En cours au Siège de l'ONU

CNUCED/B/246

L'OIT MET L'ACCENT SUR LA NECESSITE D'INTEGRER LE SOCIAL DANS LA MONDIALISATION

15 février 2000


Communiqué de Presse
CNUCED/B/246


L’OIT MET L’ACCENT SUR LA NECESSITE D’INTEGRER LE SOCIAL DANS LA MONDIALISATION

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Le Directeur général de l’OIT reconnaît la complexité de la question du travail

des enfants et appelle les gouvernements à s’impliquer davantage dans cette lutte

Bangkok, 15 février -- La révolution technologique est le seul aspect irréversible de la mondialisation, et les politiques commerciales et monétaires qui l’ont accompagnée peuvent être modifiées, a observé le Directeur général de l’Organisation internationale du Travail (OIT), M. Juan Somavia, au cours du débat interactif de la dixième session de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). M. Somavia qui s’exprimait à la réunion de ce matin sur la dimension sociale de la mondialisation a dressé un tableau sombre des coûts sociaux de l’économie mondialisée. Le “travail décent”, élément fondamental de l’intégration sociale, est devenu, selon le Directeur général de l’OIT, une denrée rare. Il a vu dans l’explosion de l’économie informelle, qui avance au même rythme que l’économie de l’informatique, un danger qui risque d’engendrer la remise en question du fondement même de la mondialisation, l’ouverture des marchés. M. Somavia a imputé l’échec social de la mondialisation à l’absence d’une démarche intégrée dans l’élaboration des politiques. L’économique, le social et l’écologie doivent être perçus dans leur complémentarité et l’impact qu’ils ont les uns sur les autres. Il faudra changer les politiques, a dit le Directeur général de l’OIT, sinon ce modèle “qui ne produit pas de résultats positifs pour tous risque de s’effondrer”. Il s’est félicité que le Fonds monétaire international (FMI) ait récemment reconnu cette nécessité après tant d’années d’existence.

Les propos de M. Somavia ont suscité des commentaires au cours desquels l’accent a été mis sur la responsabilité des gouvernements quant à la création d’un environnement social qui mette à l’abri des dangers de la mondialisation. A cet égard, des délégations ont mis en exergue le manque de ressources en raison de la baisse de l’APD, au fardeau de la dette extérieure et au manque d’accès au marché mondial. Cette question a permis à l’Afrique du Sud de marquer son opposition aux tentatives de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) d’intégrer les questions d’environnement et les normes de travail dans les règles commerciales, et de préciser que ces dernières doivent demeurer dans les prérogatives de l’OIT. Concernant les normes de travail, M. Somavia a reconnu le caractère

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complexe de la question du travail des enfants qui, a-t-il convenu, est intrinsèquement lié à la pauvreté. Il ne s’agit pas de condamner cela sur la base d’une quelconque valeur morale. Il s’agit plutôt d’attaquer le problème sous un autre angle et de mener une lutte acharnée contre les employeurs qui se livrent à de telles violations des droits de l’enfant. M. Somavia a appelé les gouvernements à s’impliquer davantage dans cette lutte en leur rappelant l’engagement qu’ils ont pris de mettre en oeuvre les conventions pertinentes qu’ils ont eux-mêmes signées.

La lutte contre le travail des enfants, en conséquence, contre la pauvreté, sans l’intégration économique, a constitué le thème essentiel du débat général qui a suivi le dialogue avec le Directeur général de l’OIT. Le Ministre du commerce extérieur et de l’industrie de la Malaisie a dénoncé le fait que les Accords du Cycle d’Uruguay ne sont pas réellement mis en application alors qu’en même temps l’OMC demande l’application de règles que les pays en développement n’ont ni les moyens ni la volonté d’utiliser. Des appels ont été lancés pour que la CNUCED assiste les pays en développement dans la formulation d’un ordre du jour pour les prochaines négociations commerciales de l’OMC.

Les représentants des pays suivants ont pris la parole : Pays-Bas, Malaisie, Afrique du Sud, République de Corée, Maroc, République tchèque, Mongolie et Chili. L’Observateur de l’Organisation de l’unité africaine (OUA)et la Présidente du Conseil de l’Union interparlementaire ont fait également des déclarations.

La Xe CNUCED poursuivra son débat général cet après-midi à 15 heures.

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Débat interactif

M. JUAN SOMAVIA, Directeur général de l’Organisation internationale du Travail (OIT), intervenant sur le thème de la dimension sociale de la mondialisation, a souligné que l’important est d’essayer de comprendre les problèmes en se mettant à la place des hommes, des femmes et des enfants concernés. Les erreurs politiques viennent, en effet, du manquement à agir de la sorte. Le monde d’aujourd’hui est caractérisé par l’incertitude, l’insécurité, l’anxiété, le sentiment que les choses se produisent très rapidement et simultanément à des endroits différents. Dans ce contexte, personne ne comprend rien et chacun a le sentiment que les gouvernements ne peuvent rien et que les institutions internationales continuent d’agir de manière sectorielle sans pouvoir définir de stratégies globales. La question fondamentale est de savoir comment répartir les richesses et assurer ainsi la justice sociale. Aujourd’hui, au sortir même de l’école ou de l’université, le jeune s’entend dire qu’il devra se recycler. Le sentiment général est que l'”on ne sait pas où on va”. Comment concilier les impératifs de la compétitivité tout en gardant la cohésion sociale ? Telle est la question qui plonge chacun dans l’incertitude. La responsabilisation accrue de l’individu, exigée par l’économie de la mondialisation, constitue une trop grande pression; lutter pour ne pas être le perdant du monde mondialisé. L’impact psychologique de cette pression doit être pris en compte car il a un effet réel sur la famille, élément central de la cohésion sociale. Quelle est donc la solution au problème de l’exclusion sociale et de la pauvreté ? Chacun est tenté de répondre en affirmant que l’emploi représente le premier pas vers l’intégration sociale.

Le travail décent et de longue durée, qui constitue l’aspiration la plus légitime de l’être humain, est pourtant devenu une denrée rare dans l’économie mondialisée. Les bénéfices de l’économie n’atteignent pas un grand nombre de personnes. Il faut se demander pourquoi et trouver une réponse à cette question. Aujourd’hui, il est préoccupant de constater que l’économie informelle et l’économie d’information se développent à la même vitesse. C’est une situation dangereuse du point de vue politique, puisqu’elle peut engendrer une remise en question de l’ouverture des économies. Il faut donc insérer un pilier social dans la mondialisation. Cela signifie qu’en termes politiques, il faut renforcer simultanément l’économie et le social. Il faut donc une nouvelle pensée économique. Il faut qu’économistes et sociologues pensent à l’impact de leurs propositions dans chacune de leur discipline sur la société. Allons plus loin et intégrons l’économie, le social et l’écologie. Ce manque d’approche intégrée est la cause principale de l’échec de la mondialisation. Comment donc concilier l’efficacité sociale et l’efficacité économique. La réponse est qu’il faut que le marché fonctionne pour tout le monde et offre un travail raisonnable pour tout le monde.

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L’on prétend aujourd’hui que la mondialisation est inévitable. Cela n’est pas vrai. Il y a un aspect inéluctable, en effet, et positif, qui est celui de la révolution de l’information. En revanche, les politiques monétaire, économique, commerciale, sociale, qui ont accompagné cette révolution technologique, ne sont pas irréversibles. Il est possible de les ajuster. La mondialisation n’est donc pas intouchable. Les politiques doivent être changées sinon ce modèle, qui ne produit pas les résultats escomptés, ne pourra pas durer. Il n’est plus possible de dire « désolé », mais à court terme vous aurez des coûts sociaux très importants et « pardon aux pauvres et aux malades », comme c’est le cas aujourd’hui pour les programmes d’ajustement structurel. Pourquoi les retombées de ces programmes doivent d’abord toucher les plus vulnérables ? Est-il inévitable que ce soient les plus faibles qui payent le prix le plus fort ? Il faut être sérieux et admettre que si les lois du marché ne respectent pas les priorités des populations, rien ne pourra fonctionner, a observé M. Somavia.

Nous commençons à être excédés par la solution unique qui devrait convenir à tout le monde. Le remède unique est dépassé. La spécificité d’une situation nationale ou régionale doit être prise en compte dans cette situation mondialisée. Dans ce contexte, l’OIT a entrepris une modernisation sous l’angle du droit du travail et de la protection sociale. Une des forces de l’OIT est que son organe directeur comprend des employeurs et des travailleurs. L’Organisation travaille donc dans le concret. L’OIT a également un ordre institutionnel visant à encourager le dialogue social, élément fondamental. Si nous réussissons, nous devrions réussir grâce à ce que feront les PME : les grandes entreprises ne créent pas suffisamment d’emplois. Il faut donc être prudent quant à la manière d’organiser les lois de la concurrence et savoir que la protection et la promotion des PME sont des éléments clé de la stabilité sociale de l’avenir. S’agissant des normes sociales, il faut dire qu’il existe un ensemble de règles du travail défini par la communauté internationale comme un objectif commun. L’OIT a 190 Conventions qu’il revient aux pays de signer librement. Le Sommet mondial de Copenhague a pris huit de ces Conventions pour les intégrer dans le Programme d’action. Il n’y a donc pas désaccord. Librement, la communauté internationale a fait de la mise en œuvre de ces Conventions un objectif commun. Dans ce contexte, l’OIT donne des informations de l’état d’avancement de cette mise en œuvre, conformément aux modalités arrêtées à la suite de Copenhague. Le débat qui dure depuis dix ans sur les normes du travail et le commerce fait l’objet de l’attention de l’OIT. L’Organisation travaille sur le lien entre ces deux éléments et la nature de ce lien. Pour l’OIT, il faut s’attaquer à ces problèmes en ayant à l’esprit la nécessité de travailler ensemble.

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Dialogue

Abondant dans ce sens, le représentant de la Tunisie a fait une déclaration pour appeler la communauté internationale à œuvrer ensemble pour faire de la mondialisation un instrument au service de tous. La représentante de l’UNIFEM a mis l’accent sur les emplois à bas revenus que les femmes continuent d’occuper majoritairement et leur corollaire les mauvaises conditions de travail et le manque de sécurité de l’emploi. Il faut arrêter une stratégie qui consistera à appuyer les femmes entrepreneurs, à collecter des données sur les conditions de travail des femmes dans le contexte de la mondialisation, à comptabiliser le travail des femmes au foyer et à analyser la contribution des femmes à l’économie, a-t- elle notamment dit. Le commerce peut être bénéfique mais il faut regarder de près son impact sur les enfants dans un monde où l’économie informelle est en expansion et où le commerce électronique a explosé, a souhaité la représentante de l’UNICEF en appelant à la vigilance. Intervenant à son tour, le représentant de l’Afrique du Sud s’est opposé à toute idée d’inclure dans l’ordre du jour de l’OMC des normes de travail et de l’environnement. Cette idée, a-t-il dit, reflète un manque de sensibilité aux différences historiques et aux différents stades de développement. L’OMC est mal placé pour traiter des questions sociales qui reviennent de plein droit à l’OIT. Après lui, le Rapporteur spécial sur la dette à la Commission des droits de l’homme, a rappelé que la création de son poste a suscité les réticences des pays développés montrant ainsi leur opposition à s’attaquer sincèrement à cette question. Le problème de la dette, a-t-il dit, est un problème de développement urgent et il faut y faire face. Le Rapporteur sur la dette fait le lien entre le problème de la dette et la Convention sur l’élimination des pires formes du travail des enfants. Ce lien n’est pas seulement de nature analytique, a-t-il souligné, en se demandant comment sortir les enfants des usines, si ce n’est en exhortant les Nations Unies à aider les institutions de Bretton Woods à élaborer des instruments efficaces de lutte contre la pauvreté.

Le représentant de l’ONG “Child Mission” a regretté que la pauvreté soit toujours perçue comme une conséquence de l’économie donc comme un élément économique. Or, il serait temps de se pencher sur la pauvreté en tant que problème à part entière. Il est d’ailleurs intéressant de constater, a-t-il dit, que les Nations Unies ont plusieurs départements, institutions ou fonds chargés de la paix, de l’économie, du social ou du développement, mais pas de la pauvreté. Pourquoi la CNUCED ne tiendrait pas un rôle de chef de file pour créer un réseau voué aux problèmes de la pauvreté, a-t-il proposé. Rassemblons l’OIT et la CNUCED et voyons comment mettre au point ce projet. Les organisations internationales ne pourront rien contre la pauvreté tant qu’elles ne disposeront pas des ressources suffisantes, a estimé pour sa part le représentant de l’Egypte. Le nœud du problème, c’est le financement du développement, a dit le représentant du Guatemala, en trouvant éloquent que le Plan d’action de la CNUCED ne parle pas de cette question. Le représentant s’est, à cet égard, félicité de la déclaration du Directeur général qui allait dans ce sens, en regrettant toutefois qu’il ne tienne de tels propos qu’au moment où il décide de

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quitter son poste. L’Alliance internationale de coopération a, par la bouche de son représentant, mis l’accent sur ce qui doit être pris en compte dans les stratégies de lutte contre la pauvreté, à savoir les valeurs auxquelles tiennent les pauvres; en particulier les valeurs culturelles. Pour la représentante de la Bolivie, la tâche fondamentale de l’OIT doit être de rétablir la confiance dans la capacité de pouvoir s’opposer à “la vassalisation” à un groupe de pays qui veulent imposer une stratégie unique. Il faut renforcer la capacité des gouvernements à réglementer leurs économies à un moment où même les syndicats perdent de le pouvoir.

Le représentant du Costa Rica est revenu sur la responsabilité des gouvernements dans la définition des politiques qui ne se font pas seulement au niveau des organisations internationales. Il faut aussi évoquer cette responsabilité dans la création d’un environnement interne propre à faire que la mondialisation profite à tous. Il s’agit des politiques de santé, d’emploi ou encore d’éducation. Il est fondamental que devant les défis de la mondialisation, les gouvernements assument leur responsabilité pour ce qui est du développement et de l’amélioration des conditions de vie de toutes les populations. La mondialisation à visage humain ne peut venir que de la volonté politique de tous, a dit le représentant de Cuba.

Commentant ces observations, le Directeur général de l’OIT s’est arrêté sur la question des ressources. Pour lui, elles doivent provenir du secteur public mais aussi du secteur privé. Il faut donc étudier la manière dont les ressources de ce dernier peuvent venir en appui aux activités sociales. Ce ne sont pas les ressources qui manquent, c’est leur affectation qui pose problème. Le Directeur général s’est aussi félicité de l’intervention de l’UNICEF qui a, a-t-il dit, abordé un problème éthique qui doit devenir une préoccupation mondiale. L’OIT reconnaît la complexité de la question du travail des enfants. Il ne s’agit pas de condamner la chose sur une base morale mais l’on est tout de même en droit de se demander quel type de patron ou de société commet de tels actes. La communauté internationale a l’occasion unique de demander aux gouvernements de s’impliquer dans la lutte contre le travail des enfants.

Débat général

M. VIJAY S. MAKHAN ( Secrétaire général adjoint de l’Organisation de l’unité africaine - OUA) : la Xe CNUCED devra définir les termes susceptibles de conduire les pays, notamment en développement, sur le chemin du développement en ce début de siècle. Au moment des indépendances des pays africains, la compétition qui existait entre idéologies rivales définissait le développement en des termes antagonistes, promettant chacun la plénitude à toutes les nations et à tous les peuples. Aujourd’hui, après la fin de la guerre froide, savoir comment la mondialisation peut se construire en faveur de tous les peuples et de tous les pays, n’est pas seulement une question technique mais implique aussi une série de choix politiques. On ne pourra pas nier qu’il est indispensable de redonner aux

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pays la pleine responsabilité de leurs propres développements, qui varient selon les circonstances et réalités de chacun, et le dernier Sommet de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) à Syrte (Libye), a réitéré cette donnée. Les politiques de développement doivent appartenir aux peuples et aux pays qui en ont besoin, et elles doivent exprimer et refléter les vrais besoins de ces pays. La propriété des décisions de développement implique la prise de responsabilité, et les pays africains n’hésitent pas aujourd’hui à reconnaître leur part de responsabilité dans les échecs du passé. L’Afrique connaît des problèmes majeurs qui sont autant d’obstacles sur la voie du développement, notamment les différents conflits qui la déchirent, et la balkanisation du continent qui en rend les marchés nationaux totalement inopérants et improductifs dans le contexte actuel. Les maladies, dont notamment la pandémie de sida constituent des fléaux sérieux et des obstacles à toute projection dans le futur, en particulier au développement. Nous espérons que la Xe CNUCED pourra dégager les recommandations permettant de donner au continent africain l’expertise et l’assistance dont il a tant besoin pour se repositionner dans le contexte actuel.

Le développement est possible, mais n’est pas inévitable, et l’histoire a surtout montré qu’il résulte aussi des échanges techniques ou culturels entre les peuples. L’interdépendance est une donnée immuable du développement. Mais en ce qui concerne l’Afrique, la solidarité internationale en sa faveur a souvent fait défaut et les courants financiers ont été cruellement absents au moment où le continent en avait le plus besoin. Nous pensons que le plan d’action de la CNUCED devrait inclure une proposition sur une revue indépendante de la situation de la dette de l’Afrique, dont la résolution est indispensable pour donner au continent toute chance de redressement. L’Afrique a besoin de traitements préférentiels et de temps, et ceci encore pour longtemps. Concernant l’OMC, malgré l’échec de Seattle, les questions qui devaient y être discutées restent pertinentes. L’interdépendance doit prévoir une base morale de relance de la coopération entre riches et pauvres, et de considération du développement comme base de toute politique économique internationale. Le remaniement de la Convention de Lomé est un exemple qui prouve que des avancées sont possibles quand la bonne volonté existe.

M. GERRIT YBEMA (Ministre du commerce extérieur du Royaume des Pays- Bas) : la mondialisation est là pour rester, et aucun de nous ne pourra l’arrêter. Elle peut apporter beaucoup de bienfaits et de bénéfices si elle est bien gérée. Chacun de nos pays peut bien s’en servir pour promouvoir ses produits, attirer les investissements étrangers directs, profiter de la connaissance et des technologies nouvelles, tirer profit des opportunités d’emplois générées par les investissements étrangers, bâtir des infrastructures et des institutions nationales grâce au produit généré par les exportations et les investissements, payer sa dette et promouvoir la santé et l’éducation. C’est là la perception optimiste de la mondialisation. L’autre face de la médaille, c’est celle de la pauvreté, qui va grandissante et est devenue le principal défi à relever.

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Malheureusement, pour la combattre, les pays en développement sont obligés de se battre sur plusieurs fronts à la fois. Ils doivent faire face à la faim, à la maladie, au manque d’emplois, et à la corruption. Ils doivent aussi faire face au protectionnisme des riches, en même temps qu’ils essaient d’assainir leur environnement d’affaires, de construire leurs capacités d’exportations, de libéraliser leurs marchés et de bâtir leurs institutions nationales. On ne devrait pas demander à ces pays de porter seuls la responsabilité de leur développement. Les pays développés et les institutions internationales ont des devoirs envers les pays du Sud. Ils doivent les aider à intégrer l’économie mondiale.

Plusieurs pays en développement ont montré qu’ils pouvaient instaurer et travailler sur des bases de bonne gouvernance et améliorer la vie de leurs nationaux. Ceci leur serait facilité s’ils n’avaient pas non plus à honorer d’écrasants services de la dette. C’est pourquoi les Pays-Bas ont pris les devants en ce qui concerne la contribution au financement de l’initiative d’allégement de la dette en faveur des pays pauvres très endettés. Nous croyons fermement qu’il y a, d’autre part, un lien très fort entre réduction de la dette et amélioration de l’accès aux marchés. L’accès aux marchés est un facteur important de rétablissement ou du maintien d’un équilibre financier extérieur sain. Plus de cohérence entre les institutions internationales actives dans le domaine du développement, aiderait à obtenir les meilleurs résultats du lien dette-accès aux marchés. C’est une des raisons pour laquelle les Pays-Bas apprécient et soutiennent l’approche intégrée adoptée et préconisée par la CNUCED pour répondre aux défis du développement.

M. KERK CHOO TING (Vice-Ministre du commerce international et de l’industrie de la Malaisie) : les pays d’Asie du Sud-Est sont sortis de la crise qu’ils avaient connue grâce aux bons fondamentaux économiques qu’ils ont volontairement appliqués. Cette crise a clairement démontré qu’une mondialisation basée sur un système exclusif de marché, joue contre la croissance des économies des pays en développement. La mondialisation n’est donc pas la réponse miracle aux problèmes de développement de ces pays, où elle ne s’est pas traduite en termes de relèvement qualitatif des niveaux de vie et n’a pas généré d’emplois ou de hausse des revenus des travailleurs. Au contraire, elle a rendu nos pays plus vulnérables aux manipulations de toutes sortes. La libre circulation des capitaux, présentée comme une panacée, a au contraire conduit à la contraction de la croissance des économies, à l’inflation, et au sous-emploi, avec des conséquences sociales et politiques dramatiques. Les institutions et les règles du système financier actuel doivent être régulées pour assurer la stabilité financière qui donnerait une véritable chance au développement. Il y a quelques années, à Midrand, nous avons favorablement accueilli la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), née de la bonne conclusion des négociations commerciales multilatérales du Cycle d’Uruguay. Mais depuis, nous avons constaté que les Accords de ce Cycle n’étaient pas réellement mis en application et qu’en même temps, l’OMC demandait que l’on exécute de nouvelles règles que les pays en développement n’ont ni les

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moyens, ni la volonté de se servir, étant données la brièveté des délais et les conditions que l’on veut leur imposer. Il est difficile d’accepter que des politiques d’usage de crêtes tarifaires progressives, de nouvelles normes environnementales et de travail soient, dans le même temps, utilisées pour bloquer l’activité économique des pays en développement.

Sous les règles de l’OMC, seules les grandes firmes transnationales tirent profit du système commercial multilatéral. L’activité de ces transnationales domine les marchés et marginalise les petites et moyennes entreprises des pays en développement, qui sont condamnées soit à disparaître, soit à être phagocytées par les multinationales. La compétition dont on crédite donc tant la mondialisation n’est qu’un leurre, les règles de son équité n’existant pas, et nous estimons que des traitements spéciaux et préférentiels en faveur des pays en développement devraient être maintenus. Ceci, devrait notamment, s’appliquer en vue de promouvoir les petites et moyennes entreprises, qui sont les créatrices principales d’emplois, en leur assurant un accès aux marchés, aux financements et à la connaissance. Le succès du processus du développement repose d’abord sur une réforme et une stabilité de l’architecture financière internationale conjuguée à un fonctionnement harmonieux du système commercial international.

Mme LINDIWE HENDRICKS (Vice-Ministre du commerce et de l’industrie de l’Afrique du Sud) : la Déclaration de Midrand, adoptée à l’issue de la IXe CNUCED, portait en elle la volonté de la communauté internationale de développer le partenariat. Lorsque les pays en développement se sont lancés dans la tâche de développement, ils comptaient sur un partenariat que les pères fondateurs des Nations Unies avaient imaginé. Or, ce partenariat s’est révélé décevant. La mondialisation souligne pourtant l’importance du multilatéralisme, compte tenu de l’interdépendance accrue entre les pays. On ne peut plus concevoir le développement d’une manière fragmentée. Il faut assumer une responsabilité collective pour gérer l’interdépendance et faire de la mondialisation un outil au service du développement. Une nouvelle dynamique de l’économie mondiale exige des pays développés qu’ils apportent des changements à leur politique économique et ouvrent leurs marchés aux produits pour lesquels les pays en développement ont un avantage comparatif. Il ne s’agit pas de charité mais de donner à chacun sa place dans le commerce mondial pour la prospérité de l’humanité. Les négociations de l’OMC sont le défi à relever. Il faut être clair quant à la nature de ces négociations. Elles doivent s’attaquer aux déséquilibres du système commercial international. La réunion de Seattle ayant révélé de grandes faiblesses, un cadre de négociations transparent doit être établi pour faire avancer les négociations.

Le partenariat défini par la Déclaration de Midrand concerne un ensemble de partenariats liés entre eux aux fins de développement. Cela exige une approche intégrée qui doit viser le règlement de nombreux problèmes dont celui de la dette extérieure. A cet égard, s’il faut se

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féliciter de l’Initiative renforcée en faveur des pays les plus endettés, il faut appeler à une simplification des procédures et à une baisse des coûts d’accession. De plus, les conditions concernant la pauvreté liées à cette Initiative pourraient, pour beaucoup de pays, être difficiles à satisfaire. L’Afrique du Sud estime, en outre, que le secteur privé doit contribuer davantage au développement.

M. HAN DUCK-SOO (République de Corée) : même si le modèle de développement, adopté par la République de Corée, il y a quelques décennies, ne peut plus aujourd’hui servir de référence absolue aux pays pauvres, trois de ses principes fondamentaux restent d’actualité et sont indispensables et inévitables. Ce sont : l’engagement à mobiliser les ressources et le capital humain de qualité, la participation active aux échanges internationaux, et la mobilisation d’un engagement national sincère et irréversible en faveur de la cause du développement. Concernant le premier principe, il est indéniable que notre pays doit ses succès passés à l’éducation de sa population et de sa force de travail. Les familles coréennes ont appris à faire des sacrifices pour l’éducation de leurs enfants, perçue comme le meilleur investissement pour l’avenir. Des populations dotées d’une bonne formation sont créatrices d’emplois et de richesse. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe dans la région de Bengalore, en Inde, où se développent des compagnies de produits informatiques. Les dirigeants de ces firmes de haute technologie situées dans un pays en développement, témoignent que la location géographique n’est pas un handicap pour leurs entreprises, qui sont directement intégrées aux marchés mondiaux, grâce au flot d’information rendu possible par les nouvelles technologies. Concernant les investissements étrangers, ils ont atteint 15,5 milliards de dollars en République de Corée au cours de l’année qui s’achève, et nous ne partageons pas l’avis de ceux qui pensent qu’il faudrait imposer des contraintes à leur libre circulation.

Concernant l’engagement à la cause du développement, nous pensons qu’il est facilité lorsque des structures démocratiques véritables sont en place. Dans le passé, certains avaient estimé qu’une direction politique forte et centralisée était à même de forger un consensus national. Mais ce genre de système n’est pas soutenable dans le temps, et notre pays en a expérimenté les limites. Les disparités nées de la mondialisation ne peuvent être discutées et trouver des solutions dans un cadre non démocratique. Les consensus dans ce genre de contexte sont plus délicats à réaliser, puisqu’ils doivent réellement faire participer tous les acteurs sociaux. C’est à ce prix que l’on maintient l’engagement national envers le développement. Notre pays réaffirme son engagement à la cause de la démocratie, des valeurs universelles et des droits de l’homme. De ce fait, l’assistance aux pays en développement est pour nous un devoir, et ceci explique notre soutien total à la CNUCED et à ses missions.

M. ALAMI TAZI (Ministre de l’industrie, du commerce et de l’artisanat du Maroc) : la mondialisation a permis la relance de l’économie mondiale et elle continuera de constituer un énorme réservoir d’opportunités pour le développement de nos économies. Cependant, cette évaluation positive ne saurait nous empêcher de constater que cette croissance est répartie de manière inégale. C’est dire que l’intégration

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économique globale reste encore un objectif à atteindre. Bon nombre de pays en développement et de PMA, en particulier dans le continent africain, n’ont pas pu tirer profit des avantages de la mondialisation ni à s’intégrer pleinement dans l’économie mondiale. Toutefois, je voudrais insister sur un certain nombre d’actions qui devraient être engagées pour redresser cette situation déséquilibrée et qui avaient fait l’objet de discussions approfondies à l’occasion de la réunion du groupe des 77 et de la Chine à Marrakech. Dans le domaine du financement du développement, force est de constater la diminution de l’aide publique au développement qui est passée de 60 milliards de dollars US en 1995 à 49 milliards de dollars US en 1997, ce qui va avoir, inéluctablement, des effets sur les efforts d’adaptation que plusieurs pays en développement et pays les moins avancés sont en train de fournir actuellement. Il en est de même pour le problème de la dette qui continue de peser lourdement sur nos économies et risque de compromettre nos efforts de développement.

Dans le domaine des négociations commerciales multilatérales, trois idées essentielles sont à souligner ici : l’accès aux marchés demeure une préoccupation majeure pour les économies en développement; les problèmes de mise en œuvre des accords du Cycle d’Uruguay devront occuper une place centrale dans les futures négociations; le traitement spécial et différencié devrait être revu afin de tenir compte des nouvelles réalités du commerce international, de même qu’une nouvelle vision dynamique et pragmatique de la coopération technique devrait voir le jour. En matière de renforcement des capacités des PED, et pour une meilleure gestion des contraintes internes au développement, les efforts nationaux et internationaux consentis dans ce cadre devraient se poursuivre.

M. VLASTIMIL LORENZ (République tchèque) : la République tchèque tient à exprimer sa reconnaissance et l’importance qu’elle accorde à la CNUCED, dont les travaux nous ont beaucoup aidé au cours des quatre dernières années. Les experts tchèques ont tiré d’importants enseignements de leur participation aux réunions de la CNUCED et tiennent compte des idées et des points de vue de la Conférence en ce qui concerne les politiques commerciales. Nous considérons le rapport sur le commerce et le développement de la CNUCED comme la meilleure publication mondiale en la matière. Nous sommes un pays industriel, et en vue d’améliorer nos résultats économiques et accélérer la croissance de notre produit national brut, nous payons une attention extrême aux informations sur l’industrie, l’exportation et la science ainsi que la technologie, et, dans la mise en application des évolutions mondiales en ces domaines, nous bénéficions de la coopération et de l’assistance de la CNUCED. Notre économie est “sous- capitalisée”, et notre industrie a profondément besoin de restructuration. Dans ce cadre, nous avons besoin et apprécions le travail analytique accompli par la CNUCED dans le domaine des investissements, travail que nos décideurs politiques et l’Agence tchèque pour l’investissement extérieur mettent à profit. Dans ce domaine, nous considérons aussi le “Rapport sur l’investissement mondial” de la CNUCED comme un ouvrage de référence.

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Concernant les pays en développement, nous considérons comme cruciale leur intégration à l’économie et aux courants d’échanges mondiaux. Ces pays, et notamment les moins avancés, continuent malheureusement d’être victimes d’une inacceptable marginalisation. Cette injustice doit être redressée le plus vite possible, et nous pensons que l’accès aux marchés des biens et services de ces pays devrait être amélioré sur une base transparente et non discriminatoire. D’autres aspects à respecter dans le processus de la libéralisation du commerce, doivent être ceux de l’environnement, de la diversité culturelle, de la santé, et des spécificités sociales de chaque pays.

Mme NYAMOSOR TUYA (Ministre des relations extérieures de la Mongolie) : le pays se félicite des efforts de la CNUCED pour traiter des besoins et problèmes particuliers des pays en développement sans littoral. Pour compléter ces efforts, il est important que l’OMC apporte sa contribution et examine attentivement les questions liées au transport en transit et élabore plus avant l’article V des Accords du GATT de 1994. Les efforts de la CNUCED tendant à encourager l’intégration régionale peut contribuer à identifier les options disponibles pour faciliter le commerce et le flux des investissements au niveau régional et renforcer ainsi un système commercial multilatéral plus large. Dans ce cadre, il est nécessaire que la CNUCED aide les pays en développement, en général, à renforcer leurs capacités dans la formulation et la mise en œuvre de politiques d’investissement. Une recherche sur l’attraction d’investissements pour le développement de l’infrastructure en Mongolie, ainsi que sur la mise en œuvre de politiques intégrées d’investissement, de technologie et d’internationalisation des entreprises serait du plus grand intérêt. La CNUCED doit mettre au rang de ses priorités la diffusion d’informations sur les meilleures pratiques en matière d’accès à la technologie, y compris la technologie de l’information. La Mongolie estime aussi que la CNUCED doit renforcer ses activités visant à assister les pays en développement dans la formulation d’un ordre du jour en prévision des négociations de l’OMC. Elle appuie fermement la participation de la CNUCED aux activités des centres de formation nationaux et régionaux pour les matières liées au commerce et accueille avec satisfaction l’initiative de la Thaïlande de créer un Institut pour le commerce à Bangkok.

Mme CARMEN LUZ GUARDA (Ambassadeur, Représentant permanent du Chili auprès de l’Organisation mondiale du commerce) : la mondialisation ne peut être arrêtée. Nous en connaissons les effets de façon empirique sans pouvoir pour le moment en expliquer tous les tenants et aboutissants. Du fait de ce phénomène, la souveraineté des pays a perdu de sa substance et de son importance, et la mondialisation se manifeste aussi par une montée spectaculaire de la pauvreté. La mondialisation exige de nouvelles règles internationales, notamment dans le domaine monétaire, où le besoin de la réforme de l’architecture financière internationale se fait sentir de manière aiguë depuis quelques années, et notamment à la suite de la crise asiatique. Malgré les réformes économiques faites par beaucoup de pays, dont le Chili, en matière macroéconomique, les résultats se sont fait

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attendre. Le Chili a cependant pu accroître de 66% la masse de ses exportations extérieures grâce aux mesures qu’il a adoptées en matière de libéralisation et d’ouverture commerciale. La mise en place de cette politique s’est accompagnée de mesures de lutte contre la pauvreté. Nous regrettons l’échec des négociations de Seattle, en particulier dans le domaine agricole. Ce sont en effet les distorsions existant dans ce domaine, qui sont le plus responsables de l’aggravation des conditions de pauvreté dans les pays en développement.

Il n’existe pas de commerce sans investissement, et la CNUCED a fait un excellent travail analytique sur la question qui a été publié dans son rapport sur le développement mondial. Nous espérons que les conclusions qu’elle tire et les recommandations qu’elle fait dans ce document seront prises en considération. Avec les autres pays de notre région, nous soutenons l’initiative de mettre en place un centre de formation de la CNUCED sur la formation et l’information touchant aux questions et aux négociations commerciales. Les activités de ce centre nous donneraient les moyens de mieux participer aux débats de l’OMC.

Mme NAJMA HEPTULLA (Présidente du Conseil de l’Union interparlementaire) : la déclaration qui a été adoptée par la réunion de l’Union interparlementaire a reconnu que la mondialisation a donné lieu à un désenchantement dans les pays en développement et que la mondialisation n’est profitable qu’aux élites et qu’elle entraîne des inégalités entre les nations et dans les pays. Il est urgent aussi de se préserver de toutes les répercussions néfastes de la mondialisation. L’élaboration de mécanismes du commerce, des finances et de la protection sociale est de la plus haute importante. Il faut intégrer les communautés dans le processus de prise de décisions. La transparence dans ce processus fait encore défaut et il faut remédier à cette situation. C’est la raison pour laquelle les parlementaires de l’Union ont intensifié leurs intérêts sur ce qui se fait dans les organisations internationales. La bonne gouvernance et la démocratie sont essentielles aux processus de prise de décision. La plupart des problèmes apparus dans le commerce international viennent du fait que les décisions ont été prises avec trop de hâte sans tenir compte du point de vue propre des pays en développement. Le commerce n’est toujours pas un libre commerce et le protectionnisme n’a pas disparu. L’Union interparlementaire se préoccupe aussi des questions de la dette extérieure, du déclin de l’Aide publique au développement, de l’accès aux ressources financières multilatérales et de l’élaboration de la nouvelle architecture financière internationale. Elle félicite le FMI pour avoir reconnu que la lutte contre la pauvreté est une donnée importante. A cet égard, la CNUCED a encore beaucoup de travail à faire pour que l’aspect du développement soit davantage enraciné dans les décisions financières internationales.

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