SG/SM/7346

LES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME NE SONT PLUS CONSIDEREES COMME RELEVANT DES AFFAIRES INTERIEURES DES ETATS, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL

3 avril 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7346
HR/CN/980


LES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME NE SONT PLUS CONSIDEREES COMME RELEVANT DES AFFAIRES INTERIEURES DES ETATS, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL

20000403

Les droits de l’homme sont sacrés et ne connaissent pas de frontières

On trouvera, ci-après, le texte de la déclaration que le Secrétaire général, M. Kofi Annan, prononcera devant la Commission des droits de l’homme à Genève, le 4 avril 2000 :

C’est avec plaisir que je vous retrouve à l’occasion de votre session annuelle. J’ai toujours considéré votre commission comme l’un des organes les plus importants de l’Organisation des Nations Unies, mais aujourd’hui cette opinion se justifie plus que jamais. Comme je le disais l’an dernier, je suis convaincu que nous vivons un âge des droits de l’homme – un âge où la prise de conscience des droits de chaque individu a davantage contribué à l’effondrement des obstacles et des frontières que la force des armes ou du commerce. C’est en reconnaissant dans les droits de l’homme le patrimoine commun qui est le nôtre que nous reconnaissons l’humanité commune qui est en nous.

Cette année, je veux profiter des promesses qu’offre cet âge pour affirmer l’importance de la place que les droits occupent dans l’état de droit international et pour souligner que nous tous – organisations internationales, États membres et organisations non gouvernementales – pouvons faire davantage et mieux pour combler le fossé qui sépare le droit de la réalité. Il n’est plus possible d’ignorer l’aspiration universelle à un monde de droit et de dignité et de libertés, d’égalité et de non-discrimination, de paix et de justice. La question que nous devons nous poser aujourd’hui est de savoir comment répondre à cette aspiration.

Ce qu’il faut aux peuples du monde qui sont actuellement dans la détresse, dans le besoin, ou victimes de l’oppression et de violations des droits de l’homme, ce sont des actes, des actes concrets, efficaces et durables qui contribuent à garantir leurs droits et leurs libertés. Et c’est à leur gouvernement et à nous et à tous ceux qui sont attachés à la dignité humaine qu’il appartient de répondre sans tarder à leur attente. Nous pouvons tous faire en sorte que la réalité des droits de l’homme se rapproche de l’idéal envisagé par les fondateurs de l’Organisation des Nations Unies.

Les grands instruments relatifs aux droits de l’homme sur lesquels repose votre travail nous guident dans nos efforts et nous permettent de juger de la façon dont tous les États sans exception s’acquittent de leurs obligations vis-à-vis de leurs citoyens et vis-à-vis du monde entier. Permettez-moi d’insister sur ce point : aucun État, qu’il soit développé ou en développement, ne peut se vanter d’avoir atteint son but; tous les États doivent nous aider dans les efforts communs que nous faisons pour appliquer de façon plus efficace et exhaustive les dispositions des instruments relatifs aux droits de l’homme. C’est pourquoi je considère que chaque session annuelle de la Commission des droits de l’homme nous rapproche un peu de notre objectif en mettant en lumière les progrès accomplis et ceux qui restent à faire.

Nous pouvons donner une nouvelle dimension à nos efforts essentiellement en veillant à ce que les droits de l’homme deviennent un élément incontournable de l’état de droit à l’échelle internationale. Une fois pour toutes, il faut que nous disions très clairement que les droits que nous défendons ne sont pas les droits des États ou des factions, mais le droit qu’a chaque être humain de vivre dans la dignité, de connaître la liberté.

Bien des jalons ont déjà été posés sur cette voie. Rappelons-nous, pour commencer, que l’un des buts des Nations Unies, acceptés par chacun des États Membres aux termes de l’Article premier de la Charte, est de développer et d’encourager « le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ». Le libellé ne saurait guère être plus clair ou explicite. Et les conséquences qui en découlent pour les États Membres sont énoncées en détail dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans les pactes et conventions auxquels ils ont pratiquement tous souscrit.

Il va sans dire que les engagements pris à ce titre font peser une lourde responsabilité sur tous les gouvernements. Mais celle-ci devrait aussi être considérée comme un privilège. En l’honorant, un gouvernement peut assurer le plein épanouissement de ses administrés dans les domaines économique, social et culturel, aussi bien que civil et politique. Telle est la promesse des droits de l’homme : donner à chacun et à chacune la latitude de réaliser au maximum son potentiel et de créer un monde meilleur pour lui-même et pour sa communauté.

Le droit international des droits de l’homme est clair sur le fait que chaque gouvernement doit pouvoir montrer qu’il a sa place dans un système conçu pour protéger les droits de l’homme. Je crois que des progrès ont été faits par les gouvernements pour aligner leur constitution et leur législation sur ces normes et pour faire appliquer les normes internationales relatives aux droits de l’homme par leurs tribunaux. Mais je crois aussi qu’ils peuvent mieux faire. Aucun gouvernement ne peut s’arrêter et aucun peuple ne peut s’estimer satisfait tant que cet objectif n’aura pas été atteint.

L’obligation qui incombe aux gouvernements est d’autant plus grande que la défense des droits de l’homme par nature est universelle. Les violations des droits de l’homme ne sont plus considérées comme relevant des affaires intérieures des États. Le droit international relatif aux droits de l’homme insiste sur le fait que, lorsqu’il y a violation des droits de l’homme, la communauté internationale a le droit et le devoir d’intervenir et de venir au secours des victimes de ces violations.

Votre commission a montré la voie à suivre dans la lutte historique contre les violations flagrantes des droits de l’homme. Je vous demande aujourd’hui de ne pas fléchir, de continuer à lutter contre les violations des droits de l’homme, où qu’elles se produisent dans le monde entier. Comme vous vous en souvenez, c’était là le thème de ma dernière intervention devant vous. Aucun des événements qui se sont produits depuis ne m’incite à douter que l’importance que revêt la poursuite de ce noble combat.

De fait, les événements de l’année écoulée n’ont fait que confirmer la conviction que j’avais de l’impossibilité de remettre en cause le principe selon lequel les droits de l’homme sont sacrés et ne connaissent pas de frontières. Il est de plus en plus largement admis que les dispositions de la constitution et de la législation nationales ne doivent pas prévaloir sur les obligations internationales d’un État – et le doivent moins encore qu’ailleurs dans le domaine des droits de l’homme, où le sort de groupes entiers est parfois en jeu. En ratifiant un instrument international, un État reconnaît tout au contraire l’obligation d’harmoniser sa législation nationale avec les normes internationales.

Cette année, permettez-moi de vous inciter à donner un nouvel élan à nos efforts communs pour mettre le développement au service des droits de l’homme et les droits de l’homme au service du développement. Aujourd’hui plus que jamais, nous sommes conscients que l’un ne va pas sans l’autre. Tout comme le développement est un droit de l’homme, de même les droits de l’homme sont-ils au cœur du vrai développement.

Là où toute opinion dissidente est interdite, où l’expression n’a pas libre cours, où la diffusion des idées et les échanges de vues sont limités par la force, le bien-être humain et la prospérité sont menacés et les risques de conflits plus fréquents. Nul ne peut nier que le succès économique et le développement dépendent en grande partie de la qualité des dirigeants de chaque pays.

L’état de droit, la transparence et l’obligation redditionnelle dans la gestion des affaires publiques, le respect des droits de l’homme et la pleine participation de tous les citoyens à la prise des décisions gouvernementales sont autant de conditions essentielles du modèle de croissance et de prospérité sur lequel repose le développement. Telles sont les leçons des 50 dernières années qui nous dictent à tous de protéger chacun de nos droits de l’homme si nous ne voulons en perdre aucun.

À l’occasion de la première session que tient la Commission des droits de l’homme en ce XXIe siècle, je souhaite conclure en me faisant l’écho des paroles prononcées par le Président de l’Assemblée générale lors de l’adoption des pactes en 1966. M. Abdul Rahman Pazhwak, du Pakistan, disait à l’époque que, si les Nations Unies devaient avoir une idéologie, elles ne pourraient en avoir d’autre qui vienne avant celle des droits de l’homme.

C’est dans cet esprit que je lance une fois encore un appel aux États qui n’ont pas encore ratifié les deux pactes et les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme pour qu’ils le fassent afin que la reconnaissance universelle des droits de l’homme devienne une réalité.

Cela dit, la ratification universelle n’est qu’une étape. L’objectif que nous devons atteindre est celui de l’application universelle. En d’autres termes, nous devons faire des progrès réels dont les effets se fassent sentir dans la vie de ceux qui ont le plus besoin de notre aide – ceux qui sont encore privés de leurs droits les plus élémentaires. Que leurs espoirs et leurs aspirations soient votre source d’inspiration dans vos travaux à venir.

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