SOC/4518

LES ONG IMPUTENT A LA MONDIALISATION LE BILAN NEGATIF DES ENGAGEMENTS SOCIAUX PRIS A COPENHAGUE EN 1995

12 avril 2000


Communiqué de Presse
SOC/4518


LES ONG IMPUTENT A LA MONDIALISATION LE BILAN NEGATIF DES ENGAGEMENTS SOCIAUX PRIS A COPENHAGUE EN 1995

20000412

Elles demandent des actions ambitieuses et concrètes pour redresser la tendance

Le mot d’ordre du Sommet mondial sur le développement social de 1995 a été de trouver les moyens d’assurer une mise en oeuvre complète des recommandations du Programme d’action, ont rappelé, ce matin, les ONG devant le Comité préparatoire de Copenhague + 5. Le Comité préparatoire de la session extraordinaire de l’Assemblée générale intitulée “Sommet mondial pour le développement social et au-delà : le développement pour tous à l’heure de la mondialisation” – dite Copenhague + 5 – a, en effet, interrompu ses consultations officieuses pour permettre aux ONG de dire quelle direction doivent prendre, selon elles, les “nouvelles intiatives sur les engagements pris à Copenhague” et la Déclaration politique que le Comité préparatoire doit soumettre à l’appprobation de la session extraordinaire. Les ONG ont dressé un bilan plutôt négatif de la mise en oeuvre du Programme d’action du Sommet mondial, état de fait qu’elles ont imputé à la mondialisation qui, selon le représentant de la Confédération mondiale du travail, “s’avère une cruelle plaisanterie aux dépens des pays pauvres”.

Les ONG ont regretté qu’au lieu de définir les moyens de mettre en oeuvre les engagements, les négociateurs des textes finaux de la session extraordinaire s’emploient, au contraire, à hiérarchiser les priorités fixées à Copenhague. La lutte contre la pauvreté, la création d’emplois et l’intégration sociale sont les axes autour desquels tournent les recommandations de Copenhague, ont-elles rappelé. Partant, elles ont plaidé pour la mobilisation de ressources à cette fin en demandant des mesures plus ambitieuses en matière d’allègement de la dette et en matière d’aide publique au développement. Si de nombreuses ONG ont demandé le respect de l’objectif tendant à allouer 0,7% du Produit national brut (PNB) à l’Aide publique au développement, le représentant de la Coalition des citoyens pour la justice sociale et du Conclave des ONG pour le développement humain, tenant compte de l’échec en la matière, a proposé un objectif, plus réalisable à ses yeux, de 0,5% du PNB. Le « fiasco » de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Seattle a montré, a dit la représentante du Conclave pour les droits de l’enfant, le rejet d’une société fondée sur les valeurs marchandes du Nord niant

les besoins du Sud. A ce propos, le représentant de Caritas et de Franciscains international, a, comme de nombreuses autres ONG, appuyé l’idée avancée par le Canada de lever une taxe de 0,01% sur les transactions des capitaux à court terme qui non seulement contribuerait à la stabilité des flux – dont la nécessité a été soulignée par les récentes crises financières - mais qui permettrait aussi de dégager des ressources pour le développement social. Dans le même ordre d’idée, le représentant de la Confédération mondiale du travail, a demandé un contrôle plus ferme des pratiques des investisseurs étrangers dans les pays en développement. En réponse à cela, le représentant de la Chambre internationale du commerce s’est élevé contre toute tentative visant à imposer un code de conduite aux sociétés commerciales. Selon lui, de telles initiatives reviendraient à faire peser la responsabilité des gouvernements sur les entreprises.

Les représentants de l’Association internationale des charités et du Conclave africain ont également pris la parole.

Le Comité préparatoire, qui a entamé sa session de fond le 3 avril 2000 au matin sous la Présidence de M. Cristian Maqueira (Chili), a constitué trois groupes de travail chargé d’examiner les nouvelles initiatives à prendre en vue de réaliser les dix engagements pris à Copenhague et d’établir un projet de déclaration. Ces textes seront présentés pour adoption à la session extraordinaire de l’Assemblée générale qui se tiendra à l’Office des Nations Unies à Genève, du 26 au 30 juin 2000. Aujourd’hui, l’Observateur de la Suisse, pays hôte, a donné les détails pratiques en ce qui concerne les modalités d’accueil des participants à la session et décrit les manifestations prévues au cours de la session. Le représentant a mis l’accent sur la décision de son Gouvernement d’organiser parallèlement à la session extraordinaire un forum sur les “Partenariats en matière de développement social dans le contexte de la mondialisation”. Ce forum doit se concentrer sur les possibilités de collaboration entre les acteurs impliqués dans la réalisation des objectifs fixés, en 1995, par le Sommet mondial de Copenhague. Des représentants des institutions publiques nationales et internationales, des universitaires, des représentants des milieux d’affaires, des syndicalistes, des parlementaires, des organisations sociales et autres organisations non gouvernementales seront invités à explorer des idées et des mécanismes nouveaux afin de réaliser les engagements pris et instituer ainsi une communauté mondiale équitable, pacifique et durable. Le Forum, qui se tiendra du 26 juin au 28 juin, portera sur quatre thèmes, à savoir, la protection sociale aux différents stades du développement économique; la science et la technologie au service du développement; la lutte contre la corruption et la promotion de la transparence dans les transactions économiques; et le contrat social international comme le “Pacte mondial” proposé par le Secrétaire général des Nations Unies.

Le Comité préparatoire devrait terminer ses travaux le vendredi 14 avril.

Déclarations d’organisations non gouvernementales

Le représentant de Caritas, de Franciscain international et de Coopération internationale pour le développement et la solidarité a encouragé une démarche éthique dans la recherche de solutions visant la redistribution de la richesse et la pleine participation de tous. Observant que l’écart entre riches et pauvres continue de se creuser, il a demandé à ce que l’on examine la théorie économique du ruissellement car les pauvres attendent toujours que les bénéfices de la croissance leur parviennent. Il a estimé qu’une contribution de 1% des personnes les plus riches suffirait à améliorer la redistribution des revenus. Le représentant a en outre estimé inacceptable que les pays pauvres consacrent plus de ressources financières et autres au service de la dette qu’au développement. Il faudra en conséquence débloquer des ressources supplémentaires pour continuer d’alléger le service de la dette.

Selon le représentant, les crises dues à la spéculation comptent pour un nouveau type de catastrophe qui demandent des réformes plus larges que celles des structures financières nationales. Il faut prendre des mesures préventives pour remédier à l’instabilité des flux de capitaux à court terme. Des études prouvent qu’une taxe sur les transactions monétaires appliquée aux marchés de devises pourrait servir à financer le développement et contribuer à une plus grande stabilité monétaire. Il faut savoir, a-t-il ajouté, qu’une taxe de 0,01% pourrait permettre de doubler le niveau actuel de l’Aide publique au développement (APD). Tout cela dépend de la volonté politique, a-t-il déclaré, en appelant la communauté internationale à se mobiliser. En dernier lieu, le représentant s’est dit préoccupé par le manque d’objectifs précis de la déclaration politique. Il a enjoint les participants de prendre des mesures décisives pour que la session aboutisse à des résultats concrets.

La représentante de l’Association internationale des charités a dressé un constat qu’elle a qualifié de “sans appel” face à un monde qui continue de s’enrichir. Elle a exhorté les représentants à prendre en considération les besoins des pauvres et a recommandé un meilleur recours à des partenariats avec les associations caritatives et les ONG qui savent faire le lien entre le local et le mondial afin d’éliminer la pauvreté. Elle a observé qu’il est du ressort des Etats d’assurer les services sociaux de base, mais que les ONG ont un rôle important à jouer pour assurer que ces services atteignent les plus pauvres. Pour ce faire, elle a recommandé que l’on établisse des concertations périodiques à plusieurs niveaux.

La représentante a affirmé que les démunis doivent participer pleinement à la vie de la société et notamment à l’évaluation des programmes contre la pauvreté. La société doit se convaincre que les pauvres ont des potentialités à partager et qu’ils ont le désir de s’en sortir. Il faut pour cela leur donner un minimum de pouvoir si l’on ne veut pas créer des marginalisés à vie, dépendant de l’aide caritative. Elle a recommandé que l’on assortisse ces mesures d’un soutien personnalisé pour permettre aux victimes de l’exclusion de participer à la vie sociale. Il convient d’inscrire les politiques contre la pauvreté dans la durée. Elle a exhorté les participants à la session extraordinaire à retrouver le souffle qui a présidé à la rédaction de la Charte des Nations Unies afin de reconnaître la place de chacun dans la société. Ceci exige, a-t-elle ajouté, respect et justice pour une recherche de la paix. Il faut donc changer de priorité et instaurer une vision novatrice du bien commun. Le soutien des médias est également indispensable. Rappelant que son organisation est une organisation de femmes, elle a demandé à la communauté internationale d’avoir recours à cette richesse inemployée que constituent les femmes. La représentante du Conclave pour les droits de l’enfant a invité les Etats Membres à constater le bilan négatif de la mise en œuvre des recommandations de Copenhague. Aujourd’hui, a-t-elle dit, des millions d’enfants continuent de travailler dans des conditions dures, dangereuses et indignes. La présence d’enfants soldats et l’existence de millions d’enfants réfugiés illustrent à suffisance le bilan négatif de Copenhague de même que le sort des enfants victimes du VIH/sida, a poursuivi la représentante. Il y a cinq ans, a-t-elle rappelé, le Président du Sommet de Copenhague avait clairement résumé la position à prendre qui, pour lui, devait être de travailler sur le “comment”, à savoir la manière de concrétiser le Plan d’action. Or, aujourd’hui, la communauté internationale est toujours en train de discuter de la hiérarchie à établir parmi les priorités et comme le montrent les textes en négociation, l’importance accordée à l’éducation en 1995 s’atténue peu à peu, a constaté la représentante. Plaidant pour la mobilisation de ressources aux fins de l’éducation, elle a lancé un appel aux pays donateurs pour qu’ils envisagent l’annulation de la dette et réalisent l’objectif de 0,7% du PNB pour l’Aide publique au développement. Aux pays en développement, elle a demandé d’utiliser les fonds ainsi mobilisés de manière sensible, morale et transparente. Sans l’éducation, il ne peut y avoir ni baisse de la pauvreté, ni création d’emploi, ni intégration sociale, a conclu la représentante.

La représentante du Conclave africain a estimé que les tendances de l’économie mondiale sont en train de créer un environnement défavorable à l’accomplissement des objectifs de Copenhague. Pour elle, la session extraordinaire doit donc définir des objectifs nouveaux en tenant compte de cette réalité. Partant, la représentante a regretté que les tendances qui apparaissent au cours des négociations vont vers un amenuisement des engagements les plus modestes adoptés à Copenhague, comme le montrent les points de vue sur les questions de la dette ou du financement du développement. Il est stupéfiant de voir, a dit la représentante, qu’après les crises financières, une instance comme le Comité préparatoire adopte des formulations qui nient l’impact négatif de la mondialisation. Le fiasco de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Seattle, a poursuivi la représentante, a bien montré le rejet d’une société fondée sur les valeurs commerciales du Nord et niant les besoins du Sud. La représentante s’est déclarée préoccupée par la baisse de l’Aide publique au développement et par le fait que cette aide est assortie de conditionnalités en termes d’ajustement structurel. Elle a souscrit à la position selon laquelle il convient, en matière de dette, d’adopter une approche qui aille au-delà des pays pauvres les plus lourdement endettés. Il faut une annulation de la dette pour tous les pays pauvres et des mesures en la matière qui soient dissociées des conditionnalités comme la privatisation ou les programmes d’ajustement structurel. Il faut en outre, a estimé la représentante, mettre en place un mécanisme de prêts et d’emprunts faisant intervenir la société civile pour ce qui est de la question de l’annulation de la dette et de la prévention des crises financières. La représentante a appuyé la proposition du Canada de lever la taxe sur les transactions financières résultant du commerce des produits afin de favoriser le financement du développement. Il faudra aussi accorder une attention aux problèmes des femmes, en particulier les femmes africaines, qui subissent de manière disproportionnée, les effets de la mondialisation.

Le représentant de la Confédération mondiale du travail a précisé que la majeure partie des membres de son organisation viennent des pays du Groupe des 77. Reconnaissant que la pauvreté s’est aggravée et que les objectifs de Copenhague n’ont pas été atteints, il a regretté que la déclaration politique méconnaisse ce fait. Le représentant a estimé que les pays du G7 sont un îlot de richesse dans un océan de pauvreté. Il est donc urgent d’examiner le processus néolibéral et la mondialisation qui apparaît aujourd’hui comme une cruelle plaisanterie aux dépens des pays pauvres. Il a posé la question de savoir comment les enfants des pays pauvres peuvent être protégés contre les pires formes de travail et contre le sida. Il a déploré que les pays du G7 ne respectent pas leurs engagements vis-à-vis de l’APD. Il s’est demandé si les capitaux étrangers doivent continuer à être investis sans aucun contrôle alors qu’ils contribuent à la violation des droits des travailleurs. Il s’est également inquiété des violations des droits des travailleurs migrants dans les pays développés. « Comment les pays du Groupe des 77 peuvent-ils travailler à l’élimination de la pauvreté ? », s’est-il exclamé, « alors que l’on n’examine pas les pratiques de prêts des institutions financières internationales ». Il s’est alarmé de la suppression des négociations de l’élément visant à contrôler l’emploi des investissements étrangers dans les pays en développement, alors que ces investissements ne participent guère à l’amélioration des infrastructures et de l’emploi dans les pays en développement. Il faut savoir, a-t-il ajouté, que les institutions de Bretton Woods prennent de plus en plus de pouvoir face aux Nations Unies, alors que les pratiques de ces institutions ne sont pas basées sur la négociation. Les pays du Groupe des 77, alors qu’ils représentent une part importante de la population mondiale, n’ont pas les moyens de faire entendre leurs besoins au sein des institutions mondiales, a-t-il observé, avant d’appeler les participants à rédiger une déclaration politique qui s’attacherait à mobiliser la volonté politique internationale.

Le représentant de la Chambre internationale du commerce a rappelé qu’il est largement admis aujourd’hui que la création d’emplois, vecteur de la lutte contre la pauvreté et de l’intégration sociale, repose sur une croissance économique soutenue. Depuis Copenhague, a poursuivi le représentant, le processus de mondialisation a pris de l’élan et s’est présenté comme une force puissante d’amélioration économique même pour les pays en développement. Il est vrai aussi, a reconnu le représentant, que “cette marée montante n’a pas encore soulevé tous les bateaux” et que l’un des aspects les plus préoccupants réside dans l’écart entre les pays intégrés à la mondialisation et les pays en voie de marginalisation. Le représentant a imputé cette situation au fait que, dans bien des cas, les pays concernés n’ont pas pu ou pas voulu procéder aux ajustements structurels nécessaires. L’écart croissant entre les gagnants et les perdants, a dit le représentant, a attiré l’attention sur la nécessité de mettre en place des systèmes de protection sociale pour protéger les perdants des risques de pauvreté. Dans ce contexte, une forte tendance est née qui veut imputer aux sociétés multinationales les défauts de la mondialisation et rejeter sur elles la responsabilité de corriger les déséquilibres, a constaté le représentant en citant en réponse à cette situation les différentes recherches internationales qui, selon lui, montrent qu’aucun problème majeur ne découle des activités des multinationales. Bien au contraire, a-t-il affirmé, les sociétés multinationales ont élevé le niveau économique et social des pays dans lesquels elles opèrent. Le représentant a expliqué que de toute manière la plupart des sociétés ont déjà adopté des principes de politique intérieure qui portent sur l’éthique, les pratiques d’emploi ou encore sur les normes écologiques. La Chambre internationale de commerce a elle-même publié un code de conduite, a déclaré le représentant avant de dire l’opposition du monde des affaires à l’attitude

des Nations Unies qui prône l’imposition d’un code ou de directives qui seraient “des lois douces” imposées par l’extérieur pour juger des comportements des sociétés.

Pour le représentant, cela rendrait les sociétés particulièrement vulnérables aux attaques de “prétendues parties prenantes” qui se serviraient d’allégations qui, vraies ou fausses, pourraient leur causer des dommages irréparables. Le représentant a insisté sur le fait que les milieux d’affaires ont déjà répondu à l’appel du Secrétaire général qui les enjoignaient à adopter un code de conduite. Les sociétés ont déjà mis tout en œuvre pour diffuser les meilleures pratiques, a répété le représentant en soulignant que la question nécessite des Etats Membres de l’ONU la négociation d’un ensemble de directives. Pour le représentant, déplacer la responsabilité en matière d’impact négatif de la mondialisation des gouvernements aux sociétés serait contraire à l’appel du Secrétaire général et inacceptable pour la communauté des entreprises. Le représentant a invité le Comité préparatoire à ne pas se lancer “dans un processus inutile et contre-productif”.

Le représentant de la Coalition des citoyens pour la justice sociale et du Conclave des ONG pour le développement humain a observé que les crises financières ont durement frappé les pays d’Asie et les pays en développement. Il a demandé à ce que la session extraordinaire permette de prendre des mesures concrètes. Il est temps d’instituer une meilleure solidarité internationale, a-t-il déclaré, en recommandant l’imposition d’une taxe sur les transactions financières à court terme. Une taxe de 0,01% contribuerait à la stabilité des flux tout en dégageant des recettes qui pourraient être redistribuées aux plans international et national. Il a rappelé que l’objectif d’APD fixé à Copenhague n’a jamais été atteint et que le niveau d’APD a malheureusement baissé puisqu’elle se situe actuellement à 0,2% du PNB au lieu des 0,7% demandés. Il a précisé que l’APD des Etats-Unis n’est plus que de 0,1% du PNB. Soulignant que les pays en développement sont en outre victimes de la volatilité des flux financiers à court terme, il a exhorté les Etats à établir et surtout à respecter un engagement pour une APD qui serait de 0,5% du PNB. En dernier lieu, le représentant a appelé à l’adoption d’un pacte international antipauvreté qui comporterait des objectifs prioritaires et les mesures nécessaires pour les atteindre. Il a espéré que des mesures concrètes seront adoptées, assorties d’un calendrier précis pour atteindre les objectifs de financement du développement social.

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