En cours au Siège de l'ONU

CNUCED/B/250

L'ONU ET LA CNUCED PEUVENT DEGAGER LE CONSENSUS NECESSAIRE A LA RELANCE DES NEGOCIATIONS COMMERCIALES DE L'OMC

17 février 2000


Communiqué de Presse
CNUCED/B/250


L’ONU ET LA CNUCED PEUVENT DEGAGER LE CONSENSUS NECESSAIRE A LA RELANCE DES NEGOCIATIONS COMMERCIALES DE L’OMC

20000217

Le commerce mondialisé et ses effets sur le développement sont devenus si complexes que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ne pourra à elle seule s’en occuper. C'est le sentiment exprimé par des délégations, ce matin, au cours du débat général de la dixième session de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Il n’est pas question de remettre en cause la mondialisation mais de faire plutôt le constat que les forces du marché sont plus en mesure d’éradiquer la pauvreté et d’assurer le développement social, ont observé ces délégations. L’objectif est de réfléchir aux éléments qui doivent venir en complément du commerce pour le mettre au service du développement. Les Nations Unies, en particulier leurs institutions s’occupant de développement, telles que le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Organisation pour le développement industriel (ONUDI) ou la CNUCED, ont été désignées par ces délégations comme le forum idoine pour réfléchir aux stratégies économiques du développement. La mondialisation, qui a creusé davantage le fossé entre pays riches et pauvres, a fait l’objet de critiques des délégations qui ont appelé à un retour de la coopération internationale que seules les Nations Unies peuvent stimuler. Une coopération internationale qui s’efforcerait de rechercher des solutions à la question de la dette, au déclin de l’Aide publique au développement et à la promotion d’une cohérence de politiques entre les principales institutions internationales chargées du développement comme l’ONU, le FMI et la Banque mondiale, ont-elles souligné. Ce n’est que lorsque l’ONU aura réussi à créer une convergence de vues sur l’importance de réaliser l’objectif ultime du développement et qu’elle aura contribué à dégager un consensus sur les priorités qu’il sera possible de faire du prochain cycle de négociations commerciales de l’OMC un véritable cycle du développement, ont souligné ces délégations.

Les représentants des pays suivants ont fait une déclaration : Uruguay, Mexique, Hongrie, Suède, Slovénie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Congo, Zimbabwe, Burundi, Guinée, Sierra Leone, Angola, Panama et Gambie. Les représentants de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), du Fonds commun pour les produits de base et l’Organisation pour la coopération et le développement (OCDE) ont également pris la parole.

La Conférence reprendra ses travaux cet après-midi à 14 heures 30.

Débat général

M. CARLOS PEREZ DEL CASTILLO (Uruguay) : la Déclaration ministérielle de Bangkok doit admettre que les principaux problèmes de l’économie mondiale dépassent le cadre des compétences d’une seule organisation. Il serait utopique de penser que le problème du chômage, par exemple, pourrait être résolu dans le cadre exclusif de l’Organisation internationale du Travail (OIT). La solution du problème est donc la cohérence entre les différents organismes. Mais cela n’est pas suffisant, il faut, en outre, le courage de reconstruire les institutions internationales pour les rendre conformes au monde d’aujourd’hui. Il s’agit, il est vrai, d’une tâche difficile. La solution pragmatique serait d’aborder de façon radicalement différente ces problèmes. Il faut donc redéfinir la pertinence du cadre actuel et voir les problèmes de manière globale. Les institutions internationales doivent créer des équipes spéciales et des programmes communs. La paralysie dont souffre le système international a donné naissance à deux forces importantes. La première concerne la société civile. Les ONG ont un rôle important à jouer et la communauté internationale doit les écouter. Toutefois, aussi légitimes que soient certains de leurs objectifs, le fait est que sans élection, ces ONG, majoritairement originaires des pays développés, se sont proclamées représentants des pays en développement. Ils n’ont de comptes à rendre à personne et prétendent influer sur les travaux des différentes instances et remplacer les gouvernements dans différents domaines. La deuxième force, peut-être plus dangereuse, concerne les grandes entreprises multinationales. Ce phénomène, qui ne fait pas encore l’objet de l’attention des organismes internationaux, est une question importante qui doit appeler l’attention.

Mme ROSARIO GREEN (Ministre des affaires étrangères du Mexique) : la Xe CNUCED offre un espace pour réfléchir aux défis du siècle qui commence et pour travailler aux stratégies de développement économique et social. Il faut trouver des formules novatrices qui aideront à veiller à ce que l’expansion des marchés demeure compatible avec le progrès social et une meilleure répartition de la richesse. La mondialisation est une force qu’il faut dominer et orienter. C’est aux gouvernements de mettre en œuvre des nouveaux schémas de coopération pour que les coûts de la mondialisation soient moindres et les bénéfices plus grands. Le Mexique estime prioritaire la promotion d’une nouvelle culture de solidarité. La mondialisation oblige à inventer des solutions collectives aux problèmes communs. Il est convaincu que les flux commerciaux peuvent être la manière de créer des emplois mieux rémunérés et d’améliorer les conditions de vie des populations. Le Mexique rejette toute forme de protectionnisme. Des causes louables comme les normes de travail, les droits de l’homme ou l’environnement ne doivent pas servir de prétexte pour limiter le libre échange. L’objectif doit être la promotion d’un commerce libre, non

discriminatoire et équilibré. Il faut espérer que la Xe CNUCED incitera à poursuivre le dialogue entamé lors du Sommet de l’OMC. Le Mexique souligne aussi l’urgence de progresser dans le renforcement du système financier international en répondant aux exigences de la mondialisation et de la liberté du commerce. Chacun sait que les économies sont plus vulnérables face aux déséquilibres des autres marchés. Les récentes crises financières ont montré l’importance des politiques macroéconomiques réalistes et l’urgence de renforcer les systèmes financiers nationaux pour les rendre sains et transparents. Ces crises ont aussi montré la nécessité de concilier les schémas financiers macroéconomiques et les politiques sociales à long terme. Le dialogue qui se déroule ici doit permettre de nous rapprocher de ces objectifs. Il faut le faire avec imagination et proposer des stratégies de développement novatrices. Le Mexique est convaincu que la CNUCED est appelée à jouer un rôle central dans le développement en encourageant le consensus pour éliminer rapidement la pauvreté. Profitons- en pour enrichir les travaux de la réunion de haut niveau sur le financement du développement qui se tiendra bientôt dans le cadre des Nations Unies.

M. ISTVAN MAJOR (Hongrie) : il est devenu clair qu’il faut discuter des effets de la mondialisation pour en faire un instrument au service du développement de tous les pays et le rôle de la CNUCED doit s’inscrire dans ce cadre. Ces 50 dernières années, des liens plus étroits ont caractérisé le commerce mondial. En dépit des effets positifs, le système commercial multilatéral est devenu la cible de critiques, accusé de menacer l’emploi, les valeurs culturelles, ou encore le droit des nations à décider de leur sort. La vraie question est de savoir s’il faut brider la mondialisation ou imposer des règles multilatérales pour la réglementer afin de minimiser ses effets négatifs. Etant donné que la mondialisation n’est pas sans danger, la Hongrie opte pour la deuxième option. Elle estime que le recours aux règles du travail ou de l’environnement suscite à juste titre des débats houleux. Il faut débattre de la question et rechercher des solutions multilatérales. La mondialisation avec son ouverture du commerce et de l’investissement offre des possibilités réelles de croissance économique et de développement. La Hongrie est un bon exemple d’adaptation aux paramètres de la mondialisation. Parti d’un isolement hermétique, le pays a encouragé l’ouverture de son économie à la concurrence internationale. Les ajustements structurels ont engendré des difficultés substantielles mais des efforts de privatisation et de modernisation ont donné un élan à l’intégration de la Hongrie dans l’économie mondiale. Le pays a enregistré des résultats probants en une seule décennie. L’économie hongroise est maintenant sur les rails de la croissance. Le Sommet de l’OMC à Seattle ne constitue pas un échec de la libéralisation du commerce. L’impasse est due à des divergences et non pas à des déficiences systémiques. Les leçons à tirer sont évidentes. Il faut prendre des mesures propres à restaurer la confiance et s’engager dans des négociations sérieuses. La CNUCED a trois types d’activités liées entre elles :

l’analyse, la réflexion et l’assistance technique. Pour assurer une efficacité des ressources, il faut fixer des priorités dans les quatre domaines définis à la IXe CNUCED. Le travail entrepris dans le domaine des investissements et des finances doit se poursuivre. L’assistance de la CNUCED aux économies en transition doit viser à les intégrer dans le système commercial international. La communauté internationale doit accorder l’attention voulue à ces problèmes. Le Plan d’action doit mettre en place le cadre pour cela. La Hongrie est prête à partager les résultats de toutes ces mesures lors de la période de transition.

M. LEIF PAGROTSKY (Ministre du commerce de la Suède) : il faut aller de l’avant avec une nouvelle volonté politique et lancer un nouveau cycle de négociations commerciales. Si l’on se contente du statu quo et si l’on dit non à ces négociations, nous disons non à la croissance de l’économie mondiale. Chacun est d’accord sur la nécessité d’intégrer tous les pays à cette économie. Aujourd’hui, on ne peut dire que tout le monde partage les avantages de la mondialisation. Il s’agit d’un problème qui doit être traité dans le cadre d’un nouveau cycle de négociations. A Seattle, les pays en développement ont présenté leurs demandes légitimes. Les pays développés doivent répondre efficacement et sérieusement à ces demandes. L’autre aspect de l’échec de l’économie mondiale est la corruption qui est une utilisation grotesque des ressources publiques limitées. Il est triste de constater que l’OMC et la CNUCED n’ont pratiquement rien fait pour s’attaquer à ce problème. La CNUCED doit produire un programme de travail incluant des analyses et l’échange de données entre les Etats membres. Tout le monde doit participer à l’économie mondiale, y compris les femmes. Les femmes sont des actrices importantes du changement, et il est heureux de voir les appels lancés à la CNUCED pour qu’elle intègre la dimension sexospécifique dans ses programmes. Aujourd’hui, il faut une plus grande cohérence entre les politiques nationales et internationales. La CNUCED a un rôle spécial à jouer. Il faut montrer que nous sommes capables de nous regrouper pour maîtriser la mondialisation. Il faut ramener la confiance et la crédibilité pour remettre le processus de l’OMC sur les rails. Il s’agit de la confiance entre pays mais aussi entre les populations et l’OMC. Lorsque l’on parle des normes de travail, il faut comprendre qu’il s’agit simplement de droits de l’homme, qui du reste peuvent être respectés quel que soit le niveau de développement d’un pays. Il est regrettable que l’on ne puisse créer un organe commun OMC/OIT. Ni la Suède ni l’Union européenne ne cherchent à adopter des sanctions pour faire respecter les droits de l’homme dans les milieux du travail. La question est aujourd’hui de savoir comment la CNUCED peut œuvrer à l’ouverture d’un nouveau cycle de négociations de l’OMC. Elle doit axer son action dans les domaines où des progrès peuvent être réalisés.

M. MARJAN SENJUR (Ministre des relations économiques et du développement de la Slovénie) : le nouveau cycle de négociations commerciales ne doit pas se tenir dans le cadre de l’OMC qui est un cadre trop restrictif pour parler de développement. Le système commercial doit tenir compte des pays mais aussi des sociétés transnationales. La multifonctionnalité des phénomènes économiques est un autre aspect à prendre en compte et l’agriculture en est un bon exemple. La question des produits génétiquement modifiés, par exemple, n’est pas seulement une question de santé mais une question de transformation industrielle. En plus de sa dimension économique, l’agriculture a une dimension sociale mais aussi environnementale. Si l’on prend en compte tous les problèmes, on ne peut traiter des questions commerciales de manière isolée au sein de l’OMC. Il faut donc une discussion plus large et complète sur les questions du développement dans l’économie mondiale. Les Nations Unies pourraient donner un élan et lancer des négociations sur le développement. Le PNUD, la CNUCED ou l’ONUDI ont été créés aux fins du développement mais elles sont aujourd’hui mises de côté. Les Nations Unies doivent reprendre leur rôle et lancer l’initiative de négociations sur le commerce et le développement. Il nous faut un débat global sur les questions de développement pour tenir ensuite au sein de l’OMC un nouveau cycle de négociations commerciales. Un débat exhaustif sur les questions de développement est nécessaire. Les peuples du monde en ont besoin. Il nous faut un cycle de négociations sur le développement pour permettre aux institutions internationales d’aller de l’avant.

M. MICHAEL NALI (Ministre du commerce et de l’industrie de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, au nom des Etats insulaires du Pacifique) : il faut craindre que les îles du Pacifique soient submergées par les sociétés multinationales qui peuvent saper la souveraineté nationale à moins que des efforts accrus ne soient consentis par les pays en développement et par les organismes des Nations Unies pour aider ces pays à s’intégrer dans l’économie mondiale. La CNUCED tient sa session à un moment crucial à la suite de l’échec des négociations de Seattle. La situation est claire, les gens ordinaires, les défavorisés et la base lancent des cris pour exprimer leurs vues sur le commerce, la situation de l’emploi et l’inégalité. La mondialisation doit viser à libérer l’humanité de la faim, de la pauvreté et de l’exploitation. Ce processus demeurera incomplet si nous n’arrivons pas à intégrer tous les pays et à comprendre les problèmes des uns et des autres. Il faut se féliciter, à cet égard, des efforts de l’Union européenne qui a adopté un nouvel accord avec les ACP qui sera signé prochainement à Fidji. La Xe CNUCED doit aboutir à un consensus sur un programme de survie et de développement. Il faut tirer les leçons du passé et définir de nouvelles orientations. La CNUCED a un mandat clair qui est celui de mettre les pays en développement au diapason de l’économie mondiale et à leur assurer la croissance économique et sociale. Aujourd’hui, le monde comprend les problèmes des pays pauvres. Il faut maintenant traduire les paroles en actions concrètes. Il faut établir un partenariat entre les pauvres et leurs partenaires développés.

M.PIERRE DAMIEN BOUSSOUKOU-BOUMBA (Ministre du commerce de la République du Congo) : la mondialisation n’a pas fourni les avantages à toutes les parties de la communauté internationale. L’Afrique, en particulier, continue d’être profondément marginalisée. D’autres parties du monde, comme la Fédération de Russie et certains pays en transition, ont connu de sévères difficultés contre leurs économies et leurs équilibres sociaux, mais le cas de l’Afrique est le plus grave. Les pays du continent ont entrepris des réformes économiques et politiques sérieuses. Ils se sont en particulier démocratisés. Mais les réformes économiques entreprises dans le cadre des ajustements structurels n’ont empêché ni l’appauvrissement croissant ni la montée du chômage. La communauté internationale, il faut le constater, n’a pas aidé et soutenu l’Afrique, comme il l’aurait fallu, après les sacrifices qu’elle a consentis sur le plan social pour assainir son cadre économique et social. Les Accords de l’Uruguay, par exemple, n’ont jamais été appliqués dans les secteurs qui auraient pu apporter à notre continent les revenus dont il a tant besoin. La République du Congo est préoccupée par la réduction des parts de marchés de l’Afrique dans les secteurs des produits de base. La Xe CNUCED doit pouvoir donner une impulsion nouvelle à la coopération internationale. Concernant le financement du développement, la CNUCED doit chercher à trouver les moyens de mobiliser les fonds indispensables au développement des infrastructures en Afrique. La communauté internationale devrait, sur le plan financier, veiller à libérer l’Afrique du fardeau de la dette qui l’écrase. Nous espérons que cette CNUCED sera un point de départ d’une meilleure intégration de l’Afrique au commerce et au développement international.

M. B.G. CHIDYAUSIKU (Zimbabwe) : la mondialisation a créé des opportunités mais aussi des défis. Les possibilités qu’offre l’économie du savoir ont échappé aux pays en développement parce que l’environnement international n’offre pas les éléments nécessaires pour éviter les déconvenues des politiques. Il est apparu que les politiques prônées par les institutions de Bretton Woods n’ont pas non plus répondu aux attentes. Il faut se féliciter du changement de paradigme de développement. L’essentiel de ce nouveau paradigme qui place l’homme au centre du développement n’est pas une chose nouvelle. Il faut maintenant passer de la rhétorique à l’action et ceci vaut pour le transfert de technologies et l’ouverture des marchés. Le monde a besoin d’une volonté économique suffisante et d’une coopération internationale renforcée pour faire face aux nouveaux défis. Le Zimbabwe se félicite de l’Initiative en faveur des pays très pauvres endettés mais estime qu’il faut aller plus loin et la renforcer davantage. C’est bien de parler de l’ouverture des marchés aux PMA mais il faut surtout leur apporter l’assistance nécessaire pour les aider à entrer dans ces marchés. Il est clair que la tendance actuelle est inacceptable. La coopération internationale doit permettre de réaliser un programme équilibré qui bénéficie à tous les peuples. Il faut démocratiser les procédures et améliorer la prise de décisions dans toutes les

organisations internationales. L’OMC doit s’ouvrir aux vues des pays en développement. L’échec de la mondialisation à réduire la pauvreté est un outrage à la morale, un gaspillage économique et une menace d’explosion. Il faut une action orientée et non simplement rhétorique. Il faut gérer la mondialisation pour éviter la marginalisation de la majorité de la population. Nous devons produire un Plan d’action qui confie à la CNUCED un mandat susceptible d’aider les pays en développement à intégrer l’économie mondialisée.

M. ADOLPHE NAHAYO (Ambassadeur du Burundi auprès des Nations Unies et de l’OMC à Genève) : les signes les plus évidents de l’échec de la mondialisation sont la crise financière asiatique et l’échec des dernières négociations de l’OMC à Seattle. La liste des pays les moins avancés ne fait que s’allonger, alors qu’une mondialisation réussie aurait dû avoir l’effet contraire. La pauvreté s’accroît dans la plupart des pays en développement, et a pour victimes principales les femmes et les enfants. Les maladies et les grandes endémies sont venues encore accentuer, notamment en Afrique, la paupérisation. Qu’est-ce, au fond, le développement ? Le Président Mandela disait qu’après tout, il faudrait simplement avoir les moyens de pouvoir nourrir sa famille, la soigner, éduquer ses enfants et avoir un toit décent. Il n’est pas impossible de créer les conditions du véritable développement. Le Secrétaire général des Nations Unies a dit, sur un autre plan, que la démocratie et les droits de l’homme sont aujourd’hui parties prenantes des actions de l’ONU. La communauté internationale devrait aussi prêter attention à l’unicité des droits humains, dont le droit au développement, les droits culturels et les droits des peuples. Il faut qu’après les assises de Bangkok, les discussions menées lors de la Xe CNUCED soient traduites en actions concrètes par les agences opérationnelles internationales. Nos débats ne devraient pas rester de simples déclarations.

M. MOHAMED BANGOURA (Directeur du Département du commerce et de la concurrence du Ministère du commerce, de l’industrie et des petites et moyennes entreprises de la Guinée) : la Xe CNUCED intervient à un moment où l’économie mondiale subit un changement de structures dues à la mondialisation. Cette mondialisation porte en elle des espoirs mais aussi des défis qui posent des dangers pour le développement. Il faut donc espérer que la Conférence aboutira à des mesures visant l’amélioration des conditions de vie de toutes les populations du monde. La création de la CNUCED, qui avait pour objectif majeur la facilitation du commerce international et la consolidation de la place des pays en développement dans ce commerce, a été un acquis certain. Mais en dépit de cet objectif et des résultats louables de la CNUCED, force est de constater que les pays en développement ne sont toujours pas en mesure de tirer profit de cette économie mondiale pour apporter une solution à leurs problèmes de développement. La part des pays en développement dans le commerce mondial

a fortement régressé et ce, malgré les réformes économiques et politiques qu’ils ont entreprises. A tous ces maux, il convient d’ajouter celui lié à la dette extérieure qui hypothèque les chances déjà minces de développement des pays concernés et fait planer sur eux le risque de déstabilisation politique. La communauté internationale doit prendre les mesures requises pour annuler la dette, ouvrir les marchés sans conditions, et apporter une aide au financement du développement. Pour un observateur averti, il est facile de comprendre que derrière tous les débats en cours se dissimulent des dangers évidents surtout pour les PMA. C’est fort de cela que la CNUCED doit axer ses activités sur le renforcement des capacités des pays en développement à négocier à l’OMC. La Guinée souhaite que la Xe CNUCED aboutisse à des mesures dynamiques pour bâtir un système commercial équilibré qui soit un facteur de développement.

M. K.O. BAH (Secrétaire permanent du Ministère du commerce, de l’industrie et des entreprises d’Etat de la Sierra Leone) : cette Conférence a une signification particulière après l’échec des négociations de l’OMC à Seattle. Elle peut être le cadre de la relance des discussions sur les thèmes qui ont été des pierres d’achoppement entre nations à Seattle. La Sierra Leone, en ce qui la concerne, croit en une mondialisation partagée par tous et est en train de mettre en place un code des investissements et un cadre juridique favorables aux investissements directs étrangers. Nous croyons profondément à la libéralisation de l’économie et du commerce international et voulons être partie prenante des courants d’échanges mondiaux. Le renforcement des capacités financières, humaines et institutionnelles des pays en développement est nécessaire, si on veut leur donner une chance de devenir des acteurs efficaces sur la scène internationale. Concernant les politiques à suivre, nous sommes d’accord avec les préoccupations exprimées ici par certaines ONG, car comme elles, nous pensons que la finalité de toute action économique doit d’abord être le développement humain. Les résultats de la Xe CNUCED, nous l’espérons, permettront, dans cette optique, de mieux formuler le nouveau paradigme du développement dont le monde a tant besoin.

M. GEORGES REBELO PINTO CHOCOTY (Vice-Ministre des relations extérieures de l’Angola) : le pays reconnaît les efforts des pays développés pour apporter une aide aux pays en développement. Ces derniers ont déployé des efforts considérables pour intégrer le marché et attirer les investissements étrangers. Mais cela n’a pas suffi. Le moment est venu de mettre en place un nouvel ordre économique mondial qui tienne compte des préoccupations des pays en développement. Ces pays continuent de souffrir des conséquences du fardeau colonial. Il ne faut ni simplifier ni exagérer cet aspect des choses. Mais il faut souligner que l’Afrique a vu pendant des décennies ses structures sociales détruites, son économie dictée par les puissances coloniales et son peuple aliéné. A l’époque des indépendances, les dirigeants africains non préparés ont dû prendre des décisions qui n’étaient pas toujours conformes aux besoins des populations. En conséquence, les pays africains ont le droit de demander un Plan Marshall pour les pays les moins avancés. Sans cela, le prochain millénaire verra les générations futures poursuivre leurs efforts en vue d’éliminer l’impact de la mondialisation. Les problèmes de l’Afrique ne doivent pas être oubliés et il faut s’y attaquer de façon urgente. Il faut toutefois souligner que beaucoup de choses arrivent en Afrique subsaharienne. Depuis 1991, l’Angola a lancé un processus démocratique et un programme de réformes profondes basées sur les principes des marchés afin d’attirer les investissements dans tous les domaines, notamment technologique.

M. MUSA H. SILLAH (Secrétaire d’Etat de la Gambie) : il est regrettable de noter que nombre de pays en développement sont de plus en plus marginalisés en raison d’une mondialisation accrue de l’économie mondiale. Cela s’explique par les termes défavorables de l’échange et les conditions restrictives qui l’accompagnent. Les politiques que conseillent les institutions internationales de développement sont dans bien des cas en conflit avec les priorités sociales des gouvernements. Les réformes économiques entreprises par la Gambie se heurtent toujours à des difficultés découlant d’un financement et d’une compétence technique insuffisants, ainsi que d’une forte dépendance des produits commerciaux volatiles comme l’arachide et le tourisme. La Gambie dépend donc considérablement de l’aide au développement. Son programme de coopération technique dans le contexte du cadre intégré du FMI, de la CCI, de la CNUCED, du PNUD, de la Banque mondiale et de l’OMC, qui devait être un modèle pour d’autres PMA, n’a pas reçu l’appui financier escompté. Cela montre l’indécision dont les donateurs entourent la mise en œuvre de ce cadre. Pour la Gambie, il faut un flux accru de ressources vers la CNUCED pour financer ses activités d’assistance : le renforcement de la Division des PMA de la CNUCED, ainsi que celui de l’Initiative pour le cadre intégré et l’augmentation de ressources pour le renforcement de la capacité productive des pays en développement.

M. ERNESTO I. FERNANDEZ (Vice-Ministre du commerce et de l’industrie du Panama) : le Panama vient, il y a quelques semaines, d’entrer en possession du canal de Panama, dont nous comptons assurer une gestion saine et efficace. Nous voudrions dire que sous notre contrôle, le canal sera géré de manière transparente et que les profits en seront investis pour le bien du commerce international. Nous demandons à la communauté internationale de nous aider à maintenir et moderniser cet ouvrage dont l’importance dépasse le seul cadre de la République de Panama. Le processus de mondialisation a permis une croissance substantielle du commerce mondial mais il a aussi apporté des injustices qu’il faut corriger. Les avantages de la mondialisation sont mal répartis, et les pays en développement sont extrêmement frustrés de ne pas faire partie des processus de décision qui définissent les termes de la nouvelle économie mondiale. Nous sommes très en retard dans la maîtrise des nouvelles technologies de l’information, si importantes dans le nouveau commerce mondial. Nous avons besoin d’aide dans ce domaine. Nos Etats, qui sont

faibles sur le plan des relations internationales, demandent cependant que l’on respecte leur droit à l’expression et aux choix indépendants qui peuvent leur permettre d’exprimer leurs vrais besoins. C’est pourquoi nous demandons que la transparence et l’équité s’instaurent dans les grandes institutions internationales de commerce et de développement. La Xe CNUCED a reçu de notre délégation un document contenant nos propositions en matière de commerce qui, nous le pensons, peuvent participer à la formulation d’une philosophie du développement usant du commerce comme d’une source de revenus pour la promotion du développement humain.

M. NICK DRAGER (Directeur du Département de la santé et du développement durable à l’Organisation mondiale de la santé - OMS) : chaque année, des millions d’êtres humains meurent de maladies qui pourraient être évitées par la vaccination. En Afrique, des millions d’enfants meurent du paludisme parce que leurs parents n’ont même pas de quoi leur acheter une moustiquaire. La pauvreté est telle que les Etats n’ont même plus les moyens de maintenir leurs services sociaux de base. La mondialisation est en grande partie responsable de ces maux. Les décisions en matière de commerce sont donc extrêmement importantes. En matière alimentaire, la libéralisation, si elle facilite l’échange des produits, en introduit aussi d’autres, qui sont extrêmement dangereux en matière de santé, comme le tabac. Le commerce peut donc nuire aux intérêts de santé des faibles et des pauvres. L’OMS pense que les accords de commerce devraient comporter un volet sur les menaces à la santé. Concernant le commerce alimentaire, les menaces pathogènes contre la santé s’accroissent, la circulation des produits introduisant des germes et des maladies potentielles inconnues autrefois dans certaines régions. L’OMS estime que les transactions alimentaires doivent faire l’objet de surveillance particulière. Pour le traitement des maladies, nous militons pour que la question des patentes soient rapidement réglée, notamment en ce qui concerne les médicaments permettant de lutter contre les grandes endémies et les pandémies comme celle de sida. Nous sommes pour une gestion plus rationnelle et humaine des droits de propriété intellectuelle. Tout engagement pris dans le secteur de la santé devrait être soigneusement évalué. Trop longtemps, les ressources consacrées à la santé étaient placées sous le chapitre de crédits de consommation. Nous pensons au contraire que ce sont des dépenses d’investissement, et qu’elles ne devraient pas être réduites. La CNUCED devrait recommander aux pays de faciliter aux plus pauvres l’accès aux médicaments nécessaires pour leur survie, et nous voulons travailler avec la CNUCED pour formuler les termes d’un développement durable.

M. ROLF W. BOEHNKE (Fonds commun pour les produits de base) : dans plusieurs pays du monde en développement, les produits de base gardent une importance majeure pour les populations rurales qui sont majoritairement les plus pauvres. Ces produits ont une grande importance dans les recettes à l’exportation. Même les pays qui ont réduit leur dépendance ont maintenu un secteur important de produits de base. Pour nombre de PMA, les produits

de base représentent la colonne vertébrale de l’économie. Or, ces dernières années ont été le témoin du déclin des prix des produits de base. Il est temps que la communauté internationale lie les questions des produits de base et celle de la lutte contre la pauvreté. Pour sa part, le Fonds aide les producteurs à renforcer leur compétitivité grâce à des programmes d’assistance et de recherche. La sélection des projets et le résultat de leur mise en œuvre sont un aspect important de ses activités. En ce qui concerne les défis, le Colloque organisé, dimanche dernier, en collaboration avec la CNUCED, a mis en avant cinq points relatifs aux changements intervenus sur les marchés des produits de base : la nécessité d’améliorer la productivité et la compétitivité; la mise en place d’un environnement international favorable; l’importance de la stabilisation des prix; et la nécessité d’une coopération entre producteurs et consommateurs dans le cadre d’organismes internationaux. Le Fonds travaille étroitement avec 24 organismes internationaux s’occupant des produits de base et également avec les institutions concernées des Nations Unies. S’attachant à renforcer la coordination dans le domaine de l’assistance afin de la rendre plus efficace, le Fonds a en fait pour objectif de réduire l’asymétrie entre les différents acteurs de l’économie mondiale.

M. SEIICHI KONDO (Secrétaire général adjoint de l’Organisation pour la coopération et le développement - OCDE) : tout le monde aime l’idée et le concept de valeurs universelles. Comme personne ne peut détester une œuvre de Chopin, personne ne peut empêcher les valeurs universelles de se répandre partout dans le monde. La marche en avant de la démocratie et l’effondrement du communisme sont la manifestation de la supériorité d’une valeur universelle sur une valeur imposée. La mondialisation est une valeur universelle. Certes, elle fait encore peur parfois. Mais peut-être est-ce parce qu’elle demande à tout le monde d’être immédiatement compétitif ? C’est comme si on nous demandait à tous de pouvoir immédiatement jouer une œuvre de Chopin. Les règles à mettre en œuvre pour promouvoir la mondialisation doivent avant tout viser l’efficacité. Elles doivent respecter l’état de droit, faciliter la transparence, venir en soutien à la démocratie, aider les citoyens à participer à un cadre mondial d’idées et d’actions. Certes il faut mettre en place des filets de sécurité pour ne pas laisser en arrière ceux qui ne sont pas prêts sur la ligne de départ, mais cela ne veut pas dire que le système est favorable à l’exclusion. L’OCDE est pour la mise en place d’une bonne gouvernance universelle. Tous les pays, riches ou pauvres, sont confrontés à l’exigence de s’adapter au nouveau contexte international. L’échec des uns ne peut pas conditionner la réussite des autres, et il n’y pas, d’autre part, de modèle unique que l’on voudrait imposer à tous dans le cadre d’une gouvernance ou d’une volonté d’uniformisation mondiale. Au contraire, le respect des particularités et de la différence des contextes nationaux sont indispensables. Ceci est nécessaire si l’on veut respecter l’idée de

démocratie, qui doit aussi exister au niveau international. L’OCDE et ses 49 membres ne sont pas un “Club de riches”, mais plutôt une organisation soucieuse de faciliter la compréhension et l’absorption par tous les pays des concepts de la mondialisation. Nous sommes soucieux de travailler harmonieusement non seulement avec les autres groupes de pays, mais aussi avec les institutions internationales, notamment celles de Bretton Woods, et nous sommes conscients de l’existence de vertus morales, qui doivent nous faire prendre conscience que l’être humain n’est pas fait que de chair. C’est pourquoi nous sommes sensibles aux aspects culturels de la vie des peuples. On a parlé souvent de mondialisation à visage humain. Mais ce que propose l’OCDE peut aller beaucoup plus loin et être une mondialisation dotée d’une âme.

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