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SOC/CP/222

LA LUTTE CONTRE LA CRIMINALITE TRANSNATIONALE ORGANISEE DOIT SE FAIRE DANS LE RESPECT DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES

13 avril 2000


Communiqué de Presse
SOC/CP/222


LA LUTTE CONTRE LA CRIMINALITE TRANSNATIONALE ORGANISEE DOIT SE FAIRE DANS LE RESPECT DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTES

20000413

VIENNE, 13 avril -- Le respect des droits de l’homme et des libertés ne doit pas être oublié dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée et l’élaboration d’instruments juridiques dans ce domaine, ont souligné plusieurs délégations ce matin dans le cadre du Dixième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants. “Les citoyens honnêtes, déjà victimes de la criminalité, ne doivent pas en sus voir leurs libertés restreintes par les lois sur la répression. Nous ne voulons pas vivre dans le monde de surveillance télévisée, d’écoutes téléphoniques et de caméras partout”, a ainsi déclaré le représentant du Brésil. Il a souligné d’autre part l’échec de l’emprisonnement et engagé les Etats à recourir davantage à des peines de remplacement, comme l’indemnisation des victimes, les dédommagements financiers ou les services à la communauté. Les taux de récidivisme témoignent de l’échec patent de cette méthode de répression qui a, par ailleurs, des conséquences graves en termes de dignité humaine, a-t-il dit. Cela est particulièrement vrai dans les pays en développement qui en raison de leurs ressources limitées n’ont pas les moyens d’investir dans des services pénitentiaires modernes et de capacité suffisantes.

Plusieurs délégations ont mis en avant la nécessité de tenir compte de l’environnement économique et social qui sous-tend la criminalité et la violence dans de nombreux pays, à savoir la pauvreté. Le succès de la lutte contre la criminalité organisée dépendra donc de la mesure dans laquelle la communauté internationale aidera les pays dont les moyens sont limités à éliminer la pauvreté, ont-ils fait valoir. Plusieurs représentants, dont ceux du Sri Lanka, du Ghana et du Qatar ont plaidé en faveur d’un fonds d’affectation spéciale pour assister les pays défavorisés en matière de lutte contre la criminalité transnationale organisée. La nécessité d’aider ces pays, notamment à adapter leur législation et à assurer une formation adéquate à leurs services répressifs et pénaux, a également été mise en avant par M. Jean-Paul Laborde du Centre pour la prévention internationale du crime qui a présenté l’état d’avancement de la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée qui devrait être adoptée par l’Assemblée générale du millénaire à l’automne prochain, et de ses protocoles.

Dans le cadre du débat sur le point intitulé “Coopération internationale pour lutter contre la criminalité transnationale : nouveaux défis au XXIe siècle”, les représentants des pays suivants sont intervenus : Botswana, Egypte, Qatar, Italie, Sri Lanka, Cameroun, Brésil, Ghana et Togo.

Le Congrès a ensuite entendu une présentation par l’Autriche des conclusions et recommandations de la Conférence sur la lutte contre la pornographie impliquant des enfants sur Internet, qui s’est tenue à Vienne du 29 septembre au 1er octobre 1999, ainsi qu’une présentation du représentant de la Commission européenne, sur les conclusions du Groupe de travail sur les autorités chargées de l’exécution de la loi et les services judiciaires de cette Conférence.

Le Dixième Congrès poursuivra ses travaux cet après-midi à 15 heures.

Coopération internationale pour lutter contre la criminalité transnationale : nouveaux défis au XXIe siècle

Présentation sur l’état d’avancement de la convention contre la criminalité transnationale organisée

M. JEAN-PAUL LABORDE (France), Administrateur du Service juridique et des conventions au Centre pour la prévention internationale du crime : les activités de l’ONU en matière de lutte contre la criminalité comprennent deux volets : l’élaboration d’instruments juridiques et la coopération technique visant à renforcer ce qui a été décidé par le biais d’instruments internationaux. Le projet de convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée qui devrait être adopté par l’Assemblée générale du millénaire à l’automne prochain et ses protocoles visent à assurer la mise en place d’un réseau de coopération internationale qui sera le fondement des capacités de lutte contre la criminalité transnationale organisée. La coopération internationale joue un rôle crucial et les Etats Membres en ont grandement besoin. C’est pourquoi, le processus d’élaboration de la convention doit être accéléré.

Le premier article de la convention a pour objet de promouvoir la coopération internationale en vue de prévenir et de lutter contre la criminalité transnationale organisée. Même si cet objectif semble d’ores et déjà convenu, on peut s’interroger sur ce qu’est exactement la criminalité organisée. L’article 2 précise le champ d’application de la convention. Celle-ci vise à lutter contre les délits suivants : participation à un groupe criminel organisé, blanchiment du produit du crime, corruption liée à la criminalité organisée, obstruction à la justice (menaces contre les témoins ou les victimes, par exemple), et les délits graves de caractère transnational. Les termes “caractère transnational” renvoient à toutes opérations qui peuvent être faites dans plusieurs pays. Par “groupe criminel organisé”, on entend un groupe structuré de trois personnes ou plus qui existe pendant un certain temps et qui agit de concert dans le but de commettre un ou plusieurs délits en vue d’obtenir des avantages substantiels. Parmi les délits graves, on compte, par exemple, le blanchiment d’argent.

Pour lutter contre ces délits, il est notamment nécessaire d’accélérer le processus d’extradition et de transfert des condamnés, ainsi que l’entraide judiciaire dans le cadre de laquelle on peut recourir à divers outils modernes, comme les nouvelles technologies. La coopération entre les services de répression constitue un outil utile et il faudrait mettre en place un cadre juridique qui faciliterait cette coopération. Un tel cadre devrait par exemple permettre aux pays de mener des enquêtes conjointes. L’une des dispositions du projet de la convention prévoit que lorsqu’il n’y a pas de traité bilatéral d’extradition entre deux pays, la convention servira de base à l’extradition.

Le projet de la convention comprend également des dispositions sur la protection des victimes et des témoins, élément capital de la lutte contre la criminalité. Elle préconise de rassembler des informations sur la nature de la criminalité organisée et prévoit formation et assistance technique pour aider les pays à sa mise en oeuvre. Dans le cadre du processus de suivi, il est prévu de tenir une conférence des Etats parties à la convention en vue d’en promouvoir et de contrôler son application. Le Secrétariat aidera la conférence des Etats parties mais aussi les Etats parties à fournir des informations à cette conférence.

Le premier protocole à la convention concerne la fabrication et le trafic illicite des armes à feu. Il a pour objectif de renforcer la coopération entre les Etats pour lutter contre le trafic d’armes à feu et prévoit l’échange d’informations dans ce domaine. Le deuxième protocole porte sur l’introduction clandestine de migrants et a pour objectif prioritaire de lutter contre les trafiquants. Le troisième protocole vise à prévenir, réprimer et punir le trafic des êtres humains. Ce protocole concerne plus particulièrement la traite des femmes et des enfants. La traite des êtres humains est l’une des principales activités de la criminalité organisée et le protocole a pour objectif de renforcer la lutte contre ce fléau. L’une de ses principales dispositions souligne l’importance qu’il y a à protéger les victimes. Sous la direction du Directeur général du Bureau des Nations Unies à Vienne, M. Pino Arlacchi, trois programmes mondiaux ont d’ores et déjà été lancés qui complètent ces protocoles : un programme mondial de lutte contre la criminalité transnationale organisée, un programme mondial de lutte contre la traite des êtres humains et un programme mondial de lutte contre la corruption.

Déclarations

M. NORMAN S. MOLEBOGE (Botswana) : la criminalité transnationale peut accélérer la détérioration de l’environnement et aggraver la vulnérabilité des pays à l’égard du trafic illicite des stupéfiants, s’accompagne souvent de la corruption et accroît les possibilités de trafic des armes biologiques, chimiques et nucléaires. C’est pourquoi, il est impératif de développer une coopération plus efficace pour lutter contre ce type d’activités criminelles. Des mesures concrètes et vigoureuses doivent être prises pour réagir rapidement contre les différentes formes de la criminalité transnationale. En Afrique australe, les chefs de police ont signé dans le cadre de l’Organisation pour la coopération régionale des chefs de police en Afrique australe (SARPCCO), un accord multilatéral qui renforce la coopération régionale dans le domaine de la prévention du crime. Des progrès considérables ont été accomplis dans la lutte contre les crimes transnationaux tels que le vol des véhicules, le trafic illicite des stupéfiants et des diamants. Les expériences tirées du succès de la SARPCCO témoignent clairement que des efforts concertés sont indispensables pour combattre la criminalité transnationale. Un certain nombre d’initiatives ont été prises et des textes ont été adoptés mais cala ne suffit pas, il faut que tous les Etats Membres respectent les engagements contractés

Par le biais de la coopération, des activités conjointes de l’assistance technique et l’harmonisation des législations nationales il sera possible de lutter avec succès contre la criminalité. A cette fin, le Botswana souhaite fermement que les pays donateurs soient en mesure d’assister les pays les plus vulnérables en leur fournissant expertise, ressources et autres formes d’appui nécessaire à la lutte contre la criminalité. Pour sa part, le Botswana contrôle l’usage des armes à feu en vertu d’une loi sur les armes et les munitions. La police nationale ne recourt aux armes que lorsque les suspects sont eux-mêmes armés. La loi sur l’extradition du Botswana tient compte du laxisme en vigueur dans d’autres pays. Des mesures législatives ont également été prises pour faire face à la corruption et à la criminalité économique.

M. SULAIMAN ABDEL MONEIM (Egypte) : les systèmes de procédure pénale actuels semblent incapables de faire face aux nouvelles formes de la criminalité, en particulier la criminalité transnationale organisée. Celle-ci constitue un formidable défi, car elle prend de nombreuses formes, dont certaines sont aujourd’hui encore insoupçonnables. Il faut tout d’abord déterminer la juridiction chargée de lutter contre ces crimes et se demander si la communauté internationale ne devrait pas adopter un nouveau code qui aurait pour but de régler les conflits de compétence entre les juridictions des différents pays. Comment en effet appliquer le principe de territorialité en cas de délit informatique ou lorsque des criminels agissent sur plusieurs territoires? La question est en fait de voir comment adapter les outils et principes anciens aux nouvelles formes de la criminalité. Il faudrait peut-être que les pays acceptent la jurisprudence des autres pays.

Parallèlement, des mesures doivent être prises à l’échelon national. Il faut arriver à une complémentarité entre la législation nationale et les conventions internationales. Les pays qui ne disposent pas des techniques et des moyens à cette fin doivent être aidés. Il faut, par ailleurs, songer à de nouvelles sanctions et dans ce contexte, aider les pays pour qu’ils soient en mesure de sanctionner des délits ayant un caractère nouveau. Il est aussi important que la nouvelle législation qui sera promulguée soit extrêmement précise d’un point de vue juridique et adaptée aux nouvelles technologies. La mise en place de fondements régionaux et interrégionaux pour la lutte contre la criminalité transnationale organisée est indispensable.

Une autre priorité est la question de la responsabilité des personnes morales : banques, fondations,… qui couvrent des activités criminelles. Celles-ci doivent pouvoir être considérées responsables de crimes. Il convient de créer de nouvelles sanctions qui auraient un caractère véritablement dissuasif. Nous devons aussi nous intéresser aux délits secondaires, comme le recel de biens volés. Il convient d’encourager les procédures pénales transnationales, comme l’extradition, l’entraide judiciaire, la coopération entre les ministères publics. Il faut tirer parti des instruments juridiques existants et, dans ce contexte, réfléchir aux obstacles qui handicapent la coopération, comme les lacunes et les différences entre les législations dont tirent parti les criminels. Certains délits devraient être imprescriptibles, par exemple le vol de trésors archéologiques.

M. SAAD AHMED ABDELAZIZ AL-MOHANADI (Qatar) : mon pays déploie tous les efforts nécessaires pour mettre en oeuvre les stratégies arabes, régionales et internationales de lutte contre toutes les formes de la criminalité transnationale. Il appuie également les efforts visant la finalisation du projet de convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale. Le Qatar a apporté des amendements à sa législation pour protéger et garantir la sécurité des individus et de la communauté contre la criminalité, le trafic illicite des stupéfiants et le blanchiment de l’argent, ainsi que d’autres crimes. Les Etats Membres devraient redoubler d’efforts pour renforcer la coordination et la coopération internationales dans la lutte contre la criminalité transnationale, y compris l’échange d’informations et l’assistance judiciaire dans le domaine de l’extradition. Il faut insister sur l’importance du rôle du Centre pour la prévention du crime, en particulier dans le domaine de la coopération technique contre la criminalité transnationale organisée. De même, le réseau des Nations Unies des Instituts pour la prévention du crime et la justice pénale devrait renforcer sa coordination et sa coopération avec les organisations régionales et les instituts nationaux dans le domaine de la coopération technique pour la

prévention de la criminalité transnationale. Il est en outre préconisé de créer un fonds d’affectation spéciale pour assister les pays les moins développés et leur permettre de renforcer leurs capacités nationales en matière de lutte contre la criminalité.

M. FRANCESCO PATRONE (Italie) : la loi du 7 janvier 1998, numéro 11, entrée en vigueur le 21 février 1998, a réglementé un nouveau système de participation au procès pénal, appelé à distance ou virtuel, dans lequel la personne intéressée n’apparaît pas personnellement dans la salle d’audience où les débats sont en cours, mais elle participe étant dans un lieu lointain et mis en communication en vidéo avec ladite salle. La vidéoconférence dans le procès pénal avait déjà été introduite dans la loi italienne avec le décret-loi en 1992. Le résultat positif de cette innovation technologique, destinée exclusivement aux fins de la protection des collaborateurs de la justice, a convaincu le législateur à introduire une règle générale et organique applicable à presque toutes les phases du procès.

La loi 11/1998 prévoit trois hypothèses générales de participation à distance : participation aux débats, participation au procès en chambre du conseil et audition des collaborateurs de la justice. La participation au procès pénal à distance est ordonnée toujours avec une disposition motivée : avant le procès, c’est le Président du Collège qui y pourvoit avec un décret communiqué aux parties et aux défenseurs au moins dix jours avant l’audience; pendant le procès, c’est le juge qui y pourvoit avec une ordonnance. La loi prévoit que l’on adopte des modalités de mise en communication de manière à garantir la visibilité simultanée, effective et réciproque des personnes présentes dans tous les lieux, et aussi la possibilité d’entendre ce qu’on dit. Le défenseur peut librement décider de participer de la salle d’audience ou bien du lieu lointain où son assisté se trouve. Aujourd’hui on assure la possibilité d’activer simultanément trente sessions, c’est-à-dire trente procès par jour en vidéoconférence ; la même session peut être mise en communication avec un maximum de quatorze lieux lointains.

Deux ans après l’entrée en vigueur de la loi, le système du procès à distance par la multividéoconférence semble avoir résolu les problèmes d’arrangement. La nouvelle réglementation est destinée à : réduire le nombre très élevé des transferts de détenus très dangereux, qui causent des dépenses considérables et des dangers relatifs à la sûreté ; éviter les contacts entre les détenus particulièrement dangereux et les associations de malfaiteurs dont ils font partie. Garantir la sûreté des personnes sous protection en évitant que celles-ci apparaissent personnellement dans la salle d’audiences et leur assurer plus de sérénité pendant leur témoignage ; éviter que les déplacements continuels des détenus impliqués dans des procès qui se déroulent dans des sièges différents et éloignés l’un de l’autre puissent influencer négativement la continuité nécessaire dans le développement de chaque procès et sur la durée totale de tous les procès.

Aujourd’hui on peut affirmer que les objectifs susmentionnés ont été presque totalement atteints. La question relative aux possibilités de participer au procès pénal à distance étant à l’étranger est aussi très intéressante. Pendant les deux premières années d’application de la loi 11/1998, on a eu 24 cas de mises en communication vidéo internationales avec des personnes soumises à protection dans des pays étrangers. Dans la plupart des cas la mise en communication internationale a été demandée pour l’audience ou pour la confrontation de collaborateurs de la justice très importants qui se trouvent sous protection (en liberté ou en prison) aux États-Unis ou en Allemagne.

Dans les premiers mois de son application, la nouvelle réglementation avait rencontré de nombreuses difficultés qui ont été surmontées. Toutefois, les transfèrements des détenus soumis au régime spécial prévu par la loi pénitentiaire s’ils ont beaucoup diminué, n’ont pas disparu.

M. C. S. POOLOKASINGHAM (Sri Lanka) : comme la plupart des autres pays, le Sri Lanka subit l’impact négatif de la criminalité transnationale organisée. Ce qui rend la situation du Sri Lanka unique et complexe est le lien entre le terrorisme et la criminalité transnationale, qui a des conséquences dévastatrices sur la vie d’hommes, femmes et enfants innocents. La politique démocratique soutenue par le peuple sri lankais depuis 50 ans a été considérablement affaiblie par le nombre considérable d’actes violents perpétrés par des groupes terroristes. Le terrorisme compromet et affaiblit les processus permettant d’explorer des solutions politiques en réponse à des questions nationales auxquelles les Etats sont confrontés. Comme l’a souligné récemment le Conseil de sécurité par sa résolution 1269 (1999), le recours à la terreur à des fins politiques – quelles qu’en soient les circonstances – est injustifiable. En vertu de nouvelles normes juridiques, la communauté internationale doit d’adresser un message clair et sans réserve, pour prévenir et interdire tout recours au terrorisme contre des civils innocents.

Par ailleurs, des contrôles sévères sont nécessaires pour faire obstacle aux groupes terroristes responsables de crimes informatiques, grâce à l’utilisation de l’Internet à des fins illicites. On ne peut que souligner la nécessité de prévenir cette criminalité par le biais d’une coopération internationale renforcée. A cet égard, le Sri Lanka appuie l’idée d’élaborer un nouvel instrument international visant la prévention et la lutte contre la criminalité informatique. La question du trafic des travailleurs migrants, constitue un autre problème aigu auquel la communauté internationale doit faire face de manière vigoureuse.

M. ROBERT MBELLA MBAPPE (Cameroun) : la mondialisation, marquée par les progrès technologiques considérables dans les domaines des transports et des télécommunications, a bouleversé sensiblement le tissu économique, politique, social et culturel de nos sociétés. En dépit des incidences positives de ce phénomène, il est manifeste qu’il a été propice à de nouvelles formes de criminalité, y compris le crime transnational organisé. La menace que ce crime pose à la sécurité nationale et internationale crée de nouveaux défis pour la communauté internationale. Le trafic des femmes et des enfants à des fins d’exploitation économique et sexuelle, le trafic des armes et des munitions, le trafic des stupéfiants et le blanchiment d’argent constituent certaines des nouvelles formes de la criminalité transnationale organisée. Face à ces crimes d’une nouvelle dimension, les mesures nationales et internationales traditionnelles en matière de lutte contre la criminalité ne sont plus appropriées. C’est pourquoi, il est impératif de renforcer la coopération internationale, en adoptant des mesures dynamiques qui peuvent être mises en oeuvre rapidement et efficacement. Le projet de convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses trois protocoles visent à réaliser des objectifs importants dans ce domaine. Pour combattre et éliminer cette criminalité, il est essentiel d’établir une solidarité à l’échelle mondiale. Dans cette perspective, le Cameroun appuie fermement la position exprimée par le Groupe des 77 et la Chine dans le cadre du dixième Congrès. La création d’un fonds d’affectation spéciale pour assister les pays les moins favorisés témoignerait de la solidarité internationale. Elle contribuerait à permettre à tous les Etats de se conformer aux obligations déterminées par le projet de convention contre la criminalité transnationale organisée.

M. DENIS FERNANDO MIZNE (Brésil) : en ce qui concerne le traitement des délinquants, nous devons admettre l’échec total de l’emprisonnement en tant que moyen de lutte contre la criminalité et notre incapacité à établir un traitement efficace pour les criminels violents dangereux. Les délits informatiques impliquent souvent des jeunes égarés qui causent des préjudices à des tiers sans être nécessairement motivés par la cupidité ou la violence. Leur ségrégation n’est donc pas une solution sociale. S’il faut éviter l’impunité tout autant que l’utilisation abusive du droit pénal, de l’avis du Brésil, l’incarcération n’est plus valable aujourd’hui car, d’un point de vue social, il est tout à fait inefficace et à des conséquences graves, comme en témoignent les taux de récidivisme. On devrait donc y avoir recours uniquement lorsque la sécurité de la société est en jeu. Au Brésil, les prisons ne sont pas des modèles et ne sont pas suffisantes en nombre. En raison du manque de ressources, l’incarcération est un fiasco dans les pays en développement.

Le débat sur la criminalité ne peut être limité à la nécessité de pénaliser certaines conduites et sur la coopération en vue de la répression sans tenir compte de l’environnement économique et social qui mène à la criminalité, à savoir la pauvreté. Le succès de la lutte contre la criminalité transnationale dépendra de la mesure dans laquelle la communauté internationale aidera à éliminer les fléaux de la pauvreté et de la violence.

Il faut étudier d’autres formes de sanctions, comme les dédommagements financiers, les compensations aux victimes, les services à la communauté, ou la suspension temporaire des droits. Si le crime organisé vient opprimer les communautés, on ne peut admettre que la loi sur la répression devienne également opprimante et limite les libertés des citoyens honnêtes. Nous ne voulons pas des écrans de télévision partout, des écoutes téléphoniques, des contrôles permanents. Le Brésil a fait des efforts importants pour mettre en oeuvre des réformes capitales portant notamment sur la modernisation du code pénal et du code de procédure pénale. Plusieurs projets de lois ont été soumis au Parlement, portant notamment sur la criminalité organisée, le trafic d’armes à feu et le trafic de drogue. Des changements importants ont été apportés au système pénitentiaire. On est en train de construire des petits établissements et on privilégie lorsque cela est possible les peines de remplacement. Des mesures ont également été prises en matière de lutte contre la corruption. Une autre initiative importante a été le lancement de la campagne pour la sécurité publique. Un programme de formation des forces de police a également été lancé qui comprend un volet droits de l’homme.

M. ADULPHUS WEMEGAH (Ghana) : au cours des deux dernières années, les services de police ghanéens ont du faire face à une vague de crimes particulièrement uniques, à savoir des meurtres en cascade au cours de vols à main armée sans aucune justification. Puis, une série de meurtres perpétrés contre des femmes dans des circonstances qui demeurent mystérieuses. Face à cette recrudescence de la violence, le Ghana souhaite tirer parti du dixième Congrès pour la prévention du crime pour développer des mesures appropriées en la matière. L’émergence de nouvelles formes de la criminalité, notamment la fraude des cartes de crédit, la fraude électronique et le blanchiment de l’argent – tous liés aux progrès technologiques – frappent autant les pays développés que les pays en développement. Ces derniers ne disposent malheureusement pas des ressources nécessaires pour lutter efficacement contre cette criminalité d’une nouvelle dimension.

Le Département des enquêtes criminelles des Services de police du Ghana doit opérer des réformes structurelles et notamment créer une unité des services d’intelligence criminelle et consolider différentes équipes chargées des enquêtes criminelles. Ces nouvelles structures sont apparues nécessaires à la suite d’enquêtes infructueuses sur des affaires graves. En outre, la Commission ghanéenne des droits de l’homme et de la justice administrative assure des inspections périodiques à la fois de la police et des cellules dans les prisons pour s’assurer que les prisonniers soient bien traités.

M. BENIVI JOACHIM BENI-LOCCO (Togo) : le Togo estime que ce Congrès est l’occasion de s’attaquer en profondeur aux causes récurrentes de la criminalité, notamment la pauvreté, le chômage et le sous-développement économique. Afin de lutter contre la criminalité, le Togo a établi une coopération fondée sur la confiance avec certains Etats voisins. Des mécanismes ont été mis en place pour assurer la sécurité et la justice dans la sous-région. Les efforts de coopération et l’entraide judiciaire ont été renforcés.

Soucieux de mettre l’accent sur des mesures pratiques aux fins de prévention et de lutte contre les formes contemporaines de criminalité, le Togo pense qu’il y a lieu d’insister sur l’assistance technique qui est une priorité. Les pays émergents d’Afrique, et d’une manière générale, les pays en développement demeurent des terres de réfugiés et de prédilection de la criminalité. Tous les trafics criminels y sont légion et, plus grave, ces crimes ne font l’objet d’aucune poursuite pénale efficace. Cette impunité résulte en grande partie de la fragilité ou de l’inefficacité relative des systèmes de justice de ces États, lacunes des structures judiciaires, manque d’expérience des autorités d’enquête, surpopulation carcérale et surtout manque de ressources financières. Le développement des formes contemporaines de criminalité requiert la mise en oeuvre d’une coopération technique envisagée à l’aune de la gravité du danger que cette criminalité fait peser.

Le Togo exprime toute sa gratitude pour l’assistance technique qui lui a été jusqu’ici procurée pour améliorer son système de justice pénale. Il exprime également sa reconnaissance pour avoir été sélectionné, pour le projet d’étude du phénomène du trafic des enfants dans la sous-région. Le Togo en appelle à l’achèvement rapide des travaux d’élaboration de la convention internationale contre la criminalité transnationale organisée.

Présentation de la Conférence sur la lutte contre la pornographie impliquant des enfants sur Internet (Vienne, 29 septembre-1 octobre 1999)

M. ENNO DROFENIK (Autriche) : cette Conférence qui était organisée par l’Autriche, les Etats-Unis et l’Union européenne, a rassemblé des experts et des représentants des gouvernements, de l’industrie de l’Internet, des organisations internationales, et des ONG du monde entier. C’est surtout depuis la conférence de Stockholm contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales qui est tenue en 1996 que les gouvernements se sont engagés à criminaliser l’exploitation sexuelle des enfants et à condamner et pénaliser les criminels impliqués dans ces activités. Dans de nombreux pays, la question de la pornographie infantile fait l’objet d’un débat intensif et des mesures sont prises pour lutter contre ce fléau.

La Conférence de Vienne s’est concentrée notamment sur la manière de renforcer la coopération entre les services d’application de la loi et les pouvoirs judiciaires, la manière d’élaborer les éléments de codes de conduite à l’attention de l’industrie de l’Internet, et la manière de renforcer l’efficacité des “lignes vertes”, d’en créer de nouvelles et d’encourager la mise en place de réseaux. Un consensus mondial s’est dégagé quant aux meilleures stratégies pour combattre la pornographie infantile sur l’Internet. La Conférence a notamment conclu qu’on ne pouvait avoir aucune tolérance pour la pornographie infantile sur Internet, qu’il fallait mettre en place un partenariat mondial entre les régions et les divers acteurs et protagonistes, que la pornographie infantile devait être criminalisée au niveau mondial. Le renforcement des services de répression au niveau national et l’amélioration de la coopération entre ces services dans les différents pays ont également été préconisés. On a aussi conclu qu’il fallait renforcer la coopération et le partenariat entre les gouvernements et l’industrie de l’Internet, améliorer la formation et les capacités des membres des services de répression et autre personnel impliqué dans lutte contre la pornographie infantile, et sensibiliser davantage les utilisateurs de l’Internet à ce phénomène.

M. LUIGI SORECA (Commission européenne) : présentant les conclusions du Groupe de travail I sur les autorités chargées de l’exécution de la loi et des services judiciaires de la Conférence, a indiqué que durant les travaux du groupe, il a été constamment fait référence à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et à la Déclaration du Congrès mondial de Stockholm et au Programme d’action contre l’exploitation économique et sexuelle des enfants en tant que base pour la protection de l’enfant. L’émergence de codes de conduite des services d’Internet a également été mentionnée en tant que contribution aux mesures de lutte contre la pornographie infantile. Il a été souligné par ailleurs que la coopération et la coordination des autorités nationales chargées de l’application des lois, des services d’Internet et de la société civile progressent à différents niveaux. Les législations nationales en matière de pornographie impliquant des enfants varient considérablement d’un pays à l’autre. L’action en matière de lutte contre ce crime se heurte à l’absence de ressources et de moyens technologiques, ainsi qu’aux déficiences des autorités responsables. Il a été recommandé aux gouvernements d’harmoniser leur législation nationale et d’adopter des mesures législatives permettant de préserver les données sur le trafic.

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