CNUCED/B/248

LE DIRECTEUR GENERAL DE L'OMC CITE LE COMMERCE LIBRE ET OUVERT COMME CONDITION ESSENTIELLE AU DEVELOPPEMENT

16 février 2000


Communiqué de Presse
CNUCED/B/248


LE DIRECTEUR GENERAL DE L’OMC CITE LE COMMERCE LIBRE ET OUVERT COMME CONDITION ESSENTIELLE AU DEVELOPPEMENT

20000216

La dixième session de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a entendu le Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), M. Mike Moore, qui a expliqué, ce matin, que l’élaboration de politiques efficaces de développement doivent prendre en compte le commerce et les activités qui le sous-tendent. L’intégration des pays en développement dans le système commercial international est donc une nécessité à laisser entendre le responsable de l’OMC. Le danger est de voir que les bénéfices de la mondialisation échappent aux pays en développement et que ni le monde ni le système commercial ne peuvent se permettre une nouvelle division Nord-Sud, a-t-il souligné. M. Moore a estimé que le défi du XXIe siècle sera d’utiliser le commerce et l’investissement pour promouvoir le développement social et l’élimination de la pauvreté. Pour cela, il faudrait avant tout définir un cadre réglementaire garantissant la stabilité et l’environnement des échanges commerciaux, cadre déjà mis en place par l’OMC dont les instruments ne sont pas encore parfaits, a reconnu M. Moore, qui a souligné l’importance qu’il y a à lever les barrières commerciales en jugeant qu’il n’était pas rationnel que les pays développés consacrent des milliards de dollars aux programmes d’allégement de la dette tout en réduisant la capacité des pays en développement de s’endetter et en leur refusant l’accès à leurs marchés. La promotion du développement social et l’élimination de la pauvreté exigent, entre autres, une plus grande cohérence entre les politiques des différentes organisations internationales, a expliqué le Directeur de l’OMC. Il a énuméré les différents domaines dans lesquels l’OMC et la CNUCED pourraient intensifier leur coopération. Pour ce qui est de l’action de l’OMC, il a présenté les quatre priorités du moment, à savoir la mise en œuvre des mesures en faveur des pays les moins avancés (PMA), l’amélioration des procédures de financement des activités de coopération technique de l’OMC, la recherche d’une solution à la question de l’expiration des périodes de transition et les procédures internes de consultations et de prise de décision de l’OMC.

Dans les échanges qui ont suivi, les délégations ont fait valoir que l’OMC devra tenir compte des préoccupations des pays pauvres qui lui reprochent notamment son impartialité et sa rigidité en ce qui concerne ses politiques relatives à la formulation de ses règles juridiques internes et à celles portant sur les normes sociales du travail et de l’environnement.

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Les délégations des pays suivants ont pris part au débat : Myanmar, Liban, Ghana, Pérou, Ethiopie, Gabon, Finlande, Malte Burkina Faso, Autriche et Danemark. Le représentant du Saint-Siège s’est également exprimé.

La dixième session de la CNUCED poursuivra ses travaux cet après-midi à 15 heures par un dialogue avec le Président de la Banque mondiale, M. James Wolfensohn.

Débat interactif

M. MIKE MOORE, Directeur général de l’Organisation internationale du commerce (OMC), a convenu que des moments avaient été vécus l’année dernière, et que la réunion du premier Conseil général, tenue les 7 et 8 février, a abouti à des décisions importantes parce que les participants ont fait preuve d’une détermination renouvelée à travailler ensemble et à mettre les règles du système commercial au service de tous ses membres, qu’ils soient petits, riches ou pauvres. Nous vivons, a-t-il poursuivi, dans un monde complexe et paradoxal. Le Mozambique s’attend à la croissance économique la plus rapide de l’an 2000 avec 10% de croissance réelle du PNB et la croissance de l’Afrique s’élève à 4% contre 2, 7% dans la région d’Asie/Pacifique et 2% en Europe de l’Est. Mais il est vrai, a dit M. Moore, que Bill Gates détient une fortune égale aux PNB combinés de tous les pays les moins avancés et que l’ensemble de l’Afrique reçoit moins de capitaux que Singapour. La liberté du commerce, la diversification économique, l’investissement et le développement des ressources humaines sont aujourd’hui les éléments qui permettent de différencier les pays en développement des pays sous-développés ou même des pays en voie de sous-développement. A l’OMC, les questions liées au développement sont au premier rang du nouveau programme de travail. Les négociations sur l’agriculture et le commerce des services sont d’une importance capitale pour l’économie future des pays de tout niveau de développement. L’amélioration de l’accès aux marchés et un affaiblissement de la concurrence faite par les subventions des pays riches à leurs secteurs agricoles sont des données essentielles pour la plupart des pays en développement, et ce, pour le développement de leur structure actuelle comme pour la diversification de leurs produits. L’accroissement des possibilités de production dans le domaine agricole est également un élément clé de la solution au problème de la pauvreté rurale qui frappe tant de pays en développement; l’accroissement des possibilités commerciales étant un moyen très important d’élargir la production agricole.

M. Moore a poursuivi sur la question du commerce des services. Il a souligné que le développement de ce commerce et sa diversification peuvent également apporter des gains considérables aux pays en développement. La plupart des Etats membres de l’OMC, a-t-il dit, reconnaissent qu’une libéralisation plus avant des services ne constitue pas une question Nord-Sud traditionnelle puisque ce secteur montre surtout les progrès remarquables enregistrés en la matière par de nombreux pays en développement. Dans le domaine des services, l’élaboration de politiques libérales, cohérentes et favorables à la stabilité constituent des conditions préalables à des réformes pertinentes et efficaces dans les principales infrastructures comme les télécommunications, les finances, les assurances et les transports. Il a présenté quatre priorités sur lesquelles les Etats Membres se sont mis d’accord. Il s’agit d’abord, a-t-il indiqué, d’une série de mesures pour porter assistance aux pays les moins avancés. Il s’agit là, a insisté M. Moore, d’un impératif moral aussi bien qu’économique. La réunion de Seattle ayant été un recul en la matière, “j’ai entamé de nouvelles négociations avec les Etats Membres sur la question de l’accès aux marchés et des mesures de renforcement des capacités à l’intention des pays les moins avancés.

La meilleure réponse que l’on puisse apporter aux problèmes de ces pays consisterait à mettre en exécution des mesures favorisant une ouverture des marchés et un renforcement de leur capacité d’exportations selon les approches intégrées qu’auront élaboré les donateurs et les institutions internationales. L’OMC a déjà son cadre intégré pour l’assistance technique en matière de questions liées au commerce. Mais son réel fonctionnement nécessite davantage d’efforts pour mettre au point des programmes bien définis dans les pays en développement et pour les pays les moins avancés. Son fonctionnement nécessite aussi une plus grande cohérence entre les institutions internationales, une réponse plus rapide de la part des donateurs et un sentiment plus profond chez les pays les moins avancés d’être les véritables propriétaires de ces programmes. La deuxième priorité concerne l’amélioration du financement des activités de coopération technique de l’OMC. Ce qu’il faut, a insisté M. Moore, c’est un budget régulier qui permette de répondre aux demandes accrues en matière de programmes d’assistance technique et non seulement de projets individuels. Il faut également, en la matière, développer la coopération de l’OMC avec les institutions internationales dont la CNUCED. Pour ce qui est de la troisième priorité, elle porte sur la question de l’expiration des périodes de transition prévues par certains Accords de l’OMC. Il faut, à cet égard, a insisté M. Moore, trouver une solution rapide. Cette question est liée à une autre question très sensible, a-t-il dit. Au cours du travail préparatoire, l’année dernière, les pays en développement ont fait part de certaines préoccupations susceptibles d’influencer l’approche générale de l'évolution future du système commercial. Dans le même temps, d’autres Membres ont exprimé leur opposition à la renégociation de tout accord déjà convenu. Il s’agit d’une question délicate, a répété M. Moore, “ mais je suis convaincu que l’on peut trouver une façon souple et acceptable pour l’aborder”.

La quatrième priorité concerne la question des procédures internes de consultation et de prise de décisions de l’OMC. Le principe du consensus, a dit M. Moore, qui est au cœur du système de l’OMC et qui constitue une garantie fondamentale de démocratie doit être respecté. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de constater, a-t-il expliqué, que le résultat immédiat qui est l’accroissement des Etats membres a abouti à une atténuation du sentiment de frustration. Il faut être clair et dire sans équivoque que les revendications des Etats membres sont toujours des revendications positives. Le rétablissement de la confiance entre les Etats membres est donc un objectif clé.

Si nous sommes sérieux à propos du développement, a poursuivi M. Moore, nous devons être sérieux à propos de l’inclusion du commerce dans notre manière de penser le développement et dans nos politiques de développement. Ni le monde ni le système commercial ne peuvent s’offrir une division Nord- Sud. Comment s’assurer, ce faisant, que le commerce fonctionne au service des pauvres ? M. Moore a répondu en estimant qu’il faille d’abord s’assurer d’un cadre réglementaire qui garantisse la stabilité et la prévisibilité à

l’environnement dans lequel évoluent les relations commerciales. Ces règles, consacrées par les Accords de l’OMC, ont clairement prouvé leur pertinence au cours des trois dernières années de turbulences économiques. Elles ont garanti l’ouverture des marchés et ont atténué les difficultés économiques de certaines nations en assouplissant les mesures protectionnistes.

Toutefois, l’ouverture des marchés ne suffit pas et pour sortir les pays en développement de la pauvreté, il faut plus d’efforts pour lever les barrières qui entravent toujours leurs exportations. Il est insensé de dépenser des milliards dans des programmes d’allégement de la dette si dans le même temps la capacité des pays en développement d’éviter l’endettement est entravée par le manque d’accès aux marchés. M. Moore a souligné que l’OMC en tant que telle ne peut traiter seule de la question du renforcement des capacités. C’est la raison pour laquelle elle doit coopérer avec les autres acteurs concernés, en particulier avec les institutions internationales et les donateurs bilatéraux. L’assistance technique en ce qui concerne les questions liées au commerce doit s’intégrer à la coopération et aux pratiques du développement.

Pour le siècle à venir, le défi sera d’utiliser le commerce, l’investissement et les autres instruments pour promouvoir la croissance économique, le développement social, l’élimination de la pauvreté et l’investissement productif de manière à ce qu’ils fassent la différence dans la vie des milliards de personnes qui vivent dans la pauvreté. Le défi de la mondialisation, a insisté M. Moore, n’est pas de l’accepter ou de le rejeter. Le défi, au contraire, est de l’aborder avec réalisme, de voir que, comme tout changement, elle comporte des aspects positifs et négatifs et de multiplier le plus possible ses aspects positifs. Le réel danger est de voir les bénéfices de la mondialisation contournés les pays en développement à moins qu’ils ne soient pleinement intégrés dans l’économie mondiale. “Je suis ici pour appeler à une coopération nouvelle et à davantage de pertinence entre nos institutions”, a conclu M. Moore.

La coopération entre la CNUCED et l’OMC est importante pour le commerce et pour le développement et doit devenir le modèle et la base d’une coopération renforcée entre toutes les institutions économiques internationales pour le bien de tous les peuples. Entre la CNUCED et l’OMC, il existe de nombreux domaines où la coopération peut s’intensifier. Il s’agit des domaines du commerce des services, des biens ou encore du commerce des produits manufacturés. La coopération technique et la formation est un autre domaine où la coopération peut se révéler déterminante. Il faut également une plus grande coopération avec la CNUCED et les autres organisations sur les politiques et services consultatifs en matière de développement qui doivent réellement aider les pays en développement à s’intégrer pleinement dans l’économie mondiale. Nous, institutions, nous devons faire le meilleur usage de nos ressources communes pour élaborer une approche cohérente et intégrée pour nos opérations mutuelles dans les pays en développement”, a insisté M. Moore. S’agissant de la nouvelle architecture financière internationale, il a déclaré : “Si sublime soit-elle, elle doit avoir surtout des fondations solides”.

Nos institutions, nées d’une “guerre chaude” et élevées dans la “guerre froide” ne se sont pas encore complètement adaptées au nouvel âge de l’intégration. Le Mur de Berlin est tombé, il y a plus de dix ans. Mais parfois, il semble que les murs qui séparent les institutions soient plus solides. Je suis déterminé à casser ces murs car en matière de développement humain, de valeurs humaines, de sécurité et de paix, nous sommes tous dans le même navire et nous devons tout faire pour naviguer ensemble.

La représentante du Royaume-Uni : “Quels sont les changements apportés aux mécanismes de financement et d’investissement pour intégrer le milliard d’individus en marge de la mondialisation qui vit dans la pauvreté ! Ceux qui ont fait échouer les négociations de Seattle se sont-ils rendus compte qu’ils handicapaient en réalité les perspectives d’intégration des pays en développement” ? Comment peut-on créer les conditions qui vont permettre aux investissements directs de se diriger vers les pays d’Afrique et d’Asie du Sud jusqu’ici marginalisés par les flux financiers ? Et comment la communauté internationale pourra-t-elle agir pour mettre les nouvelles technologies de l’information à la disposition de tous les peuples du monde, et notamment des jeunes en Afrique ?

La représentante de l’Afrique du Sud a demandé quelles sont les possibilités qui existent de reconvoquer une réunion des Ministres des pays membres de l’OMC et des pays en cours d’admission pour relancer les négociations bloquées par l’impasse de Seattle ? Comment peut-on recréer la confiance entre les membres de l’OMC sur les questions clés, telles que l’agriculture, les textiles, les services, le travail et l’environnement ?

Le représentant des Pays-Bas a estimé que les pays en développement ont été les principales victimes de Seattle. N’est-il pas temps de mettre en place des mesures de rétablissement de la confiance pour pouvoir discuter dans le cadre d’un véritable “Cycle du développement” ? Comment l’OMC compte-t- elle se prendre pour assurer une pleine participation des pays en développement à ses processus ? de prise de décision ? L’Union européenne, pour sa part, aidera les pays en développement à surmonter les problèmes de préparation des négociations et d’application des Accords (le représentant s’exprimait également en tant que représentant de l’UE).

S’exprimant au nom des pays les moins avancés (PMA), le représentant du Bangladesh a demandé si la mesure prise par l’Union européenne de laisser un certain nombre de produits en provenance des PMA accéder au marché européen sans droits de douane, suffirait réellement à créer les conditions d’intégration de ces pays au système commercial multilatéral ? Sans minimiser les bienfaits de cette initiative, ne serait-il pas plutôt temps de mettre en place un véritable nouveau paradigme du développement ?

Le représentant de la Belgique a dit que la CNUCED n’est pas le forum de négociation de nouvelles règles et accords commerciaux. Mais ne faudrait-il pas reconnaître son importance dans la création de la confiance, sans laquelle aucune négociation sur un nouveau cycle de négociations ne sera possible ?

La représentante de l’Allemagne a dit que des conditions de succès devaient d’abord être réunies avant que l’on pense à convoquer une nouvelle réunion ministérielle de l’OMC. Quel est le fond des négociations qui serait susceptible d’apporter des réponses aux questions des pays en développement ? A-t-elle demandé. Faudrait-il multiplier le genre d’initiatives prises en faveur des pays les moins avancés pour l’accès de leurs produits au marché européen ?

Le représentant de la République dominicaine s’est inquiété de l’interprétation que les pays les plus influents voulaient donner des accords du Cycle d’Uruguay. Comment peut-on mettre des pays sur des “listes noires” à cause de prétendus non-respects de ces Accords, puisque officiellement, aucun “tribunal du respect des termes de l’Uruguay” n’a jamais été créé ? Que va faire le Directeur de l’OMC pour que cette institution soit aussi au service des pays en développement ? Comment peut-on prétendre qu’il y a justice quand le règlement des différends n’est pas impartial ? Et quand et comment mettra- t-on en place, dans ce domaine, des critères applicables à tous sans discrimination ?

Dans ses réponses, M. MIKE MOORE, Directeur général de l’OMC, a dit que depuis Seattle, on s’est rendu compte qu’il fallait adoucir les méthodes d’action de l’OMC. Seattle a permis de mesurer le fossé qui séparait les différents pays et groupes de pays sur des questions cruciales. Le rétablissement de la confiance est donc vital. Cette confiance doit être rétablie, non seulement entre l’OMC et les pays membres, mais aussi entre les différents acteurs et groupes de pays eux-mêmes. Il en est ainsi de la restauration de la confiance entre les deux rives de l’Atlantique. Malgré la sensibilité de certaines questions, a estimé M. Moore, il y a des progrès dans l’étude des solutions à apporter à certains dossiers. Mais pourra-t-on arriver à un nouveau cycle de négociations ? Pour le moment, un grand nombre de personnes estiment qu’il faille se limiter à ce qui a déjà été négocié. L’OMC est sensible aux questions concernant le consensus et la réforme. La nécessité du consensus restera, avec son principal inconvénient, qui est celui du droit de veto détenu quasiment par tous. Ceci limite parfois énormément les possibilités de négociations. L’OMC est consciente de la nécessité d’intégrer davantage les pays en développement à ses processus préparatoires conduisant au choix des ordres du jour et aux prises de décision. Mais il ne faudrait pas se laisser enfermer dans des blocages dus parfois à des différences et des incompréhensions culturelles. Un peu d’humour permettrait parfois de débloquer certaines situations. Nous sommes conscients de la nécessité de la réforme. Il faut aussi que l’on se souvienne que Seattle n’était pas la conclusion d’un processus, mais plutôt le début d’un cycle de négociations. Tout n’est donc pas fini. Souvenons-nous que le Cycle d’Uruguay a duré plusieurs années.

Reprenant la série de questions, le représentant de la Suède a rappelé le consensus sur de l’OMC. Pourquoi le progrès est-il si lent ? Est- ce parce que les pays passent trop de temps à concevoir des stratégies qui ne servent que leurs propres intérêts ? Il est temps que les pays riches versent un premier acompte pour le cycle de négociations sur le développement. Les questions du commerce des textiles, des services et des mesures antidumping, notamment, doivent faire l’objet de l’examen requis. Il faudra bien, tôt ou tard, résoudre ces questions. Le représentant de l’Iran a expliqué que la mondialisation est suscitée par l’expansion des marchés et la modernisation et non pas par les organisations internationales. C’est la gestion de cette mondialisation qui exige la création d’organes dont la première caractéristique doit être l’universalité. Or, ce n’est pas le cas de l’OMC. Le message à tirer de Seattle, a dit le représentant, était la restructuration de l’OMC, en particulier son processus de prise de décisions. Il faut constater que le principe de consensus est, aujourd’hui, remis en question lorsque l’on voit la manière dont, pour des raisons politiques et non commerciales, des Etats, comme l’Iran, se voient refuser leur accession. Le représentant a marqué son opposition à l’insertion de questions portant sur les normes de travail et écologiques dans les réglementations commerciales, à l’instar de plusieurs autres délégations. Il a souhaité le transfert libre de technologies.

L’OMC est une organisation très fermée, a estimé le représentant de l’Inde, en indiquant que l’Organisation traite de questions qui, auparavant, relevaient des politiques internes. Les Etats membres prennent la juste mesure de la rigueur des règles de l’OMC, lorsque qu’ils élaborent leurs textes législatifs nationaux. Les règles de l’OMC en ce qui concerne la propriété intellectuelle, par exemple, sont contraignantes et, il faut bien le dire, elles prouvent qu’elles ont été élaborées pour servir les seuls intérêts des pays développés et ceux de leurs sociétés transnationales. Certains ont la juste impression, a ajouté le représentant, que des disciplines de l’OMC sont contraires aux objectifs de développement. Il faut, en conséquence, procéder à des ajustements en ce qui concerne les Accords du Cycle d’Uruguay et ceux de l’OMC et la prise en compte par l’OMC des difficultés d’application de ses règles. Il est regrettable que l’on parle déjà aujourd’hui d’ajouter d’autres questions à son ordre du jour alors que les pays en développement luttent toujours avec la nature complexe des textes et dossiers déjà adoptés. Le représentant a dénoncé le caractère très juridique de l’OMC en donnant l’exemple de son mécanisme de règlement des différends.

Il faut passer outre l’échec de Seattle et partir de la réalité actuelle, a dit le représentant de la Colombie. Le Costa Rica a souligné que les grands perdants de Seattle sont surtout les pays en développement. Il s’est élevé contre les affirmations selon lesquelles ce sont les divergences entre les pays en développement qui ont conduit à cet échec. Il a souligné que les pays développés ont aussi montré des divergences. Revenant sur le mécanisme de règlement des différends, le représentant s’est félicité de son fonctionnement qui a permis à son pays de l’emporter à deux reprises dans des

cas de règlement de différends. Dans ces conditions, a-t-il dit, l’OMC ne peut être considérée que comme étant une organisation démocratique où les petits pays en développement peuvent faire entendre leur voix. Il faut aller plus loin et faire que l’OMC serve vraiment la cause d’une véritable intégration des pays en développement dans l’économie mondiale. La marginalisation dans l’économie mondiale, a dit, à son tour, le représentant de l’Egypte montre le caractère inefficace des programmes d’assistance technique de l’OMC. Il faut donc mobiliser tous les efforts, en particulier, les efforts financiers, pour assurer l’intégration des pays en développement. Le représentant a demandé une solution à la question de la mise en œuvre des règles de l’OMC. S’attardant à la question de la confiance, il a estimé que son rétablissement dépend de la prise en compte des intérêts des pays en développement. Il s’est opposé à l’adjonction de nouvelles questions dans l’ordre du jour de l’OMC qui se fait prétendument au nom des pays en développement. Nous sommes adultes, laissez-nous ajouter nos propres questions si la nécessité se fait sentir, a-t-il souligné. Mais ne parlez pas en notre nom. Le représentant de l’Equateur a insisté sur les restrictions commerciales, les barrières tarifaires et non tarifaires et les subventions aux produits agricoles faites par les pays développés. Il a exigé que les normes de l’OMC soient honorées afin de préserver l’équilibre entre les droits et les obligations. L’OMC pense-t-elle que la question de la dette extérieure doit figurer à l’ordre du jour des prochaines négociations ? a demandé le représentant. Pourquoi les transnationales continuent-elles de bafouer les règles de l’OMC ? a demandé le représentant de Sainte-Lucie en appelant à l’élaboration d’un code de conduite. Concluant cette série de questions, le représentant du Ghana a indiqué que les pays en développement ne demandent pas de l’aide mais demandent simplement que les règles d’équité soient respectées. Il faut arrêter de croire que l’Afrique est le seul continent où sévissent la corruption, les maladies et les catastrophes. Beaucoup de pays africains prennent des mesures de réforme sans précédent et il est temps que l’Afrique ne soit plus perçue comme étant seulement un continent de débouchés commerciaux où il sera aisé de réaliser des gains commerciaux. Le Venezuela a souhaité que l’OMC ne se contente pas de tenir un nouveau cycle de négociations mais qu’il se pose pour objectif d’améliorer la qualité du dialogue entre pays développés et pays en développement. L’intégration des pays en développement dans l’économie est un moyen d’assurer la viabilité de cette économie mais surtout celle de la société mondiale dans son ensemble.

Répondant à ces questions, le Directeur général l’OMC a souligné, répondant à l’Iran, que l’OMC est dirigée par ses membres et que ce sont les membres eux-mêmes qui décident des procédures d’admission. En règle générale, M. Moore a dit avoir surtout constater, au cours de ce dialogue, une volonté manifeste des Etats membres d’avancer. A cela, il a indiqué que rien n’est encore conclu et décidé à Genève et que le travail se poursuit.

Débat général

M. U WIN AUNG (Ministre des affaires étrangères du Myanmar) : il est décevant de constater que les bénéfices du commerce international continuent d’échapper aux pays en développement. Les progrès vers une véritable libéralisation des secteurs favorables aux pays en développement sont inexistants. L’agriculture, les textiles et l’habillement, ainsi que les migrations et les déplacements des travailleurs semblent avoir été oubliés dans l’ordre du jour des institutions chargées d’élaborer et d’appliquer les accords commerciaux. Les pays développés devraient démontrer leur ferme engagement à ouvrir leurs marchés aux produits des pays pauvres. Le Myanmar soutient la libéralisation progressive du système commercial multilatéral, mais il faut d’abord veiller à mettre en œuvre les accords du Cycle d’Uruguay. Concernant la question du travail, dont il a été tant question à Seattle, nous tenons à rappeler que l’Organisation internationale du Travail est le seul organe mandaté à prendre des initiatives dans ce domaine. Lier les normes de travail aux accords commerciaux ne pourrait qu’handicaper l’évolution du commerce international et toute tentative de le faire grâce à l’OMC doit être perçue comme une tentative protectionniste des pays riches.

Le Myanmar pense que le besoin d’une organisation comme la CNUCED s’impose plus que jamais pour les pays en développement. La CNUCED est le seul forum où nos pays peuvent exprimer leurs points de vue et leurs positions. C’est le seul forum où nous pouvons faire connaître nos opinions sur les déséquilibres de la mondialisation à nos partenaires économiques. D’autre part, notre pays tient ici à soulever la question des pratiques inquiétantes d’usage de sanctions économiques contre des pays en développement. Les mesures unilatérales et coercitives prises par certains pays puissants contre des pays de moindre importance sont tout à fait illégales et contre toutes les règles de l’OMC et celles du droit international. Il en est de même de la pratique qui consiste à donner des accès préférentiels aux produits de certains pays en développement sous des conditions qui n’ont rien à voir avec les normes commerciales internationales, mais qui relèvent de manipulations politiques et diplomatiques internationales.

M. FAKHRI SAGHIYYAH (Liban) : les récentes attaques d’Israël contre le Liban ne font que renforcer la détermination du pays à construire un Liban moderne et démocratique et à résister à l’occupation de ses terres. Le Liban appelle la communauté internationale à condamner sans équivoque cette situation et y à mettre fin. La Xe CNUCED se déroule à un moment où la plupart des pays asiatiques sortent de la crise financière. Le temps est donc venu de réfléchir aux structures de l’économie actuelle. L’évaluation de la situation ne semble pas indiquer une faille macroéconomique dans les pays concernés mais plutôt les risques inhérents à une trop grande libéralisation des capitaux. Le système financier doit être renforcé, en conséquence, et ce renforcement doit s’accompagner de règles strictes

concernant les courants de capitaux. Pour sa part, le Liban est fermement engagé à mettre au point, au niveau international, un plan d’action concernant le commerce et le développement. Il souligne l’importance qu’il attache aux questions telles que le transfert des technologies, l’accroissement des flux des investissements directs étrangers et l’assistance technique aux pays en développement pour les préparer aux négociations commerciales. Dans ce cadre, il est de la plus haute importance d’intensifier la coopération internationale et d’appeler les différentes organisations internationales à adopter une approche intégrée. Malgré les attaques répétées d’Israël et les répercussions de la crise financière, le Liban a pu maintenir sa position dans l’économie mondiale. Cette économie, qui s’est avérée résistante, se dirige maintenant vers une période de croissance durable et ce, grâce à son environnement favorable aux investissements étrangers, au niveau élevé de formation de ses ressources humaines et à l’ouverture de son économie. Le Liban a intensifié sa coopération avec les pays de la région, se plaçant ainsi au rang de pôle économique régional. Le Liban appelle la communauté internationale à tirer parti du réseau, de la diaspora libanaise et de la position géostratégique du pays au Moyen-Orient.

M. DAN ABODAKPI (Ministre du commerce et de l’industrie du Ghana) : on a dit que la mondialisation permettrait aux différents pays, quels que soient leurs niveaux de développement, de tirer avantage des opportunités de croissance qu’elle crée. La mondialisation, en principe, a le potentiel d’apporter des possibilités de bénéfices à tous les pays, et particulièrement à ceux en développement. Mais en réalité, nous savons que les bénéfices de la mondialisation ne se produisent pas du jour au lendemain, et que le phénomène, au contraire, est porteur de frustrations, de peurs et d’énormes risques qui peuvent mettre en difficulté beaucoup de pays. L’Afrique, en ce qui la concerne, n’est pas encore sortie des ses anciens problèmes, à savoir le manque de personnel qualifié, l’absence d’infrastructures et de maîtrise technologique, le manque d’investissements, le poids énorme de la dette et la baisse de l’Aide publique au développement. Selon le dernier “Rapport sur le commerce et le développement” de la CNUCED, l’investissement direct étranger était de moins de 5 dollars par tête d’habitant en Afrique en 1999, pendant qu’il était de 62 dollars en Amérique latine, et de 31 dans les pays de l’ASEAN. Au même moment, ce montant par tête d’habitant était de 3 dollars en Ouganda, 6 au Ghana, 21 en Chine, 35 au Brésil, 79 au Mexique et 223 en Malaisie. Le même rapport note que malgré la faiblesse des investissements en Afrique subsaharienne, ces investissements continueront de décroître. Les perspectives du continent dans le cadre de la mondialisation sont donc quasiment nulles. Les espoirs nés du Cycle d’Uruguay, notamment en raison des espoirs d’un meilleur accès aux marchés, ont été déçus. Les traitements préférentiels et différenciés ont rarement été appliqués. Les réductions tarifaires ne couvrent pas la plupart des produits importants pour les pays d’Afrique et les autres pays en développement. Des droits douaniers exorbitants continuent d’être imposés aux produits de confection, aux textiles et à la chaussure, qui sont des secteurs où les pays en

développement sont les plus compétitifs. Des tarifs agricoles élevés, l’existence de crêtes tarifaires et la montée des droits de douanes bloquent l’entrée de la plupart de nos produits sur les marchés de pays riches et de douteuses mesures sanitaires et phytosanitaires, bien au-dessus des normes internationalement agréées sont venues s’ajouter à la panoplie protectionniste. Toutes ces raisons ont contribué à la dégradation économique et sociale en Afrique.

L’Afrique souhaiterait qu’une solution urgente et sérieuse soit trouvée au problème de la dette, qui est le principal obstacle à ses efforts de développement. L’euphorie suscitée par l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) s’est vite évanouie. La PPTE ayant vite montré ses limites, en raison des conditionnalités qui ont exclu la majorité des pays. Nous accueillons par conséquent avec un certain espoir la proposition du G7 à Cologne. L’Afrique a besoin d’un nouveau paradigme du développement qui s’adapterait aux circonstances, aux réalités et aux besoins de chaque pays, et irait au-delà de la libéralisation, de la stabilisation et des privatisations, pour créer les structures institutionnelles nécessaires à une transformation sociale qui permettrait d’intégrer les pays pauvres à l’économie mondiale.

M. JORGE VALDEZ (Vice-Ministre des affaires étrangères du Pérou) : la consolidation et le progrès de la libéralisation du commerce sont des éléments structurels de la réalisation d’une économie mondialisée. Ce qu’il faut c’est adopter des stratégies à long terme pour créer un système commercial plus juste et plus équilibré. Il faut mettre en œuvre les dispositions concernant les traitements spéciaux et différenciés et les mesures en faveur des PME. Il est de plus en plus important, que la capacité d’acquérir les connaissances technologiques s’accroisse. Une économie qui n’est plus basée sur les matières premières constitue un véritable défi en matière d’éducation. La dimension sociale doit être intégrée dans la mondialisation. Les pauvres des pays en développement ne doivent plus souffrir de l’expansion du marché. Le nouveau paradigme de développement doit viser à accroître la compétitivité des entreprises tout en créant des emplois.

M. KASSAHUN AYELE (Ministre du commerce et de l’industrie de l’Ethiopie) : la croissance économique de l’Afrique est demeurée décevante au cours de la décennie écoulée et est loin d’être proche des 6% de taux de croissance annuelle qui permettraient d’aller vers un rétablissement économique et le développement du continent. Toute l’Afrique a connu un déclin, malgré les efforts déployés pour mettre en place un cadre économique plus sain à travers des ajustements structurels et des réformes macroéconomiques. La situation des pays les moins avancés, apparaît sans espoir dans le contexte actuel. Sur le plan intérieur, la conjugaison de facteurs négatifs politiques, économiques et d’environnement naturel a aggravé la dégradation sociale de nos pays. La dégradation de

l’environnement, les désastres naturels, la croissance de la population, les conflits armés, la déstabilisation politique, le faible taux d’épargne et d’investissement, et la dépendance envers un seul produit ou deux produits d’exportation, sont parmi les causes du retard des pays africains. Mais, étant reconnu que nos pays font preuve de bonne foi en s’efforçant d’assainir leur environnement économique, la communauté internationale devrait trouver des moyens pratiques pour aider les pays en développement, et notamment ceux d’Afrique, à bénéficier des opportunités de la mondialisation tout en leur permettant d’en minimiser les effets négatifs. L’Ethiopie, est un des pays les moins avancés, pauvre et enclavé. Après avoir connu l’économie centralisée pendant deux décennies, notre pays s’est attaché à appliquer les règles d’une économie libérale depuis 1991. Mais malgré nos efforts, il apparaît que pour atteindre des résultats économiques décents et durables, nous avons besoin de ressources extérieures, notamment grâce à l’Aide publique au développement et aux investissements étrangers directs. L’Ethiopie se réjouit des préparatifs de la troisième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés, qui se tiendra à Bruxelles en 2001. Cette rencontre permettra de discuter des voies et moyens permettant de mettre fin au déclin économique et à la marginalisation croissante de ce groupe de pays, dont nous faisons partie.

M. ALFRED MABIKA (Ministre du commerce, du tourisme, du développement industriel et de l’artisanat du Gabon) : l’environnement peu favorable au développement du secteur privé, la faiblesse des ressources investies, des ressources humaines de conception indisponibles et une main-d’œuvre peu formée, la faiblesse des infrastructures économiques et sociales, le rôle économique ambigu de l’Etat, l’opacité dans la gouvernance, la corruption, un endettement stérile, expliquent ces résultats mitigés et contrastés des économies africaines. Face à ce constat, une reformulation des stratégies de développement s’impose. Ce d’autant que, quels que soient les bénéfices de la mondialisation, on ne peu occulter les obstacles additionnels qu’apporte l’interdépendance entre pays. La participation aux échanges mondiaux impose de faire face à la concurrence et à la compétitivité. Il faut dès lors se préoccuper de la qualité de la norme de production et utiliser des technologies adaptées. Il s’agit d’exigences difficiles à satisfaire au regard de leur coût mais qui pénalisent fortement notre offre sur les marchés.

Le Gabon a entrepris une réflexion visant à élaborer sa propre stratégie de développement. Il l’a baptisée “la loi de développement”, une sorte de vision économique et sociale à moyen terme (sur 7 ans) qui retrace les politiques sectorielles à suivre dans un cadre intégré et cohérent, compatibles avec les revenus ou les capacités financière du pays. Les créanciers contribuent à la paupérisation et la ruine des pays débiteurs alors que nous considérons que la réduction de la pauvreté devrait constituer un objectif de ce millénaire. Mon pays, à ce titre, consacre 60% de ses recettes budgétaires au service de la dette. C’est pourquoi le Gabon est attaché à une solution globale du problème de l’endettement. La CNUCED doit

être le lieu du dialogue sur le développement et les problèmes connexes. La CNUCED pourrait amplifier son appui à leur solution par un rôle de conseil dans l’élaboration des stratégies nationales, d’intermédiation dans les négociations, de l’assistance avec les autres institutions ou organismes qui soutiennent le développement de nos Etats.

M. KIMMO SASI (Ministre du commerce extérieur de la Finlande) : de nombreux efforts d’amélioration de la coopération multilatérale ont été déployés au cours des années passées. Par exemple, nous avons tous participé aux travaux de réformes du système de l’ONU et à la création de son nouvel Agenda mondial. La Finlande estime que le suivi des grandes conférences des Nations Unies devrait mettre l’accent sur les Plans d’action adoptés par la communauté internationale au cours de la décennie écoulée, et notamment sur leur mise en application sur le terrain. Le cadre général de développement, récemment proposé par la Banque mondiale, peut aider à réunir au niveau national tous les acteurs bilatéraux et multilatéraux travaillant en coopération et avec cohérence avec les décideurs nationaux pour atteindre les objectifs mondiaux du développement, en particulier l’élimination de la pauvreté. La base du progrès dans tous les secteurs liés au commerce réside dans un cadre politique, social et économique stable qui s’appuierait sur la démocratie, la primauté du droit et le respect des droits de l’homme. Ceci est aussi vrai en ce qui concerne la mise en œuvre des accords commerciaux multilatéraux. L’interdépendance croissante au niveau mondial souligne l’importance d’un cadre commercial multilatéral prévisible et transparent, ce qui pourrait se résumer par le slogan : “des règles identiques pour tous”. Ce constat est encore plus évident, quand surviennent des crises économiques et qu’apparaît la tentation d’actions commerciales unilatérales. Les récentes crises régionales d’Asie et d’Amérique latine ont démontré la pertinence de cette analyse.

La Finlande pense que la CNUCED a un rôle unique à jouer en ce qui concerne l’aide dont les pays en développement ont besoin pour bénéficier d’un système commercial multilatéral régulé. A cet égard, elle devrait spécialement fournir un soutien et des options de choix aux décideurs des pays en développement. Les choix de décisions, que permettent les résultats que l’on tire de l’application d’un programme d’ajustement structurel bien mené, devraient pouvoir être pris de manière consciente et ambitieuse. Ces possibilités de choix devraient renforcer la capacité des pays en développement à prendre part et de s’intégrer profondément au processus de libéralisation et de mondialisation en cours. La Finlande pense que la CNUCED peut jouer un rôle central de visionnaire et de pont entre pays développés et pays en développement.

Mgr GUISEPPE BERTELLO (Nonce apostolique, Chef de la délégation du Saint-Siège) : l’accroissement considérable des richesses s’est fait au prix d’une polarisation de la société entre riches et pauvres et d’un creusement des inégalités soit entre pays soit entre les membres d’une même société (y compris des sociétés développées). De plus, beaucoup de pays les moins avancés (PMA) connaissent, en dépit des programmes spéciaux adoptés en leur faveur, une paupérisation croissante, accompagnée par une montée constante

des difficultés sociales, qui dégénèrent souvent en déstabilisation politique et en violences plus ou moins contrôlées. L’accroissement disproportionné du secteur financier, comparé à l’ensemble de l’économie, qui, par le jeu d’une spéculation échappant à tout contrôle, rend plus difficile la recherche de prix équitables et rémunérateurs pour les biens produits et fait baisser les bénéfices provenant de l’activité industrielle. Devant cette situation, ce qui est requis, c’est un effort extraordinaire pour mobiliser les ressources nécessaires vers des objectifs de croissance économique et de développement commun et redéfinir les priorités et les échelles des valeurs pour des choix économiques et politiques capables de construire, par un travail solidaire, un développement dans un sens intégralement humain. Le Saint-Siège est conscient que les innovations technologiques ont permis l’apparition d’un nouveau type d’économie – extrêmement compétitive et à haute intensité en matière de connaissance – et que le processus de globalisation, par l’unification des marchés, de l’espace et de la communication, a renouvelé et donné une impulsion sans précédent au monde de la production et des finances, ainsi qu’au commerce des biens et des services. Le développement, la lutte contre la pauvreté et le commerce sont désormais étroitement liés entre eux.

Dans une époque où le facteur décisif de l’économie est l’homme avec sa capacité de connaissance et d’organisation – et non plus la terre ou le capital – l’expérience montre qu’on a obtenu les plus grands succès dans le développement et dans la réduction de la pauvreté là où on a investi dans le capital humain. Ma délégation formule le vœu que la présente Conférence, mobilise les consciences et suscite une action d’ensemble capable de rechercher des solutions plus humaines aux problèmes des peuples laissés en marge du processus de la mondialisation et décide ce qu’il faut faire pour promouvoir une économie solidaire.

M. MICHAEL BARTOLO (Malte) : les pays en développement sont conscients de leur responsabilité en matière de croissance et de développement. Malte n’a pas été en reste puisqu’il a encouragé le commerce, les mouvements des capitaux et une redistribution des revenus plus équitable sur son territoire. Cette tendance se poursuit alors que le pays s’apprête à rejoindre l’Union européenne. Le débat doit concerner la pertinence des institutions internationales en ce qui concerne le développement. La CNUCED a un rôle bien établi en tant que centre de recherche des questions liées au commerce et au développement. Les trois piliers de la CNUCED permettent une approche intégrée des questions dont l’application fait l’objet de divergences. Son travail analytique doit éclairer le processus des négociations commerciales et permettre le consensus. Malte participe activement à la réforme des Nations Unies et reconnaît l’importance que la CNUCED pourrait avoir dans une Organisation réformée. Une CNUCED pertinente est une CNUCED qui reconnaît son rôle et ses limites. Personne ne demande qu’elle remplace l’OMC mais chacun convient qu’elle peut jouer un rôle plus important dans le processus d’intégration des pays en développement dans l’économie mondiale. La priorité est de ne pas donner raison aux plus violents et les laisser prendre l’avantage.

M. ABDOULKADER CISSI (Ministre du commerce de l’industrie et de l’artisanat du Burkina Faso) : la présente session sera l’occasion de réactiver la coopération internationale pour stimuler le développement des pays en développement et en particulier des PMA par la définition de nouvelles orientations qui permettent de lutter contre la pauvreté et d’empêcher la marginalisation d’une grande partie de la population mondiale. Or, que constatons-nous ? La diminution drastique de l’Aide publique au développement qui, en 1997, représentait moins de 0,25% du PNB des pays membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE, contre 0,33% en 1992. Dans le même temps, l’accroissement significatif des investissements directs étrangers se fait attendre, notamment en Afrique. Alors que la croissance des flux mondiaux d’investissements étrangers atteignait 39% au cours des années 90, les pays en développement bénéficiaient de 37% de l’ensemble de ces flux, contre 1,2% seulement à l’Afrique. Il est un autre handicap dont souffrent les pays en développement : le marché des pays du Nord n’est pas aisément accessible aux produits originaires du Sud. La libéralisation du commerce international est devenue le passage obligé pour l’accélération de la croissance et du développement, d’où la nécessité de poursuivre une politique commerciale ouverte et libérale suivant les Accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et dont les avantages seraient équitablement répartis.

Au Burkina Faso, nous sommes convaincus que la mondialisation s’inscrit désormais dans le courant de l’histoire des peuples car affectant de nombreux domaines de leurs activités économiques quotidiennes. Le Burkina Faso, en tant que membre fondateur de l’Organisation mondiale du commerce, entend jouer le jeu du système commercial multilatéral. Nous faisons de l’intégration économique régionale notre cheval de bataille au niveau des ensembles d’intégration économiques que sont l’Union économique et monétaire ouest africaine et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour que notre peuple puisse tirer profit de la mondialisation.

M. HARALD KREID (Chef de la délégation de l’Autriche) : l’idée maîtresse de la mondialisation est celle de la liberté des marchés. Selon cette idée, plus vous permettez à ces marchés d’opérer, et plus vous ouvrez votre économie aux échanges et à la compétition, plus elle deviendra efficace et orientée vers la croissance. C’est ce message que nous avons reçu ce matin de M. Mike Moore, Directeur général de l’OMC. Avant son poste de professeur à Harvard,

Joseph Schumpeter, ancien Ministre des finances autrichien, disait que l’essence du capitalisme et du libre marché était le “processus de destruction créative”, cycle perpétuel de destruction de tous produits ou services dépassés, au profit de produits et de services plus performants. Suivant donc l’idée de Schumpeter, les pays qui acceptent le mieux de laisser la loi du marché détruire les compagnies insolvables et improductives en vue de dégager des ressources qui seront ensuite consacrées à des investissements plus productifs, sont ceux qui réussiront dans la nouvelle économie. Par contre, ceux dont les gouvernements veulent jouer l’interventionnisme iront à la faillite. Des exemples récents ont montré que Schumpeter a raison, mais comme nous l’avons aussi vu, après la crise de l’Asie du Sud-Est, le laisser-faire à tout prix n’est pas sain, si on veut résoudre les conséquences sociales d’une crise.

Le rôle des gouvernements est devenu une question importante dans les stratégies de développement. Il est devenu indéniable que la qualité de l’organisation des structures gouvernementales est un ingrédient important de réussite. La capacité à faire face aux inévitables hauts et bas du processus de mondialisation réside, en grande partie, dans la qualité des institutions financières et juridiques de chaque pays, et dans la pertinence de sa politique macroéconomique, toutes ces prérogatives sont sous le contrôle des gouvernements et des bureaucrates. Les dirigeants des pays du Sud semblent, à cet égard, avoir compris que la réussite dans une économie mondialisée, exige non seulement un marché fonctionnel, mais aussi une société nationale bien organisée et entreprenante. Ce constat, comme l’a dit Joseph Stiglitz, chef économiste de la Banque mondiale, doit donc amener les institutions multilatérales et les partenaires bilatéraux à ne plus percevoir les pays comme des marchés émergents, mais plutôt comme des “sociétés émergentes”. Les pays seraient alors jugés et classés d’après la qualité de leurs systèmes gouvernementaux et judiciaires, de leurs structures de règlements des disputes, de leur filets de sécurité sociale, du règne de l’état de droit et du niveau opérationnel de leurs économies. Ceci nous amène à constater, avec le Professeur Dani Rodrik de Harvard, que ce n’est pas la question de vouloir oui ou non mondialiser qui, à ce stade de la réflexion, se pose, mais plutôt celle de comment, et sous quelles structures, vous vous joignez à la mondialisation.

M. TORBEN BRYLLE (Sous-Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères du Danemark) : la mondialisation est une opportunité mais aussi un défi pour tous les pays. Il convient de trouver les moyens de multiplier les aspects positifs de cette mondialisation et d’atténuer ses aspects négatifs. Les préoccupations des pays en développement doivent être au centre des prochaines négociations de l’OMC qui doivent porter sur l’accès sans conditions des PMA aux marchés sur les demandes relatives à l’assistance technique sur la modernisation des modalités relatives aux traitements spéciaux et différenciés et sur la mise en œuvre complète des Accords du

Cycle d’Uruguay. Pour le Danemark, les efforts tendant à améliorer le système commercial international ne sauraient conduire à négliger les impératifs des droits de l’homme. C’est pourquoi les normes du travail et celles de l’environnement doivent faire partie intégrante des négociations commerciales. La nécessité d’une complémentarité entre l’Etat et le marché étant aujourd’hui reconnue, il revient aux pays en développement de promouvoir leur secteur privé et de créer un environnement qui leur soit favorable. Cet environnement ne doit pas se limiter aux seuls aspects économiques mais devra s’étendre au social, à la démocratisation des institutions à la primauté du droit, au respect des droits de l’homme et à l’émancipation des femmes.

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Rectificatif : Dans notre communiqué TAD/BKK/9 du 15 février 2000, page 10, le nom du représentant de la Mauritanie était le suivant : M. Mohammed Saleck Ould Mohamed Lemine.

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