En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/7316

LE SECRETAIRE GENERAL MET L'ACCENT SUR L'IMPORTANCE DE ½L'EXPERIENCE ET DE LA CREATIVITEE DANS LES EFFORTS DE DEVELOPPEMENT

25 février 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7316
DEV/2232


LE SECRETAIRE GENERAL MET L’ACCENT SUR L’IMPORTANCE DE «L’EXPERIENCE ET DE LA CREATIVITE» DANS LES EFFORTS DE DEVELOPPEMENT

20000225

Le texte de l’allocution prononcée par le Secrétaire général Kofi Annan lors de la réunion mondiale des coordonnateurs résidents du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui s’est tenue à Glen Cove, à New York, le 28 février, est reproduit ci-après:

Je remercie Mark pour ces aimables paroles. J’y répondrai dans un instant.

Chers amis, chers collègues, laissez-moi tout d’abord vous rendre hommage. La richesse de l’expérience et du savoir-faire rassemblés dans cette salle est d’une valeur inestimable pour l’ONU.

Le PNUD, et par ailleurs l’ensemble du système des Nations Unies, étant en plein processus de changement et de renouveau, vous disposez tous d’une occasion unique d’associer vos connaissances de vétérans à votre esprit novateur. Et vous en avez déjà donné la preuve.

Il suffit d’évoquer les progrès réalisés depuis le début du processus de réforme du système des Nations Unies, il y a moins de trois ans. Trente-six maisons des Nations Unies ont été inaugurées, et ce n’est qu’un début. Plus de 70 pays mettent actuellement en oeuvre un Plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement, ou ont l’intention de le faire. Plus de 100 pays sont engagés dans un bilan commun de pays.

Mais votre succès ne s’arrête pas là. Plus de la moitié de vos efforts sont consacrés à des domaines autres que ceux qui relèvent du PNUD. Bon nombre d’entre vous viennent effectivement d’autres institutions de l’ONU. Vous avez dû vous atteler à de nombreuses nouvelles tâches, de la direction de bureaux d’information à la coordination de l’aide humanitaire et, pour chacune de ces fonctions, vous faites rapport au département compétent au Siège. On vous demande de constituer et de diriger des équipes, de persuader, de concilier, d’être administrateur de programme, praticien, dirigeant, et bien d’autres choses encore.

Les fonds et programmes ont été regroupés sous un même toit. Différentes institutions se concertent pour évaluer les besoins des pays et adopter une stratégie commune. Ces changements sont le reflet même de l’idée qui sous-tend la réforme de l’ONU: une équipe soudée par une structure et un but communs, qui a ainsi un impact beaucoup plus important que la somme de ses composantes.

Bref, vous avez non seulement montré que les réformes ne vous effrayaient pas, mais vous avez, en outre, prouvé que vous pouviez vous-même être des agents essentiels du changement. Grâce à vous, l’ONU et les organisations qui y sont reliées agissent avec une volonté de cohérence plus forte que jamais, dont nous ne pouvons que nous enorgueillir.

Pourquoi le PNUD a-t-il été investi de ce rôle de premier plan? Parce que, de tous les fonds et programmes, il est le plus proche du Secrétariat et de ses fonctions essentielles. Le développement est la raison d’être même de l’ONU. Si l’Organisation n’oeuvrait pas en faveur du développement, sur le terrain, par des activités réelles et visibles, il serait bien difficile d’expliquer aux peuples du monde sa pertinence et sa mission.

En tant que représentants et coordonnateurs de nos activités sur le terrain, vous êtes le visage même de l’ONU dans chaque pays en développement. Vous êtes tous mes représentants. Ensemble, nous vaincrons ou nous tomberons. Je vous ai moi-même tous désignés personnellement sur la recommandation de l’Administrateur. C’est une des raisons pour lesquelles je suis fier et satisfait d’avoir choisi moi-même l’Administrateur, à qui je fais entièrement confiance.

Si vous êtes rassemblés ici aujourd’hui, c’est afin d’aider à l’élaboration d’une nouvelle stratégie qui métamorphosera votre oeuvre. Cette stratégie est le fruit de nombreux mois de concertation et de travail acharné, auquel vous avez participé activement. Mark Malloch Brown, vous le savez, a le don unique d’exprimer clairement les objectifs, d’ébaucher des itinéraires, de dissiper les incertitudes et de susciter l’enthousiasme. C’est aussi un dirigeant qui allie détermination et grande flexibilité d’approche, qui sait être à l’écoute et qui récompense loyauté et franchise dans les avis donnés d’un soutien sans réserve, même dans les situations les plus difficiles.

Comme il vous l’a expliqué, la nouvelle stratégie n’implique nullement de renoncer aux travaux utiles que vous avez menés jusqu’à présent. Au contraire, elle vise à les exploiter au mieux, à en évaluer l’intérêt réel, et à en tirer des enseignements.

Lors de mes nombreux déplacements dans les pays en développement, à la rencontre des gouvernements et des représentants de la société civile, je me suis aperçu que la véritable valeur de l’ONU ne se trouve pas dans son rôle de bailleur de fonds (rôle que nous ne remplissons que médiocrement), mais bien dans son rôle de conseiller en matière d’action et de gouvernance. Les pays en développement considèrent l’Organisation comme la voie menant aux connaissances spécialisées. Ils font appel à l’Organisation pour les aider à adapter leurs pratiques aux normes internationales et les aligner sur celles qui ont donné les meilleurs résultats dans d’autres pays en développement.

C’est là que se trouve notre force, j’en suis convaincu. Et c’est là que nous devons concentrer nos énergies.

Cette nouvelle façon d’envisager le PNUD et la mission qu’il a à remplir cadre parfaitement avec le message que j’essaie de transmettre depuis plus d’un an dans toutes mes déclarations sur la mondialisation et le développement, comme dernièrement à Bangkok, lors de la dixième session de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement. À cette occasion, j’ai déclaré qu’un pays développé est un pays qui permet à ses habitants de jouir d’une vie saine et libre dans un environnement sûr. Et un pays véritablement en développement est un pays où la société civile peut insister non seulement sur l’amélioration du bien-être matériel, mais aussi sur celle des normes relatives aux droits de l’homme et sur la protection de l’environnement.

La mondialisation est-elle l’ennemie du développement au sens large où nous l’entendons? Certainement pas. Elle a bien entendu ses victimes, comme c’est le cas chaque fois qu’un changement historique se produit dans la société. Ceux à qui la mondialisation profite doivent et ont vivement intérêt à aider les victimes, afin de parer à un éventuel choc en retour, qui pourrait anéantir leurs gains.

Cependant, les véritables victimes dans le monde inégal qui est le nôtre ne sont pas celles auxquelles la mondialisation fait courir le plus de risques. Les véritables victimes sont les laissés-pour-compte. Les pays et les peuples les plus pauvres de la planète ne sont pas exploités par le système économique moderne; ils en sont tout simplement exclus.

Cet état de fait constitue, à mon sens, le coeur du débat actuel sur le développement. Comment et pourquoi de si larges parties du monde sont-elles tenues à l’écart des bienfaits de la mondialisation? En quoi les pays véritablement en développement se distinguent-ils des autres?

Bien entendu, de nombreux facteurs entrent en jeu; cependant, à long terme, rien n’est plus important que la façon dont un pays est administré. Quels sont les pays qui parviendront à mobiliser des ressources intérieures et extérieures nécessaires pour connaître une croissance économique équilibrée et durable?

– Les pays qui disposent d’un droit clair et impartial.

– Les pays qui disposent d’organismes publics et privés transparents et responsables.

- Les pays qui disposent de ressources naturelles préservées et exploitées dans l’intérêt des générations présentes et futures.

- Les pays dont les habitants de tout niveau social se sentent à l’abri de la violence arbitraire, ont le sentiment d’avoir leur mot à dire dans les décisions qui les concernent et savent que leurs enfants jouiront réellement d’une vie meilleure.

Ces considérations placent devant de lourdes responsabilités les hommes et les femmes qui dirigent les pays en développement (dans le secteur public, bien entendu, et dans le secteur privé, y compris le monde des affaires).

L’Histoire jugera les dirigeants principalement par l’action qu’ils auront menée afin de favoriser l’intégration de leurs pays dans l’économie mondiale, et de s’assurer que la population entière puisse en tirer profit. L’Histoire les jugera à l’aune de ce qu’ils auront fait pour que leurs populations trouvent, sinon un siège confortable, du moins une place debout dans le train de la mondialisation, ou par leur incapacité à le faire, laissant ainsi bon nombre de leurs citoyens périr dans la mêlée. De la même manière, l’Histoire nous jugera tous sur ce que nous aurons fait pour aider les pays en développement à monter à bord dans de bonnes conditions. En d’autres termes, nous seront jugés par ce que nous aurons fait pour améliorer leur aptitude à gouverner au sens large. Cela implique l’organisation d’élections libres et équitables, l’accès à Internet, l’accès des filles à l’éducation, la lutte contre le VIH/sida, la protection du sol et de l’eau, ainsi qu’une meilleure prévention des catastrophes naturelles.

Bien entendu, l’Histoire nous jugera aussi à l’aune de ce que nous aurons fait pour aider les pays en développement à exprimer et à défendre leurs intérêts lors de négociations multilatérales comme celles menées lors des réunions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

L’ONU dispose d’une véritable compétence particulière pour l’exécution de ces tâches, compétence qui découle de votre expérience et de vos connaissances des pays dans lesquels vous menez vos activités.

Comme l’a fait remarquer Mark, nos moyens d’action et notre influence ne procèdent pas des ressources financières dont nous disposons, mais bien de la force de nos idées. C’est en intervenant «en amont», lors de l’élaboration des politiques, que notre impact est le plus grand, si toutefois nous donnons des conseils appropriés étayés de projets pilotes adéquats pour mettre à l’épreuve les nouvelles conceptions. Et c’est précisément de cette façon que la plupart des pays dans lesquels vous travaillez utilisent vos services.

Je suis convaincu que vous mettrez tout en oeuvre pour saisir les possibilités qui se présentent à vous.

Bien sûr, je sais que les circonstances ne sustentent pas toujours l’idéalisme qui vous animait lors de votre adhésion. Lorsqu’une idée valable s’englue dans la bureaucratie, la conviction la plus ferme ne suffit pas toujours à lui faire prendre son essor.

Nous connaissons tous le sentiment qui prévaut lorsque le Siège de l’Organisation ne s’intéresse plus à notre cause, ou a même oublié notre existence. Vous aurez très certainement encore à affronter de tels moments de désillusion, qui seront, je l’espère moins fréquents que par le passé.

À l’avenir, il est impératif, plus que jamais, de ne pas laisser la frustration miner votre loyauté envers les personnes que vous aidez. Car ce sont elles qui sont la raison même de votre action.

Lorsqu’elle était guettée par le découragement, une de mes collègues se rappelait les mots de son directeur avant sa première mission. Fort de son expérience, il lui avait conseillé d’oublier les semaines de formation qu’elle avait suivies avant son départ et de jeter ses notes à la poubelle.

«Nous sommes dans ce bureau à jouer à Dieu le père tout puissant, convaincu de connaître les besoins des différents pays», disait-il. «Mais ce dont nous avons véritablement besoin, c’est d’une évaluation des besoins réels sur le terrain afin d’y remédier par une action adaptée.»

Il avait probablement raison, et je crois que les propos de Mark vont dans le même sens lorsqu’il fait allusion à une action fondée sur ce que veulent les pays et non sur ce que veut le Siège. C’est à vous qu’il incombe de faire en sorte qu’il en soit ainsi. Mark vous demande en fait d’être des dirigeants, ce que vous êtes déjà.

Mes chers amis, voici venue l’ère des expériences et de la créativité. L’ONU est, souvenez-vous, la plus grande expérience de coopération internationale de l’humanité, et elle l’est depuis 1945. À l’époque, les fondateurs avaient reconnu la nécessité de mener la lutte pour la paix, et de se battre sur deux plans : le plan de la sécurité, avec l’instauration d’un monde libéré de la peur, et le plan économique et social, où la victoire signifie vivre à l’abri du besoin. Je suis convaincu que cette double nécessité, cette double mission sera réaffirmée dans six mois lorsque les chefs d’État et de gouvernement se réuniront à New York pour le Sommet du millénaire afin de définir le rôle de l’Organisation des Nations Unies au XXIe siècle.

Pour le moment, la bataille n’est gagnée sur aucun des plans. Néanmoins, votre engagement ne nous a jamais fait défaut.

Nous ne nous avouons pas vaincus, car vous ne cessez d’essayer. Et nous ne déclarerons victoire que lorsque nous aurons remporté la victoire là où vous êtes, sur le terrain. Grâce à vous et à votre engagement en faveur du développement, l’Organisation n’est plus, pour des millions de personnes aux quatre coins de la planète, un concept abstrait, ou même – si important que cela soit – un mécanisme pour le règlement des conflits. L’ONU est une organisation de personnes au service des personnes.

Le système des Nations Unies, c’est cette équipe nombreuse et diverse dont vous êtes les chefs de file. C’est à vous qu’il appartient de la diriger. Et je vous aiderai dans toute la mesure de mes moyens.

Le temps est maintenant venu de répondre à vos questions, et j’espère que vous remettrez mes réponses en question.

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