LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ENTEND UNE DECLARATION DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES DE LA NORVEGE
Communiqué de Presse
DH/G/1289
LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ENTEND UNE DECLARATION DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES DE LA NORVEGE
20000403Dans le débat sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, elle entend la Rapporteuse spéciale sur le droit à l'éducation
Genève, le 3 avril 2000 -- La Commission des droits de l'homme a entendu, cet après-midi, une déclaration du Ministre des affaires étrangères de la Norvège, M. Thorbjørn Jagland, qui a notamment exhorté tous les États qui ne l'ont pas encore fait à abolir la peine de mort. Il a également annoncé que son pays s'apprête à présenter un projet de résolution demandant l'établissement d'un mécanisme visant à offrir des conseils aux gouvernements et à examiner la mise en oeuvre de la déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme.
Poursuivant son débat sur les droits économiques, sociaux et culturels, la Commission a entendu la Rapporteuse spéciale sur le droit à l'éducation, Mme Katarina Tomasevski, qui a notamment souligné que, si le droit à l'éducation n'est pas pleinement appliqué partout, ce droit est juridiquement protégé dans la plupart des pays. Elle a par ailleurs souligné qu'il reste encore beaucoup à faire en matière d'égalité entre les sexes s'agissant du droit à l'éducation.
Les représentants des pays suivants sont intervenus dans le cadre du débat : Panama (au nom des pays du Groupe d'Amérique centrale et des Caraïbes), Malaisie, Honduras, Saint-Marin, Égypte, Bolivie, Uruguay, République islamique d'Iran et Yémen.
Les représentants du Centre des Nations Unies pour les établissements humains (Habitat) et de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) ont également pris la parole, ainsi que les organisations non gouvernementales suivantes : Fédération internationale des femmes diplômées (au nom de nombreuses autres organisations non gouvernementales); Fédération internationale des mouvements d'adultes ruraux catholiques; Confédération internationale d'organismes catholiques d'action charitable et sociale; International Save the Children Alliance; Fédération mondiale des associations pour les Nations Unies; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme; Union des juristes arabes; Asian Legal Resource Centre; Centre on Housing Rights and Evictions; Centre Europe-tiers monde; Pax Romana; International Movement of Apostolate in the Independent Social Milieus; Libération.
Nombre d'intervenants ont insisté sur la nécessité, pour la communauté internationale, de promouvoir la mise en oeuvre de mesures d'allégement, voire d'annulation de la dette des pays les plus endettés si l'on veut assurer la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels dans ces pays. Plusieurs orateurs ont également souligné la nécessité de relancer les travaux du Groupe de travail sur l'ajustement structurel, bloqués depuis plusieurs mois.
Il a été rappelé que les mesures visant à éradiquer la pauvreté ainsi que celles visant à promouvoir le droit à l'éducation constituent des éléments essentiels à la promotion des droits économiques, sociaux et culturels. L'importance de la coopération internationale pour la promotion de ces droits a été maintes fois soulignée. D'autres intervenants ont attiré l'attention sur la persistance d'une discrimination à l'encontre des femmes s'agissant de l'accès à un certain nombre de droits économiques, sociaux et culturels, en particulier en matière d'éducation, d'emploi et d'accès au crédit.
Les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Iraq ont exercé leur droit de réponse.
La Commission poursuivra, demain matin à 10 heures, son débat sur les droits économiques, sociaux et culturels. À midi, le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, fera une déclaration devant la Commission.
Déclarations
M. THORBJØRN JAGLAND, Ministre des affaires étrangères de la Norvège, a exhorté tous les États qui ne l'ont pas encore fait à abolir la peine de mort. La Commission doit adopter une position claire à cet égard. Le ministre a par ailleurs estimé que la Conférence mondiale contre le racisme, qui se tiendra en Afrique du Sud l'an prochain, sera un événement crucial dans le combat contre la discrimination, et la Norvège lui apportera tout son soutien. Il a rappelé que le combat contre la pauvreté est également une priorité pour la promotion et la protection des droits de l'homme et qu'au regard de l'économie globale, les solutions se doivent d'être globales. Dans ce domaine, un nouveau partenariat entre les pays développés et en développement est nécessaire.
Par ailleurs, le ministre a annoncé que la Norvège s'apprête à présenter un projet de résolution devant cette commission demandant l'établissement d'un mécanisme qui serait chargé de fournir des conseils aux gouvernements, d'examiner l'application de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme et de recueillir des informations sur la situation des défenseurs des droits de l'homme partout dans le monde. Le ministre a souligné à cet égard qu'il faut que les défenseurs des droits de l'homme s'expriment haut et fort et qu'ils soient protégés pour qu'ils ne soient plus réduits au silence aussi facilement.
Le Ministre norvégien des affaires étrangères a jugé inacceptable que 3 millions d'enfants dans le monde meurent chaque année de maladies qui pourraient être aisément soignées. Il a déclaré que son gouvernement est prêt à offrir une contribution substantielle au programme mondial de vaccination placé sous les auspices de l'Organisation mondiale de la santé, de la Banque mondiale, de l'UNICEF et de donateurs privés.
Présentation du rapport sur le droit à l'éducation
Présentant son rapport sur le droit à l'éducation, MME KATARINA TOMASEVSKI, Rapporteuse spéciale, a indiqué que l'école primaire était payante dans 42 pays et que dans 48 pays, elle n'est pas obligatoire. Cela signifie qu'en matière de droit à l'éducation, la communauté internationale a échoué dans la moitié des pays du monde, a-t-elle déploré. Les diverses stratégies mondiales devraient s'attacher à relever l'âge de la scolarité obligatoire, a-t-elle suggéré. Il va donc falloir demander à la communauté internationale de respecter les dispositions des instruments internationaux en ce qui concerne les questions d'éducation. Mme Tomasevski a par ailleurs rappelé qu'un Forum sur l'éducation pour tous doit se tenir à la fin du mois d'avril à Dakar.
La stratégie internationale en matière d'éducation souffre de ce que la communauté internationale ne soit pas encore parvenue à surmonter les problèmes de discrimination, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. Insistant sur l'importance qu'il y a à déterminer le statut exact du droit à l'éducation, Mme Tomasevski a par ailleurs souligné que la jurisprudence des tribunaux et des cours suprêmes est très
fournie et l'on peut dire aujourd'hui que dans la plupart des pays, le droit à l'éducation est juridiquement applicable. Dans le monde entier, a insisté la Rapporteuse spéciale, la plupart des tribunaux ont accepté de se saisir de plaintes relatives à l'accès à l'éducation.
Même si la situation semble aujourd'hui bien meilleure qu'il y a deux ou trois ans, il reste encore beaucoup à faire en matière d'égalité entre les sexes s'agissant du droit à l'éducation, a ajouté la Rapporteuse spéciale. Dans les pays où les femmes n'ont pas droit à la propriété terrienne et où elles n'ont pas accès aux prêts, par exemple, l'éducation des filles ne sera pas très efficace et utile car elles ne pourront pas la mettre en pratique.
Rapport intérimaire sur le droit à l'éducation
Dans un rapport intérimaire (E/CN.4/2000/6 et Add 1 et 2), MME KATARINA TOMASEVSKI, Rapporteuse spéciale sur le droit à l'éducation, a souligné qu'il incombe aux organes qui s'occupent de la défense de ces droits de mettre au point des indicateurs permettant d'évaluer la mise en oeuvre du droit à l'éducation. La Rapporteuse spéciale envisage d'aborder cette question dans son prochain rapport. En prévision de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, prévue en 2001, la Rapporteuse spéciale envisage également d'analyser dans son prochain rapport les textes de jurisprudence existants en ce qui concerne l'orientation et le contenu des programmes d'études et des manuels scolaires, en vue de s'assurer qu'ils sont conformes à l'obligation d'éliminer toute forme de discrimination. Elle envisage en outre de se concentrer sur les méthodes d'instruction, en mettant tout particulièrement l'accent sur les châtiments corporels et la prévention de la violence à l'école, qui ont donné lieu à des textes de jurisprudence dans toutes les régions du monde.
Dans un premier additif à son rapport, consacré à sa mission en Ouganda, Mme Tomasevski constate que les efforts exigés pour rembourser la dette l'emportent sur les obligations du pays en matière de droits de l'homme. La Rapporteuse spéciale note toutefois que le renforcement du soutien tant politique que financier apporté à la généralisation de l'enseignement primaire, augure de la ferme volonté de l'Ouganda de jeter les jalons d'une reconnaissance effective du droit à l'éducation.
Dans un second additif à son rapport, consacré à sa mission au Royaume-Uni, la Rapporteuse spéciale note que la longue tradition de l'enseignement obligatoire pour tous fait que rares sont les catégories d'enfants qui n'ont pas d'accès à l'école. Elle propose de mettre à profit l'introduction prochaine de l'éducation civique dans l'enseignement obligatoire pour en finir avec les erreurs de perception qui font que l'égalité entre les sexes n'est pas appréhendée comme étant du même ordre que l'égalité raciale, c'est-à-dire qu'elle relève des droits de l'homme. La Rapporteuse spéciale est préoccupée par les effets de l'esprit de compétition sur les enfants handicapés. Elle est d'avis que l'intégration passe
par une meilleure adaptation de l'enseignement à leur situation. Mme Tomasevski est particulièrement préoccupée au sujet de l'accès à l'enseignement universitaire des personnes qui n'ont pas les moyens d'en payer les coûts directs. Elle encourage le Gouvernement britannique à améliorer les possibilités d'accès offertes aux catégories défavorisées.
M. A. E. BELIZ (Panama) au nom des pays membres du Groupe des pays d'Amérique centrale, a déclaré que la personne et sa dignité doivent être au coeur de toute politique de développement. Le représentant a affirmé que les pays du groupe d'Amérique centrale mettent l'accent sur l'emploi productif, comme élément déterminant de la réduction de la pauvreté. Pauvreté et manque d'éducation sont les principaux obstacles au développement. C'est la raison pour laquelle chaque pays entrant dans notre groupe définit et met en oeuvre des programmes d'éradication de la pauvreté.
Le représentant a déclaré que le poids de la dette est également un des principaux obstacles à la réussite des processus de reconstruction et de réhabilitation. Il a par ailleurs affirmé que les recommandations contenues dans le rapport conjoint de l'Expert indépendant sur les politiques d'ajustement structurel et du Rapporteur spécial sur la dette devraient inspirer les politiques économiques des institutions financières internationales. Le représentant a appuyé l'idée contenue dans le rapport conjoint, selon laquelle il conviendrait d'établir un lien entre l'allègement de la dette et le progrès social.
M. ZAINAL RAJA NUSHIRWAN (Malaisie) a déclaré que son pays souhaite des partenariats internationaux plus étroits pour la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Sa délégation a lu avec un grand intérêt le rapport de l'Expert indépendant sur les politiques d'ajustement structurel et du Rapporteur spécial sur les effets de la dette extérieure. Il a toutefois souligné que son pays est défavorable à la fusion de ces deux mandats. La promotion des droits économiques, sociaux et culturels sera mieux assurée par les travaux de chacun de ces deux mécanismes. Il a recommandé que le Haut-Commissariat aux droits de l'homme renforce ses capacités dans les domaines de la recherche et de l'analyse, notamment en ayant recours aux ressources de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme.
MME GRACIBEL BU FIGUEROA (Honduras) s'est félicitée que dans le rapport conjoint du Rapporteur spécial sur les effets de la dette et de l'Expert indépendant sur l'ajustement structurel, le Honduras soit considéré comme pays gravement affecté par le passage de l'ouragan Mitch. Regrettant que le Groupe de travail sur l'ajustement structurel n'ait pu se réunir à la date prévue, elle a déploré le peu d'intérêt manifesté par certains pays développés pour débattre de la question au sein de ce Groupe de travail. Elle a lancé un appel à tous les organismes financiers internationaux afin que toutes les mesures, recommandées par le Rapporteur spécial et par l'Expert indépendant, soient examinées en vue de leur application prochaine, ce qui permettrait que des pays comme le Honduras puissent s'engager sur la voie d'un développement véritable et durable.
La représentante du Honduras a indiqué que la dette extérieure de son pays atteint les 4,4 milliards de dollars, ce qui représente près de 93% de son PIB. Le Honduras est devenu éligible à la liste des pays les plus endettés, a-t-elle rappelé. Elle a souligné que le pays a mis en oeuvre un programme d'ajustement structurel visant à améliorer l'efficacité du secteur public, à stimuler le secteur privé, à éliminer les barrières au commerce extérieur ainsi que le contrôle des prix pour le marché intérieur et à stimuler les investissements étrangers dans le pays. Pour atténuer l'impact du programme d'ajustement sur la population, l'État a créé un Fonds d'investissement social. Ayant constaté que 66% de la population du pays vit en-dessous du seuil de pauvreté, le Gouvernement du Honduras a pris une série de mesures destinées à améliorer le niveau de vie de la population rurale pauvre.
MME FEDERICA BIGI (Saint Marin) a insisté sur la nécessité d'alléger la dette des pays en développement. La dette représente pour de nombreux pays un problème déterminant de leur capacité à se développer aux plans économique et social, a-t-elle fait remarquer. La représentante a déclaré que les rapports présentés sur les effets de la dette montrent que l'initiative prise par les pays membres du G7, initiative visant à renforcer l'action du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, ne saurait être considérée comme suffisante. Elle s'est toutefois félicitée qu'un lien soit établi entre allégement de la dette et stratégie de lutte contre la pauvreté. La pauvreté est l'entrave la plus importante à la jouissance des droits de l'homme. Une lutte efficace contre la pauvreté passe par la définition de stratégies nationales élaborées par les gouvernements, la société civile et en particulier les organisations non gouvernementales, et les organisations internationales. Pour Saint Marin, l'allégement de la dette doit s'accompagner d'investissements dans les domaines de l'éducation, de la santé ou de la protection de l'environnement.
M. LARS LUDVIGSEN (Centre des Nations Unies pour les établissements humains - Habitat) a déclaré qu'un milliard de personnes dans le monde ne disposent pas d'un logement adéquat, et 100 millions sont sans abri. Habitat s'est fixé pour objectif d'améliorer les conditions de vie et de travail, sur une base durable et équitable, afin que chacun ait un toit adéquat, c'est-à-dire un logement sûr, salubre, accessible, peu coûteux, avec des équipements de base, sans discrimination liée au quartier où l'on habite. Habitat s'attache à ne pas générer d'attentes qui ne soient pas réalistes ou applicables. La représentante a souligné que l'an dernier, la XVIIème session de la Commission sur les établissements humains a choisi une nouvelle vision stratégique, qui propose l'adoption de politiques favorisant des logements sûrs sur la base de nouveaux partenariats entre les gouvernements et les communautés.
MME FAYZIA ABOULNAGA (Égypte) a déclaré que l'avenir de la coopération internationale en faveur de la promotion des droits de l'homme au sein de la Commission dépend de la manière dont sera établi l'équilibre entre droits économiques, sociaux et culturels et droits civils et politiques. Le respect du droit au logement et du droit à la santé conditionne la prise de conscience, par l'être humain, de ses droits civils et politiques. Sans protection des droits
économiques, sociaux et culturels, l'homme sera incapable de discerner le bien du mal et incapable de réclamer ses droits élémentaires. La représentante égyptienne a souligné que l'annulation des dettes est l'une des questions essentielles à l'ordre du jour du Sommet entre les pays d'Europe et d'Afrique qui s'ouvre aujourd'hui au Caire.
MME SILVIA AVILA SEIFERT (Bolivie) a déclaré que la Bolivie s'est engagée à transformer son ordre politique et économique afin de favoriser la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Toute une série de mesures ont été adoptées à cette fin : décentralisation, création de l'institution de défenseur des droits de la femme et de l'enfant, réforme éducative, création de centres de formation, accès gratuit à l'université, réformes bancaires. La démocratie bolivienne progresse depuis 20 ans, mais le pays reste l'un des pays les moins développés du continent. Il ne suffit pas d'adopter des lois et de ratifier des conventions internationales pour assurer la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Il faut aussi disposer des moyens nécessaires au financement des ambitions que l'on s'est fixées. La représentante a déclaré que le poids de la dette et la détérioration des termes de l'échange ont réduit les chances de la Bolivie de remplir les objectifs fixés par la Commission des droits de l'homme en matière de droits économiques, sociaux et culturels.
M. THEMBA MASUKLL (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture - FAO) a déclaré que le contenu normatif du droit à une alimentation satisfaisante et la nature des obligations de l'État ont largement été clarifiés. Mais l'application au niveau national reste encore inadaptée. Le représentant a rappelé que la Sous-Commission a recommandé dans sa résolution 1999/12 que la Haut-Commissaire aux droits de l'homme organise des consultations sur ce thème. La FAO soutient une telle proposition car, effectivement, il s'agit d'abord d'une responsabilité qui incombe aux États et aux gouvernements. L'objectif de l'application du droit à l'alimentation est atteint seulement lorsque hommes, femmes et enfants disposent d'une nourriture équilibrée et un quantité suffisante.
M. FEDERICO PERAZZO SCAPINO (Uruguay) a souligné que son pays se place au premier rang des 18 pays de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes pour ce qui est des dépenses consacrées au secteur social. Il a souligné que le nombre de foyers qui vivent en-dessous du seuil de l'extrême pauvreté représente désormais moins de 1% de la population totale. Le représentant de l'Uruguay a par ailleurs souligné que la moitié des nouveaux élèves qui ont intégré l'éducation primaire suite à la réforme de l'éducation entreprise par le gouvernement appartiennent aux familles dont les revenus sont les plus faibles. L'Uruguay espère que l'élection du Président du Groupe de travail sur l'ajustement structurel permettra de redémarrer les travaux du Groupe qui ont malheureusement été bloqués ces derniers mois.
M. ALI KHORAM (République islamique d'Iran) a rappelé le principe d'indivisibilité des droits civils et politiques et des droits économiques, sociaux et culturels. Le représentant a regretté que cette dernière catégorie de droits soit encore traitée de façon marginale au niveau international. Il a également regretté que de nombreux pays en développement ne soient pas véritablement en mesure de mettre en oeuvre ces droits. L'Iran regrette également qu'en dépit de
l'identification des principaux obstacles à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, aucune politique efficace et concrète n'ait été mise en oeuvre au sein du système des Nations Unies. Le représentant a déclaré que le fardeau de la dette est un obstacle à la promotion des droits économiques, sociaux et culturels. Les pays en développement devraient recevoir une assistance financière afin de les aider à traduire concrètement ces droits dans la réalité. L'Iran engage par ailleurs les institutions financières internationales à créer un environnement favorable à leur réalisation.
M. MOHAMED SAEED AL-ATTAR (Yémen) a déclaré que depuis 1995, son pays a mis en oeuvre un programme de réformes financières, économiques et administratives en coopération avec le Fonds monétaire international. Ce programme a eu un impact négatif sur le plan social et sur les conditions de vie de la population, sur les couches les plus vulnérables de la société. Le salaire réel de la population a baissé de 70 % entre 1992 et 1996 et l'essor urbain fait augmenter le chômage de 45 % par an. Le gouvernement a dû renforcer ses efforts pour atténuer les effets pervers des réformes, notamment par le biais d'une aide aux familles qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Malgré l'assistance internationale dans ce domaine, au Yémen ou ailleurs, il est nécessaire que la communauté internationale redouble d'efforts pour aider les pays concernés à faire face à ces situations. À cet égard, le représentant yéménite a exhorté les pays créanciers à prendre des mesures moins astreignantes pour le règlement de la dette des pays pauvres. Il a également appelé à l'application des recommandations faites lors de tables rondes régionales, notamment celle qui s'est déroulée à Saana récemment.
MME MURIEL JOYE (Fédération internationale des femmes diplômées, au nom de nombreuses autres organisations non gouvernementales) a souligné que l'examen cette année, par la Conférence internationale du travail, de la question de la révision de la Convention sur la maternité, se fonde sur une approche dont l'objectif vise à réconcilier les droits de reproduction et de production des femmes. Il s'agit d'une convention essentielle pour la sécurité de l'emploi et pour la protection sociale des femmes salariées. La représentante a exhorté les États qui ne l'ont pas encore fait à ratifier les conventions nEð100, 111 et 156 de l'Organisation internationale du travail afin d'assurer l'équité entre les sexes en matière d'emploi. Soulignant que les femmes continuent d'avoir un accès limité à l'éducation, elle a mis l'accent sur l'importance qu'il y aura, l'an prochain, à renouveler le mandat de la Rapporteuse spéciale sur le droit à l'éducation. La représentante a par ailleurs plaidé en faveur de l'octroi de crédits aux femmes afin de promouvoir leur esprit d'entreprise. Elle a déclaré que le projet de résolution présenté par la délégation du Mexique sur la question du droit des femmes à la terre, à la propriété et au logement est essentiel pour les droits économiques, sociaux et culturels des femmes et pour la promotion de la responsabilisation des femmes. La représentante a donc exhorté la Commission à adopter ce projet.
M. PIERRE MIOT (Fédération internationale des mouvements d'adultes ruraux catholiques - FIMARC) a déclaré que la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels est gravement remise en cause par le développement des nouvelles techniques issues des recherche en biologie, notamment lorsqu'elles s'appliquent à l'agriculture. Pour la FIMARC, les organismes génétiquement modifiés (OGM), souvent présentés comme la solution à l'agriculture de demain et même comme la réponse au problème de la faim, mettent en péril les droits essentiels des paysans. Leur impact sur l'environnement et la santé ne sont pas pris en compte. Les organisations paysannes et les mouvements de la FIMARC demandent avec insistance que la recherche des biotechnologies ne soit pas monopolisée par les OGM, mais consacrée à des études sur les cultures vivrières. Ils en appellent à la responsabilité des États pour que la Convention sur la biodiversité soit ratifiée rapidement par tous les États, pour que le protocole sur la biosécurité devienne un outil de décision politique. Ils lancent également un appel pour que soient appliqués les trois principes majeurs que sont prévention et précaution, information et transparence, et responsabilité de tous les acteurs.
MME MARY TOM (Confédération internationale d'organismes catholiques d'action charitable et sociale) a déclaré que la pauvreté dans le monde et la marginalisation des pauvres ont atteint des niveaux intolérables et critiques. Elle a mentionné à cet égard que le Conseil de sécurité, le 30 novembre dernier a fait une déclaration, par la voix de son président, par laquelle il souligne l'importance d'une réponse internationale coordonnée face aux problèmes économiques, sociaux, culturels ou humanitaires , souvent à l'origine de nombreux conflits armés. Les organes et institutions des Nations Unies doivent rechercher des stratégies préventives et mener des actions dans leurs domaines de compétence respectifs afin d'assister les pays membres à éradiquer la pauvreté, à renforcer la coopération et l'assistance, à promouvoir le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. KALLE ELOFSSON (International Save the Children Alliance) a souligné que les effets des politiques monétaires sur les enfants sont très rarement examinés. Ainsi, les pays de l'Union européenne se sont-ils engagés sur la voie de la monnaie unique sans entreprendre la moindre étude quant à l'impact que la mise en oeuvre de la monnaie unique aura sur les enfants. En outre, dans les accords commerciaux, les clauses relatives aux droits de l'homme ne concernent que très rarement les enfants. Le représentant a lancé un appel en faveur de l'élaboration d'outils permettant d'évaluer l'impact des politiques macro-économiques et des accords commerciaux sur les divers groupes d'âge, notamment les enfants.
M. HORACE PERERA (Fédération mondiale des associations pour les Nations Unies) a évoqué la situation en Afrique sub-saharienne où sont situés 26 des États les moins développés et 33 des 41 pays pauvres les plus endettés. Dans ces pays, 42,4% des adultes sont illettrés et les inégalités entre hommes et femmes sont criantes. La dette qui s'élève pour ces 33 pays à un montant de 245 milliards de dollars paralyse la croissance économique et absorbe les ressources qui devraient être consacrées au développement. Dans ce contexte, l'accélération de l'initiative en faveur des pays pauvres les plus endettés est essentielle. L'annulation partielle ou totale de la dette par les pays du *ðclub de Paris+ð l'est tout autant, a affirmé le représentant. Si la responsabilité première de la situation en
Afrique sub-saharienne incombe aux pays concernés, il n'en reste pas moins que la communauté internationale a un rôle à jouer dans le développement de l'Afrique et ne devrait pas accepter sa marginalisation.
MME VERONIQUE MWEBWE NTUMBA (Fédération internationale des ligues des droits de l'homme) a déclaré qu'en dépit de l'indivisibilité proclamée des droits de l'homme, les droits économiques, sociaux et culturels ont toujours reçu une attention moindre, y compris de la part de la Commission des droits de l'homme. Pourtant, ils doivent être considérés comme de véritables droits de l'homme. La Fédération demande à la Commission d'accorder une attention particulière à l'évaluation des effets que pourrait avoir la libéralisation du commerce sur la jouissance effective des droits de l'homme et en particulier ceux figurant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et d'envisager la création d'un mécanisme chargé de veiller à la compatibilité des accords commerciaux multilatéraux avec les principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et les Pactes relatifs aux droits de l'homme.
MME LAURENCE DEONNA (Union des juristes arabes, au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales) a rappelé que les sanctions économiques décidées il y a dix ans contre l'Iraq, suite à la Guerre du Golfe, frappent avant tout les couches les plus défavorisées de la population. Elles privent tragiquement l'Iraq de l'exploitation de ses ressources naturelles et du développement normal de son économie. Une génération de jeunes Iraquiens grandit, affaiblie physiquement et mentalement par le manque de nourriture et de soins. La Commission devrait adopter une résolution réclamant la levée immédiate de l'embargo injuste qui frappe l'Iraq.
M. MARK TAMTHAI (Asian Legal Resource Centre) a évoqué la situation au Myanmar où des populations entières souffrent de la famine. Aucun État, dans aucune circonstance ne devrait pouvoir porter atteinte au droit fondamental à l'alimentation, a-t-il souligné. Le représentant a déclaré qu'au Myanmar, l'armée brûle les cultures au nom de la sécurité nationale, provoquant le déplacement de populations vers des régions où elles ne peuvent assurer leur subsistance. Par ailleurs, l'État viole le droit du travail, comme l'atteste un document de l'Organisation internationale du travail qui montre que l'État engage des travailleurs non payés qui doivent construire des canaux, des routes, des plantations. Le représentant a lancé un appel au monde entier pour que le peuple du Myanmar puisse jouir de son droit à l'alimentation.
MME CAROLINE LAMBERT (Centre on Housing Rights and Evictions) a exhorté la Commission à adopter lors de cette session une résolution proposée par l'Allemagne sur les droits économiques, sociaux et culturels, visant à nommer une rapporteur spécial sur le droit au logement. Le droit au logement est encore refusé à un milliard de personnes dans le monde. La représentante a également exhorté la Commission à adopter la résolution du Mexique sur les femmes et le droit à la propriété. Elle l'a enfin engagé à adopter deux résolutions thématiques, l'une sur le droit au logement et à la propriété pour les personnes déplacées et les réfugiés, et l'autre sur les expulsions forcées.
M. MALIK OZDEN (Centre Europe-tiers monde) a rappelé que le G7 avait déclaré que l'initiative en faveur des pays pauvres endettés, lancée en juin 1999, permettrait de dégager 70 milliards de dollars, soit une remise de dettes allant jusqu'à 90% pour certains pays parmi les plus pauvres. Or, à ce jour, le caractère mensonger de cette déclaration est flagrant. En effet, comme le soulignent le Rapporteur spécial sur les effets de la dette et l'Expert indépendant sur les politiques d'ajustement structurel, cette initiative est prisonnière de conditionnalités imposées par le FMI et la Banque mondiale. Dans la réalité, sur les 41 pays cités par le G7, nombreux sont ceux qui ne parviendront pas à remplir les conditions fixées, ce qui se traduit par l'obligation de renoncer à l'allégement de la dette. En fait, seules la Bolivie, l'Ouganda et la Mauritanie ont à ce jour bénéficié de réductions de dettes. En définitive, cette initiative ne réduira que de 1,2% la dette totale des pays en développement.
Le système de l'endettement se présente avant tout comme l'un des mécanismes de subordination des peuples et des Etats de la périphérie à l'égard du centre, symbolisé par le G7. Aussi, non seulement les programmes d'ajustement doivent être abolis mais aussi les dettes publiques des pays en développement doivent être annulées.
M. R. J. RAJKUMAR (Pax Romana) a regretté que les responsables des institutions financières internationales aient de la mondialisation une vision qui soit très éloignée des réalité rencontrées sur le terrain. La réalité, a affirmé le représentant, c'est que les lois économiques internationales ont évolué et ne sont plus fondées sur le respect des droits de l'homme. Pour Pax Romana il faut revoir notre économie mondialisée, ainsi que le dialogue avec les institutions financières internationales. Le défi essentiel consiste à réduire les inégalités entre les pays. Le représentant a ainsi exhorté la communauté internationale, en partenariat avec les organisations non gouvernementales compétentes, à recomposer le système financier international en tenant compte des valeurs d'intégrité, de transparence et de responsabilité à tous les niveaux, à savoir, dans le processus de décision, lors de la mise en oeuvre, et au moment de l'évaluation.
M. GILBERT ROSSARY (International Movement of Apostolate in the independent Social Milieus) a exprimé l'inquiétude de son mouvement devant l'incohérence de l'attitude des États selon qu'ils siègent à l'Organisation mondiale du commerce, qu'ils signent des conventions auprès de l'Organisation internationale du travail ou des instruments des Nations Unies. Il a souhaité que l'Organisation mondiale du commerce tienne pleinement compte des objectifs que s'est fixée la communauté internationale dans ses autres domaines d'activité. Le représentant a estimé que le Conseil économique et social devrait être compétent pour s'assurer auprès de l'Organisation mondiale du commerce de la cohérence de ses décisions avec les normes internationales en vigueur. Le représentant a également affirmé faire confiance au Haut Commissariat aux droits de l'homme pour trouver des moyens d'agir auprès de l'Organisation mondiale du commerce dans le même sens, afin d'assurer que ses décisions ne soient pas en contradiction avec la promotion des droits de l'homme.
MME MARGARET BOWDEN (Libération) a déclaré que la double crise qui frappe l'Afrique, à savoir le fardeau de la dette et l'épidémie de VIH/sida a été reconnue trop tardivement par les pays riches. Il faut donc élaborer une stratégie capable d'appréhender cette double crise en tenant compte du fait qu'*ðil faut contrôler l'épidémie avant qu'il ne reste plus personne pour payer la dette+ð. La représentante de Libération a par ailleurs souligné que les dirigeants de certains régimes ont accrut leurs dettes auprès des pays riches pour se procurer les équipements militaires nécessaires à la répression de leurs populations. Aussi, la Commission devrait-elle adopter une résolution demandant que soient immédiatement annulés ces contrats et que soit immédiatement interdite toute aide militaire à des régimes non démocratiques. À ce jour, a poursuivi la représentante de Libération, l'Indonésie n'a toujours pas ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Dans ce pays, les projets d'investissement détruisent les ressources naturelles et provoquent des violations de droits de l'homme, notamment la destruction des moyens de subsistance des autochtones. La représentante de Libération a d'autre part demandé à la Commission d'insister auprès du Gouvernement pakistanais afin qu'il reconnaisse le droit de la population sindhi à utiliser sa propre langue.
Exercice du droit de réponse
Le représentant des États-Unis a affirmé que les souffrances du peuple iraquien ont une cause : le refus du gouvernement iraquien de coopérer et d'appliquer les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. La Commission des droits de l'homme doit pouvoir juger sur les faits. Aussi, toute discussion sérieuse sur les souffrances du peuple iraquien doit commencer par une discussion sur ses causes, celles du refus de coopérer de son gouvernement.
La représentante du Royaume Uni a rejeté les affirmations du Ministre de la santé iraquien en affirmant que le programme pétrole contre nourriture suffit à satisfaire les besoins du peuple iraqien pour ce qui concerne la nourriture et les médicaments. Depuis l'imposition de sanctions, nous avons fait de notre mieux pour protéger le peuple iraquien, a assuré la représentante britannique. Une résolution récente du Conseil de sécurité a relevé le plafond du programme humanitaire. Par ailleurs, la résolution 1284 prévoit la levée des sanctions si l'Iraq choisit de coopérer. Le Royaume-Uni lance un appel en ce sens