SG/SM/7351

LE SECRETAIRE GENERAL ENCOURAGE L'ITALIE A CONTINUER DE JOUER UN ROLE MOTEUR DANS LES INITIATIVES D'ALLEGEMENT DE LA DETTE DES PAYS PAUVRES

5 avril 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7351


LE SECRETAIRE GENERAL ENCOURAGE L’ITALIE A CONTINUER DE JOUER UN ROLE MOTEUR DANS LES INITIATIVES D’ALLEGEMENT DE LA DETTE DES PAYS PAUVRES

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Il engage les pays riches à permettre l’accès des produits des pays en développement à leurs marchés sans droits de douane ni quotas

Vous trouverez ci-après l’allocution prononcée le mercredi 5 avril par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, devant les membres des deux Chambres du Parlement italien :

Je vous remercie de vos très chaleureuses paroles de bienvenue. C’est un grand honneur pour moi d’avoir été convié à m’adresser aux représentants du peuple italien, qui a joué un rôle si éminent dans l’histoire des réalisations humaines.

J’ai eu l’occasion de le constater une fois de plus aujourd’hui lorsque j’ai visité le Domus Aurea, où j’ai observé une parfaite harmonie - dont l'Italie a le secret - entre l’art et la nature et entre le passé et le présent.

Aujourd'hui, votre patrimoine historique et culturel me fait prendre toute la mesure du courage, de la créativité et de la ténacité remarquables que manifestent les italiens depuis des millénaires.

Dans certaines régions du monde, l’idée que nous célébrons le millénaire cette année peut sembler quelque peu artificielle car l’histoire que les peuples connaissent et dont ils voient les traces autour d’eux s’étend sur quelques centaines d’années seulement.

Mais ici, à Rome, l’idée de mesurer le temps en millénaires paraît tout à fait naturelle. Rome peut contempler derrière elle deux millénaires en sachant que, même au début, elle était déjà la capitale d’un grand empire.

Elle peut regarder derrière elle en sachant que, tout au long de ces deux millénaires, elle n’a jamais cessé d’être un centre politique, religieux et culturel. Au cours des deux mille années écoulées, il n’y en a probablement pas une seule qui n’ait laissé une empreinte visible quelque part parmi les magnifiques édifices de cette cité.

Ici plus que partout ailleurs, sans doute, le millénaire – Année du Jubilé – ne se résume pas à un simple accident du calendrier. On a le sens de la continuité historique, du temps qui se mesure mais ne finit pas, de la nécessité de regarder à la fois vers le passé et vers l’avenir.

- 2 - SG/SM/7351 5 avril 2000

Je suis donc convaincu qu'ici plus que partout ailleurs, mon projet de saisir l’occasion qui s'offre à l’humanité de faire le point et de se préparer aux tâches qui l’attendent, sera bien compris.

Comme vous le savez peut-être, il y a deux jours, j’ai publié à New York mon rapport consacré au millénaire qui a été établi précisément dans cette optique. Il tente de déterminer où en est l’humanité à ce moment particulier de l'histoire, de cerner les défis que nous devons relever et d’esquisser un plan d’action pour y faire face.

On peut voir là une ambition absurde, mais si l’Organisation des Nations Unies n’essaie pas de tracer une nouvelle voie pour les peuples du monde au cours des premières décennies du nouveau siècle, qui le fera?

Les dirigeants politiques du monde sont convenus de se réunir à l’ONU au mois de septembre et cette rencontre sera, par son ampleur, et la qualité des participants, sans précédent. Avant cela, les présidents des parlements de tous les pays du monde se réuniront et cette réunion sera elle-même précédée par une grande réunion de la société civile internationale, le Forum du millénaire, qui se tiendra en mai.

Lorsque le Sommet aura lieu en septembre, les attentes seront considérables. Je pense que nous serions tous fortement déçus si les dirigeants politiques venaient à New York simplement pour faire des discours. Nous espérons tous qu’ils se mettront d’accord sur les tâches les plus urgentes et qu’ils adopteront une stratégie pour les mener à bien.

Eux seuls sont à même de décider, mais ils devront s’appuyer sur des propositions pour prendre leurs décisions. Dans mon rapport sur le millénaire, j’ai précisément essayé de formuler des propositions à leur intention.

Je ne chercherai pas à résumer ici l’ensemble de ce rapport. Vos journaux l’ont déjà fait et j’espère que nombre d’entre vous auront le temps de lire le rapport lui-même.

Si vous le voulez bien, je ne m’arrêterai ce soir que sur un des thèmes abordés – la nécessité de mettre les êtres humains à l’abri du besoin.

Sur le plan matériel, l’humanité a fait des progrès remarquables au cours des 50 dernières années. Depuis les années 60, l’espérance de vie dans les pays en développement est passée de 46 à 64 ans. Les taux de mortalité infantile ont été réduits de moitié. La proportion d’enfants scolarisés au niveau primaire a augmenté de plus de 80 %; et celle des personnes qui ont accès à l’eau potable et à l’assainissement de base a doublé.

Et pourtant, si nous sommes de plus en plus nombreux à bénéficier d’un niveau de vie sans précédent, beaucoup restent désespérément pauvres. Environ 1,2 milliard de personnes n’ont même pas un dollar par jour pour subsister. Les personnes vivant en Afrique subsaharienne sont presque aussi pauvres aujourd’hui qu’il y a 20 ans.

Ce dénuement entraîne son cortège de souffrances, de découragement, de désespoir et d’absence de libertés fondamentales, qui ne fait que perpétuer la pauvreté.

- 3 - SG/SM/7351 5 avril 2000

Nous devons briser ce cercle vicieux car le dénuement est un outrage à la dignité humaine.

Je suis sûr que nous en sommes capables et que l’objectif qui consiste à réduire de moitié d’ici à 2015 la proportion de personnes vivant dans la grande pauvreté -que je demande aux dirigeants des pays du monde d’adopter - est réaliste.

La solution se trouve, en grande partie, entre les mains des pays en développement et de leurs gouvernements. Il y a des réussites époustouflantes en Asie et on commence à en enregistrer quelques-unes en Amérique latine. Même en Afrique, on entrevoit des lueurs d’espoir.

Les facteurs déterminants apparaissent clairement. Il s’agit notamment de politiques qui encouragent l’investissement, qui permettent aux femmes de s’intégrer à la population active et qui garantissent l’égalité devant la loi et l’existence d’une administration publique transparente et responsable.

Pour assurer une croissance généralisée et vaincre la pauvreté, un pays doit veiller à ce que tous les groupes de population aient la possibilité d’améliorer leur condition et soient consultés pour les décisions qui influent sur leur existence.

Il doit assurer une éducation de base pour tous – garçons et filles – et un accès égal à l’éducation à tous les niveaux.

Mais surtout, en ce nouveau siècle, il doit veiller à ce que sa population puisse tirer parti de la révolution de l’information.

Les nouvelles technologies de l’information nécessitent très peu d’apports en capitaux par rapport aux vieilles technologies industrielles. Elles n’exigent pas de grands investissements en matériel ou en capital. Ce qu'il faut surtout, c'est de la matière grise – bien le plus équitablement réparti entre les peuples du monde.

Ainsi, moyennant un investissement relativement modeste – en particulier dans l’éducation de base – nous pouvons mettre des connaissances très diverses à la portée des défavorisés et permettre aux pays pauvres de « sauter » certaines étapes longues et pénibles que d’autres ont dû franchir sur la voie du développement.

Mais beaucoup de pays ne parviendront pas à s’en sortir par eux-mêmes. Ils ont besoin d’être aidés par ceux qui sont mieux lotis ou plus avancés.

Ce concours peut, dans certains cas, se présenter sous la forme d’une aide au développement. Dans le passé, cette assistance a souvent donné lieu à des gaspillages mais l’expérience montre qu’elle peut avoir un impact réel si elle est accordée à des pays qui utilisent vraiment leurs ressources pour lutter contre la pauvreté.

Il existe une forme d’assistance beaucoup plus importante pour nombre de pays, qui n’obligera pas les pays riches à débourser de l’argent et qui, au contraire, leur permettra de réaliser un profit. Selon une étude récente, au sein de l’Union européenne, vous consacrez actuellement entre 6 et 7 % de votre produit intérieur brut à divers types de mesures protectionnistes.

- 4 - SG/SM/7351 5 avril 2000

Il ne fait pas de doute que certaines catégories d’Européens profitent de cette situation mais il doit sûrement exister des solutions plus économiques pour l’assistance que leurs concitoyens peuvent leur apporter. En tout état de cause, il est certain qu’en éliminant ces mesures et en autorisant les pays pauvres à écouler librement leurs produits sans droits de douane ou sans quotas sur vos marchés, vous donneriez à ces derniers la possibilité d’accroître leurs exportations et d’en tirer des revenus bien supérieurs à ceux qu’ils obtiennent actuellement au titre de l’assistance. Pour des millions et des millions de pauvres, ce geste pourrait faire la différence entre la misère et une vie décente.

Mais, comme vous le savez, beaucoup de pays pauvres sont paralysés par le fardeau écrasant de la dette qui les empêche d’investir les sommes nécessaires dans l’éducation et les soins de santé et de faire face de manière efficace aux catastrophes naturelles et à d’autres situations d’urgence.

Je suis heureux de constater que l’Italie joue un rôle moteur à cet égard parmi les pays industrialisés. Vous êtes intervenus activement l’an dernier en incitant vos collègues du G-7 à se mettre d’accord sur une extension de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés et en le faisant entériner par les institutions financières internationales. Je crois savoir que vous envisagez à présent d’aller plus loin et d'annuler la totalité de la dette de pays extérieurs à l'Initiative.

J’espère que ce projet se matérialisera et que vous accorderez une attention favorable à la démarche que je propose dans mon rapport. Cette démarche comprendrait les éléments suivants :

• Annuler immédiatement la dette des pays touchés par des catastrophes naturelles ou des conflits importants; • Lier les remboursements de la dette à un pourcentage maximum des recettes en devises; • Mettre en place un processus d’arbitrage de la dette destiné à concilier les intérêts des créanciers et des débiteurs souverains et à instaurer davantage de discipline dans leurs relations; • Étendre l’Initiative à un plus grand nombre de pays en leur permettant de se qualifier sur la base du seul critère de la pauvreté.

Par exemple, il semble tout à fait inacceptable que le Nigéria, après la mise en place d’un nouveau gouvernement démocratique, doive à présent se débattre pour assurer le service de toutes les dettes contractées sous le régime des dictatures militaires dans les années 80 et 90 et que l’on attende de ce pays qu’il consacre à ces remboursements une part beaucoup plus importante de son produit national brut que celle allouée à la santé, à l’éducation ou à la lutte contre la pauvreté. Il y a là certainement un exemple de situation où l’allégement de la dette constituerait une forme de prévention des conflits.

De façon générale, nous devons être bien conscients que, si nous entamons le nouveau millénaire sans mettre en place un programme convaincant d’allégement de la dette, notre objectif consistant à réduire de moitié la pauvreté dans le monde dès 2015 ne sera qu’une chimère. L’allégement de la dette des pays pauvres doit faire partie intégrante de toute stratégie internationale de promotion du développement.

- 5 - SG/SM/7351 5 avril 2000

Je suis convaincu que les Italiens l’ont bien compris et je vous en remercie. Je compte sur vous pour donner l’exemple à cet égard lorsque le G-7 se réunira de nouveau à Okinawa au mois de juillet, et lors du Sommet du millénaire lui-même.

Si nous réussissons dans cette entreprise, alors nous pourrons assurément célébrer l’an 2000 comme un jubilé et comme le début d’une ère nouvelle pour les êtres les plus démunis de la planète. Et je suis sûr qu'ensemble, nous pouvons réussir.

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