LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME TIENT UN DEBAT SPECIAL SUR LA PAUVRETE ET LES DROITS DE L'HOMME
Communiqué de Presse
DH/G/1305
LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME TIENT UN DEBAT SPECIAL SUR LA PAUVRETE ET LES DROITS DE L'HOMME
20000412Genève, le 12 avril 2000 -- La Commission des droits de l'homme a tenu ce matin une séance spéciale consacrée à la question de la pauvreté et des droits de l'homme, dans le cadre du débat sur les droits sociaux, économiques et culturels.
Le débat a été ouvert par un panel composé de sept personnalités : Mme Mary Robinson, Haut-Commissaire aux droits de l'homme; Mme Odile Sorgho-Moulinier, Directrice du bureau européen du Programme des Nations Unies pour le développement; M. Siddiqur Rahman Osmani, Professeur du développement économique à la School of Public Policy Economics and Law, Université d'Ulster; M. Miloon Kothari, de Coalition internationale Habitat; de Mme Anne-Marie Lizin, Experte indépendante sur les droits de l'homme et la pauvreté extrême; M. Rubens Ricupero, Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement; et Mme Marta Santos Pais, Directrice de l'évaluation des politiques de planification au Fonds des Nations Unies pour l'enfance.
Les pays suivants ont participé au débat : Équateur, Portugal (au nom de l'Union européenne et des pays associés), Pakistan, El Salvador, Japon, Guatemala, Malaisie, Inde, Venezuela, Madagascar, Bangladesh, Chine, États-Unis, Suède, Norvège.
M. Reinaldo Figueredo, Rapporteur spécial sur les effets de la dette, s'est aussi exprimé, de même que les représentants des organisations non gouvernementales suivantes : Centre Europe-tiers monde, au nom de 19 organisations non gouvernementales; Women's Caucus.
La plupart des intervenants ont mis l'accent sur la nécessité : de lier la lutte contre la pauvreté au respect des droits fondamentaux; de responsabiliser les États en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté; d'adopter de nouvelles approches face à la pauvreté; d'inclure les droits de l'homme dans le débat sur les programmes de développement et de lutte contre la pauvreté; de favoriser un environnement mondial propice au développement. Il a été souligné qu'il est possible de remédier à la pauvreté grâce aux ressources qui existent au niveau mondial et qui pourraient permettre d'éradiquer la pauvreté en quelques générations. La pauvreté est une menace à la réalisation des droits de l'homme et
elle doit être prise en compte dans les travaux de la Commission, notamment de ses mécanismes de surveillance des droits de l'homme. Il a été noté que chaque État doit consacrer une part de son budget à la réalisation des droits fondamentaux.
La Commission achèvera son débat spécial sur la pauvreté et les droits de l'homme à partir de 15 heures cet après-midi avant de reprendre son débat sur les droits de l'enfant.
Présentations sur la question de la pauvreté et les droits de l'homme
M. SHAMBHU RAM SIMKHADA, Président de la Commission des droits de l'homme, a rappelé que, depuis deux ans, la Commission a décidé de tenir, à chaque session, un débat spécial pour permettre une réflexion sur des questions particulièrement préoccupantes et urgentes ayant trait à la réalisation des droits de l'homme. Les années précédentes, la Commission s'est penchée sur les droits des femmes et les droits de l'enfant. Cette année, la Commission a choisi pour thème de son débat spécial *ðla pauvreté et la jouissance des droits de l'homme+ð. Le choix de ce thème est particulièrement pertinent au moment où les États, les organisations, les communautés et les individus entreprennent une multitude d'initiatives pour répondre au problème de la pauvreté et où la communauté internationale est sur le point de passer en revue les engagements qu'elle avait contractés, lors du Sommet mondial pour le développement social, en faveur de l'éradication de la pauvreté. Les institutions des Nations Unies, que ce soit dans le cadre des instruments des droits de l'homme ou non, élaborent des programmes de lutte contre la pauvreté. La Commission elle-même examine, au cours de la présente session, un projet de déclaration sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté dans le contexte du droit au développement et de la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels.
Le Président de la Commission a souligné que la persistance de la pauvreté constitue une menace pour la paix, la sécurité et la dignité humaine. En dépit de toutes ces initiatives qui ont été prises ces dernières années, la pauvreté continue de se répandre et de s'aggraver. Aujourd'hui, la Commission est un forum unique qui s'est donné l'occasion de *ðfaire une différence+ð dans la vie de millions de personnes vivant dans la pauvreté.
MME MARY ROBINSON, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a rappelé que 1,2 milliard de personnes survivent avec moins d'un dollar par jour; 790 millions de personnes souffrent de malnutrition; 140 millions d'enfants ne vont pas à l'école ; 900 millions d'adultes sont analphabètes; 34 millions de personnes vivent avec le virus VIH. Les pauvres se voient refuser tous les droits fondamentaux de l'homme.
La Haut-Commissaire en ensuite plaidé pour une méthode d'éradication de la pauvreté fondée sur le respect du droit. Elle rappelé qu'en 1997, la communauté internationale avait proclamé la première Décennie pour l'éradication de la pauvreté, avec pour objectif la diminution de moitié de la pauvreté en 2015. Mme Robinson a souligné que toute approche d'éradication de la pauvreté doit se fixer pour objectif primordial la réalisation des droits de l'homme. Cette approche présente de nombreux avantages : elle assure que la dimension humaine n'est pas perdue de vue dans l'élaboration des stratégies de développement et de réduction de la pauvreté; elle met en place les conditions de participation populaire et renforce les institutions de l'État et de la démocratie; cette approche est globale et tient compte du fait que la pauvreté est un problème multidimensionnel et que les droits de l'homme sont civils, culturels, économiques, politiques et sociaux. Qui plus est, c'est une approche préventive. Enfin, cette approche fondée sur les droits de l'homme aide les pays dans leur lutte contre la pauvreté.
La Haut-Commissaire a conclu en soulignant que le dialogue d'aujourd'hui offrait à la Commission l'occasion de franchir une étape réelle dans la réduction de la pauvreté grâce à la promotion des droits de l'homme.
MME ODILE SORGHO-MOULINIER, Directrice du Bureau du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à Genève, a souligné que la pauvreté est souvent comprise comme un manque de moyens financiers et est évaluée à partir du nombre de personnes dont le revenu ne s'élève pas au dessus d'un certain seuil, par exemple un dollar par jour, qui est la référence retenue par certains. Pourtant, la pauvreté est bien plus que cela, c'est le dénuement, la privation des choix les plus élémentaires tels que la possibilité de mener une existence longue et saine, d'avoir accès à l'éducation, d'avoir les moyens de prendre part à la vie de la communauté. Il faut distinguer la pauvreté humaine de la pauvreté monétaire.
Mme Sorgho-Moulinier a déclaré que, pour sa part, le PNUD a adopté une approche fondée sur les droits de l'homme pour favoriser le développement et l'élimination de la pauvreté. Elle a souligné que, dans les pays où a été mise sur pied une équipe des Nations Unies et mis en oeuvre le Plan cadre des Nations Unies pour l'aide au développement pour apporter une réponse concertée aux besoins de développement du pays, les bilans en matière de pauvreté s'élaborent de plus en plus sur la base d'une approche fondée sur les droits de l'homme, notamment depuis le mémorandum d'accord signé en 1998 par l'Administrateur du PNUD et le Haut Commissariat aux droits de l'homme.
La representante de PNUD a déclaré que le Rapport sur la pauvreté 2000, rendu public le 4 avril dernier, plaide en faveur d'une nouvelle stratégie mondiale contre la pauvreté *ðdotée de davantage de ressources, mieux centrée et fondée sur des engagements plus forts+ð. Ce document préconise l'élaboration de plans nationaux qui s'attaquent à toutes les causes et aspects de la pauvreté. Il prône l'avènement d'une nouvelle génération de programmes de lutte contre la pauvreté, centrée sur une *ðcroissance fondée sur l'amélioration de la situation des pauvres, la réduction des inégalités et le renforcement des capacités des pauvres+ð. Il souligne également que, souvent, le *ðchaînon manquant+ð entre les efforts contre la pauvreté et la diminution de la pauvreté est l'absence d'institutions et de gouvernance efficaces et responsables. Le rapport insiste donc sur la nécessité pour les gouvernements de rendre compte à leurs administrés car il est crucial pour la réussite des efforts de lutte contre la pauvreté que les pouvoirs publics répondent de leur gestion des fonds publics. Le rapport recommande d'allouer les ressources au bénéfice des pauvres car il est rare que ceux-ci soient les véritables bénéficiaires des programmes de lutte contre la pauvreté. Le rapport révèle par ailleurs que la plupart des programmes contre la pauvreté ne tiennent pas compte des inégalités entre personnes des deux sexes, ce qui constitue à la fois une négation des droits de l'homme et une source d'aggravation de la pauvreté. Enfin, le rapport suggère que si *ðl'on se débarrassait de la corruption, et qu'en même temps les pauvres s'organisaient, bon nombre de programmes nationaux pourraient profiter immédiatement à ceux qui en ont besoin.+ð
M. SIDDIQUR RAHMAN OSMANI, Professeur en économie du développement à l'École de droit, d'économie et de politique publique de l'Université d'Ulster, a souligné que si l'on choisit une approche de la pauvreté fondée sur les droits, il faut assurer que ceux à qui la protection de ces droits incombe sont effectivement tenus pour responsables de la manière dont ils s'acquittent de leur tâche. Les États parties doivent ainsi être rendus responsables quand ils manquent à leur devoir de garantir le droit de ne pas souffrir de la pauvreté. Mais comment contester l'explication des États qui font état du manque de ressources disponibles pour justifier un tel manquement, s'est interrogé M. Osmani ? Le professeur a rappelé que l'an dernier, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a adopté une recommandation générale sur le droit à l'alimentation. Il a mis l'accent sur la nécessité, pour les États, d'élaborer des plans nationaux de lutte contre la pauvreté.
M. MILOON KOTHARI (Coalition internationale Habitat et au nom également de International NGO Committee on Human Rights in Trade and Investment) a déclaré qu'une centaine de millions de personnes dans le monde n'ont ni logement ni abri. Ce chiffre passe à un milliard si l'on prend en compte les personnes qui vivent dans des conditions insuffisantes. Les conséquences sont graves, tant pour la sécurité de ces personnes que pour leur développement économique. La raison de cette situation est la mondialisation, a-t-il déclaré.
Le représentant a souligné que la mondialisation économique et la libéralisation des marchés génèrent la pauvreté. La communauté internationale doit opérer des changements dans ses approches et entamer une réflexion sur la situation des pauvres et le problème de la pauvreté : il ne faut plus penser aux pauvres comme des victimes, mais comme des participants. Il a fait valoir que la biodiversité est un élément important pour les pauvres. L'accès aux ressources naturelles est plus important pour les populations pauvres que l'accès aux ressources monétaires. Pour conclure, il a demandé que la Commission adopte une déclaration selon laquelle elle demanderait le respect des droits économiques sociaux et culturels et la création d'un groupe de travail sur la pauvreté.
MME ANNE-MARIE LIZIN, Experte indépendante de la Commission des droits de l'homme chargée de la question de l'extrême pauvreté, a estimé qu'il est fallait faire preuve de cohérence dans les stratégies appliquées par les institutions de Bretton Woods - en particulier le Fonds monétaire international-, l'Organisation mondiale du commerce et les institutions spécialisées des Nations Unies.
De nombreux aspects de l'extrême pauvreté doivent encore être approfondis et exigent une attention particulière de la part de la Commission. Il faut, en particulier, poursuivre l'évaluation de l'interrelation entre la promotion et la protection des droits de l'homme de l'élimination de l'extrême pauvreté, l'intégration dans l'analyse des résultats des consultations avec les plus pauvres et les communautés dans lesquelles ils vivent, la participation dans la mesure du possible au mécanisme d'évaluation des stratégies de lutte contre l'extrême pauvreté élaborées dans le cadre régional et sous-régional, la contribution aux consultations avec les institutions de Bretton Woods dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, la contribution à l'évaluation à mi-parcours de la première Décennie des Nations Unies pour l'élimination de la pauvreté prévue en
2002 et l'association aux débats en cours aux Nations Unies concernant la stratégie visant à réduire de moitié l'extrême pauvreté d'ici l'an 2015. L'experte a suggéré que la question de la pauvreté et sa relation avec la jouissance des droits de l'homme soient également intégrées dans les mandats thématiques des rapporteurs spéciaux et groupes de travail.
M. RUBENS RICUPERO, Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a indiqué être arrivé ce matin même de Washington où il a eu avec les représentants du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale une série de réunions sur les moyens d'atténuer la pauvreté. Il a souligné l'importance d'adopter une approche des questions de lutte contre la pauvreté cohérente qui privilégie un retour à des notions de mutualité d'intérêts et d'interdépendance. M. Ricupero a déclaré que les manifestations qui se sont déroulées ces derniers jours à Washington - qui l'ont empêché d'accéder à certains bâtiments - témoignent de la protestation grandissante contre le capital, qui ne prend aucun engagement envers les communautés locales ni les travailleurs.
M. Ricupero a souligné qu'il fallait s'assurer que dans les futures négociations commerciales, une véritable réciprocité sera assurée. Le Secrétaire général de la CNUCED estimé qu'il n'y avait pas de difficulté en termes techniques à donner une expression concrète à cette aspiration. Un bon moyen d'assurer la cohérence des approches aux questions concernant la pauvreté consiste à accorder une place importante à la dimension droits de l'homme des problèmes. À Bruxelles, la prochaine conférence sur les pays les moins avancés donnera l'occasion de se pencher sur la situation de ces pays.
MME MARTA SANTOS PAIS, Directrice de l'évaluation des politiques de planification du Fonds des Nations Unies pour l'enfance, a noté qu'en dépit des progrès importants réalisés depuis la mise en oeuvre de la Convention sur les droits de l'enfant, des millions d'enfants n'en bénéficient toujours pas. Elle a noté que les facteurs de vulnérabilité pour les pauvres et les enfants marginalisés se trouvent gravement augmentés lorsque les conflits armés se conjuguent avec la pandémie du sida. Ce sont les enfants qui sont les premières victimes de ces drames. À la fin de cette année, 10,4 millions d'enfants de moins de 15 ans auront perdu leur mère ou leurs deux parents à cause du sida. L'augmentation du nombre de conflits armés aggrave la situation des enfants, notamment en ce qui concerne la santé, l'alimentation, l'éducation et le développement social.
Tous les pays peuvent mettre en oeuvre les droits des enfants et l'accès universel aux services sociaux de base, même quand le niveau de revenu est très bas. L'expérience de l'UNICEF a démontré que, lorsque les politiques et les budgets sont orientés en fonction des intérêts de l'enfant, les États jettent les fondations pour un développement soutenu et équitable pour l'avenir, a-t-elle conclu.
Débat sur la question de la pauvreté et les droits de l'homme
M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA (Équateur) a déclaré qu'il est bon que la communauté internationale se préoccupe de l'extrême pauvreté mais il existe le
risque que cela ne donne pas les effets escomptés, sachant qu'il y a un décalage au sein des Nations Unies entre ce qui est dit et les politiques structurelles effectivement mises en oeuvre. Il a souhaité que ce qui est dit aujourd'hui sera entendu par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Il faudra à cet égard exiger un rôle plus important de la part du Haut-Commissariat et obtenir des ressources adéquates au sein des institutions de Bretton Woods (le Fonds monétaire international et la Banque mondiale). Si l'on souhaite que les institution jouent leur rôle dans la lutte contre la pauvreté, il faut faire participer aussi les premiers concernés, les pauvres eux-mêmes. Le fardeau de la dette est un des principaux obstacles au développement.
M. ALVARO MENDONÇA E MOURA (Portugal, au nom de l'Union européenne) a rappelé que la pauvreté est un obstacle à la pleine jouissance de tous les droits de l'homme et qu'elle constitue une entrave à l'exercice de la citoyenneté. Il a demandé aux panélistes quelle réflexion leur inspirait le fait que l'augmentation de l'exclusion sociale s'accompagne d'un renforcement de la citoyenneté, du moins au niveau des normes. Le représentant portugais a souligné que la principale responsabilité en matière de lutte contre la pauvreté incombe en premier lieu aux États. Toutefois, certains manquent de ressources, si bien que la coopération internationale s'avère essentielle. L'Union européenne juge fondamentale la participation de la société civile et des organisations oeuvrant dans le domaine des droits de l'homme à la lutte contre la pauvreté.
M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a déclaré que le problème de développement est un problème essentiellement externe aux pays les plus pauvres. La preuve que la mondialisation a un fort impact sur les économies nationales, c'est que la crise économique mondiale a été ressentie durement même par les pays les plus développés. Les pays devraient demander la reconnaissance d'autres droits : le droit à des règles commerciales adéquates au niveau mondial et la création d'un organisme de *ðsurveillance commerciale+ð; l'accès aux technologies et à la connaissance; le droit de ne pas subir la mondialisation; le droit à une participation effective au sein des grandes institutions monétaires. Ceci permettrait de mettre en oeuvre des stratégies d'éradication de la pauvreté, a-t- il estimé.
M. CASTRO GRANDE (El Salvador) a déclaré que sa délégation souscrit à ce qui a été dit ce matin. Son pays souhaite aussi lutter contre la pauvreté mais il faut aussi accorder une attention au droit à un emploi décent, tout autant qu'au droit à l'éducation. Il faut élaborer des instruments qui permettent à l'individu de s'épanouir. La Commission devrait également se pencher sur la question de la libre circulation des personnes et de la main d'oeuvre, des travailleurs migrants et de la migration vers les sources d'emploi.
M. REINALDO FIGUEREDO, Rapporteur spécial sur les effets de la dette sur la jouissance des droits de l'homme, a porté au crédit de la Commission et du Secrétaire général des Nations Unies d'être parvenus à placer au centre du débat sur la lutte contre la pauvreté les questions relatives aux droits de l'homme et d'avoir fait en sorte que ces questions soient prises en compte par les institutions de Bretton Woods. Étant donné la nécessité d'assurer la cohérence des approches adoptées pour traiter le problème de la pauvreté, il est indispensable de réfléchir dès maintenant aux recommandations que l'on souhaite faire dans le cadre
de la Conférence *ðCopenhague+5+ð qui se tiendra en juin prochain à Genève. Le Rapporteur spécial a aussi souligné l'importance de la conférence qui se tiendra l'an prochain à Bruxelles pour se pencher sur la situation des pays les moins avancés.
M. HIDEAKI KOBAYASHI (Japon) a traité de la question de l'approche de la lutte contre la pauvreté fondée sur les droits de l'homme. Il a noté que son pays y travaillait depuis 10 ans. Le problème majeur auquel se heurtent les efforts pour introduire les droits de l'homme dans l'aide au développement est que le pays récipiendaire de l'aide tend à ressentir l'assistance comme un moyen de pression. Le Japon avait donc pris le parti de ne tenir compte que de facteurs économiques dans sa coopération au développement, sans prendre en compte d'autres considérations tels que le respect des droits de l'homme. Mais aujourd'hui, la situation a de nouveau été réexaminée et le Japon procède à un examen plus attentif des programmes d'aide lorsqu'il s'agit de pays non démocratiques ou lorsqu'un gouvernement est parvenu au pouvoir par des moyens non démocratiques.
M. LUIS ALBERTO PADILLA MENÉNDEZ (Guatemala) a mis l'accent, à l'instar des représentants de l'Équateur et d'El Salvador, sur les facteurs extérieurs qui contribuent à la pauvreté. Mais il a souligné également que les questions de la bonne gouvernance et de la démocratie méritent aussi toute l'attention des États. Il faut des systèmes démocratiques, mais ce n'est pas suffisant. Il faut aussi assurer la cohérence entre les mesures demandées par les institutions de Bretton Woods et les politiques nationales. Le représentant guatémaltèque a également souligné la nécessité d'assurer le financement pour le développement. Sera-t-il assuré par le biais des programmes du PNUD par exemple ?
M. ZAINAL ABINIL RAJA NUSHIRWAN (Malaisie) s'est demandé si l'éradication de la pauvreté figure à l'ordre du jour des Nations Unies. Il s'est également demandé si la communauté internationale, par l'intermédiaire des Nations Unies, n'avait pas échoué dans ses réponses aux besoins des pauvres. Les diverses institutions de la famille des Nations Unies ne seraient-ils pas divisées entre clubs de riches et clubs de pauvres, a également demandé le représentant malaisien ? La Malaisie pense qu'il y a certains avantages à envisager une approche pour les droits de l'homme fondée sur le développement. Il existe dans nombre de pays en développement une crainte de voir les droits de l'homme être utilisés pour justifier des mesures protectionnistes, a souligné le représentant.
M. A. GOPINATHAN (Inde) a noté que la pauvreté constitue l'un des plus importants obstacles à la jouissance des droits de l'homme. Il a posé la question de savoir si la communauté internationale est toute entière engagée dans l'éradication de la pauvreté. Prévoit-on la réalisation de cet objectif d'ici une décennie ou deux ? Allons-nous souscrire à une autre approche que celle fondée sur le respect des droits de l'homme pour accorder une aide économique ?
M. VICTOR RODRÍGUEZ CEDEÑO (Venezuela) a déclaré que les responsabilités dans la lutte contre la pauvreté dans le contexte des droits de l'homme sont partagées. Lorsque la pauvreté s'installe, les droits de l'homme ne peuvent se réaliser. La pauvreté est aussi liée à la paix et la sécurité internationales. La pauvreté n'est pas un problème exclusif de quelques pays, c'est un problème qui concerne
toute la communauté internationale. Le représentant vénézuélien a insisté sur la nécessité d'instaurer un système fondé sur la justice sociale, qui ne relève pas de la seule responsabilité des États mais qui doit être traité au plan international. En effet, un tel effort nécessite l'assistance et la coopération internationale et la mise en commun des efforts pour atténuer la dette et son impact sur le plan structurel.
MME SORGHO-MOULINIER, Directrice du bureau du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à Genève, a rappelé que le PNUD n'a de cesse d'approfondir les connaissances sur les questions liées à la pauvreté. Elle a indiqué que le PNUD rendrait public le 19 avril prochain à 14h30 en salle VII, au palais des Nations, son rapport sur la question. S'agissant des questions de ressources en faveur de la lutte contre la pauvreté, Mme Sorgho-Moulinier a reconnu qu'il est certes nécessaire d'accroître le montant de l'aide publique au développement, mais il est également nécessaire pour les États de réorienter les ressources déjà disponibles en faisant des choix budgétaires plus favorables aux pauvres.
M. RICUPERO, Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, s'est félicité de l'ensemble des déclarations faites dans le cadre du débat de ce matin, mais il a lancé une mise en garde : donner des droits est nécessaire, mais ce n'est pas suffisant s'il n'y a pas les moyens d'en jouir. Par exemple, dans de nombreux pays, il faut avoir des politiques de discrimination positive. Il faut prévoir des droits et les moyens de jouir de ces droits, a-t-il conclu.
MME ROBINSON, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a relevé, notamment, des commentaires de l'Équateur sur la nécessité, pour le Haut-Commissariat, d'obtenir davantage de capacités et de ressources pour apporter sa contribution dans une démarche qui associe promotion des droits de l'homme et lutte contre la pauvreté. En ce qui concerne le droit au développement, elle a reconnu qu'il fallait tenir davantage de discussions directes avec la Banque mondiale et la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement. Elle a rappelé que le Haut-Commissariat entretient un dialogue privilégié avec le Programme des Nations Unies pour le développement. C'est une question prioritaire. Il faut reconnaître que s'attaquer à la pauvreté, cela veut dire renforcer la capacité des gens à améliorer les conditions de leur propre vie et améliorer l'approche des gouvernements aux problèmes de pauvreté. Il faut que cette question soit abordée avec les pauvres eux-mêmes pour trouver des solutions.
M. OSMANI, Professeur en économie du développement, a dit ne pas partager l'avis exprimé par la délégation du Guatemala selon laquelle l'approche participative des questions de développement et de lutte contre la pauvreté ne saurait s'appliquer ailleurs que dans des pays dont le modèle démocratique est proche de celui qui prévaut en Suisse. En effet, il s'agit, pour promouvoir une lutte efficace contre la pauvreté, de disposer d'un cadre général où les gens peuvent faire entendre leur voix, d'une manière ou d'une autre. Or, un tel cadre existe, même dans les pays de la région à laquelle appartient le Guatemala.
M. KOTHARI de la Coalition internationale Habitat, a estimé qu'il ne saurait être question de créer une nouvelle organisation chargée de *ðsurveillance commerciale+ð, comme l'a suggéré un orateur ce matin, étant donné que des institutions existent déjà dans ce domaine. Il faut par contre exiger avec vigueur que des normes soient imposées aux institutions mondiales pour qu'elles prennent en compte les droits de l'homme.
M. MAXIME ZAFERA (Madagascar) a déclaré qu'il est essentiel de prendre des mesures plus vigoureuses et plus novatrices pour éradiquer la pauvreté et pour faire progresser le développement humain, tâche à laquelle s'est déjà attelé le PNUD. Il faut mettre en place une stratégie de lutte appropriée, mais aussi procéder à un effacement substantiel de la dette et au renforcement du partenariat pour le développement. De telles mesures doivent aller de pair avec des engagements fermes et une volonté politique, faute de quoi, l'impact ne saurait être significatif. Le représentant a formulé la question suivante à la représentante du PNUD : concernant l'objectif fondamental de l'élimination de la pauvreté et la mobilisation de ressources adéquates, quels ont été les moyens mis en oeuvre par le PNUD pour faire face aux besoins grandissants des pays pauvres. Le représentant a également interrogé le représentant de la CNUCED pour savoir quelle action sera prise concernant la dette à l'occasion de la troisième Conférence de l'ONU sur les pays les moins avancés, qui se tiendra à Bruxelles.
MME ISMAT JAHAN (Bangladesh) a souligné que pour lutter contre la pauvreté, il faut non seulement faire en sorte que les efforts nationaux en faveur de la lutte contre la pauvreté ne soient pas frappés par un *ðcancer de ressources+ð mais aussi oeuvrer à la création d'un environnement économique international favorable. La lutte contre la pauvreté exige davantage d'efforts en faveur des programmes de développement socioéconomiques, a poursuivi la représentante avant de mettre l'accent sur l'inégale répartition des ressources entre les pays, mais aussi à l'intérieur même des pays.
MME CYNTHIA NEURY (Centre Europe-tiers monde, au nom de 19 organisations non gouvernementales) a noté que l'on assistait à un glissement sémantique au sein de la Commission des droits de l'homme : on parle d'extrême pauvreté, et pas de pauvreté. Il faut éradiquer l'extrême pauvreté, certes, mais il ne s'agit que de mesures d'urgences qui nous éloignent des stratégies générales. L'object