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SG/SM/7327

LE SECRETAIRE GENERAL PARLE DU ROLE DE L'HUMANITAIRE DANS LA PAIX, DE SON INTEGRATION DANS L'ACTION POLITICO-MILITAIRE DE L'ONU ET DE SA BASE JURIDIQUE

9 mars 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7327
SC/6819


LE SECRETAIRE GENERAL PARLE DU ROLE DE L’HUMANITAIRE DANS LA PAIX, DE SON INTEGRATION DANS L’ACTION POLITICO-MILITAIRE DE L’ONU ET DE SA BASE JURIDIQUE

20000309

On trouvera ci-après la déclaration du Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan lors de la réunion du Conseil de sécurité consacrée à l’action humanitaire :

Je tiens à rendre hommage au Gouvernement bangladais et à son représentant permanent pour avoir convoqué cette réunion sur un aspect essentiel de notre mission qui est de mettre fin aux souffrances et de soulager la détresse dans le monde.

Permettez-moi d'emblée d'exprimer également l'espoir que la présente réunion tirera parti des progrès réalisés à la première réunion du Conseil consacrée aux activités humanitaires, que le Brésil a accueillie en janvier dernier.

Les résultats obtenus au cours de la décennie écoulée, qu'il s'agisse de l'Afrique, des Balkans ou de l'Asie, nous ont appris que notre mission humanitaire est, plus que n'importe quel autre aspect de l'activité de l'Organisation des Nations Unies, porteuse d'espoir et de risque.

Nous avons vu comment l'action humanitaire peut sauver des vies, mais nous avons également constaté qu'elle peut être exploitée et détournée par des parties qui n'entendent pas respecter les principes humanitaires internationaux et ne sont que trop disposées à faire échouer cette action pour promouvoir leurs propres politiques inhumaines.

A l'heure où nous nous réunissons, il est clair que le Mozambique est un cas dans lequel l'aide doit être fournie de toute urgence. Même si celle-ci est parfois venue trop tard et était trop modeste, je suis heureux que le Conseil cherche à venir en aide au peuple mozambicain et que le pays ait reçu au total une aide très généreuse.

Le Mozambique n'est aujourd'hui que la plus urgente de plusieurs crises. Au cours de l'année écoulée, des Balkans au Soudan, du Venezuela à l'Afghanistan en passant par l'Afrique centrale, le monde a dû faire face à des situations d'urgence humanitaire dont l'horreur et la cruauté ne font que croître. Les guerres et les catastrophes naturelles, qui conjuguent souvent leurs effets et ont alors des conséquences terribles, continuent de faire d'innombrables victimes, de causer d'immenses souffrances et de faire éclater les populations et les groupes. Jamais l'aide humanitaire n'avait été aussi nécessaire.

Dans toutes ces situations, nous devons nous demander : faisons-nous assez?

Aidons-nous ceux qui en ont le plus besoin ou uniquement ceux auxquels nous avons le plus facilement accès? L'aide que nous apportons est-elle adaptée à la situation d'urgence en question? Cette aide est-elle de nature à perpétuer le conflit au lieu d'y mettre fin? Telles sont les questions que nous devons continuer de nous poser afin de nous assurer que nous acheminons bien l'aide humanitaire la plus efficace.

Il nous faut renforcer les moyens à notre disposition pour porter secours aux victimes, mais nous devons aussi formuler des stratégies plus efficaces pour prévenir les situations d'urgence humanitaires.

Dans mon rapport annuel sur l'activité de l'Organisation, j'ai présenté des arguments en faveur de l'élaboration de stratégies et de prévention meilleures et plus rentables pour les catastrophes d'origine anthropique et les catastrophes naturelles. Et à l'Organisation des Nations Unies, j'ai entrepris la mise au point, à l'échelle du système, d'un cadre d'alerte précoce et d'action préventive.

L'aide humanitaire n'existe pas dans le vide.

Dans certains cas, qu'il s'agisse du Mozambique aujourd'hui ou des inondations au Venezuela ou du tremblement de terre survenu en Turquie l'an dernier, nous sommes confrontés à de véritables catastrophes naturelles. Dans d'autres, toutefois, c'est à des catastrophes d'origine anthropique que nous avons affaire, qui plongent leurs racines dans la guerre et la tyrannie.

Nous avons appris, que ce soit dans la région des Grands Lacs ou en Bosnie, que si l'impératif humanitaire est sacré, il existe également un dilemme humanitaire. Ce dilemme a voulu que nous soyons contraints trop souvent à acheminer des vivres et des vêtements non seulement aux victimes du conflit mais également à ses architectes. C'est le dilemme qui permet trop souvent aux combattants d'exploiter à leur profit l'aide humanitaire et ses bénéficiaires.

C'est le dilemme qui parfois a transformé des camps créés pour les nécessiteux et les vulnérables en refuges pour les extrémistes, qui en ont fait des bases à partir desquelles ils ont pu continuer de commettre leurs actes de haine. C'est le dilemme, enfin, qui montre clairement que l'aide humanitaire ne peut se substituer à l'action politique.

Une chose est claire, toutefois : ces dilemmes humanitaires n'ont pas diminué l'importance de notre mission humanitaire dans le monde, mais l'ont au contraire renforcée.

Aujourd'hui, je souhaite traiter plus particulièrement trois grandes questions concernant l'action humanitaire.

En premier lieu, il s'agit de se demander comment cette action peut contribuer concrètement aux efforts faits pour restaurer et maintenir la paix et la sécurité. En second lieu, nous devons nous demander comment nous pouvons continuer à avancer dans l'intégration des volets humanitaire et politico-militaire des opérations de la paix des Nations Unies. En troisième lieu, nous devons réfléchir à la façon de faire respecter et de renforcer les bases juridiques et les principes de l'action humanitaires.

Il apparaît clairement que dans de nombreux cas, les causes d'une crise humanitaire et d'une crise en matière de sécurité sont les mêmes ou que l'une découle de l'autre.

Il est tout aussi évident que si les conflits et les guerres sont les principales causes des crises humanitaires, en ce qu'elles entraînent des violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire et des déplacements massifs de population, ces crises perpétuent souvent l'instabilité.

Il n'y a pas d'exemples plus dramatiques de ce cercle vicieux de la violence que la crise que traverse actuellement la République démocratique du Congo et la crise en Angola. La crise en République démocratique du Congo, qui met en cause une douzaine d'États et plus de 50 millions de personnes, tire son origine de la crise humanitaire survenue dans la région des Grands Lacs.

On peut manifestement en conclure que l'action humanitaire ne sert pas seulement à éviter aux victimes des conflits de nouvelles pertes et de nouvelles souffrances, mais peut effectivement contribuer au maintien de la paix et de la sécurité. Cette proposition se vérifie dans les deux sens. Par défaut, une trop faible mobilisation en faveur de l'action humanitaire peut se solder par des retards dans la réinsertion des réfugiés, par la fourniture d'une assistance inadaptée aux combattants démobilisés et par l'incapacité d'assurer aux populations de nouveaux moyens d'existence et de rebâtir leurs sociétés.

A contrario, la mise en place d'une action humanitaire efficace en direction des populations civiles peut apporter à ces dernières une certaine stabilité, rétablir le respect des droits de l'homme et ouvrir ainsi la voie à la réconciliation.

Il est tout aussi important d'accorder aux problèmes humanitaires une attention immédiate lors des négociations sur les accords de paix globale que lors des missions de maintien de la paix.

Cela permet d'assurer la planification préalable qu'exigent les volets humanitaires des opérations visant à l'application d'un accord de paix et de mobiliser sans délai les ressources nécessaires au relèvement du pays au lendemain d'un conflit, ce qui est primordial si l'on veut parvenir à une paix durable.

En outre, la réussite d'un accord de paix dépend souvent, tout du moins en partie, des interventions humanitaires, et notamment de celles permettant le retour des réfugiés ou la réinstallation des personnes déplacées, l'assistance aux combattants démobilisés, le rétablissement des sources de revenus des personnes touchées par la guerre et l'aide apportée aux combattants pour qu'ils se dotent de nouveaux moyens de subsistance.

Parmi les exemples récents où cet effort humanitaire a contribué à consolider les accords de paix, on peut citer le Mozambique, le Cambodge, l'Amérique centrale; plus près de nous encore, la Guinée-Bissau et, si tout se passe bien, la Sierra Leone.

Je crois aussi que nous devons redoubler d'efforts pour assurer que les fondements juridiques et les grands principes sur lesquels se fonde l'action humanitaire soient maintenus, respectés et renforcés. Le cadre juridique de l'action humanitaire en temps de guerre est constitué par un jeu de normes universelles consacrées par le droit international humanitaire, les droits de l'homme et le droit des réfugiés.

L'objectif fondamental de ce lacis juridique est d'assurer la protection des civils contre les répercussions des guerres, ou, faute de mieux, de satisfaire aux besoins essentiels de toutes les victimes et d'assurer le respect de leurs droits fondamentaux.

Nous devons nous attacher à mieux faire comprendre ce principe et à le faire appliquer dans le monde entier.

Pour finir, j'ai quelques précisions à faire sur la question capitale des ressources.

Comme je viens de le dire, un trop faible soutien à l'action humanitaire peut avoir des conséquences préjudiciables, soit que les civils soient exposés au risque de nouvelles souffrances, soit que soit compromise la contribution positive qu'apporte l'action humanitaire à la paix et à la sécurité.

Le Conseil de sécurité peut renforcer son appui à l'action humanitaire d'au moins trois façons.

Premièrement, il peut faire pression sur les Etats Membres pour qu'ils s'engagent pleinement à apporter le soutien nécessaire aux programmes humanitaires. Les efforts récents que le Conseil a déployés en ce sens en Angola se sont directement traduits par des résultats positifs.

Deuxièmement, le Conseil pourrait envisager d'inclure dans les mandats de maintien de la paix des dispositions relatives au financement de la phase initiale de reconstruction après les conflits et de rétablissement de la prééminence du droit.

Troisièmement, le Conseil devrait s'interroger sur le fait que les activités de consolidation de la paix après les conflits sont communément entravées par l'incapacité dans laquelle on se trouve de maintenir un flux régulier de ressources, d'où l'absence de continuité entre la phase de prestation directe d'assistance humanitaire et la phase de reconstruction et de développement à long terme.

La triste vérité, c'est que beaucoup trop d'accords de paix, une fois signés, s'avèrent inopérants avant même d'avoir été appliqués, ou, à peine entrés en vigueur, débouchent sur de nouveaux conflits ? du fait en partie que les ressources manquent pour promouvoir le relèvement et la stabilité après les conflits. Le Conseil doit trouver des moyens d'éviter cet enchaînement tragique et vain.

En guise de conclusion, permettez-moi d'exprimer ma gratitude au Conseil pour avoir appelé l'attention de la communauté internationale sur les défis que doit relever l'action humanitaire.

J'espère qu'à partir d'aujourd'hui, les questions humanitaires feront partie intégrante des efforts que vous mènerez pour favoriser la paix et la sécurité. C'est seulement ainsi que nous pouvons espérer nous attaquer réellement au défi humanitaire et assurer que notre aide parviendra à ceux qui en ont le plus besoin.

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