L'ECONOMIE MONDIALE DEVRA ETRE PLUS EQUITABLE ET FONDEE SUR DES OBJECTIFS SOCIAUX COMMUNS, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL DEVANT LE SOMMET SUD-SUD DE LA HAVANE
Communiqué de Presse
SG/SM/7358
L'ECONOMIE MONDIALE DEVRA ETRE PLUS EQUITABLE ET FONDEE SUR DES OBJECTIFS SOCIAUX COMMUNS, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL DEVANT LE SOMMET SUD-SUD DE LA HAVANE
20000412On trouvera ci-après le texte de l'allocution prononcée le 12 avril par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, devant le Sommet Sud-Sud :
Cest un grand honneur pour moi de prendre la parole à ce Sommet du Sud. Cela me fait aussi particulièrement plaisir, pour plusieurs raisons.
Dabord, jai toujours été convaincu que nous, les peuples du Sud, nous devrions jouer un rôle plus actif et plus influent dans la conduite des affaires mondiales. Nous y gagnerions beaucoup, et le monde entier avec nous.
Mais cela dépend des efforts que nous ferons nous-mêmes, quil sagisse de laction menée par chaque pays de son côté ou du mal que nous nous donnerons pour nous entraider et pour partager ce que nous avons appris.
Cette conviction est lidée maîtresse du Groupe des 77, depuis sa création. Elle est aussi depuis longtemps un des principes directeurs de lONU, qui a toujours pris le parti du monde en développement dans sa lutte contre le colonialisme.
Depuis les années 60, les États nouvellement indépendants sont majoritaires à lONU et ils ont cherché à faire de lOrganisation un des mécanismes de coordination de leurs efforts de développement.
Favoriser la coordination et la coopération est une des principales missions du Programme des Nations Unies pour le développement, dont une des unités est le Groupe spécial de la coopération technique entre pays en développement. Et maintenant, la nouvelle direction du PNUD fait de la coopération Sud-Sud un des piliers de sa nouvelle vision stratégique. Moi-même, en tant que Secrétaire général, jai insisté bien des fois sur cette nécessité.
La deuxième raison pour laquelle je suis heureux dêtre ici est que je suis reconnaissant de loccasion qui ma été offerte de venir à Cuba, dans cet État qui a montré que même un pays pauvre nest pas condamné à laisser son peuple sans défense face à certaines des plus dures épreuves de la vie.
Au classement de lindicateur du développement humain, qui tient compte aussi bien de léducation et de lespérance de vie que du revenu par habitant, Cuba devance régulièrement des pays dont le revenu par habitant est très supérieur au sien.
Laction menée ici dans le domaine de la santé publique est particulièrement remarquable. Comme la reconnu lan dernier la revue The Economist, quon ne saurait soupçonner de parti pris en faveur dun État communiste, « la qualité des services de santé à Cuba atteint des niveaux inconnus dans la plupart des pays pauvres; et ce qui est plus rare encore, cest que les campagnes en bénéficient autant que les villes ». Voilà au moins un domaine où nos hôtes donnent un exemple dont nous devrions tous nous inspirer.
La troisième raison pour laquelle je suis heureux dêtre ici est que cette visite tombe bien. Vous nauriez pas pu choisir un meilleur moment pour organiser ce Sommet du Sud.
Dans moins de cinq mois, le Sommet du millénaire nous offrira à tous une occasion exceptionnelle de mobiliser les énergies du monde en faveur dobjectifs communs.
Le Sud fera entendre sa voix à cette rencontre, et il parlera haut et fort. Mais ce qui compte encore plus, cest que le Sommet devrait produire de réelles améliorations dans la vie des gens, surtout dans celle des pauvres. Et cela signifie que ce que le Sud aura à dire ne devra pas seulement être clairement entendu, il faudra aussi que ce soit un message cohérent et constructif.
Jai essayé dapporter ma contribution à cet édifice en traçant les grandes lignes dune vision commune du XXIe siècle pour lhumanité et en proposant des mesures concrètes en vue davancer vers cet objectif.
Mon Rapport du millénaire se veut à la fois général dans sa portée et bien centré dans le choix des priorités, qui sont axées sur les problèmes que nous partageons tous plutôt que sur ceux à propos desquels les pays et les régions sopposent entre eux et entre elles.
Lhumanité naurait rien à gagner à un Sommet où les dirigeants du monde entier saffronteraient en remâchant leurs doléances. Je cherche au contraire à aider ces dirigeants à se mettre daccord sur un programme constructif et pragmatique.
Jespère fermement que, si vous ne lavez déjà fait, vous trouverez tous le temps de lire ce rapport. Il est bref, mais cest le fruit dune longue étude, de multiples consultations et dune réflexion approfondie.
Jaimerais particulièrement connaître vos réactions à mes propositions, surtout celles qui concernent les moyens de faire reculer la pauvreté, de mettre un frein au trafic des armes légères et de permettre aux habitants des pays pauvres de bénéficier des avantages de la révolution des technologies de linformation.
Je me permets aussi dappeler votre attention sur la section intitulée « Pour un avenir viable ». Certains voudraient parfois faire croire que le souci de lenvironnement est un luxe que seuls les riches peuvent se permettre. Cest le contraire qui est vrai. Ce sont ceux qui vivent dans des pays chauds, à peine au- dessus du niveau de la mer, et qui nont pas les moyens daller sinstaller ailleurs, qui sont les plus menacés par le réchauffement de la planète. Cest donc eux qui ont le plus intérêt à voir adopté et mis en oeuvre le Protocole de Kyoto, ce qui serait un pas vers la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
De même, la grande majorité de ceux qui nont pas accès à l'eau potable, et ils sont plus dun milliard, vivent dans des pays en développement. Cest pour eux que nous devons cesser dexploiter les ressources en eau dune manière qui nest pas viable. Et cest pour les pauvres et les affamés que nous devons réaliser une « révolution bleue » dans le domaine de lagriculture, visant à accroître la productivité par rapport à la quantité deau consommée « plus de grains par goutte », comme on dit.
Jaimerais également appeler votre attention sur les recommandations que jai faites en vue denrayer la propagation du VIH/sida et de faire reculer cette maladie qui menace d'anéantir loeuvre accomplie par une génération entière dans le domaine du développement humain.
Mes concitoyens africains sont bien conscients de lampleur de cette crise puisque, sur les près de 36 millions de personnes actuellement séropositives, plus de 23 millions se trouvent dans les pays dAfrique subsaharienne.
Qui plus est, lépidémie se propage bien au-delà de lAfrique. En Asie, le nombre des personnes infectées par le VIH a augmenté de 70 % entre 1996 et 1998. LInde, selon les estimations, compte plus de personnes vivant avec le VIH que tout autre pays au monde. La crise est devenue mondiale.
Je demande instamment à tous les pays gravement touchés de collaborer avec le programme ONUSIDA et dautres partenaires pour élaborer et mettre en oeuvre des plans daction nationaux.
Je recommande instamment que le Sommet du millénaire se fixe pour but explicite de réduire le taux dinfection chez les jeunes de 25 % dans un délai de cinq ans pour les pays les plus touchés et dans un délai de 10 ans pour le monde entier.
Jexhorte également les pays développés à semployer avec leur industrie pharmaceutique et dautres partenaires à mettre au point un vaccin qui soit à la fois efficace et dun coût abordable.
Si je mentionne ce problème, cest dune part parce quil est important en lui-même et, dautre part, parce quil offre une illustration de la démarche que je préconise.
Je suis convaincu que les gouvernements doivent conjuguer leurs efforts pour créer des possibilités de changement mais aussi que laction des gouvernements ne permet pas, à elle seule, de produire effectivement des changements. Nous devons faire appel aux moyens puissants de linvestissement privé, à la générosité des fondations philanthropiques, aux connaissances et à lingéniosité des chercheurs, et surtout stimuler lénergie créatrice des gens ordinaires.
Lhistoire nous jugera sur ce que nous faisons actuellement et sur ce que nous ferons dans les années qui viennent pour libérer les énergies des populations des pays en développement et leur permettre de bénéficier dune économie mondiale qui se transforme rapidement.
Il est désormais largement admis que le succès économique d'un pays dépend pour beaucoup de la façon dont il est administré. Une bonne administration sappuie sur le respect du droit, des institutions dÉtat efficaces, la transparence et la responsabilisation dans la gestion des affaires publiques, le respect des droits de lhomme et la participation de tous les citoyens aux décisions qui influent sur leur vie.
À cet égard, la considération première est de sassurer quils ont accès à léducation de base. Mais il est aussi vital, si lon veut que les pays sintègrent à la nouvelle économie mondiale, quils aient accès aux nouvelles technologies de linformation. Ces technologies nécessitent des apports de capitaux très faibles par rapport aux vielles technologies industrielles et, de ce fait, permettraient éventuellement aux pays pauvres de sauter certaines étapes longues et pénibles que dautres ont dû franchir sur la voie du développement. Elles devraient également susciter un intérêt particulier lors de la présente réunion car elles offrent des possibilités intéressantes pour améliorer la coopération Sud-Sud.
De nombreux pays en développement montrent déjà la voie à suivre lInde avec son industrie de création de logiciels en plein essor; le Costa Rica avec ses exportations de composants électroniques; Maurice qui fait connaître son industrie textile dans le monde entier grâce à lInternet; le Mali qui sest doté dun réseau Intranet afin daccroître lefficacité des services administratifs. On pourrait donner de nombreux autres exemples.
Dans mon rapport, jannonce deux initiatives particulières qui visent à mettre les technologies de linformation au service des populations des pays en développement. La première porte sur la création dun centre télémédical; dans le cadre de cette initiative, 10 000 sites électroniques seront ouverts dans des hôpitaux, des dispensaires et des centres de santé publique dans les pays en développement pour que ceux-ci aient un accès immédiat aux données médicales les plus récentes, adaptées à leurs besoins particuliers. La seconde initiative porte sur un groupement dassociations bénévoles qui assureront des formations à lutilisation et aux applications des technologies de linformation.
Ces deux initiatives prendront la forme de partenariats entre des organismes des Nations Unies, le secteur privé, des fondations philanthropiques et des particuliers qui agissent dans un esprit civique, tant dans les pays du Nord que dans les pays du Sud, et elles aideront les populations des pays en développement à trouver leur place dans la nouvelle économie mondiale et à bénéficier de ses retombées.
Mais pour atteindre ces objectifs, nous devons aussi rendre l'économie mondiale plus équitable, en létayant par des règles fondées sur des objectifs sociaux communs et des institutions au sein desquelles le Sud soit dûment représenté, et ses intérêts protégés. Au tout premier rang de ces institutions devrait figurer une Organisation des Nations Unies revitalisée et renforcée, véritable enceinte mondiale où tous les pays sont représentés.
Les pays les mieux lotis ont tout intérêt à ce qu'un monde nouveau soit bâti sur ces bases, car un tel monde sera à la fois plus prospère et plus stable que celui dans lequel nous vivons aujourdhui. Ils ont également un rôle déterminant à jouer dans son édification.
Je leur demande instamment douvrir leurs marchés aux produits des pays les moins avancés.
Je leur demande instamment deffacer toutes les dettes officielles contractées par les pays pauvres très endettés.
Je leur demande instamment de faire preuve dune plus grande générosité dans le cadre de laide au développement, en particulier à légard des pays qui utilisent vraiment leurs ressources pour lutter contre la pauvreté.
Je suis sûr que ces demandes rencontreront un écho lors du présent Sommet. Jespère aussi voir adopter par ce sommet des positions qui leur donneront plus de poids.
Dans cet esprit, Monsieur le Président, je souhaite pour vous tous en fait, je devrais dire pour nous tous que le Sommet soit un succès éclatant.
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