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CNUCED/B/253

L'OUA PROPOSE A LA CNUCED DE JOUER LE FACILITATEUR ENTRE CREANCIERS ET DEBITEURS POUR RESOUDRE LA QUESTION DE LA DETTE AFRICAINE

21 février 2000


Communiqué de Presse
CNUCED/B/253


L’OUA PROPOSE A LA CNUCED DE JOUER LE FACILITATEUR ENTRE CREANCIERS ET DEBITEURS POUR RESOUDRE LA QUESTION DE LA DETTE AFRICAINE

20000221

Les efforts nationaux conjugués à un partenariat régional ont permis à la Thaïlande de sortir de sa crise financière

Bangkok, 19 février -- La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a organisé, ce matin, la dernière manifestation de sa dixième session sous la forme d’un Forum des dirigeants, qui a réuni le Premier Ministre de la Thaïlande, M. Chuan Leepkai, au nom de l’Association des pays d’Asie de l’Est (ASEAN); le Président de la République dominicaine, M. Leonel Fernandez Reyna, au nom du Groupe des pays de l’Amérique latine; le Premier Ministre du Mozambique, Pascoal Manuel Mocumbi, au nom de la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC); le Premier Ministre du Maroc, M. Abderrahman El-Youssoufi, au nom du Groupe des 77 et de la Chine; le Vice-Président du Pérou, M. Ricardo Marquez Flores; le Vice- Président de l’Afrique du Sud, M. Jacob Zuma; et le Vice-Premier Ministre de l’Ouganda, M. Moses Ali. Ces dirigeants ont été réunis autour du thème “Réflexions sur les expériences en matière de développement et intégration des pays en développement et des pays à économie en transition dans le système commercial international”. Le Forum a consisté en une séance de questions- réponses animée par la Correspondante diplomatique du quotidien “Al-Hayat”, Mme Raghida Dergham. Les questions de la relance des économies asiatiques après la crise financière de 1999, de la dette extérieure de l’Afrique, de l’intégration régionale et de la mise en place de politiques macroéconomiques conformes aux paramètres de la mondialisation, ont dominé les débats.

La première question a été adressée au Premier Ministre de la Thaïlande, M. CHUAN LEEKPAI, et a porté sur les mesures politiques que son pays a mises en œuvre pour répondre à la crise financière de 1997. La crise financière, a- t-il répondu, s’est, en fait, déclenchée dans plusieurs pays de la région et s’est manifestée en Thaïlande avant d’autres pays. Les solutions ont donc été différentes selon les pays étant donné que les origines de la crise n’étaient pas toujours les mêmes. En Thaïlande, par exemple, la crise était due à une diminution des réserves en devises qui avaient été utilisées pour soutenir la monnaie nationale, le Baht. Cette crise de liquidités s’étant accompagnée d’une baisse des revenus à l’exportation, le Gouvernement s’est trouvé dans l’obligation d’adapter sa politique monétaire et d’accepter de faire flotter le Baht. Contre toute

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attente, la monnaie s’est dépréciée rapidement à tel point que la population, d’une façon générale, a été amenée à se demander où s’arrêterait cette chute libre du Baht. La confiance avait disparu surtout du point de vue des investissements. Partant, pour empêcher la fuite des capitaux, le Gouvernement n’a eu d’autres recours que de demander une assistance du Fonds monétaire international (FMI) en août 1997. Le pays a donné la priorité au rétablissement de la confiance dans la monnaie et dans l’économie nationales. Les efforts ont porté à la fois sur des mesures à court terme, à moyen et à long termes. Conscient des conséquences sociales graves de la crise, le Gouvernement a créé un Comité national pour traiter des questions de chômage dues aux licenciements de travailleurs en masse étant donné que les entreprises nationales ont déclaré faillite ou étaient en cessation de paiement. L’Accord passé avec le FMI a forcé le Gouvernement à limiter ses dépenses publiques, ce qui n’a pas résolu la situation.

Le Gouvernement a donc procédé à des ajustements et réexaminé l’accord passé avec le FMI. Il a ainsi négocié un changement pour passer d’un excédent de recettes publiques à un déficit et a dû soumettre tous les trois mois une lettre d’intention. Il faut dire que l’assistance du FMI se fondait sur une évaluation erronée qui ne mesurait pas la gravité réelle de la crise. Alors que le pays n’avait reçu que 17,130 milliards de dollars, l’assistance apportée par la suite à d’autres pays comme l’Indonésie ou la Corée, a dépassé les 50 milliards de dollars. En dépit de cette assistance limitée, le Gouvernement Thaï a décidé d’utiliser cette crise comme l’occasion d’adopter des mesures de prévention et en dépit de la contraction des dépenses publiques, les secteurs de l’enseignement, de la santé publique et des services sociaux n’ont pas été affectés. Le Gouvernement a saisi l’occasion du retour de la stabilité pour stimuler l’économie avec l’assistance de la Banque mondiale, de la Banque asiatique de développement et du Gouvernement japonais. Ce n’est que grâce à ces interventions que le Gouvernement a mis en œuvre un train de mesures pour atténuer les effets de la crise.

Ce fut le tour de M. LEONEL FERNANDEZ REYNA, Président de la République dominicaine, de partager les recettes économiques et fiscales utilisées pour intégrer son pays à l’économie mondiale. M. Fernandez Reyna a attribué les succès relatifs qu’a connus l’économie de son pays, ces dernières années, au fait que l’économie américaine, marché principal des produits dominicains, a connu une expansion sans précédent dans l’histoire. Grâce aux accords existants, la République dominicaine bénéficie d’accès préférentiels aux marchés américain et européen. Ces accords qui sont des facteurs externes, ont donc joué un rôle positif. Au plan interne, le Gouvernement a mené des politiques financières et fiscales austères, qui ont stabilisé les taux de change. Le taux de croissance de l’économie dominicaine a été en moyenne de 8% par an, malgré les effets négatifs des catastrophes naturelles, en particulier le typhon George. La République dominicaine a toutefois certaines préoccupations, en particulier eu égard à la montée des cours du pétrole, qui pourrait avoir des impacts négatifs sur l’évolution de l’économie. Ces dernières années, nous avons privatisé de nombreuses entreprises et plusieurs secteurs de l’économie, a dit M. Fernandez Reyna, ce qui a amené une hausse appréciable des investissements directs étrangers, qui

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ont atteint 1 400 millions de dollars américains en 1997. Le secteur des télécommunications, essentiel dans la nouvelle économie, s’accroît d’environ 20% chaque année, en ce qui concerne les équipements, et le secteur de la construction et du bâtiment se comporte bien, ce qui est un signe de la bonne santé de l’économie.

S’adressant au Président de l’Algérie, M. ABDELAZIZ BOUTEFLIKA, la Modératrice a souligné que pour les pays africains la mondialisation a entraîné la marginalisation. Quelles sont, en conséquence, les mesures à prendre pour améliorer la situation en Afrique ? La marginalisation de ce continent, a répondu le Président, semble aujourd’hui une évidence d’autant plus vraie qu’à Seattle, les Africains se sont comportés en observateurs non concernés. Pourquoi les Africains ont-ils, dans un réflexe de dignité, choisi de se taire ? Parce que, a poursuivi le Président, l’Afrique a déjà commencé à se détacher du reste du monde et que la mondialisation ne profite qu’aux pays économiquement et technologiquement développés. Si des mesures urgentes ne sont pas prises, le retard de ce continent sera d’une telle importance que l’Afrique sera entièrement et définitivement marginalisée dans ce processus. Le Président a imputé cet état de choses à l’histoire de l’Afrique, en particulier l’esclavage, qui a aidé au développement d’autres continents, et la colonisation, qui a brisé les structures sociales et économiques et qui a débouché sur les conflits internes. S’intéressant uniquement aux ressources naturelles du continent au détriment du développement humain, les colonisateurs ont appauvri les pays africains et compromis presque définitivement leur développement intérieur.

A l’indépendance, il faut bien avouer que les pays africains, eux-mêmes, ont fait des mauvais choix en ce qui concerne leur système de développement; qu’il soit socialiste ou libéral. Cela a été dû, a souligné le Président algérien, au manque d’encadrement, à une gestion déficiente des ressources, à une approche désastreuse des affaires publiques, et à une corruption qui a fini par se généraliser jusqu’aux niveaux les plus bas de la société. Il faut aussi dire que l’ordre économique international a maintenu les pays africains dans un rang de fournisseur de matières premières et de main-d’œuvre tout en constituant un marché facile de produits semi-finis et finis. En instaurant aujourd’hui une concurrence mondialisée, il est évident que le continent africain ne peut que sortir perdant, a observé M. Bouteflika. Nous ne pouvons pas maintenir le quart de l’humanité hors de la course. Il est vrai que l’Afrique doit prendre ses propres responsabilités et régler notamment ses 13 conflits ou encore intensifier sa coopération régionale ou continentale. L’Afrique a perdu tous les droits, sauf celui de rêver. C’est dans ce cadre, qu’à la prochaine réunion de l’OUA à Lomé, elle entend réfléchir à la création d’Etats unis d’Afrique. Le problème le plus grave du continent est celui de la dette et, à cet égard, nous saluons la décision du G7 à Cologne comme première étape d’une solution possible et nous saluons aussi les décisions du Premier Ministre britannique et du Président français de passer de 90 à 100% d’annulation de la dette. Ainsi à Libreville, 33 pays ont vu leur dette effacée. Pour le Président algérien, cette décision n’est que “le spectacle macabre qui consiste à rendre visite à un moribond et à lui dire, vous pouvez mourir tranquille, vous mourez sans dette”.

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L’assainissement ne suffit pas, il faut aider ces pays à devenir des débiteurs crédibles. Dans ce contexte, le Président s’est attardé à la situation des pays à revenus intermédiaires comme l’Algérie qui, a-t-il fait observer, a une dette de 33 milliards de dollars. Ceci signifie que nous payons 5,5 milliards de dollars pour les services de la dette, soit la moitié du revenu national. L’avenir de l’Algérie serait donc de travailler indéfiniment pour payer le service de sa dette. Cette question doit être réexaminée en termes de dette publique qu’il faut effacer ou reconvertir en participations aux économies africaines. Cette dette doit aussi être revue en termes de dette privée qu’il faut annuler comme cela a été le cas pour la Fédération de Russie. Si les pays à revenu intermédiaire d’Afrique étaient débarrassés de la dette, il sera possible pour eux, comme cela a été le cas des économies asiatiques, de rejoindre le rang des “dragons” et de contribuer substantiellement, aux côtés des pays développés, à résoudre les problèmes du monde.

M. PASCOAL MANUEL MOCUMBI, Premier Ministre du Mozambique, et Président de la Southern African Development Corporation (SADC), a, quant à lui, déclaré que tout ce qu’avait dit M. Bouteflika s’appliquait aux pays de la SADC. Au moment de son indépendance, le Mozambique s’est rapidement rendu compte que ses seuls espoirs de développement résidaient dans une intégration à la SADC, qui fêtera bientôt ses 20 ans. Le passage de l’ère coloniale à l’indépendance n’a pas été facile dans un pays dont les dirigeants et le peuple sortaient d’une lutte de libération, car il fallait créer toutes les institutions nationales.

M. Bouteflika connaît bien ce problème, lui qui était, tout comme M. Zuma, Vice-Président de l’Afrique du Sud, engagé dans une lutte de libération nationale. Tout ce qui a été fait au Mozambique vise la mise en place de conditions favorables à la croissance économique dont le taux, ces dernières années, a varié entre 3 et 4% par an. Parlant de la mondialisation, les conditions de pauvreté et le revenu de moins d’un dollar par jour dont bénéficie la population mozambicaine ne permettent pas de dire que notre pays peut s’intégrer à ce phénomène. La SADC est un marché de 200 millions de personnes et les différents pays qui en font partie ont des réalités nationales différentes. La dette est une entrave majeure au développement durable. Il ne peut y avoir de croissance sans investissement, or tous les fruits de notre travail vont au paiement de notre dette. De nombreux défis se posent à la région en matière de sécurité et de rétablissement de la paix. Des programmes de développement durable et intégré auront du mal à être réalisés tant que des conflits perdureront en Angola et en République démocratique du Congo. Lors du Sommet de Maputo, en août dernier, nous avons fait un bilan de chaque pays membre de la SADC pour pouvoir élaborer des stratégies efficaces de lutte contre la pauvreté. Nous savons que chacun d’entre nous a ses responsabilités sur cette question, et nous ne pourrons en sortir que par une solidarité active. Les inondations, dont le Mozambique et d’autres pays de la région viennent d’être victimes, vont nous obliger à faire appel à cette solidarité régionale, où nous devons renforcer les échanges humains et commerciaux. Notre développement ne pourra non plus se faire tant que des solutions ne seront pas trouvées aux menaces posées par les maladies, en particulier le sida et le paludisme.

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Les pays de la rive sud de la Méditerranée se dirigent-ils vers une intégration régionale et quel est leur rôle des valeurs démocratiques dans le renforcement de l’économie mondiale ? Ces questions ont été posées au Premier Ministre du Maroc, M. ABDERRAHMAN EL-YOUSSOUFI, qui a répondu que le processus d’intégration est un passage obligé vers la mondialisation. Si le sud de la Méditerranée et le Maghreb sont une région mal insérée dans l’économie mondialisée, c’est parce qu’elle demeure dans une des zones les moins intégrées du monde, comme en témoigne la faible circulation des personnes, des capitaux, des biens et des services. L’accélération de l’intégration régionale favoriserait pourtant les financements et les investissements extérieurs nécessaires à la croissance des économies et à la création d’emplois. Elle renforcerait les économies de la région et consoliderait le pouvoir de négociations avec les autres ensembles régionaux. Au sud de la Méditerranée, la prise de conscience de la communauté de destins est de plus en plus partagée et le Maroc encourage cette tendance grâce aux accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux. Pour le Maroc, un projet d’intégration doit reposer sur l’adhésion volontaire des populations, ce qui suppose un fonctionnement démocratique des institutions. Il existe un lien entre le retard dans l’intégration et le déficit démocratique. L’intégration doit être fondée sur les valeurs de la liberté, de la tolérance, de la justice, de la solidarité, des droits de la personne humaine, de l’écoute des sociétés civiles et de l’intégration des femmes dans la dynamique de développement. La démocratie est donc un facteur d’intégration de développement économique et social et donc d’insertion réussie dans l’économie mondiale. Parlant de l’espace euroméditerranéen, le Premier Ministre a expliqué que son but ultime est de constituer une zone de libre-échange qui couvrirait tous les Etats de l’Union européenne et l’ensemble des pays du sud de la Méditerranée.

Pour l’heure, l’on attend avec intérêt et appréhension les conséquences de la mise en œuvre de cet espace. Les conséquences immédiates vont être l’entrée en force des produits manufacturés européens alors même que les productions agricoles des pays de la rive sud n’ont pas encore l’accès qu’ils méritent sur le territoire de l’Union européenne. Cette expérience doit donc être observée avec attention et doit se concrétiser par une véritable mise en valeur de la rive sud et de la rive nord. S’arrêtant sur la situation intérieure du Maroc, le Premier Ministre a mis l’accent sur les problèmes du chômage, du sous-développement du monde rural, du faible niveau de l’enseignement et de la dette dont le service représente le tiers du budget national. Il est vrai que le Maroc a pu obtenir de certains créanciers qu’ils reconvertissent leurs créances en investissements. Le pays s’est d’abord heurté à un plafond de 20% qui a fini par être élevé à 30%. Mais certains pays refusent toujours l’application de la conversion de cette dette. Le Maroc a l’intention bien ferme de créer un environnement favorable aux investissements nationaux et étrangers pour promouvoir une croissance forte et durable susceptible de créer les emplois nécessaires. Le pays qui s’est attelé à la réforme de l’administration en la moralisant et en la contrôlant, a ouvert un chantier de réforme de la justice et entamé une refonte du système éducatif et de formation. Le phénomène de la corruption fait, pour sa part, l’objet d’initiatives nouvelles consistant en la conduite de campagnes menées en coopération avec les ONG.

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M. RICARDO MARQUEZ FLORES, Vice-Président du Pérou, a répondu aux questions sur l’impact des mesures de libéralisation prises par les pays de la communauté andine sur l’évolution de l’économie de la région et sur celle du Pérou. Il a déclaré que la CNUCED pouvait avoir un impact positif sur les petites et moyennes entreprises (PME) qui ont eu beaucoup de mal à s’intégrer à la mondialisation. Or, ces entreprises sont le moteur de l’économie de pays comme le Pérou. La fermeture des marchés qui existaient au milieu des années 80 a heureusement cédé la place à la libéralisation, ce qui permet au Pérou de connaître aujourd’hui un bon taux de croissance de ses exportations. La crise asiatique avait entraîné une baisse des exportations du pays et des pays andins. Nous sommes stupéfaits et admiratifs devant la manière à laquelle la Thaïlande est sortie de la crise, ce qui démontre que l’on peut en sortir de manière efficace sans sacrifier tous les équilibres sociaux. Le commerce électronique aura une importance cruciale sur la progression et la survie des PME et il est dommage que les pays en développement en aient été avertis bien tard. Les pays du Pacte andin ont mis en place des stratégies de lutte contre la pauvreté et en faveur de la stabilité. Il existe une véritable volonté politique au niveau de chaque pays du Pacte de renforcer les politiques d’intégration entre ces pays, car c’est un moyen qui peut leur permettre de devenir des acteurs positifs du système commercial international. Nous sommes heureux, en ce qui concerne la stabilité, de voir les efforts que déploit le Gouvernement colombien pour ramener la concorde politique dans son pays. En ce qui nous concerne, nous souhaitons totalement normaliser nos relations avec l’Equateur.

Quels sont les principaux problèmes rencontrés par l’Afrique du Sud dans l’ère de la mondialisation. Cette question s’est adressée au Vice-Président de l’Afrique du Sud, M. JACOB ZUMA, qui a souligné que la consolidation de la démocratie dans son pays a été un des meilleurs moyens de résoudre les problèmes du fait de la culture de consensus qu’elle fait naître. La priorité du pays a été par la suite de s’intégrer à l’Afrique et de définir des stratégies dans l’intérêt de l’Afrique. A cet égard, l’Afrique du Sud est convaincue que sans la paix et la stabilité tout effort de développement restera vain. C’est la raison pour laquelle, mon pays soutient les efforts que fait l’Afrique en matière de règlements des conflits, a-t-il dit. L’autre priorité porte sur la lutte contre la pauvreté, et en abordant la mondialisation, cette question doit avoir une place prioritaire. Pour l’Afrique du Sud, en particulier, et l’Afrique dans son ensemble, la question de la négociation avec les pays développés est une question de vie et de mort. Le retard apporté aux négociations de l’OMC doit être vu comme un retard dans la lutte contre la pauvreté. L’OMC doit s’ouvrir aux pays en développement et, dans ce contexte, considérer comme essentielle la contribution de ces pays. A Bangkok, on a pris la mesure du lien entre le commerce et le développement et il faut espérer qu’il sera possible d’avancer et de mettre en œuvre ce qui a été dit ici. C’est au cours des négociations de l’OMC qu’il faudra donner effet à l’engagement pris ici. C’est pourquoi, la deuxième série de négociations doit commencer le plus rapidement possible.

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M. MOSES ALI, Vice-Premier Ministre de l’Ouganda, à la question de savoir quelle est l’expérience de son pays en tant que moins avancé, dans le contexte actuel d’une économie mondialisée, a répondu que la situation géographique de l’Ouganda, au cœur de l’Afrique, lui donnait une importance et lui créait des problèmes particuliers. A cause de cette situation, l’Ouganda a été une terre de passage et d’accueil de réfugiés venus des pays voisins en conflits : si vous vivez à côté d’ivrognes et que vous ne l’êtes pas vous- même, vous finissez parfois par vous comporter comme l’un d’entre eux, a-t-il observé. Le Gouvernement actuel est arrivé au pouvoir après deux décennies de conflits armés internes. Le Gouvernement a hérité d’une population complètement démoralisée et d’une économie en lambeaux. L’aide dont nous avons eu besoin nous a été fournie par la Banque mondiale et le FMI. Cela s’est fait de notre propre initiative et avec notre participation à la conception. Nous sommes en ce moment à la troisième étape de notre ajustement et certaines mesures adoptées étaient dues à notre faiblesse dans la collecte des revenus fiscaux. Nous avons délégué cette responsabilité à un organisme indépendant et avons institué un marché libre de devises, ce qui a attiré des investisseurs chez nous. La commercialisation de nos produits de base a également été privatisée et nous avons mis fin à l’imposition des prix, ceux- ci étant désormais fixés par le marché. Au plan régional, nous sommes membre d’une commission régionale, la COMESA.

Dressant le bilan de la dixième session de la CNUCED, son Secrétaire général, M. RUBENS RICUPERO, estimé qu’elle a été un processus de guérison après l’impasse de l’OMC à Seattle. La Conférence, a-t-il dit, a permis de passer du consensus unilatéral de Washington à un consensus multilatéral trempé de l’esprit de Marrakech – réunion du Groupe des 77 et de la Chine - et de Bangkok – pays développés à l’écoute des pays en développement -. Il existe donc aujourd’hui des raisons d’espérer pour tout le monde, les hommes et les femmes de la rue. A son tour, le Vice-Président du Pérou a fait part des résultats de la Table ronde qui s’est tenue hier sur la place qu’occupe les entreprises dans la mondialisation. Il a expliqué que les intervenants ont réussi à dégager un consensus sur la nécessité de donner une dimension microéconomique à la mondialisation, à savoir réfléchir aux moyens de faire en sorte que les PME participent davantage à la mondialisation. Il a été convenu que les PME, qui ont su s’adapter, sont celles qui ont cru davantage à un rôle moins prédominant de l’Etat, d’une part, et celles qui ont entrepris une adaptation technologique et une modernisation de laquelle elles ont tiré des avantages, d’autre part. C’est le cas des PME en Inde. En ce qui concerne les relations entre l’Etat et les entreprises privées, les intervenants ont attiré l’attention sur ce qui s’est fait en Asie où l’Etat s’est joint aux efforts de promotion des PME. L’importance des innovations technologiques a été soulignée et la priorité a été donnée à l’appui au commerce électronique comme en témoigne le don de 100 millions de dollars du Japon. L’objectif est donc de créer davantage d’entreprises qui s’adaptent à la mondialisation puisqu’elles sont créatrices d’emplois et, par conséquent, moteur de la réduction de la pauvreté. Il a été intéressant de voir la preuve apportée par des entrepreneurs de la Fédération de Russie, d’Afrique et d’Amérique latine qu’il est possible de s’adapter et de tirer profit de la mondialisation, a-t- il observé.

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La modératrice a ensuite demandé aux intervenants ce qu’ils pensaient de l’absence apparente de leadership au sein des mécanismes de la mondialisation et au Sommet de Bangkok. Que pensent-ils du fait qu’ils ne sont pas consultés par les preneurs de décisions du monde des affaires ? Et qu’ont-ils à répondre face aux accusations selon lesquelles les pays en développement prennent l'excuse de différences culturelles ou religieuses pour ne rien faire et en réalité rejeter la mondialisation ?

Le Premier Ministre de la Thaïlande a fait remarquer que 159 délégations de pays membres de la CNUCED ont participé à la réunion de Bangkok. Des délégations étaient dirigées aux niveaux les plus élevés. On a pu se demander pourquoi certains dirigeants de pays développés ne sont pas venus. Mais il paraît que la CNUCED est une instance de niveau ministériel. Le Japon et Singapour, considérés comme des pays développés, étaient cependant au rendez- vous. Bangkok aura été un grand succès, même si les Chefs d’Etat des pays développés n’y sont pas tous venus. Le Sommet a vu la participation de plus de 2 500 délégués et les débats ont reflété une grande diversité de points de vue, les besoins des pays étant différents. Le monde est devenu tellement interdépendant que personne ne peut plus s’en sortir tout seul et la CNUCED restera le cadre d’échanges fructueux, même s’ils étaient divergents. Le Gouvernement de la Thaïlande espère que le Plan d’action et la Déclaration de Bangkok seront totalement appliqués et serviront de base à la coopération internationale.

Le Premier Ministre du Mozambique a estimé que tout dialogue de la CNUCED devra réunir pays en développement et pays développés. Le débat d’aujourd’hui aurait dû refléter ce principe. Concernant l’application des recommandations de Bangkok, la CNUCED devra veiller à créer les conditions d’un dialogue pour que l’on puisse avoir des réponses claires à certaines questions qui se posent au niveau de la mise en œuvre des différents textes et arrangements ou régimes commerciaux. Il serait intéressant de procéder à des échanges de vue sur ces normes, car nos pays veulent participer à part entière à tous les processus.

Le Président de l’Algérie et Président en exercice de l’OUA a souligné la pertinence de la question de la dette africaine et évoqué M. Camdessus qui avait proposé de passer d’un G7 à un G30. Pourquoi pas un G180 ? s’est interrogé M. Bouteflika, qui a reconnu qu’une telle proposition était encourageante, puisqu’elle permet d’ouvrir un dialogue entre créanciers et débiteurs. Jugeant que ce dialogue direct pouvait devenir « un peu abrupt », le Président algérien a proposé officiellement au nom de l’OUA que la CNUCED joue un rôle de facilitateur dans ce dialogue.

Le Président de la République dominicaine a estimé que la mondialisation et, notamment, l’interdépendance et le développement, devaient être discutés au sein de la CNUCED. L’absence des dirigeants des pays développés semble indiquer qu’aborder le problème sous cet angle ne leur convient pas. La croissance mondiale semble avoir diminuée au fil des années dans les pays riches. Il apparaît que c’est grâce au commerce que ces pays ont pu maintenir leur niveau économique. Nous passons aujourd’hui de l’industrialisation à l’ère digitale. Que pourraient faire des pays en

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développement qui ont de nombreuses populations et ont besoin ainsi des services sociaux pour trouver les moyens de survie aux populations à l’ère digitale ? Le jeu est faussé en ce qui concerne la concurrence internationale. On a bien vu qu’au niveau, par exemple, de l’Union européenne, on avait pris des mesures visant à réduire le fossé entre pays à différents niveaux de développement appartenant à l’ensemble européen. Pourquoi ne pas faire la même chose au niveau mondial ?

Que faire lorsque dans une région, il existe des sanctions qui constituent un obstacle à l’intégration régionale, une destruction des infrastructures ou la persistance d’une économie fermée ? A cette question, le Vice-Président de l’Afrique du Sud a répondu que c’est lorsque l’on se trouve dans de telles situations que l’on comprend la pertinence d’un forum comme la CNUCED où le dialogue, la concertation et la réalisation d’un consensus sont possibles. Ce n’est pas le cas de l’OMC, a insisté le Vice- Président. Au Premier Ministre du Maroc, il a été demandé si des qualificatifs comme l’Alliance des pauvres pour désigner le Groupe des 77 et la Chine ou la CNUCED sont préjudiciables à ces organes. La CNUCED, a estimé le Premier Ministre, sortira de cette dixième session avec davantage de poids et de légitimité. Elle sera en mesure de s’imposer et le Groupe des 77 et la Chine, qui en constitue un élément important, pourra travailler pour réaliser davantage de consensus. Il est tout à fait possible à une telle structure de développer une action de conciliation et de médiation pour essayer de résoudre les problèmes actuels.

Que faire pour éviter la fuite des cerveaux ? Est-il possible d’assurer un environnement susceptible de retenir les intellectuels et de combler ainsi le fossé technologique ? Le Vice-Président du Pérou a donné l’exemple de la Malaisie qui, dotée d’une politique de bourses, envoie des étudiants dans différents pays en leur assurant un emploi au retour. A son tour, le Vice- Président de l’Afrique du Sud a estimé que la question ne peut être isolée de l’ensemble des questions abordées, tant il est vrai que tout est lié aux conditions de développement des pays dont sont originaires ces personnes. Il faut déployer des efforts pour que ces étudiants s’identifient au processus de développement et qu’ils ne voient plus le retour au pays comme un sacrifice. Dans ce contexte, l’existence d’institutions démocratiques sont importantes comme la croissance économique. Le Président de l’Algérie a rappelé que son pays participe à 10% à la fuite des cerveaux dans les pays industrialisés. On peut parler de bonne gouvernance, de démocratie et de pluralisme qui sont toutes choses nouvelles pour les pays en développement et l’Algérie n’est pas le dernier de la classe en la matière. De l’avis du Président algérien, la question n’est pas politique ou psychologique, c’est une question de niveau de vie. Comment assurer un niveau de vie avec une dette accablante et des « toussotements » dans le démarrage d’une économie ? La politique éclairée de la Malaisie ne peut, en aucun cas, mettre fin à elle seule à la fuite des cerveaux. C’est une question de niveau de vie et il faut savoir qu’un marchand de cacahuètes gagne plus qu’un professeur d’université en raison de la situation des deniers publics. Pour sa part, le Vice-Premier Ministre de l’Ouganda a cité les conflits comme cause de la fuite des cerveaux. Si les pays à économie

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sous-développée ne sont pas capables d’obtenir la technologie nécessaire, le fossé entre pauvres et riches ne fera que s’élargir, a conclu le Président de la République dominicaine. Cette tendance, il faut l’inverser dans le cadre d’une coopération entre Nord et Sud, sinon la marginalisation du Sud provoquera une migration qui touchera en premier lieu les pays développés. Il faut, a dit le Premier Ministre du Mozambique, appeler les partenaires du développement à aider à la création, dans les pays en développement, des institutions de savoir pour que les cadres puissent être formés dans l’environnement de pauvreté contre lequel ils sont sensés lutter dans leur vie professionnelle.

En conclusion des discussions, le Vice-Président de l’Afrique du Sud a repris la parole pour revenir sur la Présidence sud-africaine de la CNUCED. Nous avons pu faire évoluer cette organisation jusqu’au point où toutes les opinions peuvent aujourd’hui s’y exprimer. Nous soutiendrons, a dit M. Zuma, la Thaïlande pour que toujours plus de démocratie se manifeste au sein de la CNUCED. Intervenant après M. Zuma, le Premier Ministre du Maroc a souhaité que la CNUCED, qui bénéficie désormais d’une légitimité et d’un rayonnement accrus après l’échec de l’OMC à Seattle, devienne un forum privilégié de dialogue et de consensus sur les questions économiques cruciales. Elle doit aussi travailler avec les institutions de développement internationales et l’OMC, pour rationaliser la cohérence des politiques économiques. Nous partons de cette dixième CNUCED avec un sentiment d’optimisme quant aux perspectives d’intégration de nos pays dans la mondialisation.

Le Premier Ministre de la Thaïlande est revenu sur la question de la fuite des cerveaux pour dire que la Thaïlande avait vécu ce phénomène il y a vingt ans. Des diplômés nationaux, notamment dans le domaine médical, ont quitté en masse le pays pour s’installer aux Etats-Unis alors que l’on avait besoin d’eux. La question de la fuite des cerveaux est difficile à résoudre car elle dépend souvent, à l’intérieur des pays, de la répartition de la richesse et des revenus, à la fois dans les villes et entre villes et zones rurales. Les gens les plus qualifiés ne veulent, par exemple, pas être longtemps affectés en zone rurale. Il faudrait donc sans doute améliorer les conditions de vie sur tout le territoire et aussi décentraliser les instituts d’enseignements en zone rurale. La Thaïlande remercie tous ceux qui ont participé à cette dixième CNUCED.

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