En cours au Siège de l'ONU

CNUCED/B/240

LA DIXIEME CNUCED EST PERCUE COMME UNE CHANCE UNIQUE APRES L'IMPASSE DE L'OMC A SEATTLE

14 février 2000


Communiqué de Presse
CNUCED/B/240


LA DIXIEME CNUCED EST PERCUE COMME UNE CHANCE UNIQUE APRES L’IMPASSE DE L’OMC A SEATTLE

20000214

Le Secrétaire général de l’ONU propose un “New Deal” pour les pays les moins avancés

Bangkok, 12 février -- “Il est particulièrement opportun que la dixième session de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, première Conférence de l’ONU du nouveau millénaire, se déroule en Thaïlande, pays où il y a deux ans a éclaté la dernière grande crise financière du siècle”. C’est par cette constatation que le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, a inauguré, après le Premier Ministre de la Thaïlande, M. Chuan Leekpai, la dixième CNUCED qui a entamé ses travaux, cet après-midi, au Queen Sirikit National Convention Center, à Bangkok. Le Secrétaire général a explicité sa pensée, en observant que la Thaïlande, en particulier, et les pays de l’Asie de l’Est, en général, ont pris le devant de la relance de l’économie mondiale, alors que l’on craignait l’instabilité et une paupérisation généralisée. Soulignant que cette reprise est le résultat des exportations, le Secrétaire général a dit y voir l’expression du lien indissoluble entre commerce et développement. Pour lui, la session de la CNUCED doit, en conséquence, mettre au centre de ses préoccupations des questions ayant pour axe l’exclusion de certains pays en développement du commerce mondialisé. M. Annan a mis l’accent sur la nécessité d’impliquer davantage le secteur privé dans le développement, comme, a-t-il souligné, l’atteste le Pacte mondial entre les entreprises et l’ONU dont il fut le promoteur et le défenseur lors du Forum économique de Davos. En faveur des pays les moins avancés, le Secrétaire général a proposé aujourd’hui un “New Deal mondial” qui consiste à “tenter au niveau mondial ce que font les pays industrialisés pour permettre à leurs régions les plus défavorisées de rattraper leur retard sur les autres régions de leurs pays”.

- 2 - CNUCED/B/240 14 février 2000 La nécessité d’un nouveau Pacte mondial pour le développement a également été évoquée par le Premier Ministre de la Thaïlande. Un Pacte qui, a-t-il dit, doit être fondé sur la justice, l’équité et la coopération internationale; la CNUCED devant en établir les principes moraux et éthiques. Pour ce faire, a estimé le Premier Ministre, la dixième session de la CNUCED doit procéder à une évaluation objective du cadre politique et institutionnel du commerce et des finances mondiaux. Cette évaluation doit se faire non sous l’angle des profits mais du point de vue du développement, a-t-il souligné. Il faut, a dit le Premier Ministre, tirer les leçons des initiatives et des stratégies passées pour redresser les déséquilibres et assurer un meilleur avenir pour tous.

La dixième session de la CNUCED doit réunir les Ministres du commerce, du développement et des finances de quelque 190 pays autour du thème “risques et potentialités de la mondialisation”. Pour le Secrétaire général de la CNUCED, M. Rubens Ricupero, la réunion de Bangkok doit faire progresser un “processus de guérison” qui aiderait les négociations commerciales à prendre un nouvel élan. Il a estimé, en effet, qu’après l’échec des pourparlers commerciaux multilatéraux lors du Sommet de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Seattle, il est urgent de disposer d’un “parlement international de la mondialisation”. Pour ce faire, les organisateurs de la Conférence ont pris des initiatives novatrices en prévoyant, au cours de cette semaine, aux côtés du débat général, des dialogues interactifs entre les délégations et des personnalités telles que le Directeur exécutif sortant du Fonds monétaire international, M. Michel Camdessus, le Directeur général de l’Organisation internationale du travail (OIT), M. Juan Somavia, le Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), M. Mike Moore et le Président de l’Algérie et Président en exercice de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), M. Abdelaziz Bouteflika. Les organisateurs ont également prévu des tables rondes auxquelles participeront d’éminents économistes et des représentants d’institutions spécialisées des Nations Unies. Les événements parallèles verront la participation d’organisations de la société civile, du monde des affaires et des institutions internationales. La dixième session de la CNUCED terminera ses travaux par une réunion de haut niveau au cours de laquelle les Chefs d’Etat ou de Gouvernement examineront les réponses politiques à apporter à la mondialisation. Les participants adopteront ensuite le Plan d’action de la Conférence.

La dixième CNUCED se réunira en séance plénière ce soir, à 18 heures 30, et entendra notamment la déclaration des Présidents de l’Indonésie, des Philippines et celle des Premiers Ministres de la Malaisie, de Singapour et du Japon.

- 3 - CNUCED/B/240 14 février 2000 OUVERTURE DE LA DIXIEME SESSION DE LA CONFERENCE DES NATIONS UNIES SUR LE COMMERCE ET LE DEVELOPPEMENT

Cérémonie inaugurale

M. CHUAN LEEKPAI (Premier Ministre de la Thaïlande) : La Thaïlande accueille aujourd’hui la dixième session de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et la développement (CNUCED), après avoir, dans le passé, été l’hôte des réunions ministérielles du Groupe des 77 des pays d’Asie lors de la préparation des CNUCED II et III. La mondialisation que vit le monde, a créé à la fois des opportunités et des défis qu’il faudra relever. Toutefois, en ce qui concerne notre pays , heureusement, la Thaïlande a bénéficié de la sagesse de la vision de sa majesté le Roi, dont le concept de promotion d’une économie “d’autosuffisance” lui a permis de mieux faire face aux effets pervers d’une économie mondiale instable turbulente.

Cette première conférence majeure du système des Nations Unies en cette nouvelle année et en ce nouveau millénaire, doit nous permettre de faire une évaluation objective des cadres politique et institutionnel de la finance et du commerce internationaux, ceci non pas sous l’angle des profits e des gains commerciaux, mais plutôt sous celui des perspectives du développement. Nous devrons, lors de ces assises, prendre note des initiatives et des stratégies jusqu’ici énoncées et mises en œuvre pour pouvoir en redresser les déséquilibres et jeter les bases d’un meilleur avenir commun. Grâce à un dialogue constructif et une persuasion amicale, la dixième CNUCED peut être le début d’un processus de guérison pouvant aider à réduire les divisions qui ont empêché la communauté internationale de mener des actions collectives et significatives dans l’intérêt du développement. Nous devrions viser à mettre en place un “Contrat mondial pour le développement” basé sur la justice, l’équité, et la coopération internationale. La CNUCED peut, dans ce cadre, promouvoir un leadership moral et éthique. Cette CNUCED se réunit en effet à un moment unique. Nous avons parmi nous les Chefs des institutions de Bretton Woods, des organisations internationales et régionales, ainsi que ceux du système des Nations Unies, auxquels se joignent la société civile, les médias, le monde des affaires, les intellectuels et les ONG. Il est aujourd’hui de notre devoir commun de rassurer le monde, d’éviter les erreurs du passé et de nous orienter vers un avenir meilleur.

M. KOFI ANNAN, (Secrétaire général des Nations Unies) : Il est particulièrement opportun que la dixième session de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement -première Conférence des Nations Unies du nouveau millénaire- se déroule en Thaïlande. C’est ici qu’a éclaté, il y a deux ans et demi, la dernière grande crise financière du siècle. Pendant un an, on a pu craindre que l’Asie de l’Est, après avoir montré la voie du succès aux autres pays en développement, ne signale le début d’une nouvelle ère d’instabilité et

- 4 - CNUCED/B/240 14 février 2000

de paupérisation. Aujourd’hui, l’économie mondiale connaît de nouveau une croissance à laquelle participent presque toutes les régions du monde. Les pays de l’Asie du Sud-Est et la Thaïlande, en particulier, ont pris la tête de la relance. Une fois de plus, la reprise est tirée par les exportations; le commerce et le développement étant indissolublement liés, comme le suggère le titre de cette Conférence. Il y a moins de trois mois, il était permis de penser que le Sommet de l’Organisation mondiale du commerce à Seattle lancerait un nouveau cycle de négociations commerciales qui pourrait être désigné sous le nom de “cycle du développement”. Les négociations commerciales n’ont pas été lancées parce que les gouvernements, en particulier ceux des grandes puissances commerciales, n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur leurs priorités. De leur côté, les pays en développement se sont montrés plus unis et ont joué un rôle plus actif que lors des conférences précédentes pendant que les pays industrialisés “s’engluaient dans les conflits qui les opposaient”. Les gouvernements des pays industrialisés sont tous théoriquement favorables à la liberté des échanges mais trop souvent, ils n’ont pas la volonté politique nécessaire pour affronter ceux qui, à l’intérieur de leurs pays, en sont venus à compter sur des arrangements protectionnistes.

Les manifestations de Seattle étaient symptomatiques en ce qu’elles reflétaient l’appréhension de beaucoup face à la mondialisation et à ses effets sur l’emploi, les conditions de travail, l’environnement, la santé publique, les droits de l’homme et la diversité culturelle. En la matière, il faut que les Etats se montrent à la hauteur des obligations qu’ils ont contractées. Des institutions internationales telles que l’Organisation des Nations Unies et ses institutions spécialisées sont là pour les y aider pour autant qu’elles bénéficient des ressources et de l’appui dont elles ont besoin pour remplir leur mandat. Considérée dans son acception la plus large, la mondialisation n’est pas l’ennemi du développement; les principaux perdants de la mondialisation n’étant pas ceux qui y seraient trop exposés mais ceux qui ont été laissés sur la touche. C’est donc l’exclusion qui devrait être aujourd’hui au centre des préoccupations. L’une des raisons de cette exclusion vient du fait que le développement est freiné par les obstacles que les pays industrialisés continuent de dresser devant les exportations des pays en développement. Il est inutile de dénoncer ici le protectionnisme des pays industrialisés; la plupart des participants à la Conférence ne connaissant que trop bien le problème.

Ce qu’il faudrait souligner, en revanche, c’est la responsabilité qui incombe aux pays en développement eux-mêmes et en particulier à leurs dirigeants. Cette Conférence devrait donc examiner les questions suivantes : Comment mettre le commerce au service des pauvres ? Pour attirer les flux de capitaux privés, ne faudrait-il pas que l’aide au développement subventionne la prime de risques que les investisseurs doivent payer ?

- 5 - CNUCED/B/240 14 février 2000

Comment faire pour que les pays en développement profitent des progrès de la technique et de la médecine que les brevets mettent actuellement hors de leur portée, sans pour autant diminuer la motivation de ceux qui sont à l’origine de ces progrès dans les pays industrialisés ? L’aide extérieure peut-elle aider les petites entreprises en développement à trouver leur place sur le marché international et peut-on tirer des enseignements de l’expérience de la Grameen Bank en matière de microcrédits ? Comment créer de nouveaux partenariats qui, par delà la classique coopération intergouvernementale, permettent de faire avancer la cause du développement ? Il y a un an, au Forum économique de Davos, une proposition a été avancée par l’ONU de créer un Pacte mondial entre les entreprises et l’ONU en vertu duquel l’on aiderait le secteur privé à agir conformément aux principes internationalement acceptés, qu’il s’agisse des droits de l’homme, des conditions de travail ou de l’environnement. Depuis lors, des initiatives sont nées telles que Netaid, un partenariat entre le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Cisco Sytems et le monde du spectacle pour faire prendre conscience de l’extrême pauvreté dans le monde et mobiliser des fonds pour la combattre ou d’autres initiatives comme l’Alliance mondiale pour la vaccination. On pourrait faire beaucoup plus à l’avenir et concevoir bien d’autres types de coopération.

La Conférence doit également s’interroger sur la manière d’accroître le rôle de la société civile et du monde des entreprises pour faire que la voix des pays en développement soit non seulement entendue mais aussi écoutée lors des futurs débats sur les règles commerciales internationales. Et en ce qui concerne les pays les moins avancés, l’heure n’est-elle pas venue de proposer un “New Deal mondial” garantissant un allégement de la dette ou un meilleur accès aux marchés aux pays qui appliqueraient strictement un ensemble convenu de mesures dont l’objet serait à la fois de favoriser l’investissement et d’en faire bénéficier l’ensemble de la population. Ne pourrait-on pas tenter au niveau mondial ce que fait n’importe quel pays industrialisé prospère pour aider ses régions moins développées ou moins favorisées à rattraper le reste du pays ? Quels que soient les chemins qu’empruntent les débats de la Conférence, il ne faut pas perdre de vue l’objectif essentiel qui est de permettre à tous les peuples du monde de prendre part à la nouvelle économie mondiale et d’en recueillir les fruits. Pour que cela soit possible, il faut des normes communes qui soient définies et appliquées par des Etats œuvrant ensemble au sein des institutions multilatérales, et avant tout, qui prennent appui sur des valeurs communes.

* *** *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.