LES CADRES ECONOMIQUES, LES MODELES SOCIAUX ET LES PREJUGES CULTURELS CITES COMME PRINCIPAUX FREINS A LA PROMOTION DES DROITS DE LA FEMME
Communiqué de Presse
FEM/1079
LES CADRES ECONOMIQUES, LES MODELES SOCIAUX ET LES PREJUGES CULTURELS CITES COMME PRINCIPAUX FREINS A LA PROMOTION DES DROITS DE LA FEMME
20000301Les questions de lorganisation de lemploi des femmes, de ladaptation des valeurs traditionnelles à la mise en uvre des droits de la femme, des problèmes spécifiques de lapplication de la Convention sur lélimination de toutes les formes de discrimination à légard des femmes, de laccès des femmes aux nouvelles technologies, et de limpact du VIH/sida sur le mode de vie des femmes, ont été au cur de la Table ronde que la Commission de la condition de la femme a organisée, ce matin, sur le thème Questions et tendances nouvelles et approches novatrices des problèmes ayant des répercussions négatives sur la condition de la femme ou sur légalité entre les sexes.
Ainsi, lExperte de la France, Inspecteur à lInspection générale des affaires sociales, Mme Dominique Meda, a mis laccent sur la complexité des aspirations des femmes qui veulent concilier travail et vie affective et sociale. Les solutions proposées jusquici vont dans le sens du travail à temps partiel. Pour contourner le risque disolement que comporte cet aménagement du temps travail, Mme Meda a estimé que le travail à temps partiel soit proposé, à part égale, aux hommes comme aux femmes. Les droits économiques et sociaux des femmes, en particulier la question de laccès aux ressources productives, ont également fait lobjet de lexposé de lExperte du Sénégal, Vice-Présidente de la Fondation internationale des femmes juristes, Mme Mame Bassine Niang. Elle a proposé, à cet égard, trois approches novatrices qui doivent viser lamélioration des perspectives daccès aux ressources; la multiplication des possibilités dactivités nouvelles dans les secteurs formel et informel; lanalyse de limpact de la fécondité sur la disponibilité des femmes. Dans ce contexte, Mme Niang a plaidé pour la consolidation de la règle de droit et lélaboration de codes de la famille ou du statut personnel pour garantir les droits de la femme.
Beaucoup de progrès ont été effectués, en ce sens, depuis ladoption de la Convention sur lélimination de toutes les formes de discrimination à légard des femmes, a estimé lExperte du Ghana, Membre du Comité des Nations Unies chargé dexaminer lapplication de la Convention, Mme Charlotte Akaba. Elle a toutefois reconnu quoutre les problèmes économiques émergents, la persistance des stéréotypes continue de faire obstacle à la promotion des droits de la femme. Les stéréotypes ont également été évoqués par lExperte de lAfrique du Sud, Présidente du Groupe de travail sur légalité des sexes de la Société africaine de linformation, pour expliquer le retard des femmes, en particulier
des femmes des pays en développement, dans la maîtrise des nouvelles technologies de linformation. Elle a mis laccent sur le danger que cela représente étant donné que ces nouvelles technologies façonnent les aspects économiques et sociaux du monde actuel. Limpact du sida sur les stéréotypes et les valeurs culturelles a été souligné par une autre Experte, Conseillère de lONUSIDA et dUNIFEM sur les questions de légalité entre les sexes et le VIH/Sida, Mme Madhu Bala Nath. Elle a ainsi expliqué que le sida a provoqué un changement de rôle entre les hommes et les femmes, ces dernières occupant de plus en plus la place des hommes. Le défi, pour Mme Bala Nath, sera donc dapporter les modifications nécessaires aux structures économiques et sociales pour leur permettre de sadapter à leur nouveau rôle. Lécart entre les responsabilités des femmes et leurs droits a dailleurs été souligné au cours du dialogue qui a suivi les exposés des expertes.
La Commission se réunira cet après-midi à 15 heures pour terminer son débat général sur lévaluation de la mise en uvre du Programme d'action de la quatrième Conférence internationale sur les femmes (Beijing, 1995).
SUIVI DE LA QUATRIEME CONFERENCE MONDIALE SUR LES FEMMES
Questions et tendances nouvelles et approches novatrices des problèmes ayant des répercussions négatives sur la condition de la femme ou sur légalité entre les sexes
Table ronde dexperts
Mme DOMINIQUE MEDA, Inspecteur à l'Inspection générale des affaires sociales et maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, France, a estimé que les femmes pouvaient être porteuses de profonds changements dans le monde de travail. Or, si ces changements n'interviennent pas, on ne pourra parvenir aux objectifs que l'on souhaite. Les femmes sont aujourd'hui de plus en plus diplômées, pourtant il n'y a toujours pas d'égalité dans le milieu du travail. Elles sont davantage touchées par le chômage et le sous-emploi, ne jouissent ni des mêmes opportunités de promotion ni de salaires égaux et consacrent plus de temps que les hommes aux tâches ménagères. La majorité des pays d'Europe n'ont pas adapté le milieu du travail aux nouvelles donnes. Les femmes y assument à la fois les charges familiales et un travail à l'extérieur. Ainsi, en France, elles supportent près de 80% des tâches familiales. Depuis quelques années, la Commission européenne a engagé une politique visant à l'augmentation des emplois des femmes et, pour ce faire, incite à augmenter l'offre de services de garde des enfants. Il y a actuellement un consensus sur la nécessité de renforcer les politiques de garde. Pour Mme Meda, il faut cependant aller plus loin et changer véritablement l'environnement si l'on veut réaliser l'égalité entre les sexes. Aujourd'hui, les femmes ont des aspirations complexes. Elles veulent à la fois travailler et disposer de temps pour leurs enfants et une vie familiale et personnelle. Mais la société ne leur permet pas vraiment de vivre ces aspirations. Et les modèles proposés, à savoir le travail dans les mêmes conditions que les hommes, ou le modèle selon lequel la femme assume la majorité des tâches familiales tout en travaillant, ne conviennent pas vraiment.
Pour se développer de façon équilibrée, les individus ont à la fois besoin d'activités productives et d'autres activités, personnelles, culturelles, familiales et autres, a souligné Mme Meda. Il faudrait donc qu'hommes et femmes aient accès à tous ces types d'activités, ce qui implique une autre représentation de la richesse et du développement. Un très grand nombre d'activités ne sont pas reconnues par la société comme dignes d'intérêt alors qu'elles ont de la valeur. C'est pourquoi il faut revoir l'articulation des temps sociaux. Certains pays européens montrent la voie sur ce chemin. Ainsi, les pays scandinaves prennent en compte d'autres impératifs sociaux dans l'organisation du travail. Aux Pays-Bas, où les femmes sont entrées plus tardivement sur le marché du travail, il y a eu parallèlement un débat sur la question des tâches familiales et il a été décidé de promouvoir les temps partiels longs, environ 32 heures, pour les hommes et les femmes pour qu'ils puissent investir également dans des activités autres que professionnelles. Il faut que les entreprises revoient en profondeur l'organisation du travail pour prendre en compte les impératifs sociaux de leurs travailleurs. Selon une enquête récente, les Pays-Bas commencent à être une société du temps partiel et une société plus égalitaire où hommes et femmes partagent davantage les tâches ménagères. En Italie, sur linitiative de groupes de femmes, une loi a été promue qui donne aux maires la possibilité de coordonner les différents temps (commerces, services publics, écoles, gardes d'enfants) et de créer des bureaux des temps dans les villes. Aujourd'hui, une loi est en train d'être votée en Italie qui rend ces mesures obligatoires. Ce qui est intéressant, c'est le fait que ce sont les femmes qui sont à l'initiative de cette opération, qu'elles vont agir sur une structure locale pour articuler les temps et les horaires au lieu de continuer elles-mêmes à jouer le rôle de charnière. En France, on constate qu'alors qu'auparavant les occupations non professionnelles étaient sexuées, les femmes s'occupaient des tâches familiales, les hommes de bricolage, avec la réduction du temps de travail, les hommes commencent comme les femmes à s'occuper des enfants. Il y a là une occasion de remodeler la place du travail et de l'harmoniser avec la vie familiale et sociale. On constate d'ailleurs parmi les jeunes diplômés une volonté de ne plus se consacrer uniquement à la vie professionnelle. Si les femmes sont rejointes par les hommes dans leur volonté de remodeler le temps de travail, on peut parvenir à une meilleure conciliation des aspirations professionnelles, familiales et sociales de tous les individus, a conclu Mme Meda.
Mme MAME BASSINE NIANG, Avocat à la Cour de Dakar et Vice-Présidente de la Fondation internationale des Femmes juristes (FIDA), Sénégal, a commenté le thème des droits des femmes et de leur accès aux ressources, y compris les problèmes de succession. Pour elle, il sagit, en fait, de revisiter les droits économiques et sociaux pour voir de quelle manière ils peuvent juguler la précarité, lignorance, lanalphabétisme ou encore la mortalité infantile. Mme Niang a proposé trois approches novatrices, à savoir lamélioration des perspectives daccès aux ressources; le développement de possibilités dactivités nouvelles et diversifiées dans les secteurs formels et informels; et lanalyse de la problématique de la fécondité comme facteur pesant sur la créativité dans lemploi et la disponibilité de la femme dans la lutte pour lautonomisation. Au titre des facteurs limitant la jouissance par les femmes de leurs droits économiques, Mme Niang a cité le manque daccès aux crédits, labsence daccès à la terre et la non-existence de lEtat de droit. Commentant particulièrement ce dernier élément, Mme Niang a estimé que la latitude que les femmes devraient avoir pour imaginer des activités nouvelles a été limitée par des facteurs politiques résultant de linexistence de lEtat de droit. Ces facteurs, a-t-elle précisé, ont été jugulés il y a à peine une décennie lorsque les pays africains ont entamé des processus de démocratisation. La situation qui découle de la non-existence de lEtat de droit exige aujourdhui des efforts pour palier à ce qui a, en fait, été une négativisation de la norme du droit qui a illustré, de la manière la plus criante, linégalité entre lhomme et la femme.
Il se trouve aujourdhui que les Etats qui ont ratifié la Convention sur lélimination de toutes les formes de discrimination à légard des femmes et tous les grands instruments de promotion des droits de lhomme nont pas pris la précaution de doter la femme dun statut réglementant sa vie, à savoir un code de la famille. La lutte doit donc être de faire en sorte que dans chaque pays un code de la famille ou un code du statut personnel puisse voir le jour. Il est temps dexaminer les acquis et de voir de quelle manière larchitecture normative contient des obstacles empêchant de garantir les droits de la femme. Dans cette lutte, il faut que la question de laccès aux ressources, élément duniversalisation des droits économiques, fasse lobjet dun débat de fond, a conclu Mme Niang.
Mme CHARLOTTE ABAKA, Membre du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes depuis 1991, Ghana, a souligné l'importance de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes pour ce qui est de la promotion de la femme et s'est réjouie du fait que 26 Etats parties aient déjà signé le Protocole facultatif à la Convention. Le Comité sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné environ 60 rapports nationaux d'Etats parties depuis la Conférence de Beijing, ce qui lui a permis de voir si les gouvernements ont bien appliqué la Convention et le Programme de Beijing. Cette double responsabilité qu'assume le Comité reflète le lien étroit entre la Convention et le Programme de Beijing. Beaucoup de progrès ont été réalisés depuis l'adoption de la Convention. Ainsi, de nombreux Etats ont adopté des lois ou réformé leur législature pour l'harmoniser avec les dispositions de la Convention et donner ainsi aux femmes, au moins de jure, la protection de leurs droits. Des mesures ont aussi été prises par de nombreux Etats pour imposer des quotas de participation des femmes aux affaires publiques. Une autre avancée est le fait que l'on parle aujourd'hui de la violence contre les femmes. Or, aucun article de la Convention ne traite spécifiquement de la violence contre les femmes. Lorsque la Convention a été rédigée dans les années 60, la violence contre les femmes n'était pas un sujet dont on parlait et il n'existait pas de données sur la question. Toutefois, l'analyse des articles de la Convention montre que la question de la violence contre les femmes transparaît partout. Le Comité a en outre adopté une résolution spécifique sur cette question.
L'enjeu au cours des 20 dernières années a été de taille pour ce qui est de l'application de la Convention. Il y a eu aussi de nouveaux défis, comme le sida, les effets de la mondialisation, de la libéralisation des échanges et de la restructuration économique. Ces changements ont fait reculer les progrès, en particulier dans les pays en développement. Cela est particulièrement préoccupant car les femmes sont les premières touchées. Ainsi, les taux de mortalité infantile et maternelle demeurent élevés. Certains stéréotypes qui étaient en voie de disparition ont ressurgi à cause de ces nouveaux problèmes. L'application du Programme de Beijing doit aller de pair avec l'application de la Convention. Ces deux textes se complètent.
Mme GILLIAN M. MARCELLE, Présidente du Groupe de travail sur légalité entre les sexes de la Société africaine de linformation, Afrique du Sud, a centré son exposé sur les nouvelles technologies de linformation et des communications. Ces technologies, a expliqué Mme Marcelle, impliquent des applications complexes et diversifiées et, systémiques, elles sont intrinsèquement associées à une restructuration institutionnelle, économique et sociale fondamentale. Lannée 1999 a montré que ces technologies représentent une industrie puissante. La question est donc de savoir comment faire pour quelles contribuent au développement humain durable. Elles ont connu, a poursuivi Mme Marcelle, une croissance rapide mais inégale. La révolution technologique a montré que les cycles porteurs de changements positifs nont pas été répartis sur une base égalitaire, en particulier entre les hommes et les femmes. Lon constate que les femmes continuent doccuper des emplois de faible statut et que la productivité associée aux nouvelles technologies défavorise les femmes tout comme le fonctionnement des marchés. Lors de la crise financière en Asie, par exemple, les femmes travaillant dans le secteur des nouvelles technologies ont été les premières à perdre leur emploi. Lobjectif doit donc être de faire en sorte que ces technologies promeuvent légalité entre les sexes. Pour ce faire, il faut intensifier les activités de plaidoyer, mobiliser les ressources adéquates, investir dans la recherche, établir des coalitions horizontales, mettre au point des partenariats entre les gouvernements, la société civile et le secteur privé et entamer un dialogue pour lensemble des régions. Les femmes des pays en développement ayant les pires conditions daccès à ces technologies, il faut leur donner le rôle de chef de file dans lélaboration des stratégies visant à réduire les disparités en la matière.
Mme MADHU BALA NATH, Conseillère de l'ONUSIDA et d'UNIFEM sur la question de l'égalité entre les sexes et le VIH/sida, a rappelé que le VIH/sida affecte de plus en plus les femmes. Le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM), le Programme conjoint ONUSIDA et le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) ont lancé une initiative conjointe intitulée "Réponses sexospécifiques pour relever les défis du VIH/sida" dans six pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine qui offrent des possibilités de créer des politiques et des programmes favorables pour les femmes infectées par le virus. Les activités menées en Afrique montrent clairement la nécessité d'axer les actions sur la manière de faire fâce à linfection et la maladie plutôt que sur la manière de les prévenir. En effet, l'appui aux femmes vivant avec le sida au sein de la famille, s'il existe, a tendance à être ambivalent, plutôt que solide et inconditionnel. Il faut garder à l'esprit le fait que l'épidémie du sida entraîne un changement des rôles entre les hommes et les femmes. Ainsi, on a constaté qu'au Zimbabwe les femmes commencent à exercer des métiers qui étaient auparavant réservés aux hommes, comme la menuiserie. Le défi actuel est de faire en sorte que les femmes réussissent et de les aider à s'adapter à ces nouveaux rôles. Parmi les autres informations que l'étude a révélées, Mme Bala Nath a cité le cas de femmes en Asie qui ont déclaré qu'elles n'avaient reçu des informations sur les aspects protecteurs des préservatifs qu'après avoir contracté le virus. Cela montre à quel point il est important de revoir la manière dont l'information est diffusée. En Afrique de l'Ouest, l'étude a montré qu'il n'y avait pas une grande différence entre les femmes éduquées et les femmes illettrées en ce qui concerne la connaissance de leur corps, les deux catégories étant en conséquence tout autant vulnérables au virus. En Amérique latine, l'étude a mis en avant la question du manque d'accès aux médicaments antirétroviraux. La question de l'accès à ces médicaments est encore plus difficile lorsque l'on procède à une analyse par sexe. Ainsi, même si l'accès est gratuit aux médicaments rétroviraux, les femmes sont désavantagées du fait qu'elles restent dans le secteur informel, alors que l'accès à l'AZT n'est possible que via le secteur formel.
Il est évident que la question d'un meilleur accès et la fourniture de médicaments à des prix raisonnables constituent des impératifs. Le virus du sida montre que la question de l'égalité entre les sexes est un problème structurel et non seulement un problème social. Il faut changer les attitudes et promouvoir l'accès aux ressources et reconstruire les structures sociales, économiques et politiques. Dans le même temps, les structures qui ont permis la stabilité socioéconomique se voient ébranlées par l'épidémie du sida. Ainsi, en Afrique, la structure de la famille étendue qui a jusqu'à présent servi de filet de sécurité sociale pour les femmes montre aujourd'hui des signes de rupture. La composition des familles change. La mort et l'abandon ont des implications graves, notamment sur l'alimentation de la famille. Les femmes qui vivent avec le sida ont besoin d'aide. Elles doivent avoir accès au marché du travail. Faut-il rappeler que le sida ne signifie pas nécessairement une mort précoce ? Les gens infectés par le virus vivent des vies pleines s'ils disposent des ressources à cette fin. Les femmes qui vivent avec le sida sont confrontées à un grand nombre de dilemmes auxquels il est possible de répondre si les décideurs s'engagent aujourd'hui à agir, a souligné Mme Bala Nath.
Lançant la série de questions, la représentante du Royaume-Uni est revenue sur le thème de la contribution des femmes à léconomie, pour mobiliser les efforts et prouver au secteur public et privé quil est contre-productif de ne pas respecter le principe à travail égal, salaire égal. Quest-il possible de faire pour contraindre les gouvernements et le secteur privé à accepter la nécessité détablir un environnement social favorable aux femmes, a demandé, pour sa part, la représentante du Gabon. La dimension sociale est dautant plus difficile à faire admettre dans un contexte de concurrence accrue par la mondialisation, a estimé la représentante de la Chine. En la matière, la coopération internationale est particulièrement importante. Le travail à temps partiel, souvent présenté comme la meilleure solution pour lemploi des femmes, ne risque-t-il pas à long terme de marginaliser les femmes, ou, du moins, de les isoler par rapport aux hommes qui continueraient doccuper les emplois à plein temps, sest demandée la représentante du Mexique.
Intervenant aussi sur la question spécifique de légalité devant lhéritage et laccès aux ressources, la représentante du Gabon, appuyée par la représentante du Mexique, a demandé de quelle manière il est possible de surmonter les freins culturels qui empêchent la mise en uvre des lois égalitaires dans ce domaine. Sur la pandémie de sida, la représentante du Gabon a invité les compagnies pharmaceutiques à faire du social et à faciliter laccès des familles pauvres à leurs produits. Elle a, en outre, souhaité des échanges dexpériences et de meilleures pratiques dans le domaine de la violence à légard des femmes.
La promotion de la femme ne peut provenir que dun équilibre entre les responsabilités plus nombreuses de celles des hommes - et les droits - moins nombreux que ceux des hommes - a souligné la représentante de lIran.
Répondant aux questions, lExperte de la France, a convenu avec les délégations que le monde du travail doit sadapter parallèlement au monde des hommes et à lentrée massive des femmes dans la structure productive des pays. Face aux défis de la mondialisation, il faut dabord montrer les bienfaits dune nouvelle répartition des tâches et ce faisant, utiliser les indicateurs du PNUD qui prouvent quune société qui, outre son PIB, a une vie sociale, culturelle, affective riche est une société qui peut sinscrire dans le temps. En termes de PIB, les études montrent dailleurs que la participation des femmes est bonne pour la productivité. En ce qui concerne la problématique du temps partiel réservé aux femmes, lExperte a estimé que cette démarche nest intéressante que si elle concerne les deux sexes et si elle peut sarticuler avec les activités sociales importantes. A son tour, lExperte du Comité pour lélimination de la discrimination à légard des femmes (CEDAW) a convenu avec la représentante du Gabon que la question de la violence contre les femmes demeure, à bien des égards, un sujet tabou. Il est donc important dintensifier les échanges dexpériences en impliquant les ONG qui, en la matière, ont fait un travail remarquable. Commentant aussi la question de limpact de la mondialisation et surtout laccès aux nouvelles technologiques, elle a dabord dénoncé les lois en vigueur dans de nombreux pays en développement qui limitent les déplacements de leurs ressortissants, érigeant ainsi un obstacle inutile à ces technologies. Commentant aussi la question de laccès aux ressources, elle a souhaité que les Etats parties à la Convention sur lélimination de toutes les formes de discrimination à légard des femmes ne limitent pas leur responsabilité au domaine public mais létendent au domaine privé et trouvent, par exemple, les moyens de codifier les coutumes pour les adapter à la législation nationale.
Intervenant à son tour, lExperte de lAfrique du Sud est revenue sur la question de laccès aux nouvelles technologies pour souligner que lautorité des gouvernements est limitée en ce qui concerne le contrôle des nouvelles technologies. Pour sa part, lExperte dONUSIDA/UNIFEM, a argué quen matière de lutte contre le sida, il convient dabord de désapprendre les comportements sexuels traditionnels avant dapprendre les méthodes nouvelles de prévention. Concluant cette partie du dialogue, lExperte du Sénégal a terminé sur la question de laccès aux ressources et de ce quelle a appelé lenfermement culturel qui bloque la perméabilité de la règle de droit. Elle a ainsi souligné quaucun bastion nest imprenable et que celui-là pouvait être pris par les femmes et les hommes de bonne volonté. En ce qui concerne le binôme pauvreté et liberté, évoqué par la Chine, lExperte à souscrit aux appels à la coopération internationale et a convenu dune nécessité de hiérarchiser les normes et de donner la priorité au droit à lalimentation et la santé, en particulier en cette période de pandémie de sida.
Entamant une nouvelle série de questions, la représentante de la Belgique a défendu une double approche en faveur de la promotion de la femme qui soit à la fois spécifique et intégrée. Cette approche doit être élargie à différents acteurs, non seulement les gouvernements et les administrateurs, mais aussi les partenaires sociaux et les ONG. L'approche intégrée reste encore malheureusement étrangère à ceux qui sont censés la mettre en uvre, a-t-elle regretté. En ce qui concerne les nouvelles technologies de l'information, il faut à la fois relever le défi de leur développement et de leur utilisation égale par les hommes et les femmes. La représentante du Sénégal a demandé, pour sa part, des exemples d'expériences réussies en ce qui concerne la restructuration de l'environnement du travail. Elle a demandé aux expertes des conseils sur l'élaboration des plans nationaux, soulignant que leur mise en uvre se heurte souvent à une série d'obstacles dont la mauvaise compréhension de la sexospécificité et l'insuffisance des ressources consacrées aux politiques en faveur des femmes.
Le représentant de la République de Corée a demandé quelles seraient les mesures à adopter par les gouvernements pour assurer un horaire à la carte et si ce type d'horaire pouvait améliorer la productivité. La représentante du Pakistan a proposé que la Commission mentionne dans ses recommandations la nécessité d'un renforcement des mécanismes gouvernementaux pour l'application de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Des ressources importantes sont nécessaires pour établir des mécanismes d'application jusqu'à la base, a-t-elle souligné. La représentante de l'Argentine a demandé aux expertes de citer des modèles d'intervention de l'Etat et des exemples d'initiatives législatives réussies visant à assurer la mise en uvre de la Convention. S'agissant de la prévention de la violence, elle a rappelé que la Convention adoptée au niveau de l'Amérique latine autorisait l'Etat à intervenir non seulement sur dénonciation de la victime, mais également d'une tierce personne.
La représentante de l'organisation non gouvernementale "Country Women in Nigeria" a souligné l'écart existant entre les responsabilités assumées par les femmes et leurs droits. Soulignant le fossé entre les engagements pris par les gouvernements pendant les conférences internationales et l'action entreprise au niveau national, elle a engagé les Etats à mettre en place des mécanismes d'évaluation des mesures, en particulier en ce qui concerne l'accès à la terre qui est essentiel pour les femmes. La représentante a aussi demandé aux gouvernements que, lorsqu'ils promulguent de telles lois, ils veillent à ce qu'elles soient respectées. Il est impératif, surtout pour les populations des zones rurales, de faire connaître les droits protégés par les lois. Les femmes doivent savoir que ces droits existent.
Remerciant les délégations pour leurs observations et nombreuses questions, l'Experte de la France a cité, au titre des expériences réussies de conciliation au sein des entreprises, deux lois adoptées aux Pays-Bas. L'une oblige les entreprises à prendre en compte les obligations familiales et sociales des travailleurs et une autre permet aux travailleurs de demander à l'entreprise une adaptation de leurs horaires de travail. En France, le premier article de la loi sur la réduction du temps de travail stipule que les maires des grandes villes devront essayer de concilier les crèches, les gardes, les écoles, avec les impératifs du milieu du travail. On commence en Europe à défendre la multiplication et l'amélioration des services de garde. L'impact des horaires à la carte sur la productivité du travail dépend si les horaires sont encadrés ou pas. S'ils sont encadrés et négociés, ils peuvent constituer une bonne solution pour la conciliation de la vie professionnelle et familiale.
Prenant ensuite la parole, l'Experte du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a convenu que la plupart des mécanismes nationaux pour la mise en uvre de la Convention et du Programme d'action manquaient de ressources. Dans de nombreux pays en développement, on semble compter uniquement sur les donateurs. Or, il y a aujourd'hui une fatigue des donateurs, c'est pourquoi les gouvernements doivent compter sur leurs propres ressources et allouer des fonds à ces mécanismes dans la mesure de leurs moyens. Or, il arrive souvent que la plupart des fonds aillent aux ONG, pourtant les mécanismes doivent aussi pouvoir disposer de ressources adéquates pour faire leur travail. S'agissant de la violence contre les femmes, elle a précisé que l'article 21 de la Convention demande au Comité de faire des analyses sur la base des rapports des Etats parties et d'autres informations et d'élaborer des recommandations traitant de la violence contre les femmes. Celles-ci servent aujourd'hui de jurisprudence, a-t-elle affirmé, soulignant l'importance d'incorporer cette jurisprudence dans les lois nationales.
Certains gouvernements font mieux que d'autres en matière de mesures législatives, a fait observer l'Experte de l'Afrique du Sud. Ainsi, l'Afrique de Sud a adopté une loi qui encourage les efforts en vue de la participation des femmes aux secteurs de l'information et des télécommunications. Dans ce domaine aussi, il est nécessaire de renforcer les capacités, a-t-elle souligné. Il semble que la question de l'égalité entre les sexes ne soit pas vraiment prise en compte dans les politiques adoptées dans ce secteur, même dans les pays riches, a-t-elle regretté. Pour l'Experte d'ONUSIDA et d'UNIFEM, il est évidemment nécessaire d'associer les industries pharmaceutiques aux politiques visant à renforcer l'accès aux médicaments antirétroviraux et autres. Mais les Etats ont aussi un rôle important à jouer puisqu'ils doivent à la fois réglementer la production et l'accès aux médicaments. Le Sénégal a déjà fait beaucoup de choses en matière d'accès aux ressources, a convenu l'Experte du Sénégal. Mais l'accès aux ressources, c'est aussi l'accès au savoir et au bien-être, et dans ce domaine, beaucoup reste encore à faire. Elle a convenu qu'il existait un large fossé entre les engagements pris par les gouvernements au niveau international et la réalité sur le terrain en ce qui concerne la situation des femmes rurales et en particulier l'accès à la terre. Partant, elle a préconisé un plus grand travail de plaidoyer et d'information auprès des femmes concernées.
Entamant la dernière série de questions, la représentante du Portugal a souligné l'importance de la reconnaissance des droits fondamentaux au travail et à la famille qu'ont les hommes et les femmes. Il faut favoriser une participation équilibrée des hommes et des femmes à la vie professionnelle et la vie familiale. Le monde du travail, les hommes, mais aussi les femmes et la société en général doivent s'adapter à cette nécessité. Le représentant de l'Inde a regretté, pour sa part, qu'une attention insuffisante ait été accordée à la question des nouvelles approches. Il a demandé des précisions sur la manière de transformer des engagements intergouvernementaux en processus juridiques internes. Le représentant a aussi demandé comment favoriser l'emploi des femmes dans le contexte de la mondialisation. La représentante de l'Allemagne a relevé le fait que les femmes ont une approche très différente des hommes par rapport aux nouvelles technologies. Il faut donc des stratégies d'accompagnement qui permettent d'éliminer les obstacles auxquels elles pourraient être confrontées lorsqu'elles choisissent ce type de profession. S'agissant de la violence contre les femmes, elle a indiqué l'intérêt de son pays pour une approche méthodique permettant de recueillir des données fiables. La représentante de la Tunisie a préconisé des mesures pour amener les hommes à consacrer davantage de temps à la famille. Elle s'est déclarée sceptique face au temps partiel pour les femmes, estimant qu'il risquerait de prolonger les inégalités et les stéréotypes. De l'avis de la Tunisie, la réduction du taux de fécondité contribue beaucoup à l'autonomisation des femmes. La représentante de la Guinée a, quant à elle, attiré l'attention sur la transformation de la famille causée par l'épidémie du sida et a souhaité que des recherches soient entreprises en vue d'envisager de nouvelles formes d'allocations parentales qui pourraient être mises en place. La représentante de la Confédération internationale des syndicats libres a dénoncé les responsables des nouvelles politiques économiques qui affectent négativement les pays en développement et les travailleurs, c'est-à-dire la Banque mondiale, le FMI et l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Elle s'est insurgée contre le fait que trop souvent les femmes perdent leur emploi lorsqu'elles donnent naissance à un enfant. Pour que le Programme d'action de Beijing puisse être entièrement mis en uvre, il faut qu'il y ait la paix sociale et que les droits de tous les travailleurs, y compris les femmes, soient respectés.
Répondant à ces questions, l'Experte de la France a estimé qu'il fallait considérer ensemble la sphère du travail et la sphère familiale et sociale. S'agissant de la question du temps partiel, elle a précisé que cette possibilité devait être offerte aux hommes comme aux femmes. Les deux membres du couple ne peuvent travailler 50 ou 60 heures par semaine, a-t-elle souligné. L'Experte du CEDAW a convenu avec la représentante de l'Allemagne de la nécessité de disposer de données fiables sur la question de la violence contre les femmes.
Il n'y a toutefois pas de méthode universelle et il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine avant de pouvoir disposer de telles données. L'Experte d'ONUSIDA et dUNIFEM a reconnu que lorsqu'il n'y a pas de système de sécurité sociale et lorsque la famille élargie se fragmente, il est nécessaire de chercher de nouvelles solutions. Dans certains pays, on voit les chefs de village élaborer des plans d'aide et de partage avec les familles touchées, ou encore les écoles combler les lacunes du système de sécurité sociale. Enfin, l'Experte du Sénégal a appuyé la déclaration de la représentante de la Tunisie. A l'attention de la Confédération internationale des syndicats libres, elle a déclaré qu'il appartenait aux femmes de plaider et de défendre des approches nouvelles.
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