DH/G/1311

LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME SE PENCHE SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN COLOMBIE

14 avril 2000


Communiqué de Presse
DH/G/1311


LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME SE PENCHE SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN COLOMBIE

20000414

Elle poursuit son débat sur les questions relatives aux populations autochtones

Genève, le 14 avril 2000 -- La Commission des droits de l'homme a tenu, ce matin, un bref débat sur la situation des droits de l'homme en Colombie, sur la base de rapport annuel sur la question présenté par Mme Mary Robinson, Haut- Commissaire aux droits de l'homme. La Commission a ensuite repris son débat sur les questions relatives aux populations autochtones.

Mme Robinson a déclaré que la situation des droits de l'homme s'est encore aggravée en Colombie. Soulignant les avancées réalisées par le Bureau du Haut- Commissariat aux droits de l'homme de Bogotá, elle a fait part de son intention d'amorcer de nouvelles discussions avec le Gouvernement colombien renforcer cette coopération. La Haut-Commissaire a souligné à nouveau la nécessité de mettre fin à l'impunité des auteurs de violations de droits de l'homme, notamment des personnes appartenant aux forces paramilitaires, mais aussi aux forces armées et à la police. La Haut-Commissaire a également insisté sur la nécessité pour le Gouvernement colombien de mettre en oeuvre les recommandations qui ont été faites par les différentes instances internationales en ce qui concerne la situation des droits de l'homme dans le pays.

Le représentant de la Colombie a indiqué que son pays partage les priorités et les préoccupations essentielles exprimées dans le rapport de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, qui déterminent d'ailleurs la politique nationale de promotion des droits de l'homme. Il a réitéré la détermination du gouvernement du Président Pastrana de combattre les groupes d'autodéfense par tous les moyens possibles. Il n'existe aucune relation institutionnelle entre l'État et les groupes d'autodéfense en Colombie, a en outre assuré le représentant.

Les représentants du Portugal (au nom de l'Union européenne) et du Canada ont fait une déclaration. Sont également intervenus les représentants des organisations non gouvernementales suivantes : Amnesty International; Fanciscain international, au nom de six organisations : Commission internationale des

juristes, Fédération internationale des droits de l'homme, Organisation internationale contre la torture, Robert Kennedy Memorial Center for Human Rights, Servicio Paz y Justicia en América Latina et Servicio International de los Derechos Humanos); Commission colombienne de juristes; Confédération internationale des syndicats libres, CISL; Fédération latino-américaine des associations de familles des détenus-disparus; Christian Aid; Association américaine de juristes; Human Rights Watch; Fédération internationale Terre des hommes.

Dans le cadre de l'examen des questions relatives aux populations autochtones, la situation des populations autochtones et les mesures prises en leur faveur par les gouvernements concernés ont également été évoquées par les représentants de ces États. De nombreux intervenants ont souhaité que la Commission décide cette année de la création d'une instance permanente pour les droits des populations autochtones au sein des Nations Unies. Plusieurs ont insisté sur la nécessité d'assurer, dans la composition de cette instance, une représentation fidèle et équitable des représentants des populations autochtones.

Les représentants des pays suivants ont fait une déclaration : Guatemala, Canada, Chili, Colombie, Équateur, Pérou, Mexique, Argentine, Venezuela. Les représentant des organisations non gouvernementales suivantes ont également pris part au débat : Grand conseil des cris; Fédération internationale des mouvements d'adultes ruraux catholique; Fédération mondiale pour la santé mentale; Centre Europe-tiers monde, CETIM; Conseil international de traités indiens.

La Commission des droits de l'homme achèvera cet après-midi son débat sur les questions relatives aux populations autochtones. Elle entamera ensuite l'examen du rapport de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Dans ce cadre, elle procédera à l'élection de la moitié de ses membres et suppléants.

Présentation du rapport de la Haut-Commissaire des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Colombie

MME MARY ROBINSON, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, présentant son rapport sur la situation des droits de l'homme en Colombie (E(CN.4/2000/11), a déclaré que cette situation reste grave. Le Gouvernement colombien doit relever de nombreux défis, parmi lesquels le rétablissement de la paix face à l'insurrection, l'établissement d'un État de droit et la lutte contre le trafic de la drogue. En Colombie, comme partout ailleurs, la communauté internationale doit insister pour que toutes les parties coopèrent et négocient en vue de parvenir à des solutions pacifiques, fondées sur le respect des droits de l'homme et du droit humanitaire. La Haut- Commissaire a fait valoir que le Bureau du Haut-Commissariat à Bogotá a réussi à se faire connaître dans le pays. Il pourrait s'occuper de nouvelles zones en Colombie. La Haut-Commissaire a fait part de son intention d'amorcer de nouvelles discussions avec le Gouvernement colombien pour savoir comment apporter de nouvelles pierres à l'édifice déjà construit parle Bureau. Dans ce contexte, elle s'est dite encouragée par le fait que le gouvernement a accepté la prorogation du mandat du Bureau jusqu'en avril 2002.

Mme Robinson a déclaré qu'en dépit des efforts de paix, la situation des droits de l'homme en Colombie s'est détériorée de façon significative. Les allégations de violations des droits de l'homme accusent les forces paramilitaires, mais également les forces armées et la police. Elle s'est dite profondément préoccupée par le fait que ces violations sont perpétrées en toute impunité. Il s'agit d'un problème fondamental qui doit être traité de façon urgente. Elle a exhorté les autorités à prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à la multiplication des violations de droits de l'homme par les groupes paramilitaires en poursuivant et en sanctionnant les coupables

La Haut-Commissaire aux droits de l'homme s'est félicitée de la décision du Gouvernement colombien d'écarter des rangs de l'armée les enfants âgés de moins de 18 ans. Elle déplore toutefois que les guérilleros continuent de recruter des enfants. La Haut-Commissaire a également insisté sur la nécessité pour le Gouvernement colombien de mettre en oeuvre les recommandations internationales pertinentes. L'année dernière, a-t-elle souligné, le Président de la Colombie a présenté sa politique de promotion, de respect et de garantie des droits de l'homme et du droit humanitaire, qui est un instrument adapté à la situation de crise du pays. Le Bureau du Haut-Commissariat est disposé à poursuivre le dialogue avec les autorités colombiennes pour déterminer comment faire progresser au mieux la situation des droits de l'homme dans le pays. La Haut-Commissaire a invité les gouvernements et la Commission européenne a renouveler, ou même à accroître leur soutien politique et financier du Bureau du Haut Commissaire des droits de l'homme en Colombie.

Débat sur la situation des droits de l'homme en Colombie

M. CAMILO REYES RODRÍGUEZ (Colombie) a rappelé que la création d'un Bureau du Haut Commissariat aux droits de l'homme en Colombie s'est faite sur proposition de son pays avec la conviction que le cadre indispensable d'une collaboration entre le système universel de protection des droits de l'homme et l'État colombien est celui de la coopération. Trois ans après l'établissement de ce bureau, le Gouvernement colombien tient à réitérer l'importance qu'il attache aux travaux de ce bureau, comme en témoignent le renouvellement pour trois ans, jusqu'en 2002, de l'accord concernant la présence de ce bureau ainsi que l'augmentation du nombre d'experts y travaillant. Le représentant colombien a indiqué que son pays partage les priorités et les préoccupations essentielles exprimées dans le rapport de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, qui sont d'ailleurs les mêmes que celles qui déterminent la politique nationale de promotion, de respect et de garantie des droits de l'homme et d'application du droit humanitaire international.

S'agissant du processus de paix, le représentant a notamment souligné les efforts déployés pour maintenir les conditions de dialogue et de négociation avec les FARC. Il a rappelé que lors de la réunion des pays non alignés il y a quelques jours, le Président Pastrana avait lui-même déclaré que le droit humanitaire international est un élément essentiel pour assurer la fiabilité et la durabilité du processus de paix. Le représentant colombien a souligné que le conflit armé sature l'appareil judiciaire, qui est débordé, entraînant l'impunité et créant une atmosphère généralisée de défiance à l'égard de l'administration de la justice et de défense armée, au plan individuel. Le conflit est en outre un facteur clef des menaces et violations affectant le droit à la vie.

D'autre part, a poursuivi le représentant colombien, le problème mondial de la drogue continue d'avoir de graves conséquences dues aux activités violentes liées au trafic de stupéfiants et à la persistance de la présence d'un tel trafic qui alimente non seulement de puissantes bandes organisées mais aussi des forces en marge de la loi. En ce qui concerne les groupes d'autodéfense, le représentant a réitéré la détermination du gouvernement du Président Pastrana de les combattre par tous les moyens possibles. À cet égard, a précisé le représentant, les manifestations de collaboration, de connivence ou de tolérance de la part de fonctionnaires de l'État n'obéissent en aucune manière à une quelconque politique institutionnelle ni à de quelconques instructions provenant d'une émanation de l'État. Au contraire, les actions des groupes d'autodéfense se sont même parfois orientées contre des fonctionnaires de l'État.

Le représentant colombien a souligné que, depuis l'an dernier, le processus de paix a progressé de manière significative. Il a rappelé que son pays a participé activement à l'adoption des textes des protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication des enfants dans les conflits armés ainsi que la vente et la prostitution des enfants. La Colombie a par ailleurs commencé la mise en oeuvre de l'accord signé avec le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés en vue d'aider les victimes des déplacements internes. Le Parlement colombien a en outre approuvé la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel. Le 25 février dernier, a été créé le Centre de coordination nationale de lutte contre les groupes d'autodéfense. Le pays a également approuvé un plan d'action pour la prévention des déplacements forcés.

M. ALVARO MENDOÇA E MOURA (Portugal, au nom de l'Union européenne et des pays associés) a appuyé les recommandations présentées par la Haut-Commissaire aux droits de l'homme dans son rapport. Le représentant a souligné que l'Union européenne prend note des intentions du Gouvernement colombien de présenter des idées concrètes pour un éventuel soutien au *ðPlan colombien+ð lors de la Conférence des pays donateurs qui se déroulera à Madrid cet été. En ce qui concerne les aspects relatifs aux droits de l'homme dans ce plan, l'Union européenne analysera les possibilités et les engagements en faveur de l'amélioration des droits de l'homme au regard de l'évolution de la situation en Colombie.

L'Union européenne demande aux autorités colombiennes de s'assurer que le nouveau code pénal soit en accord avec les exigences internationales et la jurisprudence constitutionnelle colombienne ainsi que de garantir que le code entrera en vigueur le plus tôt possible. L'Union européenne a fermement condamné les atrocités et les flagrantes violations des droits de l'homme du droit international humanitaire commises par les groupes paramilitaires contre les civils et surtout les enfants.

MME KERRY BLUCK (Canada) s'est dite vivement préoccupée par la détérioration de la situation des droits de l'homme en Colombie. La question la plus grave est celle de la collaboration entre des membres des forces armées et des groupes paramilitaires. Le Canada se félicite de l'adoption d'une stratégie nationale en matière de droits de l'homme et appelle le gouvernement à consacrer les fonds nécessaires à sa mise en oeuvre. Le Canada appuie pleinement le travail accompli par le Bureau de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme en

Colombie et exhorte les membres de la Commission a soutenir cette initiative importante par des gestes politiques et concrets. Le Canada demande au Gouvernement colombien de prendre les mesures appropriées pour assurer la protection, l'assistance, le retour et le relogement des personnes déplacées à l'intérieur du pays.

MME ISABELLE SCHERER (Amnesty International) a déclaré que la crise des droits de l'homme s'est gravement détériorée en Colombie en dépit des initiatives prises en faveur du processus de paix. Les principales victimes de cette situation continuent d'être les civils, en particulier les paysans qui vivent dans les zones disputées entre les forces gouvernementales, les organisations paramilitaires et les groupes d'opposition armée. Au moins 3000 personnes ont été victimes des violences politiques en 1999 et l'on estime à 250 000 le nombre de personnes déplacées. Les actions de groupes paramilitaires illégaux qui bénéficient de l'appui actif ou tacite des forces armées colombiennes se caractérisent par un grand nombre d'atrocités commises contre les civils. Le gouvernement n'a pas été à la hauteur des engagements qu'il avait pris pour démanteler ces groupes paramilitaires qui continuent d'agir en toute impunité dans le pays. Les forces armées colombiennes continuent d'être responsables de nombreuses violations des droits de l'homme, y compris de massacres de civils.

Quant aux groupes d'opposition armée, ils sont responsables de violations graves et persistantes du droit humanitaire international, y compris des offensives aveugles entraînant de nombreuses pertes civiles, le recrutement d'enfants et un nombre croissant d'exécutions arbitraires et d'enlèvements. Les défenseurs des droits de l'homme continuent en outre d'être victimes de harcèlement et d'attaques. Amnesty International demande donc à la Commission d'adopter une résolution dans laquelle elle réitérerait sa préoccupation devant la crise profonde des droits de l'homme en Colombie et exhorterait le Gouvernement colombien à prendre des mesures immédiates en vue de mettre pleinement en oeuvre les recommandations des Nations Unies.

MME CAROLINA PARDO (Franciscain international, au nom de six organisations : Commission internationale des juristes, Fédération internationale des droits de l'homme, Organisation internationale contre la torture, Robert Kennedy Memorial Center for Human Rights, Servicio Paz y Justicia en América Latina et Servicio International de los Derechos Humanos) a déclaré que depuis dix ans, les mécanismes thématiques de la Commission des droits de l'homme, les organes de vigilance des traités des droits de l'homme, la Commission interaméricaine des droits de l'homme et le Centre des droits de l'homme (aujourd'hui le Haut- Commissariat) ont recommandé la suppression de la cour militaire pour les affaires impliquant des civils et l'abolition de la *ðjustice sans visage+ð, l'incrimination pour des délits tels que disparitions forcées et la torture, et l'adoption de moyens efficaces pour éliminer l'impunité, combattre les groupes paramilitaires et aborder de façon adéquate la problématique des déplacements de populations. La coopération du Gouvernement colombien doit signifier avant tout l'application effective des recommandations internationales. La Commission doit presser le Gouvernement colombien dans ce sens.

MME INES MARGARITA UPRIMNY (Commission colombienne de juristes) a déclaré que le Gouvernement colombien ne coopère pas de façon adéquate avec la communauté internationale. Coopérer ce n'est pas seulement accepter la création d'un Bureau des droits de l'homme dans le pays, c'est mettre en oeuvre ses engagements internationaux. La non-application des recommandations de la Commission par le Gouvernement colombien, et notamment de celles qui exigent que les affaires de violations des droits de l'homme relèvent de la compétence des tribunaux ordinaires, a conduit à une détérioration de la situation des droits de l'homme en Colombie. La représentante a rappelé que l'État colombien doit démanteler les groupes paramilitaires et rompre les liens entre les forces armées et le paramilitaires. La Colombie connaît à l'heure actuelle une situation de crise et de nombreux défenseurs des droits de l'homme ont dû quitter le pays. La Commission devrait répondre au défaut de coopération du Gouvernement colombien en l'exhortant à se conformer aux recommandations de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme.

MME ANNA BIONDI (Confédération internationale des syndicats libres, CISL) a attiré l'attention de la Commission sur les milliers de cas de violations des droits de l'homme contre des syndicalistes colombiens que la CISL a portés à l'attention de la communauté internationale depuis 1987. Elle a dénoncé les assassinats de deux syndicalistes colombiens, Mme Margarita Pulgoran et M. Julio Betancour, lors d'un incident qui s'est produit le 4 avril dernier. Le lendemain, un autre syndicaliste militant dans la campagne contre la privatisation de la compagnie nationale de téléphonie, M. Islem de Jesús Quintero, a également été assassiné par des membres de groupes paramilitaires à Pereira, alors qu'il rentrait chez lui. Le 8 avril, quatre membres du syndicat de l'électricité (Sintraelecol) ont été attaqués à Trinidad alors qu'il revenait d'un site où ils avaient réparé une installation électrique : deux d'entre eux, M. César Wilson Cortes et M. Romulo Gamboa, ont été assassinés, alors que les deux autres ont été grièvement blessés.

Il est essentiel de prendre une position ferme sur les droits de l'homme et les droits des syndicalistes en Colombie et de demander que les responsables soient punis et que les décisions judiciaires soient respectées. Le Gouvernement colombien doit montrer par des faits, et non pas seulement par des mots, sa volonté de construire un pays véritablement démocratique fondé sur le respect des droits de l'homme. La communauté internationale doit clairement condamner la situation actuelle en Colombie en apportant son soutien à la fois au renforcement du mécanisme des droits de l'homme du Haut Commissariat aux droits de l'homme et à la désignation d'une commission d'enquête de l'Organisation internationale du travail, en juin 2000.

MME JANETTE BAUTISTA (Fédération latino-américaine des associations de familles des détenus-disparus) a lancé un appel à la Commission pour qu'on ne permette pas que les négociations de paix aboutissent à des dispositions assurant l'impunité en Colombie. Ce pays doit parvenir à la paix mais pas à n'importe quel prix, surtout pas au prix d'une impunité de crimes atroces commis. La représentante a déclaré que sa fédération est convaincue que le processus de paix, pour être crédible et juste à l'égard des victimes et de leurs organisations, doit ouvrir un espace privilégié aux victimes, un espace qui n'existe pas aujourd'hui. Les victimes doivent obtenir une participation qui ne leur a pas été permise jusque-là, elles doivent être les protagonistes de la reconstruction d'une société démocratique, juste, participative et pacifique.

MME MADELINE CHURCH (Christian Aid) a dénoncé l'assassinat, il y a quinze jours, de trois représentants d'une communauté du nord-ouest de la Colombie. Soutenue par les institutions internationales, cette communauté négociait avec le Gouvernement colombien afin d'assurer sa protection. Ce fait illustre la détérioration de la situation des droits de l'homme en Colombie. La représentante a indiqué qu'en 1999, 288 000 personnes ont été forcées à quitter leur domicile, 176 000 étaient des adolescents ou des enfants. La menace de massacres conduit de plus en plus de Colombiens à quitter leur domicile.

La représentante a déclaré que la lecture du rapport de la Haut-Commissaire des droits de l'homme sur la Colombie porte au découragement. Une fois encore, le Gouvernement colombien n'a pas appliqué les recommandations qui lui ont été adressées concernant les droits de l'homme. Dans la mesure où la majorité des victimes de la guerre en Colombie sont des civils, la signature d'un accord humanitaire préconisé par la Haut-Commissaire doit effectivement être considérée comme une priorité. Des mécanismes efficaces doivent être mis en place pour permettre aux civils de jouer un rôle significatif dans la recherche de la paix. La détérioration de la situation des droits de l'homme en Colombie appelle une réponse appropriée de la Commission, a conclu la représentante.

M. LUIS NARVAEZ (Association américaine de juristes) a rappelé que la situation des droits de l'homme en Colombie est toujours *ðgrave, persistante et systématique+ð. Il a souligné que ces dernières années, la responsabilité des crimes et violations graves des droits de l'homme s'est déplacée vers les groupes paramilitaires, créés comme acteurs para-institutionnels pour perpétuer la politique de violence à l'encontre des secteurs populaires de la population, considérés comme étant de connivence avec les insurgés. Le représentant a dénoncé l'approbation par le Congrès des États-Unis d'une aide de 1,3 milliard de dollars, actuellement discutée au Sénat, dont 80% sont destinés à une assistance militaire urgente à la Colombie. Il ne fait pas l'ombre d'un doute que ce qui se trame là, sous le prétexte d'une offensive contre les narcotrafiquants, c'est bien une guerre contre l'insurrection, avec de graves incidences sur la situation, déjà détériorée, des droits de l'homme. Certes, le trafic de stupéfiants est un problème structurel en Colombie qu'il convient de combattre et d'éradiquer. Mais les États-Unis et le monde entier savent bien que les responsables de ce trafic ne se trouvent pas dans la forêt.

MME JOANNA WESCHLER (Human Rights Watch) a déclaré qu'en dépit de la diminution des violations attribuées directement aux membres de forces armées colombiennes ces deux dernières années, le nombre et l'échelle des abus attribués aux groupes paramilitaires qui opèrent avec l'appui ouvert de l'armée a augmenté. Human Rights Watch dispose de preuves abondantes des relations étroites entretenues par l'armée avec les paramilitaires. Il est fondamental que la Commission reconnaisse la responsabilité des forces armées colombiennes, il faut couper les liens à tous les nivaux avec les groupes paramilitaires, mettre en place un plan intégral et public pour enquêter, poursuivre, capturer et juger les chefs paramilitaires et les officiels de l'armée qui les appuient. Il faut faire pression sur le Gouvernement colombien afin d'améliorer immédiatement cette situation.

MME MARIE-BELL WOLFE (Fédération internationale Terre des hommes) a attiré l'attention de la Commission sur le fait que 70% de la population déplacée à l'intérieur de la Colombie sont des mineurs. Seuls 15% d'entre eux ont un accès à l'éducation. Les abus sexuels commis sur les enfants âgés de 5 à 14 ans sont très fréquents dans le pays. La représentante a regretté que la Colombie continue à ne pas mettre en oeuvre les recommandations qui lui sont adressées depuis plusieurs années par les instances des Nations unies et le Haut- Commissariat aux droits de l'homme. La représentante a appuyé les recommandations faites par diverses instances internationales compétentes visant la protection des enfants.

M. CAMILO REYES RODRÍGUEZ (Colombie) a assuré qu'il n'existe aucune relation institutionnelle entre l'État et les groupes d'autodéfense en Colombie.

Suite du débat sur les questions relatives aux populations autochtones

MME SARA SOUS-CASTANEDO (Guatemala) a rappelé que la Constitution de son pays établit l'obligation de l'État à assurer une protection spéciale des terres des coopératives et des terres communales et collectives, qui appartiennent notamment aux communautés autochtones. La Constitution reconnaît en outre le droit des communautés autochtones et autres à conserver leur système d'administration des terres et prévoit l'obligation de l'État de fournir des terres de l'État aux communautés autochtones qui en ont besoin pour leur développement. L'Accord sur l'identité et les droits des populations autochtones, signé, en mars 1995 et intégré dans les accords de paix, reconnaît l'identité des peuples maya, garifuna et xinca dans le cadre de l'unité de la nation. Cet Accord reconnaît aussi le caractère multiethnique, pluriculturel et multilingue du Guatemala. En outre, l'institution du Défenseur de la femme autochtone a récemment été créée, conformément à l'engagement pris par le Gouvernement guatémaltèque dans le cadre de cet Accord.

La représentante du Guatemala a souligné que sa délégation estime nécessaire que la Commission puisse disposer d'un rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des populations autochtones comme l'a proposé la Sous-Commission l'an dernier. Aussi, le Guatemala présente-t-il cette année un projet de résolution, qui fait actuellement l'objet de consultations, en faveur duquel il faut espérer qu'un large soutien sera obtenu.

M. WAYNE LORD (Canada) a réaffirmé la volonté de son pays de redoubler d'efforts en vue de l'adoption d'un instrument universel relatif aux droits des populations autochtones. Le représentant a déclaré que le Groupe de travail sur les populations autochtones est parvenu à instaurer la confiance entre les représentants des États et ceux des populations autochtones. Il s'est dite encouragée par la volonté des États de travailler de concert afin de parvenir à un consensus sur la Déclaration sur les droits des populations autochtones. Le Canada est toutefois conscient que les sessions du Groupe de travail sur les populations autochtones se succèdent sans que des progrès tangibles ne soient réalisés dans l'élaboration du projet de déclaration. Si nous voulons que cette déclaration soit finalisée avant la fin de la Décennie internationale des populations autochtones, nous devons accélérer notre rythme de travail. À cette

fin, le représentant a proposé de mener des consultations informelles et élargies entre les sessions. Pour sa part, le Canada compte coopérer pleinement avec le Président du Groupe de travail et tous les États intéressés afin d'optimiser les préparatifs de la prochaine session.

Le Canada se portera coauteur du projet de résolution relatif au Groupe de travail sur les populations autochtones et à la Décennie internationale des populations autochtones. Dans ce contexte, il entend souligner dans cette résolution la nécessité pour les États de financer le Fonds de contribution volontaire pour les populations autochtones et le Fonds de contribution volontaire de la décennie internationale des populations autochtones. Le représentant a affirmé que la Commission est face à l'opportunité historique d'adopter une résolution recommandant au Conseil économique et social de créer une instance permanente pour les populations autochtones. Le Canada appuie l'établissement d'un tel organe qui devrait comporter 16 membres avec un nombre égal de représentants d'États et des populations autochtones.

M. EDGARDO LIENLAF (Chili) a déclaré qu'avec le retour de la démocratie au Chili, le pays est fermement engagé à promouvoir, à protéger et à garantir les droits de l'homme et les libertés fondamentales. La délégation du Chili appuie la création d'une instance permanente pour les populations autochtones, qui avait déjà été proposée par la Conférence mondiale des droits de l'homme de Vienne en 1993. Dans cet esprit, le Chili participe à la rédaction d'un projet de résolution qui doit conduire à la matérialisation de cette initiative. Cette instance complétera les mesures que la Commission, la Sous-Commission et les divers groupes de travail et institutions du système des Nations Unies mettent en oeuvre en faveur des peuples autochtones. Le Gouvernement chilien, dans ses efforts en faveur des populations autochtones, s'attache à aborder les différents problèmes qui affectent les peuples autochtones du pays, où l'on n'ignore pas l'existence de tensions, notamment en ce qui concerne la distribution de terre qui présente une grande complexité juridique mais que l'on cherche à résoudre par différents moyens. La volonté du gouvernement est d'améliorer les conditions de vie des populations et communautés autochtones par le biais d'un dialogue politique sur la base de la primauté du droit.

M. CAMILO REYES RODRÍGUEZ (Colombie) a souligné qu'en tant que nation pluriethnique et multiculturelle, la Colombie possède l'un des systèmes juridiques les plus modernes et les plus adéquats en matière de reconnaissance et de protection de l'identité des communautés autochtones. En réponse à certains groupes et organisations non gouvernementales nationaux et étrangers qui, ces derniers mois, ont entrepris une action contre l'exploration légitime des ressources pétrolières de la Colombie en invoquant la prétendue protection de la communauté autochtone U'Wa, le représentant a souligné que le Gouvernement colombien n'a cessé ces dernières années d'engager des processus de concertation avec cette communauté et de concéder des droits territoriaux sur de larges parties du territoire. Dans la situation actuelle de récession économique à laquelle est confrontée la Colombie, il est nécessaire de procéder à l'exploration de ses ressources pétrolières afin d'éviter de futures importations qui pourraient encore aggraver la situation économique actuelle. Le projet d'exploration pétrolière Samoré, s'il se solde par une exploitation du gisement, permettra au pays d'assurer son autosuffisance en pétrole brut. La

Colombie bénéficierait alors de 2 milliards de pesos qui seraient disponibles pour les investissements sociaux. Le Gouvernement colombien a engagé un processus destiné à assurer que l'exploration et l'éventuelle exploitation du projet Samoré n'affectera pas de manière négative l'intégrité culturelle, sociale et économique de la communauté autochtone U'wa.

M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA (Équateur) s'est félicité des avancées réalisées dans la discussion relative à l'institution d'une instance permanente sur les populations autochtones. Il aurait toutefois apprécié que la discussion se concentre davantage sur la question de la représentation fidèle et équitable des représentants de populations autochtones au sein de ce forum. Nous ne devons pas perdre de vue le fait que les États sur le territoire desquels vivent des peuples autochtones se doivent de promouvoir les droits de ces populations tant au niveau national qu'international. L'Équateur est convaincu que la création de ce forum permettra de faire avancer la cause commune des différentes populations autochtones. Tout en se disant conscient de la lenteur des progrès réalisés par le Groupe de travail sur les populations autochtones, le représentant a déclaré que son pays reste persuadé que l'on pourra parvenir à une déclaration sur les droits des populations autochtones universellement acceptable.

M. GONZALO GUILLEN (Pérou) a déclaré que la société péruvienne est résolument pluriculturelle et multiethnique et que son gouvernement oeuvre tant au plan national qu'international en faveur des populations autochtones. Le Pérou apporte, comme par le passé, son soutien à l'initiative relative à la création d'une instance permanente, et se félicite des avancées dans ce domaine. Cependant, le représentant a émis certains doutes concernant certains aspects qui n'obtiennent pas un consensus total, notamment sur le processus de désignation ou d'élection des experts qui devrait s'accompagner de garanties de légitimité et de transparence et assurer la pleine participation des peuples autochtones quant à la désignation de ces experts. Le résultat de ce processus devrait également refléter la diversité qui existe entre toutes les populations autochtones du monde. En dépit de ces réserves, le Pérou est disposé à faire preuve de souplesse afin de parvenir à un accord pendant cette période de session, de façon à pouvoir déposer une proposition concrète pour la création de cette instance par le Conseil économique et social au cours de cette année.

M. AGUSTO AVILA (Mexique) a rappelé qu'il existe au Mexique dix millions d'autochtones qui parlent 62 langues et représentent plus de 10% de la population. Il s'est dit persuadé que la démocratie et l'État de droit au Mexique sont inconcevables sans le concours des populations autochtones du pays. C'est pourquoi le Gouvernement mexicain est pleinement engagé à répondre à leurs demandes et à s'efforcer de leur assurer la pleine jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels et de leurs droits civils et politiques. Le représentant mexicain a déclaré que la lutte contre la pauvreté, en particulier la pauvreté des populations autochtones, est un objectif central de la politique du gouvernement. Il a rappelé que le gouvernement a mis en place un programme d'éducation, de santé et d'alimentation qui bénéficie à 900 000 familles autochtones. Au Mexique, a-t-il insisté, l'éducation est bilingue pour tous les autochtones. Au titre des priorités gouvernementales, figurent également l'administration de la justice et la lutte contre l'impunité. À cet égard, dans les États mexicains ayant une forte concentration de populations autochtones, ont été mis en place des juges pour les autochtones, qui sont chargés de traiter les conflits intercommunautaires en privilégiant la conciliation et la réparation des dommages causés.

À la suite du tragique massacre d'Acteal de décembre 1997, a poursuivi le représentant mexicain, 102 personnes ont été arrêtées. Sur ce nombre, 55 ont été condamnées dont 13 appartenaient aux autorités municipales ou au service du gouvernement de l'État. Au Chiapas, le Gouvernement mexicain a persévéré sur la voie de la recherche d'une paix juste et digne. Le 7 décembre dernier, il a publiquement présenté à l'AZLN la proposition *ðUn pas de plus+ð qui satisfait à toutes les demandes de ce groupe et témoigne de sa volonté de dialogue. À ce jour, cette initiative n'a reçu aucune réponse. En 5 ans, plus de 6 milliards de dollars ont été investis pour lutter contre l'extrême pauvreté au Chiapas, a par ailleurs indiqué le représentant.

M. HERNAN PLORUTTI (Argentine) a déclaré que son pays accorde la plus grande importance aux questions relatives à la participation des représentants des populations autochtones à la future instance permanente pour les populations autochtones, et aux modalités de l'élection des experts issus de populations autochtones au sein de cette instance. L'Argentine insiste sur le fait que les populations autochtones doivent avoir la possibilité de présenter des candidats, d'être représentés au sein de cette instance. Le projet de création d'une instance permanente pour les populations autochtones peut être concrétisé pendant cette session de la Commission des droits de l'homme, estime la délégation. L'Argentine appuie le projet de résolution présenté par la délégation du Danemark relatif à la création de cette instance.

Le représentant a déclaré que selon les dernières estimations, la population autochtone représente 1,5% de la population totale de l'Argentine. Il a déclaré que son pays oeuvre à la promotion des droits de ces populations qui sont garantis par la constitution et par la loi. Un institut national met en oeuvre de multiples actions dans le domaine de la propriété, de la culture et de la santé.

M. ALFREDO MICHELENA (Venezuela) a déclaré que la situation des populations autochtones est d'une importance sociale considérable. Pour la première fois dans l'histoire du pays, les groupes ethniques participent au processus de réformes constitutionnelles en prenant pleinement part à des décisions de grande importance. Des représentants des autochtones, élus par les communautés, sont présents au sein de l'Assemblée nationale constituante qui trouve son origine dans la constitution actuelle de la république, qui comporte un article reconnaissant spécifiquement les droits des peuples autochtones. Sur le plan international, le Venezuela participe activement aux travaux qui se développent au sein des organismes régionaux et des Nations Unies. Le Venezuela appuie la création immédiate d'un forum d'experts sous l'autorité du Conseil économique et social et insiste fermement sur la nécessité de la participation des peuples autochtones à travers d'authentiques représentants.

M. TED MOSES (Grand conseil des cris) s'est félicité que la Commission compte recommander au Conseil économique et social une résolution qui décide d'établir une instance permanente des populations autochtones. L'instance telle qu'elle est proposée est un organe consultatif qui va considérablement élargir l'appréciation des questions touchant les populations autochtones. Les travaux du Groupe de travail sur les populations autochtones devront se poursuivre, notamment parce que le travail normatif n'a pas encore été achevé.

M. PIERRE MIOT (Fédération internationale des mouvements d'adultes ruraux catholique) a déclaré que l'organisation qu'il représente est solidaire des populations autochtones et appuie leur luttes. Le représentant a rappelé aux États l'importance de la Convention sur la diversité biologique qui est un instrument international pour la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité. Il a souligné que les peuples autochtones participent activement à cette préservation. Le représentant a également rappelé aux États que l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle doit protéger les savoir- faire et l'héritage des populations autochtones et les impliquer dans les débats et les activités qui les concernent. Il a insisté sur la nécessité pour les États d'obtenir le consentement préalable des populations autochtones avant l'utilisation de leurs connaissances à des fins commerciales et de prévoir une répartition équitable des recettes découlant de l'exploitation de ces connaissances. Le représentant a enfin exhorté les États à mettre leurs législations nationales en conformité avec la Convention sur la biodiversité.

MME WILDA SPALDING (Fédération mondiale pour la santé mentale) a déclaré que la santé mentale peut être promue et soutenue de différentes manières et l'expression culturelle est l'une des plus accessibles. Elle a salué la Commission pour son engagement clair à promouvoir une plus grande attention et un plus grand soutien aux droits culturels des peuples autochtones.

M. MALIK OZDEN (Centre Europe-tiers monde, CETIM) a attiré l'attention de la Commission sur les violations des droits de l'homme résultant des projets menés par de grandes sociétés transnationales. À cet égard, les populations autochtones constituent un secteur de la société particulièrement vulnérable. Le représentant a attiré l'attention de la Commission sur la situation particulière du peuple U'wa qui vit au nord-est de la Colombie et voit actuellement son territoire ancestral menacé par une autorisation d'exploration pétrolière attribuée à l'entreprise nord-américaine OXY sans que le droit à la consultation ait été respecté, enfreignant ainsi la Constitution de la Colombie et la Convention nEð169 de l'OIT. Le représentant du CETIM a également exprimé sa préoccupation en ce qui concerne l'autorisation de mise en eau du barrage hydroélectriq

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