovénie, en Croatie, en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo sont bien connues de la communauté internationale qui ne fait pourtant rien pour assurer l'application de l'Article 50 de la Charte. Le Conseil doit demander une juste compensation des victimes du non-respect de cet Article, a-t-il ajouté, en insistant sur le fait que le Conseil doit aider ces pays s'il souhaite exiger leur respect des régimes de sanctions.

Pour favoriser l'application de l'Article 50, le représentant a suggéré que le Secrétaire général évalue, au préalable, l'impact négatif des sanctions sur les pays voisins. Cette évaluation doit être menée en collaboration avec les pays concernés, a-t-il déclaré, insistant sur le fait qu'il faut renforcer les capacités du Secrétariat en lui allouant les ressources humaines et financières nécessaires pour conduire cette évaluation. En outre, il a recommandé que le Conseil, au moment où il décide d'aplliquer des sanctions, demandent à la Banque mondiale, au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD) d'entreprendre des projets en vue d'alléger les effets négatifs des sanctions sur les pays concernés. Il conviendrait en outre de demander à tous les Etats Membres de participer à la compensation des Etats tiers victimes des effets négatifs des sanctions et d'organiser à cet effet une conférence des donateurs.

M. SAFAK GOKTURK (Turquie) a reconnu que les sanctions font partie des outils nécessaires en vue de restaurer la paix et la sécurité internationales. Toutefois la question de leur efficacité se pose. A cet égard, il a estimé qu'il faut se demander si les régimes de sanctions en vigueur sont bien ciblés et si tous les Etats concernés respectent leur application. Il a jugé légitime de s'employer à définir des moyens de mieux cibler les sanctions et de préserver les populations civiles.

Le représentant a abordé la question de la coopération internationale dans l'application des sanctions. Il a estimé qu'il convient que le fardeau soit partagé équitablement entre tous les Etats Membres. A cet égard, il importe d'évaluer les conséquences négatives des sanctions sur les Etats tiers dans le but de les alléger. Il a indiqué que son pays, du fait de son application stricte du régime de sanctions décidé à l'encontre de l'un de ses voisins, a connu d'importantes pertes économiques et sociales et a déposé une requête au titre de l'Article 50 devant le Comité des sanctions concerné. Il a également fait part du travail effectué par le Comité spécial de la Charte et du raffermissement du rôle de l'ONU et a rappelé les propositions formulées au cours des dernières années pour alléger le fardeau des Etats tiers et qui prévoient notamment d'accorder des exemptions commerciales, de prendre l'avis des Etats concernés et de donner la priorité aux entreprises des Etats tiers pour les investissements humanitaires dans les pays cibles.

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