DH/G/1300

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME : LA RAPPORTEUSE SPECIALE SUR LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES PRESENTE SON RAPPORT

10 avril 2000


Communiqué de Presse
DH/G/1300


COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME : LA RAPPORTEUSE SPÉCIALE SUR LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES PRÉSENTE SON RAPPORT

20000410

La Commission poursuit son débat sur les droits fondamentaux des femmes et la violence contre les femmes

Genève, le 10 avril 2000 -- La Commission des droits de l'homme a poursuivi, ce matin, son débat sur l'intégration des droits fondamentaux et de l'approche sexospécifique, et la question de la violence contre les femmes.

Dans ce cadre, la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, Mme Radhika Coomaraswamy, a présenté son rapport en soulignant que 1999 n'a pas été une très bonne année pour les droits de la femme. Le phénomène le plus marquant a été la hausse de la plus ancienne forme de crime contre les femmes, à savoir le crime d'honneur. Mme Coomaraswamy a rappelé que son rapport se concentre sur la question du trafic des femmes. Elle a aussi rendu compte des visites qu'elle a effectuées en Afghanistan, à Cuba et en Haïti.

Les représentants de Cuba et de Haïti ont fait une déclaration. La représentante de Cuba a notamment déclaré que certains fonctionnaires du Haut Commissariat aux droits de l'homme ont fait preuve de manque de transparence et d'objectivité dans leur gestion de la visite dans son pays de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes. Le Haut-Commissaire adjoint aux droits de l'homme, M. Bertrand Ramcharan, est intervenu à ce sujet.

Plusieurs intervenants ont insisté sur la nécessité pour les États qui ne l'ont pas encore fait de procéder à la ratification du Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Ils ont souligné qu'un tel instrument permettra d'assurer la mise en œuvre, dans la pratique, des principes contenus dans la Convention.

Les représentants des pays suivants ont fait une déclaration : Norvège, Canada, Sénégal, Bangladesh, El Salvador, Argentine, Afghanistan, Chili, États-Unis, Indonésie, Nigéria, Philippines, Zambie, Soudan, Cuba, Lituanie, République dominicaine et Pays-Bas. La Rapporteuse du Comité pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes a également fait une déclaration.

La Commission des droits de l'homme poursuivra cet après-midi son débat sur les droits fondamentaux des femmes et la question de la violence à l'égard des femmes.

Présentation du rapport de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes

MME RADHIKA COOMARASWAMY, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, a présenté son rapport (E/CN.4/2000/68 et Add.1 à 5 - seuls les additifs 1 à 3 sont parus) en déclarant que 1999 n'a pas été une très bonne année pour les droits de la femme : les viols en temps de guerre, l'augmentation du trafic des femmes et la persistance de la violence au foyer. L'événement le plus dramatique a toutefois été la hausse de la plus ancienne forme de crime contre les femmes, à savoir les crimes d'honneur. Cette forme d'exécution extrajudiciaire ne devrait pas être tolérée par les États, a déclaré la Rapporteuse spéciale.

Mme Coomaraswamy a souligné que son rapport se concentre cette année sur la question du trafic des femmes. Il n'existe pour l'heure aucune définition internationalement acceptée de ce trafic. Elle a plaidé en faveur d'une approche du problème qui se concentre sur le processus du trafic plutôt que sur son objet. La Rapporteuse spéciale s'est dit très préoccupée par le lien apparent entre protectionnisme, racisme, politique anti-immigration et le phénomène du trafic. Des politiques d'immigration restrictives et prônant l'exclusion sont des facteurs aggravant la persistance et la prévalence du trafic, a-t-elle estimé. Il est en outre regrettable de noter que les femmes victimes de trafic, lorsqu'elles sont détectées par les États hôtes, voient leur dignité encore plus bafouée. Emprisonnement, déportation et assignation à résidence : tel est habituellement le prix qu'elles paient pour la liberté. Mme Coomaraswamy a par ailleurs indiqué que son rapport traite de la violence contre les femmes résultant de politiques économiques et sociales de l'État.

La Rapporteuse spéciale a par ailleurs souligné que, sur les quatre visites qu'elle a effectuées en 1999, celle qui lui a laissé l'impression la plus durable - parce qu'elle a heurté sa conscience - est sa visite en Afghanistan. La communauté internationale ne peut pas tolérer la situation en Afghanistan et aucun régime au monde traitant les femmes comme le font les Taliban ne devrait être autorisé à siéger au rang de la communauté des nations. Mme Coomaraswamy a indiqué avoir constaté en Afghanistan une discrimination officielle, répandue et systématique à l'encontre des femmes - situation aggravée par les conditions de pauvreté et de guerre qui prévalent dans le pays.

S'agissant de la visite qu'elle a effectuée à Cuba (additif 2), la Rapporteuse spéciale a indiqué avoir été préoccupée par la situation concernant la détention arbitraire et les droits civils et politiques dans le pays. Mme Coomaraswamy a par ailleurs souligné que son rapport condamne l'embargo des États-Unis contre l'île et demande qu'une enquête internationale plus approfondie soit menée en la matière tant il semble que les droits économiques et sociaux des citoyens cubains soient directement violés par cet embargo. Dans son rapport, la Rapporteuse spéciale demande aux États-Unis de mettre fin à l'embargo économique imposé à Cuba.

En ce qui concerne sa visite en Haïti (additif 3), la Rapporteuse spéciale est préoccupée que les Nations Unies envisagent de se désengager de ce pays. Mme Coomaraswamy a jugé important, pour tout ce qui a trait à la police, au respect de la loi et à l'ordre, que la communauté internationale maintienne une présence jusqu'à ce que la police haïtienne soit totalement entraînée et prête à travailler. La Rapporteuse spéciale a par ailleurs déclaré que les viols politiques perpétrés en Haïti sous le régime de Cedras constituaient des violations majeures des droits de l'homme. Mme Coomaraswamy a dit espérer que le Gouvernement haïtien appliquera les recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation et prendre les mesures pour punir les responsables de ces crimes et indemniser les victimes.

MME MERCEDES DE ARMAS GARCÍA (Cuba) a rappelé que son gouvernement a invité, en 1998, plusieurs rapporteurs de la Commission des droits de l'homme, conformément à sa politique de collaboration avec les procédures thématiques de la Commission. Elle a toutefois déploré que certains fonctionnaires du Haut Commissariat aux droits de l'homme ont fait preuve d'un manque de transparence et d'objectivité dans leur gestion de la visite de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes. Ils agissaient dans l'intérêt politique de certains gouvernements et dans le mépris absolu des principes énoncés dans la Charte des Nations Unies.

La représentante cubaine a souligné que la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes a eu un large accès aux sources d'informations et aux plus hautes instances gouvernementales et a regretté que la Rapporteuse spéciale ait davantage tenu compte d'informations reçues par l'organisation non gouvernementale Human Rights Watch, «une organisation non gouvernementale au service de la politique menée par les États-Unis contre Cuba», et d'informations autres que celles qu'elle pouvait obtenir par une observation du terrain. Rappelant le caractère universel des droits de l'homme, la représentante a déclaré que les membres de la Commission des droits de l'homme n'ont pas le droit de considérer certains modèles de droits de l'homme comme les seuls applicables. Cuba rejette les paragraphes 9, 14, 66, 67, 79, 95 et 104 du rapport établi par Mme Coomaraswamy, car ils reposent sur de fausses informations, fabriquées par des sources malintentionnées ou fondées sur des positions idéologiques.

La représentante de Cuba a toutefois noté que la Rapporteuse spéciale reconnaît que la révolution cubaine de 1959 a permis la pleine intégration de la femme cubaine à une société qui lui garantit la pleine réalisation de ses droits. Les femmes représentent 43,6% de la population active et occupent 32,3 % des postes de responsabilité, a souligné la représentante. La Rapporteuse spéciale a en outre stigmatisé l'embargo imposé à Cuba par les États-Unis, qui correspond à une violence permanente et une violation de tous les droits de la femme. La représentante a regretté que la rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes ne fasse pas état des politiques hostiles menées par les gouvernements américains successifs qui ont eu pour résultat la mort ou l'incapacité permanente de centaines de femmes cubaines. La représentante a enfin déclaré que son pays tiendra compte des recommandations faites par la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes dans le perfectionnement des politiques mises en œuvre en matière de promotion des droits de la femme.

M. JOSEPH ANTONIO (Haïti) a déclaré que, comme l'a souligné la Rapporteuse spéciale dans son rapport, la situation des femmes en Haïti doit être améliorée tant au niveau de la législation que dans la mise en œuvre des textes existants. De nombreux efforts sont en cours, notamment en coopération avec les associations de femmes de la société civile mais beaucoup reste encore à faire, surtout au niveau de la formation des fonctionnaires participant à la gestion au quotidien de ce dossier. Le Gouvernement haïtien a bien pris note des observations et recommandations formulées par la Rapporteuse spéciale et en tiendra compte dans ses démarches pour améliorer la situation de ce groupe vulnérable que constituent les femmes et les fillettes.

Suite du débat sur les questions relatives aux droits fondamentaux de la femme et à la violence contre les femmes

MME SUSAN ECKEY (Norvège) a regretté que la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ne fasse toujours pas l'objet d'une ratification universelle et que nombre d'États qui l'ont ratifiée ont émis des réserves qui sont contraires à l'esprit de ses dispositions. Il y a encore beaucoup à faire en matière de promotion des droits de la femme. Partant, la représentante a lancé un appel aux États pour qu'ils lèvent de telles réserves afin d'assurer son l'efficacité de la Convention.

Seule une participation égale des femmes et des hommes peut assurer l'existence d'une véritable démocratie, a déclaré la représentante. Pour sa part, la Norvège s'efforce de réduire le fossé existant entre hommes et femmes en adoptant des mesures d'ordre juridique et en favorisant des actions concrètes. La Norvège a adopté une «Loi sur l'égalité entre les femmes et les hommes», dont un des buts est d'accroître la participation des femmes à la vie publique. La représentante a souligné le rôle important des organisations non gouvernementales pour assurer la promotion de la femme. Dans ce contexte, elle a exhorté les États à ratifier la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme adoptée l'an dernier par l'Assemblée générale.

MME KIRSTEN RUECKER (Canada) a estimé que le travail de la Rapporteuse spéciale a été essentiel pour reconnaître que la violence contre les femmes constitue une violation des droits de la personne et pour mobiliser les efforts en vue de résoudre définitivement ce problème. Sa délégation a accueilli favorablement les rapports de la Rapporteuse spéciale sur ses visites sur le terrain et l'encourage à entreprendre davantage de missions conjointes avec d'autres rapporteurs sur le terrain. Elle estime que la Commission doit réitérer son engagement à poursuivre ses travaux dans ce domaine crucial. La délégation proposera un projet de résolution visant à reconduire pour trois ans le mandat de la Rapporteuse spéciale.

La représentante canadienne a souligné l'importance du séminaire sur l'intégration des sexospécificités dans le système des droits de l'homme qui s'est tenu à Genève en mai 1999, sous les auspices du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, de la Division de la promotion de la femme et du fond de développement des Nations Unies pour la femme. Le rapport relatif au séminaire contient des recommandations que la délégation canadienne incite à mettre en œuvre. Elle souligne que l'absence d'informations concernant les femmes et de données ventilées par sexe compromet le succès de l'intégration d'un point de vue tenant compte des sexospécificités. Le Canada s'associe à d'autres membres de la Commission pour réaffirmer son engagement à l'égard des buts et objectifs de Beijing et de surmonter les obstacles auxquels se heurtent encore les efforts de la Commission, empêchant les femmes d'exercer pleinement leurs droits fondamentaux et toutes leurs libertés fondamentales.

MME FERIDA ARCA, Rapporteuse du Comité sur l'élimination de la discrimination contre les femmes, a souligné que 165 États parties ont aujourd'hui ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Elle a invité les 27 pays qui n'ont pas encore ratifié la Convention à le faire sans tarder. Mme Arca a rappelé que le 10 décembre 1999, 23 États parties à la Convention ont signé le Protocole facultatif à la Convention qui prévoit la possibilité de communications individuelles ou collectives concernant le respect des dispositions de la Convention. Depuis cette date, onze pays supplémentaires ont signé ce protocole. Mme Arca a affirmé que la Conférence «Beijing+5» qui doit se tenir en juin prochain devrait permettre de créer un cadre pour soutenir l'application du Protocole. Ce protocole devrait encourager les gouvernements à améliorer les moyens de recours existants pour les femmes.

M. MOMAR GUEYE (Sénégal) a déclaré que les obstacles à l'application du Programme d'action de Beijing sont autant de contraintes majeures qui interpellent chaque pays, le système des Nations Unies et la communauté internationale dans son ensemble. Il importe donc de prendre des mesures vigoureuses pour promouvoir et protéger les droits de la femme, par une application effective de tous les instruments pertinents et en particulier la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Dans ce contexte, le représentant a déclaré que le Sénégal met en œuvre sa politique nationale de protection et de promotion des droits de la femme. L'accent est mis sur la promotion économique des femmes, l'accroissement du taux de scolarisation des filles et l'amélioration de la santé des femmes. Le représentant a indiqué qu'une loi du 29 janvier 1999 sanctionne désormais la pratique des mutilations génitales féminines. Un grand débat national a été lancé sur le sujet, et de nombreux villages ont fait le serment solennel d'abandonner l'excision. Le Sénégal a signé le Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et s'efforce d'harmoniser sa législation interne avec les instruments internationaux compétents. Le représentant a assuré la Commission des droits de l'homme que la volonté politique existe dans son pays pour traduire en termes d'action les projets, programmes et engagements souscrits.

M. IFTEKHAR AHMED CHOWDHURY (Bangladesh) a déclaré que son pays a mis en place un Plan d'action national pour contrôler, coordonner et faciliter les programmes de développement en faveur des femmes, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes et le Programme de Beijing. L'éducation des fillettes est une des priorités du Bangladesh car le pays est conscient qu'en élevant les niveaux de connaissance et d'alphabétisation, les changements escomptés dans la société suivront. Une série de mesures administratives et juridiques pour protéger les femmes contre la violence a été

mise en œuvre, a déclaré le représentant, en soulignant qu'il n'y a pas si longtemps, son pays était encore très attaché aux traditions et que de tels changements, comme ailleurs dans un contexte similaire, se sont heurté à des résistances.

Le représentant bangladeshi a reconnu qu'il reste des cas d'intolérance, et même de violence contre les femmes, mais un consensus tend à émerger a-t-il assuré. Le Bangladesh invite la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes à se rendre dans son pays afin d'engager un dialogue constructif et de tirer parti de sa visite puisque, comme dans tous les domaines, on peut toujours améliorer les choses.

M. CARLOS GARCÍA GONZÁLEZ (El Salvador) a mis l'accent sur l'incidence positive de l'intégration d'une perspective sexospécifique dans la société salvadorienne. Il a rappelé que, dans son pays, c'est l'Institut pour le développement de la femme qui est chargé de développer et de mettre en œuvre la politique nationale en faveur des femmes. Parmi les objectifs de cette politique nationale, figure la prévention de la violence contre la femme. Pour atteindre ces objectifs, les mesures suivantes ont été prises : lancement de campagnes de prévention de la violence contre les femmes ; mise au point du programme «Téléphone Ami» pour répondre aux appels de femmes victimes de mauvais traitements ; adoption de lois visant à assurer la protection des victimes de la violence au sein de la famille.

El Salvador étudie actuellement la possibilité de souscrire rapidement au Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

MME NORMA NASCIMBENE DE DUMONT (Argentine) a déclaré que la violence domestique est une des violations les plus flagrantes des droits de la femme. C'est une pratique sociale qui a fait continuellement obstacle à la promotion de la femme. Son élimination est un défi concret qui doit engager tous les pays. L'Argentine met en œuvre nombre de mesures pour répondre aux besoins de la femme et améliorer sa condition. Mais il reste encore beaucoup à faire. L'Argentine a ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et a signé le Protocole facultatif s'y rapportant. Toutes les pratiques contraires aux intérêts des femmes sont donc désormais contraires à l'ordre juridique du pays, a souligné la représentante.

La représentante argentine a indiqué que la violence domestique fait l'objet d'une action particulière de la part de son gouvernement. Elle a par ailleurs indiqué que le code pénal argentin contient désormais une section relative à la violence contre l'intégrité sexuelle. La représentante a par ailleurs insisté sur le rôle joué par le Conseil national de la femme. Ses nouvelles fonctions sont de promouvoir un nouveau contrat social fondé sur la pleine égalité entre les femmes et les hommes dans la vie politique, économique et culturelle. La représentante a enfin déclaré qu'il est du devoir des gouvernements de construire des familles, communautés, États où les droits de la femme sont pleinement respectés et où les femmes ne sont plus soumises à une quelconque forme de violence.

M. BERTRAND RAMCHARAN, Haut-Commissaire adjoint aux droits de l'homme, souhaitant donner une réponse à la déclaration du représentant de Cuba et à une note du gouvernement (E/CN.4/2000/131) au sujet du rapport de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, a déclaré que le Haut-Commissariat aux droits de l'homme maintient une objectivité scrupuleuse à l'égard de tous les membres de la Commission. De même, le Haut-Commissariat considère que les membres du personnel nommés dans la note adressée par les autorités cubaines ont agi en toute intégrité et de bonne foi. Le rapport de la Rapporteuse spéciale contient plusieurs parties favorables à Cuba, rédigées en toute objectivité. Enfin, l'acquisition et l'utilisation de correspondance interne au Haut-Commissariat, comme Cuba l'a fait, soulèvent des questions de principe et a mérité un avis consultatif du Bureau des affaires juridiques, qui a été partagé avec la mission de Cuba.

M. HUMAYUN TANDAR (Afghanistan) a rappelé que, dans son pays, la première école pour femmes date de 1921, année où l'école devint obligatoire pour les femmes afghanes. La femme afghane a de tout temps participé à la vie socio-économique du pays, a-t-il insisté. Avant l'occupation de Kaboul par les Taliban, en septembre 1996, les femmes étaient plus nombreuses que les hommes dans certaines administrations et universités afghanes. Du jour au lendemain, des milliers de femmes ont alors perdu leur emploi et des dizaines de milliers de filles ont dû quitter l'école. L'accès des hôpitaux a été interdit aux femmes, qui se sont en outre vu interdire l'accès aux bains publics alors que la ville de Kaboul ne dispose pas d'eau courante. Des femmes ont subi des violences physiques publiques parce qu'elles portaient des chaussures à talon. Cette situation perdure aujourd'hui, a souligné le représentant de l'Afghanistan auprès des Nations Unies.

Face à l'extrémisme et au fanatisme des Taliban, les femmes afghanes mettent tous leurs espoirs dans la communauté internationale. Personne n'a le droit de les oublier. Aucun individu, aucune association, aucun gouvernement, aucune organisation internationale ne peut et ne doit ignorer la cause des femmes afghanes. Par tous les moyens, il faut leur venir en aide, a déclaré le représentant. Il faut faire comprendre aux Taliban et à leurs soutiens étrangers que, dans le concert des nations, dans l'ordre juridique international, il n'y a pas et il n'y aura pas de place pour ceux qui violent les droits des femmes.

MME PAMELA VILLALOBOS (Chili) a déclaré que son pays a été le premier à signer le Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, dont le but est d'assurer la mise en œuvre effective des principes contenus dans la Convention. Le Chili présentera une résolution soulignant la nécessité d'intégrer la perspective sexospécifique dans tous les programmes et activité s des Nations Unies. La représentante a déclaré que les gouvernements ont une responsabilité de premier plan dans la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Le Chili reconnaît les femmes en tant qu'acteurs centraux de la société et a institué un département de la femme qui a vocation à promouvoir leurs droits. Le Gouvernement chilien s'efforce de promouvoir l'égalité des chances entre les femmes et les hommes au moyen d'un plan d'action. Le Gouvernement chilien a par ailleurs initié une réforme destinée à éliminer toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes contenues dans ses textes juridiques. La Constitution chilienne affirme ainsi le principe de l'égalité entre les femmes et les hommes. La loi protège désormais les femmes contre la violence domestique. Le droit de la filiation a également été réformé afin de promouvoir l'égalité entre les sexes. La représentante a reconnu qu'il reste encore beaucoup à faire pour assurer l'égalité entre les hommes et les femmes, notamment en ce qui concerne l'accès à l'éducation.

MME KARIN RYAN (États-Unis) a déclaré que les nations du monde ont reconnu que la promotion et la protection des droits humains des femmes doivent être un sujet de préoccupation central et international afin d'affronter les problèmes majeurs qui se posent à toute l'humanité. Elle a regretté que, dans de nombreux pays, les progrès dans ce domaine sont lents, sachant que les femmes souffrent, dans presque toutes les sociétés, de discrimination, de violence et d'abus. Mais partout où les femmes ont remporté quelques batailles et commencé à obtenir des postes d'influence, les lois et les coutumes ont dû changer.

La démocratie est essentielle à la réalisation des droits humains universels des femmes, de même que de la réalisation des droits de la femme dépend une véritable démocratie. Il existe des endroits où les femmes n'ont qu'un très faible contrôle sur leurs vies, comme en Afghanistan. La représentante a rappelé que Mme Madeleine Albright a dit des Taliban que «les seuls droits qu'ils reconnaissent aux femmes sont de rester silencieuses et invisibles, non éduquées et non employées». Même si quelques petites améliorations ont été remarquées, les femmes afghanes ne peuvent toujours pas travailler à l'extérieur de leurs foyers, les fillettes restent à l'écart de toute forme d'éducation. Les États-Unis condamnent fermement les violations des droits fondamentaux des femmes dans ce pays.

MME LUCIA HELWINDA RUSTAM (Indonésie) a indiqué que sa délégation souhaite que le Haut-Commissariat aux droits de l'homme renforce sa coopération avec tous les autres organes pertinents des Nations Unies en vue d'assurer la pleine intégration des droits humains de la femme à tous les niveaux dans le système des Nations Unies. Elle a également attiré l'attention sur la nécessité de parvenir à une représentation équitable entre les sexes au sein même des organes des Nations Unies, en particulier pour ce qui est des organes chargés de la surveillance des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. La représentante a par ailleurs souligné que sa délégation a toujours été d'avis qu'aucune réserve ne devrait être admise qui viserait à entraver la mise en œuvre des dispositions d'instruments aussi importants que la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la Convention relative aux droits de l'enfant. Le Gouvernement indonésien a récemment signé le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'encontre des femmes, a par ailleurs indiqué la représentante.

La représentante indonésienne a en outre souligné que son pays a enregistré ces dernières années des progrès considérables sur la voie d'une forme de gouvernement démocratique, transparent et participatif. Cela ne s'est pas fait sans problème et des incidents de violations des droits de l'homme se sont produits, a-t-elle reconnu. Elle a toutefois indiqué que l'Indonésie enquêtera sur toute allégation d'abus des droits humains de la femme et a souligné que le pays a adopté une politique de «tolérance zéro» s'agissant de la violence contre les

femmes, un plan national d'action ayant même été adopté en novembre dernier pour assurer la mise en œuvre de cette politique et, en octobre 1998, une commission nationale sur la violence contre les femmes a été créée par décret présidentiel. Avant les émeutes de mai 1998 à Djakarta, la violence contre les femmes, dans une large mesure, n'était pas reconnue dans le pays. Les tragiques événements de mai 1998 et les activités de la Commission nationale et de l'équipe d'enquête ont contribué à accroître la prise de conscience du problème. Aujourd'hui, plusieurs organisations non gouvernementales sont en train de rédiger un nouveau projet de loi qui propose une nouvelle définition de la violence contre les femmes de manière à y inclure la violence domestique.

MME CHRISTY MBONU (Nigéria) a évoqué la création, par son pays, d'un Ministère des affaires féminines afin d'assurer la mise en œuvre du Programme d'action de Beijing. Des actions ont été menées dans le domaine de l'éducation. Les décideurs ont participé à des programmes de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes. Une enquête nationale sur les pratiques dommageables à l'égard des femmes a été lancée.

La représentante a souligné que les pays en développement sont confrontés à de nombreux obstacles dans la mise en œuvre du programme d'action de Beijing. La mondialisation, au lieu de générer davantage de bien être pour les femmes, creuse le fossé entre pays riches et pauvres. Par ailleurs, les femmes sont particulièrement affectées par l'épidémie de SIDA. Partant, la représentante a déclaré que seul le partenariat et la coopération avec les pays développés peut permettre aux pays en développement de faire face à une tragédie qui affecte de nombreuses femmes en Afrique. Le Nigéria demande également aux pays développés de renforcer les capacités d'accès des femmes aux technologies et à l'information. Le Nigéria est convaincu que l'attribution de postes gouvernementaux aux femmes contribuera à redéfinir les priorités politiques dans un sens favorable à la promotion et au renforcement des capacités des femmes.

M. DENIS YAP LEPATAN (Philippines) a déclaré que sa délégation se félicite que les différents instruments relatifs aux droits de l'homme, les rapporteurs spéciaux et autres mécanismes de cette Commission accordent de plus en plus de place au problème du trafic des femmes dans leurs activités de surveillance des droits de l'homme. Le Programme des Nations Unies pour le développement, dans son rapport de 1999, a estimé que la traite des femmes et des fillettes génère un revenu annuel de 7 milliards de dollars pour le syndicat du crime global. Certains experts placent la traite des femmes au troisième rang des sources de profit du crime organisé après le trafic d'armes et de drogues. Avec près d'un million de femmes et d'enfants achetés et vendus annuellement, dont 500 000 en Europe occidentale, le marché de l'esclavage n'a jamais été aussi florissant, lucratif et honteux qu'aujourd'hui.

Le représentant philippin a ajouté qu'un aspect troublant de la traite des femmes est le lien qui existe entre ce trafic et la mondialisation. Il a souligné que les recommandations de l'Initiative régionale de l'Asie sur le trafic des femmes et des fillettes, qui s'est tenu à Manille en mars dernier, invitaient les gouvernements à examiner la relation entre le développement économique et ce trafic dans un contexte d'actions préventives. À Manille, des stratégies d'actions

ont été préconisées dans quatre domaines, à savoir la prévention, la protection, la justice et le rapatriement, et enfin la réintégration des victimes. Le représentant a souligné qu'il est indispensable de continuer à assurer la coordination des différents programmes et initiatives entreprises par les gouvernements, les organisations non gouvernementales et les organisations intergouvernementales.

M. PALAN MULONDA (Zambie) a rappelé que la Constitution de son pays (1996) prévoit l'adoption de mesures d'action positive permettant d'accorder des privilèges et des avantages à des personnes susceptibles d'être victimes de discrimination. Afin de passer systématiquement en revue les dispositions législatives qui perpétuent les pratiques et coutumes discriminatoires à l'égard des femmes, le Gouvernement de la Zambie a mis sur pied une politique nationale sexospécifique qui établit le cadre dans lequel doivent se faire les interventions ayant une dimension soucieuse d'équité entre les sexes. Le gouvernement a incorporé une telle dimension dans ses politiques touchant à l'éducation, à la science, aux technologies et à la formation professionnelle, ainsi qu'au commerce, à l'industrie et au développement de l'enfant et de la jeunesse.

Ce processus d'intégration d'une démarche sexospécifique dans toutes les politiques et dans tous les programmes et projets n'a pas encore atteint le niveau désiré, a reconnu le représentant. Il a également reconnu que le problème de la violence fondée sur le sexe est un problème de notre temps qui continue de se manifester sous diverses formes : homicide contre les femmes, violence domestique, inceste. Ce problème existe en Zambie depuis longtemps mais, ces dernières années, le gouvernement est intervenu en mettant sur pied un groupe d'appui aux victimes qui opère sous la direction des services de police, en vue de protéger les victimes de la violence contre les femmes.

M. HASSAN EL TALIB (Soudan ) a affirmé que la femme soudanaise a toujours joué un rôle important dans la vie politique, économique et sociale du pays. Elle a d'ailleurs joué un rôle important dans l'accession du pays à l'indépendance, a-t-il ajouté. Depuis le début de l'indépendance, a déclaré le représentant, les femmes n'ont cessé de participer au développement du pays. L'approche sexospécifique a toujours prévalu au Soudan. Le représentant a évoqué nombre de mesures visant à assurer la promotion des droits de la femme dans son pays. La Constitution pose en principe la parité et des lois encouragent le rôle de la femme dans la vie publique. La constitution proclame l'égalité entre les femmes et les hommes et le gouvernement prend les mesures nécessaires à la mise en œuvre de ces principes. Les femmes peuvent accéder à la magistrature suprême. Dans certains ministères, elles représentent plus de 50% du personnel et leur participation à la vie publique ne cesse de s'accroître. De nombreuses femmes sont enseignantes. La femme soudanaise est aussi très présente dans les organisations non gouvernementales.

Le représentant soudanais a également fait part de la mise en œuvre, dans son pays, de mesures visant l'éradication des pratiques traditionnelles néfastes, telles que l'excision. Il représentant a enfin déploré la situation précaire des femmes dans le Sud-Soudan. Le gouvernement, a-t-il déclaré, agit en vue de l'élimination des pratiques d'enlèvement des femmes et des enfants. Il a lancé un appel à la communauté internationale pour qu'elle contribue à l'établissement d'un cessez-le-feu.

M. CARLOS AMAT FORES (Cuba), s'adressant au Secrétariat, a déclaré que l'on ne peut pas simplement répondre sans donner de faits. Le rapport de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes a nécessité la rédaction d'un rapport par les autorités cubaines. Cuba estime qu'étant donné les éléments importants qui sont présentés dans ce rapport, le Secrétariat aurait pu au moins ordonner une enquête. La déclaration faite cet après-midi par M. Ramcharan n'éclaircit rien et Cuba demande à savoir si, oui ou non, les faits préoccupants sur lesquels il attire l'attention sont véridiques.

M. EDVARDAS BORISOVAS (Lituanie) a rappelé que son pays a ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'encontre des femmes et qu'il est également partie à de nombreux instruments internationaux traitant de la discrimination contre les femmes, tels que les Conventions pertinentes de l'Organisation internationale du travail et de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco).

Le 1er mars 1999, est entrée en vigueur en Lituanie une loi sur l'égalité des chances entre hommes et femmes, a rappelé le représentant. Il a souligné qu'en Lituanie, la violence contre les femmes au sein de la famille est une question traitée par des institutions d'État en coopération avec des organisations non gouvernementales. À cet égard, des mesures préventives ont été prises dans les bureaux de police des villes et districts afin de traiter cette question, a assuré le représentant.

MME RHADYS ABREU DE ESTADO (République dominicaine) a informé la Commission des droits de l'homme des actions mises en œuvre par son gouvernement pour assurer la promotion des droits de la femme. L'accent a été mis sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes. Dans ce contexte, des modifications substantielles ont été introduites dans le code pénal. La représentante a indiqué qu'un Département de la non-violence a été créé sous la tutelle du Secrétariat d'État à la femme, qui fournit une aide psychologique aux femmes victimes de violences. Une commission nationale de prévention et de lutte contre la violence à l'égard des femmes a par ailleurs été institué en novembre 1998.

La Présidente dominicaine a souligné que la législation de son pays reconnaît le droit de propriété des femmes. Un programme législatif permet aux femmes vivant dans les zones rurales d'accéder au crédit. La représentante a par ailleurs salué l'action menée par l'Institut international de recherche et de formation pour la promotion de la femme dans son pays. Elle a enfin évoqué la création d'un Secrétariat d'État à la femme. La Ré publique dominicaine mène des efforts de concert avec les organisations intergouvernementales et les organisations non gouvernementales à la promotion des droits de la femme.

M. HANS HEINEMAN (Pays-Bas ) a déclaré que son gouvernement condamne fermement les crimes d'honneur commis contre les femmes sur la base de pratiques traditionnelles qui violent le droit des femmes à la vie. Les États devraient légiférer contre cette pratique et punir les coupables.

Par ailleurs, le représentant néerlandais a estimé qu'il est temps de passer des paroles aux actions déterminées pour garantir aux femmes que leurs droits humains sont pleinement respectés à travers le monde. Le représentant a également annoncé que son pays ratifiera au début de l'année prochaine le Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et que l'entrée en vigueur de ce protocole marquera une étape importante en faveur de la protection des droits fondamentaux des femmes.

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