En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/7330

DISCOURS DU SECRETAIRE GENERAL AU COMMONWEALTH : AFRIQUE : MAINTENIR LA DYNAMIQUE

17 mars 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7330


DISCOURS DU SECRETAIRE GENERAL AU COMMONWEALTH : AFRIQUE : MAINTENIR LA DYNAMIQUE

20000317

On trouvera, ci-après, le texte du discours prononcé par le Secrétaire général au Commonwealth « Afrique : maintenir la dynamique », le 14 mars 2000 à Londres :

C’est un honneur de me trouver aujourd’hui parmi vous et de m’associer à la célébration de la Journée du Commonwealth (8 mars) – la cinquante et unième dans l’histoire de votre organisation.

Je voudrais tout d’abord rendre hommage à mon excellent ami, le Chef Emeka Anyaoku, dont le mandat touche à sa fin. Son mandat de Secrétaire général du Commonwealth a coïncidé avec une profonde transformation de la scène internationale. Sous l’effet des courants de démocratisation et de mondialisation, alors que les rapports Est-Ouest, Nord-Sud et autres subissaient de profondes transformations, le Chef Anyaoku a maintenu le Commonwealth sur une voie productive. Je sais combien il a souffert lorsque son pays s'est trouvé sous le joug de dirigeants militaires que votre organisation fut contrainte de condamner. Mais il est resté fidèle à ses principes et il est aujourd'hui récompensé puisqu'il va retrouver un Nigéria où les règles constitutionnelles et démocratiques ont été restaurées. Sans faillir, il s'est aussi fait l'avocat d’une Organisation des Nations Unies forte et efficace.

Il laisse à son successeur une organisation à la fois élargie et plus apte à répondre aux besoins de ses divers membres. Le Chef Anyaoku a mérité la gratitude de la communauté internationale, et tous nos vœux l’accompagnent.

Permettez-moi également de souhaiter la bienvenue à votre nouveau Secrétaire général, Don McKinnon. Revenu il y a peu d’une visite en Nouvelle-Zélande, je puis vous affirmer qu’il sait d'expérience ce qu'est un pays qui fonctionne bien. Le monde n’est pas uniquement fait de conflits et de misère. Certaines nations, plus fortunées que d’autres par leur histoire et leur géographie, fonctionnent sans bruit mais avec efficacité – non sans problèmes, mais avec une solide armature juridique et un personnel qualifié pour les résoudre. La Nouvelle- Zélande compte au nombre de ces pays et est connue pour faire profiter d’autres pays du Commonwealth des atouts dont elle dispose.

M. McKinnon a une connaissance approfondie de l’Organisation des Nations Unies et ce savoir permettra de renforcer les liens entre nos deux organisations. Je sais qu'en lui adressant mes meilleurs vœux de succès dans ses nouvelles fonctions à Marlborough House, je parle en votre nom à tous.

Le Commonwealth occupe une place toute particulière au sein de la communauté internationale. Il a depuis longtemps abandonné ses origines coloniales pour devenir une organisation multilatérale, multirégionale et même multilingue, unie dans son attachement à la démocratie, à la bonne gouvernance, aux droits de l’homme et au développement durable. Représentant près d’un quart de l'humanité, le Commonwealth est vraiment l’une des principales organisations sœurs de l’Organisation des Nations Unies.

Ce lien étroit m’incite à parler aujourd’hui de l’Afrique, un lieu et une cause très proches – en fait inséparables – des missions de nos deux organisations. Les nations africaines forment le groupe le plus large au sein du Commonwealth et, du moins jusqu’à ce que Tuvalu nous rejoigne plus tard dans l’année – elles constituent aussi le plus grand groupe au sein de l’Organisation des Nations Unies. Durant des années, la lutte contre l’apartheid fut pour nous deux l’une de nos plus grandes priorités. Plus récemment, nous avons envoyé des observateurs électoraux dans de nombreux pays africains afin d’aider à consolider le processus démocratique. Nous avons tous deux d’importants programmes d’assistance technique. Pendant plus d’un demi- siècle, nous avons défendu les droits de l’Afrique et son autonomie tout en mobilisant un appui international en faveur de son développement.

Et cependant, j'ai bien peur que tout ce que nous avons fait pour aider l’Afrique à surmonter ses conflits, ses faux départs et ses décennies perdues n'ait pas été suffisant. L’Afrique a besoin de plus encore : davantage d’assistance, davantage de technologie, davantage d’investissements, un meilleur accès aux marchés mondiaux, une coopération plus étroite et des partenariats renforcés.

À l’aube d’un nouveau millénaire, les Africains sont à un moment critique. Les conflits persistent dans presque toutes les régions – des conflits qui ont pour effet de grossir les flots de réfugiés et de personnes déplacées, des conflits dans lesquels les combattants font totalement fi du bien- être des populations civiles.

Certains de ces conflits ont totalement disparu des grands titres et des bulletins d’information dans les parties les plus fortunées du monde. Et cependant les combats se poursuivent de façon incontrôlée en Angola. Dans le sud du Soudan, le cessez-le-feu existe avantage davantage dans la lettre que dans les faits. En Somalie, il n’y a toujours pas de gouvernement reconnu et les affrontements entre groupes rivaux demeurent fréquents. La guerre entre l’Érythrée et l’Éthiopie en est à sa troisième année et, selon les estimations, a déjà fait 55 000 morts. Aujourd’hui, la famine menace à nouveau huit millions de personnes, une famine en grande partie imputable à la folie des hommes.

Pourtant, ces conflits restent largement ignorés. Si l'on comptait sur les informations des médias mondiaux, on ne saurait même pas qu’un conflit fait rage en République du Congo – au « Congo-Brazzaville » – et encore moins que le pays est en proie à une des plus tragiques crises humanitaires en Afrique. Je suis heureux de pouvoir dire que les nouvelles politiques sont encourageantes, mais des milliers de personnes déplacées demeurent dans le besoin le plus criant.

Rien ne saurait excuser l’entêtement de ceux qui persistent à vouloir recourir à la violence à l’encontre de leurs frères humains. La culpabilité de quelques dirigeants sans scrupules ne saurait davantage excuser la cruelle indifférence manifestée par la plus grande partie du monde à l’égard de ces victimes de guerres presque oubliées.

Et pourtant, si terribles soient-ils, ces conflits ne sont pas le plus grand fléau de l’Afrique. L’impact du VIH/sida – la menace qu'il fait peser sur la stabilité économique, sociale et politique du continent – s’est révélé tout aussi destructeur.

L’année dernière, le sida a fait bien plus de victimes que toutes les guerres de la région réunies. Et sur les 36 millions de personnes qui sont aujourd'hui atteintes du sida dans le monde, 23 millions vivent en Afrique subsaharienne.

En Côte d’Ivoire, un enseignant meurt du sida chaque jour de classe. L’espérance de vie d’un enfant né au Botswana est de 41 ans alors qu’en l’absence du sida elle aurait été de 70 ans.

Les projections du Gouvernement du Zimbabwe indiquent que le VIH/sida absorbera 60% du budget de la santé d’ici à l’an 2005, et même ce montant sera insuffisant. Personne ne se rend vraiment compte de l'impact réel de cette calamité sur la qualité de vie des Africains, sur le potentiel économique du continent et sur sa stabilité politique et sociale.

La vérité est que l’Afrique souffre de crises multiples – écologiques, économiques, sociales et politiques. Les ressources d’eau, les forêts et les terres arables subissent des pressions sans précédent. Des milliards de dollars de fonds publics continuent d’être détournés par quelques dirigeants africains, alors que les routes s’effondrent, que les systèmes de santé périclitent, que les enfants n’ont ni livres, ni pupitres, ni enseignants, et que les téléphones ne fonctionnent pas.

En toile de fond il y a, bien sûr, la pauvreté. Selon les estimations les plus récentes, une grande partie de la population d'Afrique subsaharienne vit avec moins d’un dollar par jour; c'est pire que partout ailleurs dans le monde. La pauvreté rend les Africains plus vulnérables à la guerre et à la maladie. En outre, guerres et maladies font sans cesse obstacle aux efforts des Africains pour sortir de la pauvreté.

Je n’éprouve aucune satisfaction à réciter cette litanie. Mais nous ne pouvons espérer résoudre les problèmes sans les regarder en face. Les dirigeants africains sont les premiers à reconnaître les erreurs du passé et la nécessité d’un changement fondamental.

Et, dans bien des pays, les choses changent. Le tableau d’ensemble n’est pas entièrement sombre. Il existe d’autres images de l’Afrique, bien plus positives, davantage axées sur l’avenir, et qui sont également réelles.

Coups d’État et monopole du pouvoir exercé par un parti unique s'appropriant toutes les richesses sont heureusement en train de faire place à des élections démocratiques multipartites, à des régimes constitutionnels, à plus grande transparence, à plus de responsabilité et à un plus grand respect des droits de l’homme.

C’était sûrement un signe des temps lorsque, à l’occasion du dernier Sommet de l’OUA tenu à Alger, les dirigeants africains ont décidé que ceux qui accédaient au pouvoir par des moyens inconstitutionnels ne seraient pas les bienvenus aux futurs sommets de l’OUA. Depuis, lorsque des changements de gouvernement ont eu lieu de façon non constitutionnelle en Afrique, une très forte pression internationale s'est exercée pour la restauration d'un pouvoir légitime dans les meilleurs délais. Un ancien dictateur accusé d’avoir torturé des milliers de compatriotes a même été arrêté dans un autre pays africain, d'où il pourrait être extradé.

En République centrafricaine, en Guinée-Bissau et au Niger, des problèmes politiques difficiles ont été résolus pacifiquement: des élections multipartites ont été organisées et la passation de pouvoir à de nouveaux gouvernements s'est faite sans heurts. Un différend frontalier entre le Botswana et la Namibie, qui à un moment donné menaçait de dégénérer, a été soumis à un arbitrage international; les deux parties ont accepté les conclusions de la Cour internationale de Justice.

J’ai déjà mentionné la restauration d’un régime constitutionnel multipartite dans le pays le plus peuplé d’Afrique, le Nigéria. Au cours de ces dernières semaines, c’est avec une grande appréhension que nous avons tous observé une recrudescence de la violence civile. Mais personne ne devait s'imaginer qu’un pays de plus de 100 millions d’habitants, d’une grande diversité ethnique et religieuse, pourrait passer de la dictature à la démocratie sans rencontrer quelques problèmes en cours de route. Ce qui est important, c’est que nous soutenions tous le Président Obasanjo dans son engagement en faveur des droits de l’homme et de la primauté du droit, ainsi que dans ses initiatives courageuses visant à lutter contre la corruption, réformer la vie publique et redresser l’économie.

L’Afrique du Sud, l’autre géant de l’Afrique, est passée d’une manière admirablement harmonieuse de l’ère du Président Mandela à celle du Président Mbeki, à l’issue d’un processus électoral exemplairement démocratique. Il n’y a pas si longtemps, le chaos et la violence sanglante semblaient être le lot inéluctable de l’Afrique du Sud. Aujourd’hui, ce que nous voyons n'est pas une Afrique du Sud sans problèmes, mais un peuple qui fait face à ses problèmes en recourant aux mécanismes de la démocratie multiraciale et multipartite, avec une constitution définissant de nouvelles normes pour la défense des droits fondamentaux et la primauté du droit.

Et maintenant le Président Mandela lui-même – qui semble infatigable même à l’âge de 81 ans – a mis son prestige et sa sagesse immenses au service de ses frères africains dans un pays encore cruellement divisé par les conflits ethniques. Comme vous le savez, il a repris le flambeau de Mwalimu Julius Nyerere, par ailleurs irremplaçable et dont nous ressentons tous si vivement la perte, en acceptant le rôle ardu de Facilitateur de processus de paix au Burundi.

Il y a seulement quelques semaines, j’aurais conclu cette liste d’exemples édifiants en rendant un hommage vibrant au Mozambique. En l’espace d’une décennie – et, je suis fier de le souligner, avec l’aide de l’Organisation des Nations Unies – le Mozambique s’est sorti des affres d’une terrible guerre civile et atteint un niveau remarquable et soutenu de croissance économique, combiné avec un gouvernement démocratique.

Ces succès rendent d'autant plus poignante la catastrophe naturelle qui frappe aujourd'hui le pays. Cruelle ironie du sort, l’Intelligence Unit de l’hebdomadaire The Economist avait désigné le Mozambique comme le pays d'Afrique qui aurait probablement le taux de croissance le plus élevé cette année. Au moins, nous savons que le Gouvernement et le peuple mozambicain sauront faire bon usage de l’aide qu’ils recevront. Une nouvelle fois, je demande au monde entier de leur apporter dès que possible toute l'assistance possible.

Le Mozambique est un bon exemple de pays qui a réussi à mettre tant sa vie politique que son économie sur la bonne voie. De plus en plus de dirigeants africains se montrent résolus à suivre cet exemple, et à faire face aux obstacles qui, jusqu’à présent, ont empêché l’Afrique de participer pleinement à l’économie mondiale.

Enfin, les organismes publics de commercialisation des produits de base qui, omniprésents, avaient coutume d’ « écrémer » les profits de l’agriculteur africain, ont fait place à de nouvelles structures qui permettent au producteur d'obtenir un prix équitable pour ses récoltes. Des services publics lourds et inefficaces sont en train d’être réformés. L’administration locale, depuis longtemps négligée et privée de ressources, commence à recevoir l’attention qu’elle mérite.

L’an dernier, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement a publié une étude montrant que c'était en Afrique que les sociétés américaines et japonaises tiraient le plus de leurs investissements. Plus de 25 pays africains ont entrepris de vastes réformes structurelles de leur économie, notamment en privatisant les entreprises publiques déficitaires, et ont pris des mesures pour éliminer les distorsions au niveau des taux de change et du prix des produits de base. Des bourses des valeurs, des moyens de communication modernes et d’autres innovations révélant des progrès économiques apparaissent dans un nombre croissant de pays d’Afrique.

C’est cette Afrique que nous devons avoir à l’esprit lorsque nous parlons de maintenir la dynamique. La communauté internationale doit renforcer les évolutions positives. Ce sont d'ailleurs ces progrès, et pas seulement les conflits, qui ont amené la communauté internationale à consacrer davantage d’attention à l’Afrique, comme elle l’a fait avec le « mois de l’Afrique », en janvier, au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies. Aujourd'hui, l’assistance extérieure a vraiment une chance de porter ses fruits.

Je voudrais à présent faire quelques suggestions pour orienter nos travaux dans l’avenir immédiat.

Je sais que je risque de faire l’effet d’un disque rayé si je commence par la dette, les échanges et l’aide publique au développement. Mais il est un fait que nous devons en faire plus pour que les Africains aient un espoir de progrès économique et social.

La dette extérieure massive et insoutenable de l’Afrique demeure un obstacle majeur à la croissance. Elle dissuade les investisseurs privés, menace la viabilité des réformes, perturbe le fonctionnement de l’État et remet en cause la survie même de certaines économies africaines. Actuellement, nous nous félicitons des petits pas accomplis qui ont modestement soulagé une poignée de pays. Mais un allègement plus important, plus rapide et plus généralisé avait été promis l’an dernier, et il ne s’est pas encore matérialisé.

De la même façon, tant le niveau que la qualité de l’aide publique au développement laissent considérablement à désirer. L’APD a sensiblement diminué – en raison de contraintes budgétaires dans les pays donateurs, parce qu’on croit à tort que les flux de capitaux privés ont rendu l’APD obsolète et, c’est peut-être le plus grave, parce qu’on a de moins en moins confiance dans l’efficacité de cette aide. Certains pays d’Afrique attirent effectivement des niveaux impressionnants d’investissement privé, mais beaucoup d’autres sont laissés sur la touche, ce qui fait de l’APD leur seule source de nouveaux capitaux. Plus important encore, des études de la Banque mondiale montrent que l’APD peut être productive, dès lors qu’elle est bien ciblée – sur des domaines où elle a un fort impact, par exemple l’eau, l’éducation et la santé - et dans des pays qui ont adopté des politiques permettant à l’ensemble de leur population d’en bénéficier. Tout en continuant de préconiser un relèvement du niveau de l’assistance, nous devons veiller à utiliser au mieux ce que nous avons déjà.

Mais en fin de compte, les Africains ne veulent pas devoir compter sur l’aide extérieure. Comme tout le monde, ils veulent pouvoir se dire qu'ils gagnent leur vie dignement en échangeant des biens et des services dans des conditions équitables. En d’autres termes, c'est par le commerce qu'ils veulent sortir de leur pauvreté et de leur dépendance.

Mais les exportations africaines demeurent frappées de droits de douane élevés dans de nombreux secteurs. Si les pays industrialisés ouvraient davantage leurs marchés, les pays africains pourraient accroître leurs exportations à hauteur de plusieurs milliards de dollars par an – beaucoup plus que le volume actuel de l'aide qu'ils reçoivent. Des millions de pauvres gens pourraient ainsi échapper à la misère et mener une vie décente. Et pour les pays riches, le coût serait minime. A Seattle, en novembre dernier, et à Bangkok, à la dixième session de la CNUCED, le mois dernier, j'ai lancé un appel allant dans ce sens. Je le réitère ici aujourd’hui.

Bien entendu, le développement, c’est plus que de l’argent, plus que des institutions, plus que des pierres et du béton. Aucun progrès ne pourra se réaliser ou prendre racine sans personnel qualifié. L’investissement dans les ressources humaines est essentiel. Aujourd’hui, de plus en plus, cela signifie une formation aux divers aspects des nouvelles technologies de l’information.

Bien sûr, l’Internet ne remplace par les vaccins, et l’alphabétisation vient avant l’informatisation. Mais les nouvelles technologies de l’information recèlent un potentiel énorme qui pourrait être exploité pour améliorer le lot des Africains – en permettant l'enseignement et la médecine à distance, en aidant plus de femmes à rejoindre la population active, et en rendant l’administration publique plus transparente, pour ne citer que quelques domaines. Grâce à ces technologies, les sociétés africaines pourraient faire l’économie de certains stades, longs et pénibles, du processus de développement.

Mais rien de tout cela n’arrivera dans des pays qui continuent d’être ravagés par les conflits. Et ce sera difficile même dans les pays africains éloignés des combats proprement dits, s’ils doivent en subir les conséquences – par exemple l’afflux de réfugiés – ou souffrir du dommage que l’état de guerre cause à l’image générale de l’Afrique. Ceux qui veulent sincèrement aider l’Afrique à prospérer doivent aussi aider à contenir et régler les conflits, et à empêcher que d'autres n’éclatent.

Ils doivent tout d’abord prendre des mesures plus vigoureuses pour veiller à ce qu’eux-mêmes ou leurs citoyens les moins responsables ne tirent pas profit des malheurs de l’Afrique. Nous avons tous décrié les effets maléfiques des activités des marchands d’armes, des mercenaires, et de ceux qui achètent des diamants ou d'autres minéraux précieux à des groupes de rebelles africains. Il est grand temps de faire quelque chose. Le Comité des sanctions pour l’Angola créé par le Conseil de sécurité a pris certaines mesures significatives contre ceux qui s'enrichissent au profit d’une nation en guerre. Cette démarche doit être suivie à plus grande échelle, et complétée par d’autres mesures contre ceux qui profitent de la guerre, que ce soit délibérément ou par simple négligence.

L’Afrique fait des efforts courageux pour être mieux à même de régler ses conflits et ses crises, et en particulier pour prendre en charge son propre maintien de la paix, aux niveaux régional comme sous-régional. Il s’agit d’une évolution saine, qui doit être encouragée non seulement par la parole, mais aussi par des actes concrets.

Mais ceci ne peut pas et ne doit pas remplacer l’engagement plus direct de l’ensemble de la communauté internationale dans ces efforts. Il ne peut être juste de laisser la population du continent le plus pauvre du monde, le plus ravagé par les conflits, se débrouiller seule. Le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité dans le monde entier. Je suis convaincu qu’il n’essaiera pas de se soustraire à cette responsabilité. Permettez-moi de conclure en mentionnant deux pays, qui sont à des stades différents dans la recherche de la paix, où l’Organisation des Nations Unies a assumé et assume en ce moment même des responsabilités très directes.

En Sierra Leone, nous avons maintenant d’importantes forces de maintien de la paix sur le terrain et nous faisons tout ce que nous pouvons pour aider à la mise en oeuvre de l’Accord de Lomé, signé l’an dernier, qui a apporté au pays l'espoir réel, bien qu’encore fragile, de connaître à nouveau une paix durable.

Et en République démocratique du Congo, le Conseil de sécurité a autorisé une mission chargée de surveiller le cessez-le-feu et de faciliter la mise en oeuvre d’autres dispositions des Accords de paix de Lusaka, y compris le « dialogue national » entre les parties congolaises. Il m’a donné la lourde responsabilité de décider quand la situation permettra le déploiement de cette mission – et mon Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, Bernard Miyet, est actuellement dans la région en train de procéder à une évaluation sur place.

Mais je ne veux pas donner l’impression que le maintien de la paix est le seul service que l’Organisation des Nations Unies fournit à l’Afrique. Cela ne ferait que perpétuer le mythe selon lequel le maintien de la paix est l’activité principale de l’ONU. En fait, la plus grande partie de notre travail est dans le domaine du développement, et l’Afrique est au coeur de cet effort. L’Organisation des Nations Unies n’aura de cesse que l’Afrique soit plus sûrement engagée sur la voie de la paix et de la prospérité. Et, personnellement, je n’aurai de cesse que les recommandations figurant dans mon rapport sur «les causes des conflits et la promotion d’une paix et d’un développement durables en Afrique», qui a maintenant presque deux ans, soient prises au sérieux par ceux qui ont le pouvoir de les mettre en oeuvre.

Dans les mois à venir, un certain nombre d’initiatives seront prises et d’événements auront lieu sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies qui auront une influence directe sur la paix et la prospérité en Afrique : en avril, le lancement au Sénégal d’un grand programme sur l’éducation des filles, dont nombre d’experts disent qu’elle est l’élément clef du développement durable; en mai ou juin, le lancement d’un partenariat stratégique contre le VIH/sida à l’échelle du système des Nations Unies; en juin, de grandes réunions de suivi de la Conférence de Beijing sur les femmes et de la Conférence de Copenhague sur le développement social; enfin, une série d’événements liés au millénaire en août et en septembre.

L’agenda pour l’Afrique est clair. Le calendrier nous offre de multiples possibilités de faire changer les choses. Le Président Thabo Mbeki aime à dire au sujet de l’Afrique du Sud d’aujourd’hui que «la construction a commencé» – je pense qu’on pourrait dire la même chose de l’ensemble de l’Afrique. En dépit de tous les problèmes que connaît le continent, le moment est venu où l’aide d’organisations mondiales telles que l’Organisation des Nations Unies et le Commonwealth peut être décisive. Nous ne devons pas, aujourd'hui, décevoir les attentes de l’Afrique.

* *** *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.