LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME POURSUIT SON DEBAT SUR LES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS
Communiqué de Presse
DH/G/1291
LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME POURSUIT SON DEBAT SUR LES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS
20000404Genève, le 4 avril 2000 -- La Commission des droits de l'homme a poursuivi, cet après-midi, son débat sur les droits économiques, sociaux et culturels en entendant les déclarations de la Jamahiriya arabe libyenne et de plus d'une trentaine d'organisations non gouvernementales.
De nombreux intervenants ont souligné que la pauvreté, qui touche 1,3 milliard de personnes à travers le monde, constitue l'un des principaux obstacles à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Plusieurs organisations non gouvernementales ont dénoncé les violations de ces droits dont souffrent de nombreuses minorités et populations autochtones dans diverses régions du monde.
Un grand nombre d'orateurs ont dénoncé l'ordre multilatéral inéquitable et injuste qui caractérise le monde contemporain où le seul credo semble être la recherche du profit. Plusieurs délégués ont plaidé en faveur de l'allègement voire de l'annulation de la dette extérieure des pays endettés. D'autres ont dénoncé les embargos économiques et les mesures coercitives unilatérales qui frappent plusieurs pays. Certains ont souligné que la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels passe par le respect des normes environnementales.
Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes sont intervenus : Centro de Estudios Europeos; Fédération des associations pour la défense et la promotion des droits de l'homme; Conférence asiatique des Bouddhiste pour la paix; Human Rights Advocates; Earthjustice Legal Defence Fund; Organization for Defending Victims of Violence; Organisation de la solidarité des peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine; Fédération mondiale de la jeunesse démocratique; Nord-Sud XXI; Aliran Kesedaran Negara : National Consciousness Movement; Fédération internationale Terre des Hommes; Commission internationale de juristes; Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples; Fédération internationale des assistants sociaux et des assistantes sociales; Rural Reconstruction Nepal; International Educational Development; Nouvelle Humanité; Mouvement indien *ðTupaj Amaru+ð; Internationale des résistants à la guerre; Bureau international de la paix; Organisation internationale pour le développement de la
liberté d'enseignement; Association américaine de juristes; Mouvement international ATD quart-monde; Third World Movement against the Exploitation of Women; Fédération démocratique internationale des femmes; Assemblée permanente pour les droits de l'homme; Défense des enfants - International (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales); International Human Rights Law Group; Union nationale des juristes de Cuba; Association of World Citizens; International Institute for Non-Aligned Studies; Worldview International Foundation.
La Malaisie, l'Inde et le Pakistan ont exercé leur droit de réponse.
La Commission achèvera son débat sur les droits économiques, sociaux et culturels demain matin, à 10 heures. Elle devrait ensuite entamer son débat général sur les droits civils et politiques.
Débat sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels
MME NAJAT AL-HAJJAJI (Jamahiriya arabe libyenne) a déclaré que l'histoire de la Libye est celle d'une guerre contre la soif, la plus grande partie du territoire national se situant à l'intérieur de la ceinture du Sahara. Elle a mis l'accent sur le problème du taux de salinité élevé de l'eau potable dont souffrait le pays en raison de l'infiltration de l'eau de mer. Toutefois, le projet de grande rivière artificielle a pu être envisagé grâce à la disponibilité d'eaux souterraines qui pouvaient être drainées vers les zones habitées. Un système de canaux souterrains en ciment a ainsi pu être construit.
M. LAZARO MORA SECADE (Centro de Estudios Europeos) a déclaré que s'il existait une volonté politique réelle de contribuer à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, l'Aide publique au développement ne serait pas en déclin. Les pays membres du G7 ont fait de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international les instruments de la défense de leurs intérêts. Ces institutions ne jouent plus un rôle conforme à leur mandat initial. Le représentant a appelé de ses voeux le renforcement du Bureau de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme et notamment son pouvoir de décision sur les politiques économiques globales. Il importe également, a souligné l'orateur, de promouvoir une composition plus géographiquement représentative du Bureau de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme. Il existe dans le monde suffisamment de ressources pour résoudre les problèmes de la faim, de l'extrême pauvreté, de l'analphabétisme et plus généralement de chacun des droits consacrés par la Déclaration universelle des droits de l'homme. Cela ne sera possible que lorsque la bataille pour la répartition équitable de la richesse sera gagnée contre l'impérialisme des puissances industrielles.
M. MIKEL MANCISIDOR (Fédération des associations pour la défense et la promotion des droits de l'homme) a expliqué qu'il était indispensable d'annuler dans sa totalité la dette des pays les plus pauvres et de renégocier la dette des autres nations pour préserver les services sociaux de base des populations. Ceci contribuerait au développement durable des peuples et à l'élimination de la pauvreté dans le monde. M. Mancisidor a estimé par ailleurs qu'il faudrait se doter d'un tribunal international spécial qui reconnaîtrait les délits économiques, enquêterait sur l'enrichissement illicite des pays riches du Nord et du Sud et poursuivrait les coupables.
MME DULCE JESUS SOARES (Conférence asiatique des Bouddhistes pour la paix) a exprimé sa préoccupation face à la persistance des violations des droits du peuple autochtone Jumma dans les Chittagong Hill Tracts. Elle a souligné que le Conseil intérimaire régional établi après l'accord de paix de 1997 n'a pas été en mesure de fonctionner étant donné que le gouvernement n'a pas approuvé le budget nécessaire. Etant donné que le processus de mise en oeuvre des accords de paix a été reporté, la situation économique s'est dégradée. Quelque trois mille réfugiés qui sont retournés dans les Chittagong Hill Tracts n'ont pas pu récupérer leur terre comme
cela leur avait été promis par le gouvernement. La représentante a par ailleurs exhorté la Commission à rappeler à l'Indonésie qu'elle avait promis de ratifier le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et d'intégrer dans sa législation et sa politique internes les normes de cet instrument.
MME TARA-JANE INGRAM-YOUNG (Human Rights Advocates) a plaidé en faveur de l'élargissement du mandat du Groupe de travail sur les mouvements et déversements illicites de déchets toxiques. La représentante a regretté que la Convention de Bâle ait exclu de son champ d'application l'exportation de déchets toxiques des pays membres de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), vers des pays non membres de l'OCDE. Elle a également déploré que les obligations découlant de la Convention ne s'appliquent pas aux sociétés multinationales. La représentante a ensuite évoqué le problème des pesticides, soulignant que l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture a dénoncé l'utilisation de produits interdits dans les pays en développement. Human Rights Advocates recommande à la Commission des droits de l'homme de demander au Rapporteur spécial sur les mouvements et déversements de produits toxiques d'enquêter sur l'impact des problèmes environnementaux sur la jouissance des droits de l'homme.
M. MIRGHANI IBRAHIM (Earthjustice Legal Defence Fund) a appelé la commission à réévaluer le mandat du rapporteur spécial sur les mouvements et déversements illicites de déchets toxiques en élargissant sa zone géographique et en lui permettant de considérer largement la situation de toutes les victimes de violations des droits de l'homme y compris les victimes de contamination environnementale et d'autres dommages liés à l'environnement.
M. MOHAMMADI YADOLLAH TEHRANI (Organization for Defending Victims of Violence) a rappelé le droit de chacun à des normes de vie appropriées, notamment en matière de santé, de logement et de travail. Or 1,3 milliard de personnes dans le monde vivent dans la pauvreté. La réalité est que ces personnes ne peuvent pas s'attendre à un miracle dans les relations internationales actuelles. La Banque mondiale a elle-même conclu que si la proportion de la population mondiale vivant dans la pauvreté est passée de 30% en 1987 à environ 29,5% en 1993, le nombre absolu de pauvres est, pendant la même période, passé de 1,23 à 1,31 milliard d'individus.
MME LOURDES CERVANTES (Organisation de solidarité des peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine) a dénoncé la politique néolibérale mise en oeuvre par les institutions financières de Bretton Woods qui a conduit à la concentration de la richesse mondiale, laissant plus d'un milliard de personnes dans des situations de plus en plus critiques de pauvreté. La représentante a dénoncé le poids de la dette qui pèse sur les pays en développement, le fossé technologique croissant entre monde développé et monde en développement, les tendances libérales du commerce mondial, le déclin de l'Aide au développement, la volatilité des marchés
financiers, l'application extra-territoriale de lois nationales. Il est temps, a- t-elle déclaré, d'inclure dans les mécanismes de contrôle des droits de l'homme, les violations des droits économiques, sociaux et culturels. Les pays victimes de ces violations devraient pouvoir obtenir des compensations; les auteurs de ces violations, quant à eux, devraient être condamnés par les institutions responsables de l'imposition de moyens d'ajustement structurel.
M. MOHAMMAD AHSAN (Fédération mondiale de la jeunesse démocratique) a exhorté la Commission à considérer le cas des Mohajirs de Sindh comme classique exemple de flagrante violation des droits politiques, économiques et culturels de toute une nation qui ironiquement fut l'instrument de la création de l'État du Pakistan qui les oppresse désormais à chaque étape de leur vie. Le représentant a appelé, les membres de la Commission et toutes les personnes pour lesquelles le droit démocratique compte, à persuader le Gouvernement du Pakistan pour qu'il mette un terme à sa politique de discrimination et de répression contre les Mohajirs et Sindhis et permette une véritable démocratie pluraliste.
M. JOAQUIN MBOMIU (Nord-Sud XXI) a indiqué que tout a été entrepris, y compris le recours à la force armée, pour assurer officiellement la sauvegarde des droits civils et politiques. Même le principe fondamental de la souveraineté, consacré par la Charte des Nations Unies, a été violé. Un tribunal pénal international a enfin vu le jour après des décennies de blocage remontant à la Société des Nations. Il n'en demeure pas moins que la violation des conventions concernant le droit des travailleurs et la non-ratification des conventions du BIT les plus fondamentales ou du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels n'ont suscité la réaction que de quelques rares organisations non gouvernementales et de certains syndicats.
Cette absence d'*ðingérence sociale+ð ne résulte pourtant pas du caractère restreint des violations des droits sociaux. Au contraire, celles-ci sont massives. Le marché réalise dans le domaine agro-alimentaire des *ðgénocides discrets+ð. La destruction des agricultures du Sud et la liquidation de la paysannerie mondiale sont le fruit d'une logique libre-échangiste implacable. Le Mexique, par exemple, soumis à 14 ans d'ajustement structurel et intégré à l'ALENA, importe 43% de son alimentation contre 20% en 1992. Aujourd'hui 2,2 millions de Mexicains ont perdu leur emploi, 40 millions sont en état d'extrême pauvreté et la consommation alimentaire par habitant est en baisse. Seule l'agriculture à grande échelle nord-américaine y gagne. Les institutions financières internationales (FMI et Banque mondiale) ainsi que l'Organisation mondiale du commerce sont les fers de lance des marchés et leurs politiques se caractérisent, en dépit de l'émergence d'une certaine préoccupation sociale récente, par une indifférence fondamentale aux conséquences sociales de leur politique.
MME DEBORAH STOTHARD (Aliran Kesedaran Negara - National consciousness Movement) s'est dite préoccupée par la dissociation entre droits civils et politiques d'une part et droits économiques, sociaux et culturels d'autre part. En réalité, a-t-elle affirmé, ces deux catégories de droits sont indivisibles, le principe de l'indivisibilité étant d'ailleurs consacré dans la Convention sur les droits économiques, sociaux et culturels. Elle a ensuite attiré l'attention de la Commission des droits de l'homme sur la situation en Birmanie, où le gouvernement
consacre davantage de ressources au budget militaire qu'au bien-être des personnes. Le budget de la défense y est ainsi 16 fois supérieur à celui de la santé, et ce, dans un pays fortement affecté par l'épidémie de sida. La représentante a d'autre part dénoncé la violation par le gouvernement de certains droits économiques, sociaux et culturels en évoquant la fermeture d'une école ethnique au niveau local. Collèges et universités n'ont été ouverts au public que 30 mois sur les 12 dernières années. La représentante a appelé la communauté internationale à agir là où l'instabilité est susceptible de s'étendre.
M. XAVIER RENARD (Fédération internationale Terre des hommes) a déclaré que son organisation et les organisations non gouvernementales qui en sont membres sont préoccupées par l'état d'extrême pauvreté du Mexique où les enfants de moins de 15 ans sont gravement affectés par la malnutrition. Dans les zones rurales 58% des enfants de moins de cinq ans présentent des troubles physiques et mentaux. Regrettant que le salaire minimum n'ait pas été relevé depuis bien longtemps, le représentant a expliqué qu'il devrait être cinq fois plus élevé pour faire vivre convenablement une famille. Les organisations non gouvernementales signalent que les salaires devraient être revalorisés de 280 % pour retrouver leur niveau d'il y a 20 ans. Le travail des enfants est également extrêmement préoccupant. Sachant que le Mexique n'est pas un cas isolé, le représentant est persuadé qu'il faut aller au-delà des actions des organisations non gouvernementales, les États doivent faire preuve de responsabilité politique et mettre en pratique leurs déclarations de 1993 à Vienne en faveur d'un protocole additionnel au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
MME NATHALIE PROUVEZ (Commission internationale de juristes) a déclaré que l'adoption d'un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui mettrait en place un système de plaintes collectives ou individuelles, est d'une grande importance. En effet, il permettrait que les personnes ou groupes de personnes dont les droits sont violés de disposés d'un moyen de recours efficace au niveau international. Les États qui ont adhéré à des mécanismes de plaintes collectives ou individuelles tels que ceux prévus par le Protocole de San Salvador, par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ou par le Protocole additionnel à la Charte sociale européenne, devraient appuyer l'adoption d'un protocole facultatif au Pacte. La réticence à cet égard est en contradiction flagrante avec les déclarations rhétoriques des États qui affirment adhérer au principe d'indivisibilité et d'interdépendance des droits économiques, sociaux et culturels et des droits civils et politiques.
M. JEAN-JACQUES KIRKYACHARIAN (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) a affirmé que la dette des pays en développement ne peut pas et ne doit pas être remboursée. Il a notamment expliqué que le total des sommes versées au titre du service de la dette excède déjà, et de beaucoup, les sommes empruntées. Le représentant a exprimé de fortes réserves vis à vis de l'initiative en faveur des pays pauvres très fortement endettés, initiative PPTE. Elle est pourtant présentée comme un réel effort déployé par la communauté internationale pour alléger le fardeau pesant sur les pays les plus pauvres, a-t- il affirmé. Cette initiative postule qu'un pays ne sera déclaré éligible à un allégement de la dette que si son gouvernement s'engage à lutter contre la pauvreté. La pauvreté
comme nouvelle condition de l'assistance financière internationale, on croit rêver, a déclaré le représentant. Il est évident, a-t-il poursuivi, que continuer à exiger le remboursement de la dette est une manière de comploter contre l'émancipation réelle d'une grande partie de l'humanité.
MME ELLEN MOURAVIEFF-APOSTOL (Fédération internationale des assistants sociaux et des assistantes sociales) a déclaré qu'il est de plus en plus évident que les nations dont les populations sont éduquées et cultivées sont celles qui progressent alors que les autres, insuffisamment éduquées et formées, restent à la traîne, souvent en dépit des richesses naturelles dont elles disposent.
Les droits économiques, sociaux et culturels sont certainement les plus difficiles à appliquer cependant il ne s'agit pas d'un objectif impossible si seulement il y avait au sein des pays une vision réaliste, une cohésion, une continuité et une action concertée de coopération entre les États et les acteurs de la société civile.
M. KUA KIA SOONG (Rural Reconstruction Nepal) a exprimé sa profonde préoccupation face à la situation dans le Sud du Bhoutan, surtout au sujet de la privation des droits économiques, sociaux et culturels du peuple sud-bhoutanais des Lhotsampas. Il a rappelé que près de 100 000 réfugiés bhoutanais ont été expulsés de force de leur Royaume après que leur terre eut été saisie, leurs foyers détruits et leurs papiers d'identité confisqués par les militaires royaux, en 1990. Aussi, la Commission devrait-elle demander au gouvernement royal du Bhoutan de stopper immédiatement les réinstallations dans le sud du Bhoutan (étant donné que dans cette région, les terres vacantes appartenant aux réfugiés sont en fait attribuées à des personnes provenant d'autres régions du Bhoutan); d'assurer le retrait de toutes les personnes qui ont jusqu'à présent été réinstallées sur les terres des réfugiés et de prendre des mesures afin d'assurer le rapatriement des occupants originels qui languissent dans les camps de réfugiés.
Le représentant a par ailleurs souligné que la réalisation du projet de barrage sur la rivière Selangor, en Malaisie, impliquera le déplacement de plus de 350 membres de la communauté autochtone temuan. En outre, dans ce même pays, et en dépit de la crise financière de 1997, le gouvernement a poursuivi le projet de barrage Bakun qui s'est déjà soldé par le déplacement de près de dix mille autochtones. Le fait est qu'en Malaisie, les droits de l'homme et les libertés fondamentales étaient inscrits dans la Constitution dès l'indépendance du pays et tous les Malaisiens pouvaient en jouir jusqu'à ce que la Constitution soit amendée par un gouvernement de plus en plus autoritaire.
MME KAREN PARKER (International Educational Development) a dénoncé les violations du droit humanitaire résultant de l'application de sanctions à l'Iraq. Elle a exhorté le Représentant spécial du Secrétaire général sur la question des enfants dans les conflits armés, M. Olara Otunnu, à enquêter sur la situation des enfants dans le pays. Une mission conjointe pourrait être menée avec la Rapporteuse spéciale sur les mouvements de produits toxiques, a-t-elle suggéré. La représentante a ensuite abordé la question des sanctions appliquées au Burundi. Elle a rappelé que les sanctions, imposées jusqu'au 23 janvier 1999, ont eu un tel effet sur la population que le Programme alimentaire mondial a dû acheminer dans le
pays une aide d'urgence. La représentante a exhorté la Commission des droits de l'homme à encourager tous les organismes compétents à acheminer une aide humanitaire d'urgence dans ce pays. Elle a enfin attiré l'attention de la Commission sur l'effet des sanctions imposées à la République fédérale de Yougoslavie, soulignant que 80% de la population vit désormais dans la pauvreté.
M. ANDRÉ B. KALENDE (Nouvelle Humanité) a recommandé aux États et aux différents composants de la société civile de travailler en partenariat dans un climat de confiance mutuelle en vue d'améliorer les conditions d'éducation, d'encourager les initiatives éducatives de la société civile, d'élaborer une charte de déontologie et de financer progressivement ces efforts. Le représentant, soulignant que l'éducation représente un investissement pour les générations futures, a lancé un appel à la coopération entre les États dans ce domaine et à la solidarité afin de fournir non seulement une éducation mais une éducation de qualité. Il a exprimé l'espoir qu'une attention particulière sera accordée aux milieux ruraux afin d'éviter les multiples risques qui guettent les jeunes et menacent la société.
M. LAZARO PARRY (Mouvement indien *ðTupaj Amaru+ð) a rappelé que dans tous les modèles sociaux, les droits économiques, sociaux et culturels se résument à trois aspects fondamentaux : le droit de s'alimenter, le droit de se vêtir et le droit à un logement. À l'heure de la mondialisation à outrance, les institutions financières internationales ont imposé aux pays pauvres des programmes d'ajustement structurel dont l'impact sur la jouissance du droit fondamental à la vie exige des États et des organismes spécialisés une analyse objective. En violation de ses propres objectifs, le Fonds monétaires international, dans ses recommandations qui ont force contraignante, préconise la libéralisation du commerce mondial, la dévaluation monétaire, la libéralisation des prix, le gel des salaires, la réduction des budgets consacrés à la santé et à l'éducation et la privatisation à outrance des entreprises publiques. Les États-Unis, qui ont un déficit de 300 millions de dollars sans que le FMI ne leur impose le moindre programme d'ajustement structurel, ont pu accumuler tant de privilèges et de pouvoir absolu qu'ils contrôlent 17,8% des votes au FMI, ce qui témoigne du fonctionnement antidémocratique de cette institution supranationale où prévaut la formule selon laquelle un dollar égale un vote.
Dans le contexte de la mondialisation, le phénomène de la dette est un fléau de dimension universelle qui s'est converti en arme au service de la stratégie de domination néo-coloniale. La Commission devrait examiner de toute urgence le rôle globalement négatif du FMI et de la Banque mondiale et insister pour que les États modifient les règles qui régissent le fonctionnement des institutions financières internationales.
M. DAVID ARNOTT (Internationale des résistants à la guerre) a évoqué la situation en Birmanie qui illustre selon lui la responsabilité d'un gouvernement dans l'effondrement économique d'un pays. Il a attiré l'attention de la Commission sur la pénurie alimentaire, l'épidémie de sida, l'état désastreux du système éducatif ou encore le travail forcé. Cette situation de déclin économique et social est due à la mise en oeuvre d'une politique de militarisation et d'une mauvaise politique économique. Le représentant a suggéré à la Commission, dans une
résolution sur le Myanmar, de condamner les abus sociaux et économiques, y compris la privation d'aliments, et d'exhorter le Gouvernement de Myanmar de permettre une participation effective du peuple aux processus de décision économique et sociale.
MME JOY BUTTS (Bureau international de la paix) a déclaré que son organisation soutient une pétition intitulée *ðCampagne des droits économiques humains des pauvres gens contre les États-Unis d'Amérique+ð, soumise à la Commission inter-américaine des droits de l'homme le 1er octobre 1999 et également portée à l'attention de Mme Mary Robinson, Haut-Commissaire aux droits de l'homme et de l'Expert indépendant sur l'extrême pauvreté, Anne-Marie Lizin. Elle a exhorté les membres de cette Commission et, en particulier les pays des Amériques, à promouvoir cette pétition au niveau régional afin d'examiner les violations des droits économiques dans ce pays.
M. ALFREDO FERNANDEZ (Organisation internationale pour le développement de la liberté d'enseignement) a regretté que l'importante contribution de la Rapporteuse spéciale sur le droit à l'éducation, Mme Katarina Tomasevski, n'apporte aucun élément nouveau dans la réflexion sur la relation entre droit à l'éducation et liberté de l'enseignement. En particulier, aucune référence n'est faite par la Rapporteuse spéciale au rapport présenté par M. Mustapha Mehedi à la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme, qu'elle a adopté à l'unanimité. Le rapport de M. Mehedi montre de manière convaincante qu'on ne peut plus envisager le droit à l'éducation sans y intégrer la dimension de liberté. La liberté de l'enseignement, telle qu'elle est décrite dans les instruments internationaux, comprend indivisiblement le droit de créer et de diriger des écoles non gouvernementales, le droit d'enseigner et celui, pour les parents, de choisir librement le type d'éducation qu'ils souhaitent pour leurs enfants. Le rapport de Mme Tomasevski, lui, reste très traditionnel dans sa formulation selon laquelle le droit ferait obligation aux États non seulement de financer l'éducation mais aussi de pourvoir seuls ou quasiment seuls à la prestation éducative. En conclusion, il faudrait que la réflexion sur le droit à l'éducation prenne désormais en compte tous les droits de l'homme et libertés fondamentales.
M. JAIRO SANCHEZ (Association américaine de juristes) a déclaré que la mondialisation, qui concentre les richesses en peu de mains, la dette extérieure et les inégalités des échanges commerciaux mondiaux sont les principaux obstacles à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels d'une partie importante de la population mondiale. Le représentant s'est demandé pourquoi le Haut-Commissariat aux droits de l'homme ne décide pas d'accorder un peu moins d'attention aux détenteurs du pouvoir économique pour en accorder davantage aux victimes de ce pouvoir.
MME MARIE-CLAIRE DROZ (Mouvement international ATD Quart Monde) a déclaré que la réflexion sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme n'est pas achevée et en conséquence, le mandat de Mme Anne-Marie Lizin, Rapporteur spécial sur cette question, devrait être renouvelé pour deux ans afin de lui permettre d'approfondir cette réflexion en consultation avec les personnes et les populations concernées,
leur demandant d'abord ce que devrait contenir une déclaration des Nations Unies sur l'extrême pauvreté. Elle s'est félicitée que l'experte indépendante s'attachera dans le cadre de son second mandat à identifier et analyser les bonnes pratiques dans le domaine de la participation des plus pauvres à la vie politique et civique.
M. AHMAD HAMID (Third World Movement against the Exploitation of Women) a attiré l'attention de la Commission sur les violations des droits économiques, sociaux et culturels perpétrées en Indonésie, pays qui, à ce jour, n'a toujours pas ratifié le Pacte international sur ces droits, pas plus d'ailleurs, qu'il n'a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les droits économiques, sociaux et culturels ont été négligés dans ce pays, comme en témoigne le fait qu'il est toujours interdit d'exercer certains emplois marginaux dans le secteur informel. En outre, les entreprises sont autorisées à licencier massivement les travailleurs et il n'est pas apporté de protection adéquate aux travailleurs migrants qui se trouvent à l'étranger. Comme dans de nombreux pays en développement, le développement en Indonésie a visé la réalisation d'une croissance économique basée sur les prêts internationaux, l'investissement étranger et l'exploitation massive des ressources naturelles. Dans sa mise en oeuvre, cette politique de croissance économique n'a pas permis de créer de solides bases économiques et n'est pas parvenue à améliorer le bien-être de la population.
MME DORA CARCANO (Fédération démocratique internationale des femmes) a déclaré que les femmes ont été témoins de la relation qui existe entre la crise économique, le néolibéralisme, les ajustements structurels et la dette extérieure. Nous avons compris, a-t-elle affirmé, que la cause principale de nos difficultés réside dans le paiement du service de la dette. Le néolibéralisme fait fi des services de santé et de l'éducation pour les femmes, comme de la sécurité sociale. La représentante a déploré les conséquences économiques et sociales de la mondialisation néolibérale qui affecte en premier lieu les femmes. L'avancée du néolibéralisme provoque un recul de la condition des femmes, a-t-elle ajouté. Les femmes cubaines, une fois encore, élèvent la voix pour condamner les graves conséquences de l'embargo imposé à leur pays depuis 40 ans et demander qu'il y soit mis fin.
M. HORACIO RAVENNA (Assemblée permanente pour les droits de l'homme) a déclaré que l'on voit clairement qu'il n'y a pas de lien automatique entre la croissance économique et le développement humain. Le représentant a souligné qu'une douzaine de pays en développement a prouvé qu'il est possible d'éradiquer la pauvreté absolue et que la mobilisation de l'action exigée par le Programme des Nations Unies pour le développement exige que la répartition injuste de la richesse actuelle soit enfin corrigée.
M. MAURICE GRABER (Défense des enfants - International, au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales) a rappelé que le droit à l'éducation est actuellement violé à grande échelle. Aujourd'hui, quelque 125 millions d'enfants en âge scolaire, dont une majorité sont des filles, n'ont toujours pas accès à l'éducation de base. À cet égard, il convient de souligner que la pauvreté a un impact dévastateur sur la vie des enfants et constitue un obstacle majeur entravant la mise en oeuvre du droit à l'éducation pour tous. Le représentant a apporté son
soutien au lancement de la campagne mondiale des organisations non gouvernementales pour l'éducation dont l'objectif est de faire pression sur les gouvernements afin qu'ils respectent leurs engagements à garantir une éducation pour tous qui soit gratuite et de qualité. Les États et les institutions financières internationales devraient respecter et protéger le droit à l'éducation et prendre les mesures budgétaires et politiques nécessaires pour s'acquitter de leurs obligations en la matière. La Commission, pour sa part, devrait accorder au droit à l'éducation l'attention qu'il mérite et examiner cette question dans le cadre d'une résolution spécifique au titre des droits économiques, sociaux et culturels. La Commission devrait aussi demander au Forum sur l'éducation mondiale, qui doit se tenir à Dakar à la fin du mois, d'affirmer clairement le droit de tous les enfants à une éducation primaire obligatoire, libre et non- discriminatoire.
MME JOY EZEILO (International Human Rights Law Group) a dénoncé les discriminations dont sont victimes les femmes dans de nombreux pays africains et partout dans le monde où elles n'ont pas de droits équivalents à ceux des hommes en ce qui concerne la succession. La représentante a souligné que dans les pays où des droits existent, ils n'offrent qu'une protection limitée aux femmes. Le fait de dénier aux femmes leurs droits de succession a des conséquences sur leur situation économique. La représentante a dénoncé le fait que dans la majorité des pays africains, lorsque le mari meurt, ce sont ses proches qui héritent du patrimoine du couple, entraînant souvent la veuve dans une situation d'extrême pauvreté. La représentante a par conséquent exhorté la Commission à enquêter sur les pratiques et législations discriminatoires en matière de succession. Elle demande par ailleurs à la Commission d'intégrer dans le mandat des Rapporteurs spéciaux agissant dans les pays africains, des études relatives à de telles pratiques.
MME ODALYS HERNANDEZ FUENTES (Union nationale des juristes de Cuba) a déclaré que le blocus économique, commercial et financier imposé par les Etats Unis, a occasionné la mort et la maladie, la douleur et la souffrance de millions de Cubains. Plus de trois générations sont nées et se sont développées dans des conditions de vie injustes, le but étant de créer des pénuries alimentaires pour nous obliger à nous rendre. Nous disons tout haut que notre société est celle que veulent les Cubains ; elle n'est pas parfaite, mais c'est la nôtre.
M. PIERRE PORRET (Association of World Citizens) a déclaré que les populations urbaines, qui s'entassent dans des bidonvilles dans des conditions de promiscuité et de manque d'hygiène, méprisées par les gouvernements et les puissances économiques, sont en proie à l'alcoolisme et à la drogue. Elles constituent un facteur favorable au recrutement d'individus par toutes sortes d'activités criminelles. L'ultralibéralisme est en train de devenir le principal mode de pensée, affaiblissant le pouvoir de l'Etat et ayant comme but principal l'accroissement des dividendes pour les actionnaires sans aucun égard pour l'homme. L'appât du gain des grandes compagnies s'est transformé en une véritable boulimie qui semble basculer dans l'irrationnel. La politique des compagnies de l'agro-
alimentaire est particulièrement dangereuse voire suicidaire. Les efforts à long terme des organismes génétiquement modifiés n'étant pas connus, on devrait faire preuve de prudence. Le problème de l'eau est devenu tout aussi préoccupant. A cet égard, la pollution se rencontre même dans des endroits que l'on croyait protégés comme les cours d'eau qui descendent des Pyrénées.
MME REENA MARWATH (International Institute for Non-Aligned Studies) a insisté sur la nécessité, pour promouvoir véritablement les droits économiques, sociaux et culturels, d'identifier les caractéristiques propres à chaque segment de la société. La plupart des sociétés actuelles se caractérisent par la diversité culturelle. Dans ce contexte, une égalité de représentation et d'opportunité est essentielle. La quête de pouvoir des groupes majoritaires crée souvent des distorsions dans la distribution des ressources économiques, a-t-elle souligné. La représentante a déclaré que l'expérience a montré que les systèmes politiques qui ne permettent pas au citoyen de faire entendre sa voix au niveau politique sont le plus souvent ceux qui violent le plus les droits de l'homme. La représentante s'est dite convaincue que les droits économiques, culturels et sociaux seraient mieux protégés si chaque société avait la possibilité de vivre à son propre rythme. Elle a enfin insisté sur les vertus du système démocratique et de la participation politique pour assurer la promotion de ces droits.
M. THUANG HTUN (World View International Foundation) a déclaré que l'exemple de la Birmanie est édifiant pour savoir comment un pays riche en ressources diverses, peut décliner au point de devenir l'un des pays les moins développés de la planète, la faute en incombant à la junte militaire qui nie les droits humains élémentaires et les libertés fondamentales de sa population. Le représentant s'est déclaré inquiet de l'avenir de la Birmanie qui pourrait, dans un avenir proche, voir s'écrouler son infrastructure socio-économique. Il a exhorté la Commission à exprimer sa préoccupation concernant les violations des droits économiques, sociaux et culturels de la population birmane dont l'origine est le déni total de tous les droits politiques, comme l'indiquait le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar.
Droit de réponse
Le représentant de la Malaisie a répondu à la déclaration de Rural Reconstruction Nepal en se demandant si l'orateur, qui a fait cette déclaration au nom de cette organisation appartenait bien à cette organisation non gouvernementale. La Malaisie entend bien le vérifier. La déclaration de cette organisation non gouvernementale laisse entendre que les fruits du développement en Malaisie ont été inégalement