DSG/SM/91

LA VICE-SECRETAIRE GENERALE EVOQUE LES RELATIONS ENTRE L'ONU ET LES ETATS-UNIS ET LE RAPPORT DU MILLENAIRE DU SECRETAIRE GENERAL

3 avril 2000


Communiqué de Presse
DSG/SM/91


LA VICE-SECRETAIRE GENERALE EVOQUE LES RELATIONS ENTRE L'ONU ET LES ETATS-UNIS ET LE RAPPORT DU MILLENAIRE DU SECRETAIRE GENERAL

20000403

On trouvera ci-après le texte de l'allocution prononcée par la Vice- Secrétaire générale, Louise Fréchette, lors de la troisième Journée annuelle des membres de l'Association pour les Nations Unies des États-Unis, célébrée au Siège le 1er avril :

J'ai grand plaisir à me trouver parmi vous aujourd'hui pour accueillir d'aussi bons amis et fidèles partenaires de l'Organisation des Nations Unies.

Que de changements dans le monde depuis la Journée des membres de l'Association de l'année dernière, en particulier en ce qui concerne l'une de vos principales préoccupations : les relations entre l'Organisation des Nations Unies et les États-Unis. L'année à venir sera elle aussi riche en événements. La fièvre du millénaire se poursuit avec la tenue du Sommet du millénaire en septembre, le Forum du millénaire des ONG le mois prochain et la publication, dans moins de 48 heures, du Rapport du millénaire du Secrétaire général. Vous n'auriez pas pu vous réunir à un meilleur moment.

Comme vous le savez, nous avons vu ces derniers mois de nombreux signes qu'une nouvelle ère s'instaure dans les relations entre les États-Unis et l'ONU. Des membres du Foreign Relations Committee du Sénat et du Conseil de sécurité se sont rendus mutuellement visite et ont eu des échanges de vues fort utiles. L'Ambassadeur Holbrooke a pris ses fonctions et est immédiatement passé à l'action, en appelant l'attention du monde sur l'Afrique et en n'hésitant pas à qualifier l'ONU d'« institution indispensable ». D'autre part, la loi Helms-Biden a été signée, préservant le vote des États-Unis à l'Assemblée générale et, bien qu'elle impose de nombreuses conditions au paiement des arriérés des États-Unis, elle permet d'entrevoir le règlement de cette question. L'Ambassadeur Luers a décrit cette loi comme « un exemple typique du verre à moitié vide ou à moitié plein ». Le Secrétaire général choisit de voir le verre à moitié plein et nous tous à l'ONU espérons que la tendance générale restera positive car il y aurait autrement beaucoup trop à perdre.

Nous avons également vu une transformation des interventions de l'ONU dans le monde entier, en particulier dans le domaine de la paix et de la sécurité internationales. Il y a un an, il n'y avait pas d'opération de maintien de la paix des Nations Unies au Kosovo; le peuple du Timor oriental n'avait pas encore eu son

mot à dire sur son avenir et les hommes, les femmes et les enfants de la Sierra Leone étaient encore soumis à des violations des droits de l'homme qui comptaient parmi les plus terribles que le monde ait connues dernièrement. Aujourd'hui, malgré des obstacles considérables, l'espoir est revenu et les opérations de maintien de la paix des Nations Unies s'efforcent de s'acquitter de responsabilités formidables et diverses.

En Sierra Leone, une opération de maintien de la paix des Nations Unies s'emploie à consolider une paix fragile, à procéder au désarmement et à la démobilisation des anciens combattants et à guérir les blessures psychologiques profondes causées par ce sauvage conflit. Cette opération est peut-être la plus vaste qu'aient menée les Nations Unies dans le monde et il est indéniable qu'elle connaît d'immenses difficultés, mais c'est au Kosovo et au Timor oriental que l'ONU doit vraiment être polyvalente et accomplir une mission qui diffère radicalement de par sa nature de ce qu'a généralement fait l'ONU jusqu'ici. Dans l'un et l'autre cas, l'ONU assure l'administration et elle est chargée de toutes les fonctions qui incombent à un État, que ce soit la gestion du budget et les affaires judiciaires ou les services municipaux quotidiens, comme le nettoyage des rues et les opérations de douane aux frontières. C'est là une nouvelle dimension pour une organisation qui d'ordinaire apporte aux États une assistance technique dans ces domaines plutôt qu'elle n'en prend la totale responsabilité. C'est aussi une nouvelle dimension pour les opérations de maintien de la paix qui deviennent extraordinairement complexes et dépendent presque autant des experts civils que du personnel militaire.

Au Kosovo, la Mission des Nations Unies travaille en tandem avec l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et divers partenaires européens spécialistes de la sécurité et du développement, qui aident à reconstruire le Kosovo pour en faire une société pluriethnique. C'est un objectif qui paraît bien difficile à atteindre en raison des problèmes bien connus que la Mission rencontre, mais c'est un objectif qui nous tient à coeur. Au Timor oriental, l'Administration transitoire des Nations Unies guide les Timorais sur la voie de l'indépendance, à laquelle ils aspirent depuis si longtemps. Il faut ainsi reconstruire, voire construire, aussi bien les infrastructures que les institutions, et ce à partir de zéro car tout a été presque totalement détruit lors des actes systématiques de violence de septembre dernier.

Je dois ajouter qu'il y a un an, il n'y avait pas non plus d'accord de paix pour la République démocratique du Congo. À vrai dire, malgré la signature de l'Accord de Lusaka en juillet dernier, il est encore difficile de dire si les parties sont prêtes à régler leurs différends autour de la table des négociations plutôt que par les armes. Le Conseil de sécurité a néanmoins autorisé le déploiement d'une opération de maintien de la paix des Nations Unies lorsque les circonstances le permettront. Si cela se fait, cette opération sera elle aussi l'une des plus complexes et périlleuses que nous ayons jamais entreprises.

De telles opérations ont déclenché au niveau mondial un débat animé sur l'intervention humanitaire, sur les responsabilités morales de la communauté internationale et sur la capacité d'intervenants extérieurs, comme l'ONU, de faire une différence dans des conflits armés internes et d'autres crises humanitaires. Les questions en jeu - droits de l'homme, démocratie, solidarité avec les membres plus défavorisés de la communauté mondiale - se rapprochent des valeurs américaines et font réagir le public américain. Il s'agit en outre d'opérations auxquelles participent des Américains, parfois par l'envoi de troupes ou par un appui matériel et logistique, et dans tous les cas grâce à un vote favorable au Conseil de sécurité. Aucune de ces opérations n'aurait eu lieu sans l'approbation du Conseil, et aucune n'atteindra ses objectifs sans les ressources et la volonté du Conseil et des autres Membres de l'ONU.

Le fait que ces missions aient été approuvées ne signifie toutefois pas que les préoccupations relatives à l'efficacité du maintien de la paix ont disparu. Mais l'existence de ces missions prouve que les États-Unis croient au rôle unique du maintien de la paix comme instrument diplomatique dont dispose la communauté internationale pour contribuer à résoudre des conflits. Compte tenu des échecs et des récriminations des années 90, cela mérite d'être signalé.

Vous me permettrez, après cette évocation des événements de l'année écoulée, de me tourner vers l'avenir en vous annonçant en particulier la publication, lundi prochain, du Rapport du millénaire du Secrétaire général. Ce rapport cherche à faire l'inventaire complet des défis que l'humanité doit relever à l'aube du XXIe siècle et il contient des recommandations pour ce faire. Il vous faudra attendre jusqu'à lundi pour avoir des détails; le discours et les documents officiels de l'ONU seront mis à la disposition de tous. Mais si vous pensez qu'il a pour point de départ la mondialisation, notion essentielle de notre époque, vous ne vous trompez pas.

Bien entendu, la mondialisation n'est pas une notion entièrement nouvelle; les être humains procèdent à des échanges depuis des siècles. Mais la mondialisation d'aujourd'hui est différente, par son rythme extraordinaire, ses effets étendus et en particulier par les technologies qui la font avancer. Elle a de ce fait de vastes prolongements pour la gouvernance aux niveaux national et international. Alors que le principe de base de la mondialisation, l'intégration des marchés, peut permettre une amélioration du niveau de vie en moyenne, des millions de gens dans le monde ne voient pas la mondialisation comme un agent de progrès, mais comme une force déstabilisante, voire destructrice. D'autres, qui se comptent aussi par millions, en sont totalement exclus et ne tirent pas parti de ses bienfaits.

Savoir gérer la mondialisation est le grand défi qui se pose à la communauté internationale - c'est-à-dire aux dirigeants, aux États et aux groupes de la société civile qui doivent travailler ensemble. Si nous voulons concrétiser tout le potentiel de la mondialisation, tout en minimisant le risque de contre-coup, nous devons apprendre à mieux gouverner, et à mieux gouverner ensemble. Telle est, dans ses grandes lignes, la tâche énorme à laquelle s'attaque le Secrétaire général.

Depuis la création de l'Organisation des Nations Unies, deux objectifs primordiaux se sont détachés : aider les peuples du monde à se libérer du besoin et à se libérer de la peur. Je n'ai pas besoin de vous décrire les privations économiques et sociales que connaissent trop de nos contemporains. Plus d'un milliard de personnes vivent dans une pauvreté absolue, avec moins d'un dollar par jour. Je n'ai pas davantage besoin de vous détailler les dommages causés aux sociétés et aux individus par les conflits armés. Dans les 10 dernières années seulement, les guerres ont fait 5 millions de morts et presque autant de réfugiés. Devant de tels chiffres, nous devons faire mieux - et nous le pouvons.

Nous devons également reconnaître qu'il importe d'obtenir d'urgence une troisième grande liberté : la liberté des générations futures d'hériter un environnement naturel intact qui puisse satisfaire leurs besoins. Malheureusement, malgré le Sommet Planète Terre et la signature de nombreux accords environnementaux comme le Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, nous avons continué à hypothéquer l'avenir. Nous ne parvenons pas à protéger les ressources naturelles et les écosystèmes, nous n'investissons pas assez dans les technologies de substitution, en particulier dans le domaine de l'énergie, et nous ne parvenons même pas à garder la question au centre des débats. Les populations et les gouvernements doivent s'engager à respecter une nouvelle éthique de conservation des ressources.

La quête de ces libertés demandera toute notre intelligence, nos ressources et notre volonté. Mais les peuples du monde devront pouvoir se tourner à cette fin vers une Organisation des Nations Unies qui fonctionne bien, un instrument réellement utile pour faire face à tous ces problèmes, c'est-à-dire une Organisation qui sache tirer pleinement parti des nouvelles technologies, en particulier des techniques de l'information, et des nouvelles techniques de gestion.

Ce qui veut dire une Organisation qui interagit à tous les niveaux avec la société civile - avec les organisations non gouvernementales, avec les milieux universitaires et avec le secteur privé - ainsi qu'avec ses propres gouvernements membres. De tels partenariats sont le nouvel objectif de l'action internationale. Ils peuvent prendre des formes diverses, par exemple des organisations non gouvernementales qui s'unissent par courrier électronique pour plaider en faveur de l'interdiction des mines terrestres ou de la création d'une cour pénale internationale. Vous voyez des hommes d'affaires philanthropes, comme Ted Turner et Bill Gates, verser des sommes incroyables à des organismes des Nations Unies qui luttent contre la maladie et protègent l'environnement. Ou encore des entreprises privées peuvent s'associer au « Contrat mondial » du Secrétaire général pour un plus grand civisme des entreprises et faire leur possible pour mettre un terme au travail des enfants et préserver les droits de l'homme. Quelque forme que prennent ces partenariats, nous assistons à ce que d'aucuns ont appelé une « révolution des associations », qui fait fond sur le système étatique, améliore notre capacité d'agir et est irréversible.

L'ONU, pour sa part, ne dispose que de ressources très maigres pour une organisation internationale. Mais sa force morale tenace, alliée aux nouveaux acteurs de la scène internationale, constitue un énorme potentiel qui donne à l'Organisation un rôle de catalyseur et lui permet de coordonner les efforts de ceux qui sont beaucoup plus riches et puissants, moins limités par les lourdeurs administratives et moins ligotés sur le plan politique qu'elle ne l'est elle-même.

L'Organisation vous est reconnaissante de votre appui solide au fil des ans. Je suis bien consciente qu'il est aussi pénible pour vous que pour nous qu'une grande partie de notre énergie et de notre créativité doive être consacrée à la question des arriérés. Mais ce sont les aléas de la politique et de l'histoire. Le climat actuel nous offre l'occasion de donner une nouvelle impulsion aux relations entre les États-Unis et l'Organisation en les orientant vers une coopération constructive dans de nombreux domaines.

Cette coopération se manifestera tout au long de l'année, non seulement lors des événements du millénaire que j'ai déjà cités, mais également dès ce mois-ci, à New York, lors de la Conférence des parties chargées d'examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires; en avril à Dakar, lors de la Conférence mondiale sur l'éducation pour tous, axée principalement sur l'éducation des filles, considérée souvent avec raison comme une chance unique pour l'avenir et abordée en détail dans le rapport du Secrétaire général; en juin lors des réunions consacrées à la suite donnée au Sommet de Copenhague sur la pauvreté et lors de la session de Beijing+5 consacrée à la promotion de la femme, dont Angela King va vous parler dans quelques instants.

Plus que jamais, nous avons besoin de vous. Le moment est propice car le Rapport du millénaire nous offre l'occasion idéale d'unir nos efforts. Nous sommes tous impatients de collaborer encore plus étroitement avec vous.

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