FEM/1115

LES FEMMES DANS LES NOUVEAUX LANDER N'ONT TOUJOURS PAS RETROUVE LEUR NIVEAU D'EMPLOI, PRES DE DIX ANS APRES LA REUNIFICATION DE L'ALLEMAGNE

1 février 2000


Communiqué de Presse
FEM/1115


LES FEMMES DANS LES NOUVEAUX LANDER N'ONT TOUJOURS PAS RETROUVE LEUR NIVEAU D'EMPLOI, PRES DE DIX ANS APRES LA REUNIFICATION DE L'ALLEMAGNE

20000201

Les expertes s’interrogent sur les contradictions de la politique du Gouvernement fédéral relative à la prostitution

"Près de dix ans après la réunification de l'Allemagne, la présentation de nos rapports fournit une bonne occasion d'évaluer les progrès qu'a réalisés l'Allemagne unifiée dans le domaine de l'égalité des chances entre hommes et femmes", a déclaré ce matin Mme Edith Niehuis, Secrétaire d'Etat au Ministère fédéral de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse de l'Allemagne. Elle présentait ainsi les deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques de son pays devant les 23 expertes du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. La Secrétaire d'Etat a indiqué que le passage à une démocratie parlementaire, à un système fédéral et à une économie sociale de marché a entraîné de douloureux ajustements pour la population de l'Est, les femmes ayant souvent été touchées plus sévèrement par les effets négatifs de cette transition. En témoigne le fait qu'à l'heure actuelle, les femmes dans les nouveaux Länder n'ont malheureusement pas réussi à atteindre le niveau de plein emploi qu'elles ont connu par le passé. Partant cependant de la conviction que "la promotion de la femme est bénéfique pour l'économie", Mme Niehuis a indiqué que les emplois indépendants ouvrent de nouvelles perspectives de carrière pour un nombre croissant de femmes. Cette tendance est vivement encouragée par le Gouvernement fédéral qui a mis au point, en mai 1999, un nouveau programme de prêts à l'intention des femmes qui souhaitent créer une petite entreprise. Par cette mesure, le Gouvernement vise également à réduire l'écart encore très important dans les salaires perçus par les hommes et les femmes, puisque les Allemandes ne gagnent en moyenne que 77% du salaire de leurs homologues masculins. Mme Niehuis a ensuite fait remarquer qu'en dépit des divers amendements apportés aux textes dans lesquels figurent des mesures contre la violence à l’égard des femmes, une réduction sensible de ce phénomène n'est toujours pas enregistrée. Le Gouvernement fédéral vient, pour la première fois, d'adopter une approche intégrée de la question qui s'est concrétisée par un Plan d'action de lutte contre la violence à l'égard des femmes.

Dans leurs observations et commentaires, les expertes ont félicité l'Etat partie d'avoir récemment signé le Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. De même, elles ont salué l'amendement apporté à l'article 3 de la Loi fondamentale en faveur de l'égalité des chances. Il a cependant été regretté que le nom du Ministère chargé de la promotion de la femme demeure inchangé depuis les seize dernières années. Relevant la présence en Allemagne de plus de 7 millions d'étrangers, dont la moitié sont des femmes, plusieurs membres du Comité ont demandé à l'Etat partie de préciser le degré d'intégration des ressortissantes étrangères. Les expertes ont mis en évidence les contradictions apparentes de la politique du Gouvernement face à la prostitution. La prostitution est considérée comme illégale par les textes de loi qui, parallèlement, ne prévoient aucune punition pour ceux qui la pratiquent.

Les expertes poursuivront leur dialogue avec l'Etat partie, cet après-midi, à 15 heures.

EXAMEN DES DEUXIEME, TROISIEME ET QUATRIEME RAPPORTS PERIODIQUES DE L'ALLEMAGNE

Rapport (CEDAW/C/DEU/2-3 et CEDAW/C/DEU/4)

En 1985 la République fédérale d'Allemagne a ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, étend entendu que l'alinéa b) de l'article 7 ne s'applique pas dans la mesure où il contredit une disposition de la Loi fondamentale selon laquelle les femmes ne peuvent en aucun cas remplir les fonctions supposant l'utilisation d'armes. Le quatrième rapport périodique de l'Allemagne décrit les nouveaux progrès réalisés par ce pays dans l'application de la Convention entre 1996 et 1998, les deuxième et troisième rapports ayant été soumis en 1996.

Au sein de la population allemande, les femmes sont majoritaires avec un taux de représentation de 51,3%. L’Allemagne a, depuis de nombreuses années déjà, un des taux de natalité les plus faibles du monde, avec 9,7 naissances vivantes pour 1000 habitants en 1996. La production économique globale de la République fédérale d’Allemagne la classe au troisième rang des nations industrielles après les Etats-Unis et le Japon. Immédiatement après la réunification, le chômage féminin a atteint un niveau proportionnellement très élevé parce que les femmes travaillaient souvent dans des secteurs mis à rude épreuve par la rationalisation (notamment dans les secteurs du textile et de l'industrie chimique). Cependant aujourd'hui, alors que la phase de suppression d'emplois due à la réunification touche à sa fin, les hommes sont à peu près aussi nombreux que les femmes à rejoindre les rangs des chômeurs. A l'heure actuelle, le problème tient plutôt aux difficultés rencontrées par les femmes lorsqu'il s'agit de se lancer dans la course aux nouveaux emplois. Aussi sont-elles particulièrement touchées par le chômage de longue durée, puisqu'elles représentaient 68,4% de l'ensemble des chômeurs de longue durée en 1997, contre seulement 55,9% du total des chômeurs. Sur le plan de la rémunération et en dépit de la disposition du code civil allemand qui fait sien le principe "à travail équivalent, salaire égal", les revenus des femmes continuent à représenter 73% de ceux des hommes. De même, les femmes en Allemagne continuent d'avoir des perspectives de carrière moins favorables que celles des hommes, parce qu'il subsiste des préjugés quant à l'aptitude des femmes à travailler, que les tâches dans le cadre de la famille continuent d'être inégalement réparties et qu'il est difficile dans la pratique de combiner famille et carrière.

Pour améliorer le statut de la femme dans le monde du travail, plusieurs initiatives ont été mises en place par le Gouvernement, parmi lesquelles la distinction "E-Qualité absolue" qui honore et fait reconnaître les stratégies de ressources humaines des sociétés qui se fixent pour ligne de conduite l'égalité des chances et sont particulièrement attentives aux besoins spécifiques des femmes. Par ailleurs, aux termes de la deuxième Loi sur l'égalité des droits, entrée en vigueur en 1994, toute employée peut demander une indemnité, dont le montant peut aller jusqu'à trois mois de traitement, si elle a fait l'objet d'une discrimination fondée sur le sexe, soit au stade de l'embauche, soit en matière de promotion.

Le volet politique de l'égalité des droits entre les hommes et les femmes relève en Allemagne du Ministre fédéral de la condition féminine, au sein duquel un "comité consultatif pour l'égalité des droits des hommes et des femmes dans la société" donne des avis sur la politique à suivre en matière d'égalité des droits. Par ailleurs, suite à l'entrée en vigueur, en septembre 1994, de la Loi sur la promotion des femmes, presque tous les grands services du Gouvernement fédéral ont nommé des commissaires aux affaires féminines qui veillent au respect des textes sur la promotion des femmes et qui fournissent aux femmes des conseils ainsi qu'un appui sur une base individuelle. Les établissements d'enseignement supérieur ainsi que les grandes entreprises sont par ailleurs de plus en plus nombreux à nommer, eux aussi, des commissaires aux affaires féminines. Au niveau local, le nombre d'organismes responsables de l'égalité des chances va en augmentant, l'Allemagne comptant environ 1500 comités municipaux de l'égalité des chances, et cela seize ans seulement après la création de ce premier type de structure à Cologne en 1982.

Sur le plan constitutionnel, l'égalité des droits des hommes et des femmes est garantie par la Constitution en tant que droit fondamental et quinze des seize Länder sont désormais dotés de lois sur l'égalité des droits et l'égalité des chances pour la promotion des femmes. La deuxième Loi sur l'égalité des droits (1994) représente un premier pas décisif dans la voie de la concrétisation de la norme constitutionnelle de l'égalité des droits entre hommes et femme. De même, la Loi portant réforme du droit du mariage a aboli l'interdiction faite aux femmes de se remarier pendant les dix mois suivant la dissolution ou l'annulation d'un mariage précédent (délai de viduité) à moins qu'elle n'ait dans l'entre-temps donné naissance à un enfant.

S'agissant de la Loi sur les grossesses non désirées, des changements sont intervenus depuis la soumission des derniers rapports périodiques. L'avortement, qui continue d'exposer tous ceux qui y participent à des poursuites pénales conformément à l'article 218 du Code pénal, n'était jusqu'à présent permis que dans des cas exceptionnels, à savoir s'il était justifié criminologiquement ou médicalement. Or, la justification embryopathique (possibilité d'anomalies graves du fétus) prévue antérieurement, a été supprimée par la Loi portant amendement de la Loi sur l'aide à la femme enceinte et à la famille. Dans ses motifs, cette loi indique expressément que le principe de la protection de la vie vaut pour tous les enfants à naître, handicapés ou non. S'ajoute par ailleurs à l'exigence d'une justification médicale ou criminologique pour une femme souhaitant avorter l'obligation de se soumettre à une consultation auprès d'un centre de consultation sur les grossesses non désirées , l'objectif étant de l'aider à prendre une décision mûrement réfléchie et de "protéger l'enfant à naître". Il s'agit d'encourager et d'éclairer, non de dicter ou d'endoctriner, indique le rapport.

Les femmes allemandes, qui constituaient en 1996 54% du corps électoral, continuent d'être nettement sous-représentées dans la vie politique, bien que certains progrès aient été réalisés. Ainsi, la proportion de femmes parlementaires augmente-t-elle depuis quelques années,

passant de 20,4% en 1990 à 26,3% en 1994 et le nombre de femmes inscrites à des partis politiques tend à s'accroître. En outre, la proportion de femmes occupant des postes élevés dans le service diplomatique a encore augmenté depuis l'élaboration du dernier rapport périodique, puisque sur un nombre total de 224 missions diplomatiques allemandes à l'étranger, 7,6% étaient dirigées par des femmes en décembre 1997, alors cette proportion était encore de 5,2% en 1995.

Sur le plan de l'éducation, les jeunes filles représentent aujourd'hui plus de la moitié des effectifs de tous les établissements d'enseignement menant à un certificat de fin d'études secondaires (Abitur) et lorsqu'elles quittent les établissements d'enseignement général, leur niveau de fin d'études est en moyenne supérieur à celui de leurs homologues masculins. Par ailleurs, le nombre de femmes préparant un doctorat a doublé depuis les années 70. A cet égard, il convient de souligner que la Loi-cadre sur l'enseignement supérieur a été amendée afin de permettre une plus grande compatibilité entre les études universitaires et les devoirs de mère de famille. On note par ailleurs que les femmes en Allemagne sont depuis quelques années plus nombreuses à s'écarter des sentiers battus dans le choix de leur orientation professionnelle. En vue de renforcer cette tendance, le Ministère fédéral de l'éducation, de la science, de la recherche et de la technique a lancé le programme intitulé "Les femmes donnent de nouvelles impulsions à la technologie" qui a pour but d'élargir l'éventail de professions féminines au sein de la société en s'appuyant notamment sur des campagnes de sensibilisation ainsi que sur une base de données établie sur l'Internet à cette fin.

Des enquêtes sur la violence au foyer en Allemagne ont révélé qu'environ une femme sur trois est victime d'actes de violence de la part de son partenaire. Cette violence revêt des formes très diverses en ce qu'elle ne consiste non seulement en atteintes à l'intégrité physique des femmes mais également en pressions subtiles exercées par le biais de comportements qui ignorent systématiquement les besoins des femmes et leur confort intérieur. Pour faire face à ce problème, le Code pénal allemand, qui frappe de lourdes peines la violence sexospécifique à l'égard des femmes, a été encore renforcé en 1997, lorsque le viol entre conjoints est devenu un délit distinct. En effet, la loi antérieure ne qualifiait de crime que le viol extraconjugal, la contrainte sexuelle exercée par le mari sur son épouse ne pouvant faire l'objet de poursuites qu'au titre du délit de coups et blessures. Le rapport indique également que, d'après les renseignements dont dispose le Gouvernement fédéral, les principales destinations des Allemands en quête de tourisme sexuel sont les Philippines, le Sri Lanka et le Brésil et que, pour faire face à ce problème, les membres des ambassades d'Allemagne auprès de ces pays ont reçu pour instruction de coopérer avec les autorités qui procèdent à des enquêtes sur des délinquants allemands. De même une formation spécifique est actuellement dispensée au personnel des ambassades pour lutter contre ce phénomène.

En Allemagne, les services et prestations de santé sont fournis à tous, sans considération du sexe, de l'âge ou du statut social. Les femmes étant, dans une certaine mesure, sujettes à des affections et maladies différentes de celles des hommes, des centres de santé féminine ont été mis en place sur l'ensemble de l'Allemagne. On note par exemple que le phénomène de

la dépendance affecte de plus en plus fréquemment les femmes. Les troubles de l'alimentation, l'anorexie et la boulimie sont statistiquement les formes de dépendance les plus répandues chez les femmes, après l'alcoolisme et la toxicomanie. S'agissant du VIH/sida cependant, les femmes en sont moins souvent victimes que les hommes, puisqu'elles représentent 20% du nombre total des personnes (50000 à 60000) à avoir été infectées en Allemagne depuis les débuts de l'épidémie. A cet égard, le réseau "femmes/sida" a été établi en 1992 pour fournir un appui personnel et pratique aux femmes atteintes du sida et pour servir de lien entre les plus de 1000 vulgarisateurs de sexe féminin que compte l'Allemagne sur l'ensemble de son territoire.

Questions du groupe de travail présession

Le groupe de travail présession a examiné les deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques de la République fédérale d'Allemagne. Il a notamment regretté que ces rapports ne s'étendent pas suffisamment sur les répercussions de la réunification allemande sur les femmes, en notant l'absence d'étude comparative détaillée de la situation des femmes dans les anciens et nouveaux Länder. Revenant sur certains chiffres mentionnés dans les rapports qui indiquent que l'Allemagne compte 81 millions d'habitants, dont 6,9 millions d'"étrangers", le groupe de travail présession a demandé de savoir si les femmes étrangères font l'objet d'une quelconque discrimination directe ou indirecte et s’il y a eu des manifestations de racisme ou de xénophobie du fait de ce grand nombre d'étrangers. Le groupe s'est en outre demandé pourquoi, en dépit des efforts entrepris dans ce domaine par le Gouvernement allemand, les stéréotypes sexistes ont toujours cours en Allemagne. Enfin, le groupe de travail présession a demandé à l'Etat partie de décrire l'influence des bureaux et commissions chargés des affaires féminines sur les politiques et programmes gouvernementaux ainsi que de préciser si la réforme de la loi sur les parents et les enfants élimine les différences entre enfants légitimes et illégitimes.

Présentation du rapport par l'Etat partie

Introduisant les deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques de l'Allemagne, Mme EDITH NIEHUIS, Secrétaire d'Etat parlementaire au Ministère fédéral des affaires familiales, du troisième âge, de la condition féminine et de la jeunesse, a souligné que la présentation de ces rapports, presque dix ans après la réunification de l'Allemagne, fournit une bonne occasion d'évaluer les progrès réalisés par son pays dans ses efforts d’aboutir à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Elle a rappelé que le système socio-économique de la République démocratique d'Allemagne était très différent de celui de la République fédérale d'Allemagne, lequel repose sur une démocratie parlementaire, un système fédéral et une économie sociale de marché. La transition d'un système à l'autre a donc entraîné de douloureux ajustements pour la population de la partie est du pays, les femmes ayant souvent été touchées plus sévèrement par les effets négatifs de cette transition. A l'heure actuelle, elles n'ont malheureusement pas réussi à regagner le niveau de plein emploi qu'elles ont connu par le passé, bien que l'on note une baisse

du taux de chômage des femmes à l'est, lequel est passé de 22,5% en 1997 à 20,7% aujourd'hui. En dépit des revers qui sont à noter dans le domaine de l'emploi des femmes, Mme Niehuis a fait remarquer l'émergence de nouvelles institutions qui ont pour but d'améliorer la situation sociale des femmes dans les nouveaux Länder. Ainsi, depuis 1989, des bureaux pour l'égalité des chances ont été mis sur pied dans les communes de plus de 10 000 habitants.

Poursuivant l'exposé des rapports, Mme Niehuis a fait valoir que deux événements importants pour l'amélioration de la condition féminine sont intervenus en Allemagne dans les semaines passées. Le Gouvernement fédéral a signé le 10 décembre dernier le protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Le processus de ratification sera pour sa part initié au courant de cette année. En deuxième lieu, la Cour européenne de Justice a décidé que l'interdiction faite aux femmes par le droit allemand au titre de l'article 12a de faire partie des forces armées viole les directives de l'Union européenne sur le traitement égal des hommes et des femmes dans le monde du travail. Ainsi l'Allemagne évalue-t-elle actuellement l'impact de cette décision sur la réserve faite par ce pays à l'article 7b de la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Cette évaluation pourrait notamment avoir des impacts sur les possibilités d'emploi des femmes dans les forces armées, a ajouté Mme Niehuis.

Mettant en exergue que les femmes ont aujourd'hui atteint un niveau d'éducation jamais égalé auparavant, la Secrétaire d'Etat a indiqué que les femmes interrompent moins fréquemment leurs carrières pour répondre à des obligations familiales et que si interruptions il y a leur durée est en principe plus courte que par le passé. Mais comme auparavant, le travail reste inégalement réparti entre les sexes. Selon la division traditionnelle du travail qui se base sur des considérations sexospécifiques, le travail au sein de la famille revient aux femmes. Ce travail n'est pas rémunéré et ne bénéficie que de peu de reconnaissance de la société. Par ailleurs, 90% des emplois à temps partiel en Allemagne sont occupés par des femmes. Face à cet état de fait, le Gouvernement fédéral a lancé le programme "les femmes et le travail" afin de donner un nouvel élan à l'égalité des chances dans le monde du travail. Soulignant qu'il s'agit d'un programme qui ne s'inscrit pas dans une période de temps limité, mais qu'il a vocation à s'appliquer de façon permanente, Mme Niehuis a indiqué que son objectif principal est d'introduire une approche du genre dans toutes les lois et procédures du Gouvernement fédéral, qui sont actuellement en cours de révision. Un groupe interministériel a été institué à cet effet.

Rappelant la sous-représentation des femmes dans le secteur public, la Secrétaire d'Etat a indiqué que le Gouvernement fédéral a l'intention de présenter un projet de loi au Parlement portant sur "l'amélioration de l'égalité des chances pour les femmes et les hommes dans l'administration fédérale". Cette loi mettrait notamment l'accent sur les façons de mieux réconcilier la famille et la carrière et assurerait que le langage utilisé dans les lois et règles place les hommes et les femmes sur un pied d'égalité.

"La promotion de la femme est bénéfique pour l'économie!", a déclaré Mme Niehuis en indiquant que l'objectif du Gouvernement est d'améliorer l'égalité des chances pour les femmes et dans le même temps d'améliorer les résultats dans le milieu des affaires et de l'industrie.

Les femmes sont malheureusement encore sous-représentées dans les postes de haut-niveau de gestion de l'économie allemande, bien qu'elles occupent une meilleure place dans les moyennes et petites entreprises, où leur proportion est de 20%. Les expériences passées ont clairement montré qu'une action volontaire ne suffit pas à améliorer la situation dans ce domaine. Si l'on prend au sérieux l'exigence de l’égalité des femmes, il nous faut élaborer des règles dans le secteur privé.

Dans le domaine de la formation, un accent particulier est mis sur les nouvelles technologies d'information. L'un des objectifs que s'est fixés le Gouvernement est de faire passer le taux d'accès des femmes à l'Internet de 9% (situation actuelle) à 40% dans les cinq prochaines années. La campagne nationale actuellement en cours en Allemagne et lancée sur le thème des "femmes sur le web" connaît un grand succès. Pour un grand nombre de femmes, les emplois indépendants ouvrent de nouvelles perspectives de carrière. Ces femmes représentent actuellement 27% des 3,5 millions de personnes qui travaillent à leur compte en Allemagne. Pour encourager cette tendance, la banque pour l'égalité des chances en Allemagne, la "Deutsche Ausgleichsbank", a mis au point, en mai 1999, un nouveau programme de prêts à l'intention des femmes qui souhaitent créer une petite entreprise.

La tendance actuelle, qui va vers une flexibilité du travail toujours plus grande, présente le risque pour les femmes de se voir confier des emplois qui ne leur permettent pas de subvenir complètement à leurs besoins, a reconnu Mme Niehuis. C'est pourquoi l'on analyse actuellement dans quelle mesure le travail à domicile, particulièrement apprécié des femmes, permet réellement de concilier carrière et vie de famille. Jusqu'à présent la conciliation de la vie de famille et de l'emploi a été envisagée exclusivement comme un problème féminin; ce phénomène étant en fait renforcé par les dispositions législatives relatives à l'éducation des enfants. Il importe donc de mettre l'accent sur le rôle des hommes. Dans cette perspective, il est prévu de donner aux deux parents la possibilité de prendre simultanément et non plus consécutivement un congé pour élever les enfants. L'on envisage également de faciliter le travail à temps partiel pendant la durée du congé parental et de garantir aux parents leur retour à un travail à temps plein une fois ce congé achevé. L'un des problèmes majeurs rencontrés est également le manque de structures de garde des enfants. Malgré le droit inscrit dans la loi à une place dans un jardin d'enfants, certaines régions, surtout dans l'ouest du pays, n'ont pas suffisamment d'infrastructures pour recevoir tous les enfants, notamment ceux ayant moins de 3 ans et ceux ayant plus de 6 ans, a expliqué la Secrétaire d'Etat. En outre, les horaires des garderies ne sont pas assez adaptés aux horaires du secteur de l'emploi. C'est pourquoi le Gouvernement fédéral, en collaboration avec les Länder, va créer un groupe de travail informel chargé de faire des propositions pour améliorer les services de garde d'enfants. Une campagne d'information et de sensibilisation va de plus être lancée. Elle mettra l'accent sur la responsabilité partagée des parents en la matière et sur le rôle des pères.

En dépit des divers amendements apportés aux textes réprimant la violence contre les femmes, une réduction sensible de ce phénomène n'est toujours pas enregistrée, a indiqué Mme Niehuis. Le Gouvernement fédéral vient donc pour la première fois d'adopter une approche intégrée de la question et concrétisée dans le Plan d'action de lutte contre la violence à l'égard des femmes.

Les ONG sont largement associées à la mise en œuvre de ce plan, qui porte également sur des domaines relevant de l'autorité des Länder et des municipalités. Un groupe de travail sera chargé de coordonner les activités entreprises, a précisé Mme Niehuis. Ce plan se concentre surtout sur la prévention, la loi, la coopération interinstitutionnelle, les services d'aide, ainsi que la sensibilisation du grand public et des spécialistes. Concrètement, du matériel éducatif destiné aux écoles va être élaboré sur ce sujet, une information à l'intention des parents sera diffusée, des projets impliquant les petits garçons et balayant les stéréotypes traditionnels vont être mis en place et des lignes téléphoniques d'urgence vont être mises à la disposition des jeunes gens et des parents. La situation particulière des femmes et des jeunes filles handicapées, des femmes âgées et des ressortissantes étrangères est prise en compte dans ce Plan, a ajouté Mme Niehuis. Sur le plan législatif, le Ministère fédéral de la Justice va bientôt soumettre au Parlement un projet de loi renforçant la protection des femmes en cas de violence. Les procédures de dépôt de plainte seront simplifiées et les contacts entre les victimes et les coupables seront strictement réglementés. De plus, il est envisagé d'amender le Code civil pour y inscrire le droit de chaque enfant à une éducation sans violence. Par ailleurs, une étude ayant montré que la loi sur le harcèlement sexuel est très peu appliquée dans le monde du travail, un vaste réexamen va en être entrepris dans le courant de l'an 2000 pour déterminer quels sont les changements qu'il convient d'y apporter. Pour les femmes d'origine étrangère victimes du trafic sexuel, il est prévu d'accorder un délai de 4 semaines avant de procéder à la déportation afin de leur permettre de témoigner devant les tribunaux et obtenir ainsi la condamnation des responsables. Parallèlement au renforcement des structures d'accueil des femmes victimes de violences, le Gouvernement va également s'efforcer de modifier radicalement l'attitude des personnes qui commettent les violences en leur faisant suivre des stages de rééducation sociale. L'Allemagne lutte également contre la violence à l'égard des femmes à l'échelle internationale, a fait observer Mme Niehuis. C'est ainsi qu'en juin 1999, sous la présidence allemande, le Conseil des Ministres de la jeunesse de l'Union européenne a adopté le Programme Daphné, qui lutte contre la violence contre les enfants, les adolescents et les femmes et accorde, jusqu'en 2003, des fonds aux ONG pour soutenir leur travail de prévention. L'Allemagne est aussi très active dans les négociations sur l'établissement d'une Convention des Nations Unies contre le crime transnational organisé. A cet égard, elle attache une importance particulière au projet de Protocole facultatif relatif au trafic des personnes, a précisé la Secrétaire d'Etat.

Pour ce qui est de la santé, l'Allemagne vient de réaliser la première étude globale de la situation sanitaire des femmes. Les résultats en seront publiés à la fin de l'année et ils serviront à introduire une perspective sexospécifique dans le domaine de la santé. En novembre 1999, le pays a en outre approuvé l'utilisation du RU 486, dite "pilule du lendemain" qui offre aux femmes une alternative à l'avortement. On s'attache actuellement à informer le plus rapidement possible, le personnel de santé, les assistantes sociales et les femmes concernées sur ce nouveau médicament. La loi relative à l'avortement repose sur le principe de la protection de la vie, a poursuivi Mme Niehuis, et c'est pourquoi l'accent est mis sur le conseil des femmes enceintes, auxquelles revient, depuis 1995, la décision finale. Il existe un large réseau de services de consultation sur les grossesses non désirées.

Ces centres sont financés par les églises et autres organisations séculaires, à l'exception de l'église catholique qui sur instruction papale a décidé de ne plus y participer, le secteur privé et les institutions publiques.

Le Gouvernement s'efforce aussi de promouvoir l'intégration des femmes étrangères, a insisté la Secrétaire d'Etat, avant de reconnaître que jusqu'à présent la perspective sexospécifique n'a été que peu employée dans l'analyse de la situation des familles étrangères. Toutefois une vaste étude sur la situation et l'intégration sociale des femmes et des jeunes filles étrangères va être bientôt réalisée. De plus, le 1er janvier dernier, une nouvelle loi sur la nationalité est entrée en vigueur et elle apporte des améliorations sensibles pour les femmes d'origine étrangère.

Observations et questions des expertes

Entamant une première série de questions, Mme IVANKA CORTI, experte de l'Italie, a félicité l'Etat partie d'avoir récemment signé le protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. La révision de l'article 3 de la Loi fondamentale par laquelle le Gouvernement s'efforce d'éliminer les inégalités entre les hommes et les femmes constitue une base fondamentale pour l'égalité des chances dans tous les domaines. La loi sur la conciliation de la famille et de l'activité professionnelle des femmes constitue, par ailleurs, un texte fort louable. L'experte s'est toutefois dite surprise de constater que la Convention ne soit pas mentionnée dans les réponses écrites adressées par le Gouvernement au Comité. Si cette mention n'a peut-être qu'une valeur symbolique, l'experte a avant tout regretté que l'Etat partie n'ait pas fait pleinement usage de la recommandation générale 19 relative à la violence. L'experte s'est en outre demandée si l'Allemagne est véritablement prête à suivre sa politique de conciliation entre la famille et la carrière, ayant à l'esprit la constatation faite dans les rapports selon laquelle les stéréotypes sont transmis de génération à génération et sont encore profondément enracinés dans de larges secteurs de la société. Rappelant qu'en politique les noms ont une importance, l'experte a, par ailleurs, regretté que le nom du Ministère chargé de la promotion de la femme en Allemagne soit resté inchangé pendant les seize dernières années, à savoir "Ministère fédéral des affaires familiales, du troisième âge, de la condition féminine et de la jeunesse".

Soulignant la présence en Allemagne de plus de 7 millions d'étrangers dont la moitié est constituée de femmes, Mme Corti a demandé à l'Etat partie de leur donner une idée du degré d'intégration des femmes étrangères et de leur dire quels sont leurs droits. S'agissant de la prostitution, l'experte a dit ne pas comprendre la politique poursuivie par le Gouvernement fédéral dans ce domaine notant que la prostitution en Allemagne n'est pas passible de punitions mais qu'elle n'est pas non plus légale. De même les prostitués peuvent demander une rémunération pour leurs services mais leurs rémunérations sont imposables. Sur quelle base ces revenus sont-ils imposés? Ont-elles droit à des prestations sociales? a demandé l'experte.

Concernant les prostituées étrangères, l'experte a regretté que le Gouvernement ne soit pas engagé de façon active dans la prévention de l'immigration illégale, facteur qui rend plus difficile la possibilité pour les prostituées étrangères d'échapper au trafic des femmes.

Il semblerait, par ailleurs, que la police s’efforce de résoudre à elle seule ce problème, notamment par le biais de l'expulsion. Rappelant que l'Allemagne est l'un des pays d'Europe, qui compte le plus grand nombre de demandeurs d'asile, à savoir 128 000 à ce jour, l'experte a demandé de savoir dans quelles mesures sont reçues les femmes ayant obtenu le droit d'asile en Allemagne et qui font l'objet de persécutions par leurs maris. Notant que les pays d'Europe assistent actuellement à une réduction de l'Etat providence, l'experte a salué les efforts réalisés par l'Etat partie dans le domaine du travail à temps partiel. Mme Corti a recommandé à l'Etat partie de diffuser plus largement la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes en Allemagne et d'y faire participer le très riche réseau des ONG dont dispose le pays.

Mme YOLANDA FERRER, experte de Cuba, s'est, pour sa part, penchée sur l'approche adoptée par l'Etat partie quant à l'emploi des femmes. Elle a estimé que la priorité donnée au développement du travail flexible et à temps partiel et à la conciliation de la carrière et de la vie familiale comporte le risque de renforcer davantage les inégalités entre les hommes et les femmes en matière d'emploi, étant donné que les femmes représentent 75% des travailleurs à temps partiel et la majorité des chômeurs. Il faudrait donc mettre davantage l'accent sur les hommes et la responsabilité partagée des deux parents en matière d'éducation des enfants. L'experte s'est aussi dite préoccupée par le fait que les femmes à la retraite et chefs de famille représentent une part importante de personnes les plus défavorisées. Concernant la violence contre les femmes et l'intégration des étrangères, Mme FERRER a évoqué les cas de femmes victimes d'actes de racisme et de xénophobie. Elle a demandé qu'à l'avenir l'Etat fournisse des statistiques ventilées par sexe et par origine des victimes de telles violences. Existe-t- il des mécanismes leur permettant de porter plainte? s'est également enquise l'experte.

L'amendement à l'article 3 de la Loi fondamentale montre que l'Allemagne a renforcé les mesures contre les discriminations et les inégalités à l'égard des femmes, a affirmé Mme SILVIA CARTWRIGHT, experte de la Nouvelle-Zélande, avant de demander à savoir dans quelles mesures, on s'efforce de traduire ce changement dans les faits. Les Länder sont-ils tenus de modifier leurs politiques et leurs lois sur la base de cette modification, a-t-elle par exemple demandé. L'experte a aussi voulu savoir si la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes a été invoquée devant les tribunaux pour porter plainte. L'experte a abordé la question de la violence à l'égard des femmes et a notamment demandé à connaître les mesures pratiques prises pour permettre aux femmes victimes de viols et de violences de porter plainte de manière à la fois rapide et respectueuse de leur intimité. Dans les cas de viols, revient-il aux femmes de prouver qu'elles n'étaient pas consentantes? s'est-elle interrogée. Se félicitant du Plan d'action de lutte contre la violence à l'égard des femmes, Mme Cartwright a demandé si la protection des victimes est accordée de manière temporaire ou à plus long terme pour permettre aux victimes de se rétablir pleinement. Elle s'est particulièrement réjouie du fait que la violence contre les personnes âgées ait été prise en compte et fasse l'objet d'un projet-pilote dans la région de Hanovre. Toutefois, il ne faut pas attendre les résultats du projet-pilote pour agir, a-t-elle fait remarquer, avant de demander à savoir les mesures spécifiques prises pour assurer la protection de ces femmes.

Concernant la lutte contre les violences en générale, elle a insisté sur l'importance d'assurer la formation de tous les personnels concernés, judiciaires, policiers, sanitaires et sociaux, ainsi que sur la nécessité de mettre l'accent sur les droits fondamentaux, notamment celui à la vie. Elle a estimé que la déportation des femmes étrangères victimes de trafic sexuel n'est pas la bonne approche car ces personnes sont véritablement victimes d'une forme moderne d'esclavage. Selon elle, l'accent devrait être mis sur l'appui donné à ces femmes, qui devraient, si l'on veut véritablement qu'elles témoignent devant les tribunaux, pouvoir rester dans le pays et y bénéficier d'une aide sociale et financière généreuse, plutôt que d'être déportées.

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