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FEM/1113

POUR LUTTER CONTRE LES PRATIQUES DISCRIMINATOIRES A L'EGARD DES FEMMES DANS LES COMMUNAUTES ETHNIQUES, L'INDE PREFERE L'INCITATION A LA COERCITION

31 janvier 2000


Communiqué de Presse
FEM/1113


POUR LUTTER CONTRE LES PRATIQUES DISCRIMINATOIRES A L'EGARD DES FEMMES DANS LES COMMUNAUTES ETHNIQUES, L'INDE PREFERE L'INCITATION A LA COERCITION

20000131

"Le Gouvernement indien n'épargnera aucun effort pour éliminer toutes les discriminations délibérées à l'égard des femmes" a déclaré, ce matin, Mme Kiran Aggarwal, Secrétaire du Département du développement de la femme et de l'enfant de l'Inde, en répondant aux questions formulées, lundi dernier, par les expertes du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, lors de la présentation du rapport initial de l'Inde. Mme Aggarwal a cependant ajouté que, de manière générale, le Gouvernement indien estime que des mesures draconiennes n'aident pas à améliorer la situation car elles renforcent bien souvent les intégrismes et les résistances et s'avèrent donc contre-productives. Les autorités préfèrent par conséquent s'attacher à encourager des réformes au sein des communautés qui suivent toujours des pratiques discriminatoires à l'égard des femmes. L'activisme du système judiciaire, et notamment de la Cour suprême, en matière de défense des droits des femmes, vient à cet égard compléter les efforts du Gouvernement central, a précisé Mme Aggarwal.

Réagissant à la volonté de l'Inde de mener une lutte contre les discriminations délibérées à l'égard des femmes, une experte a fait remarquer que le Comité ne s'attache pas seulement à la discrimination directe à l'égard des femmes, mais aussi à toutes les formes de discrimination indirecte que les Etats parties se doivent également de combattre. Plusieurs expertes ont ainsi demandé des précisions quant aux actes de violence commis contre des femmes par les forces armées placées aux frontières. "Un programme de réinsertion est-il prévu pour les victimes? Sont-elles indemnisées?", se sont demandées les expertes qui ont également mis l'accent sur la nécessité de tenir les personnes commettant ces violations des droits de l'homme responsables de leurs actes. Plusieurs expertes ont également encouragé l'Etat partie à accorder une place prioritaire à l'éducation qui, en matière de promotion de la femme, est l'outil qui permet aux femmes de connaître et d'exercer tous leurs autres droits fondamentaux.

Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Comité entendra les réponses de la République démocratique du Congo aux questions posées par les expertes, mardi dernier, lors de la présentation de son rapport initial et de ses deuxième et troisième rapports périodiques.

SUITE DE L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DE L'INDE

Le première partie de l'examen de ce rapport figure dans nos communiqués FEM/1103 et FEM/1104 du 24 janvier 2000.

Réponses de l'Etat partie aux questions des expertes

Mme KIRAN AGGARWAL, Secrétaire du Département du développement de la femme et de l'enfant de l'Inde, a indiqué, en réponse à une question portant sur la Cour suprême, que les décisions prises par cet organe ont force de loi et que, dans le passé, plusieurs femmes ont fait partie des membres de la Cour. S'agissant des mécanismes existants en Inde pour faire appliquer les politiques en faveur des femmes, Mme Aggarwal a souligné que son pays a notamment créé la Commission nationale des femmes et, en 1997, un Comité parlementaire pour la promotion de la femme. Rappelant les questions qu'ont posées les expertes sur les compétences exactes de la Commission nationale des femmes, la Secrétaire a souligné que cet organe statutaire de haut niveau est autonome et a pour mandat de traiter les cas d'atrocités perpétrés à l'encontre des femmes, d'examiner les cas de violation de la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et de mettre en oeuvre des mesures pour éliminer cette discrimination. La Commission a également compétence pour recommander des amendements si nécessaire. A cet égard, elle se voit également consultée par la Commission nationale des lois pour tout amendement impliquant des questions liées aux femmes. Par ailleurs, des personnes peuvent individuellement déposer des plaintes auprès de la Commission nationale des femmes qui mène alors des enquêtes détaillées sur celles qui ont un fondement sérieux; elle renvoie ensuite ses conclusions et recommandations au Département ou au Ministère d'Etat correspondant. Dans d'autres cas encore, la Commission assure le suivi de ces affaires avec l'aide des services de police, afin d'accélérer les enquêtes. Dans tous les cas, les prestations de la Commission restent gratuites. Des Commissions d'Etat pour les femmes ont également été instaurées dans 16 Etats et ont vocation à exercer les mêmes compétences que la Commission nationale des femmes.

S'agissant de la Plate-forme de Beijing, Mme Aggarwal a assuré le Comité que l'Inde coordonne et examine périodiquement les efforts déployés par les Ministères d'Etat et le Ministère central pour la femme afin d'intégrer ces principes dans les programmes nationaux. Par ailleurs, en vue de rendre plus populaire la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, son texte a été largement distribué dans les Ministères d'Etat après avoir été traduit en hindi, langue nationale de l'Inde.

Un plan d'action a été mis au point pour lutter contre le trafic des femmes, a poursuivi Mme Aggarwal en indiquant que l'objectif de ce plan est de réinsérer dans la société les femmes victimes d'exploitations sexuelles commerciales. Répondant aux demandes de précision quant à la représentation des femmes indiennes dans la politique, Mme Aggarwal a indiqué que l'Inde compte à l'heure actuelle 47 femmes membres du Parlement, dont 9 appartenant à des castes et 3 à des tribus, et que 8 femmes ministres siègent au Conseil national, lequel compte un total de 73 membres. Par ailleurs, la loi constitutionnelle de 1999 qui prévoit de réserver aux femmes un tiers des sièges au Lok Sabha (Chambre des peuples) et aux assemblées législatives a été présentée au Lok Sabha en décembre 1999 et est actuellement transmise au Parlement.

S'agissant de la lutte contre les stéréotypes, une révision importante des manuels scolaires a été entreprise dans 14 Etats. Par ailleurs, le pourcentage d'alphabétisme parmi les femmes n'a cessé d'augmenter au cours des 40 dernières années, passant de 13,15% en 1961 à 34,09% en 1991. Ce pourcentage au sein des castes est passé, pendant la même période, de 3,29% à 23,76%. Quant à la place des femmes dans l'enseignement supérieur, elles représentaient 28% du corps enseignant dans les universités indiennes pour l'année 1986-1987, alors que leur proportion atteignait seulement 9% de cette catégorie en 1950-1951. Le Gouvernement s'est en outre proposé d'augmenter ses dépenses pour l'éducation pour qu'elles correspondent à 6% du PIB. Il convient en outre de relever que, cette année, plus de 40% du budget de l'Etat pour l'éducation est consacré à l'éducation des femmes et des filles et que les projets de bourses qu'il compte allouer prévoit des préférences pour ces catégories.

Pour ce qui est du secteur de l'emploi, le Gouvernement s'attache aujourd'hui à mettre en place une stratégie de protection et de prestations sociales pour les femmes qui travaillent dans le secteur informel. Le travail forcé est condamné par la loi et les employeurs qui y ont recours sont passibles d'emprisonnement, a ajouté Mme Aggarwal. Les victimes bénéficient quant à elles d'une politique de réinsertion. En matière de harcèlement sexuel et de travail des enfants, le Gouvernement a suivi les directives établies par le Cour suprême.

Malgré certaines dispositions prévues par la loi, les avortements illégaux ont toujours lieu en Inde, a poursuivi la Secrétaire du Département de la promotion de la femme et de l'enfant. C'est pourquoi, le Gouvernement envisage de déléguer aux districts certains pouvoirs qui jusqu'à présent étaient exclusifs à l'autorité centrale. Pour faire face à la pénurie de femmes médecins, particulièrement sévère dans les zones rurales, le Gouvernement a adopté une série d'incitations financières et matérielles, telle que la possibilité de travailler à temps partiel dans les hôpitaux de campagnes. De manière plus générale concernant la santé des femmes, les autorités ont adopté une politique intégrée, associant plusieurs ministères centraux, ainsi que des ONG et le secteur privé. L'accent est mis sur le règlement des problèmes de santé reproductive, la nutrition et la vaccination ainsi que l'hygiène. La stérilisation féminine demeure la méthode contraceptive la plus courante, même si les hommes sont désormais de plus en plus associés aux programmes de planification familiale. C'est ainsi que dans le cadre du Programme de contrôle du sida, des campagnes publicitaires ont promu l'usage du préservatif, qui est fourni gratuitement par le Gouvernement. Les vasectomies réversibles sont aussi de plus en plus populaires. L'Inde n'a nullement l'intention de privatiser le secteur de la santé, a précisé Mme Aggarwal, ajoutant que le Neuvième Plan alloue 4,01% du budget national à la santé et à la famille.

Bien qu'il n'y ait pas consensus sur la nécessité d'adopter un Code civil uniforme, des initiatives en ce sens ont déjà été prises, a expliqué ensuite Mme Aggarwal. C'est ainsi que pour les Hindous, les Sikhs, les Jains et les Bouddhistes, qui représentent la majorité de la population, le Code civil est uniforme. Pour les autres minorités, le Gouvernement n'interfère dans ce domaine qu'à leur demande. Si la communauté est disposée à l'accepter, les autorités centrales proposent alors le Code civil uniforme. Le reste du temps,

elle se limite à mener une politique de persuasion et de conviction auprès des différentes communautés ethniques. En revanche et en raison du faible taux d'alphabétisation, de la grande diversité culturelle et des lois gouvernant le mariage, le Gouvernement n'estime pas approprié de rendre obligatoire l'enregistrement des mariages. Toutefois, l'enregistrement des mariages fait partie des dispositions de plusieurs lois s'appliquant à une grande partie de la population.

Les femmes dalits ou intouchables, tout comme les hommes de cette caste, bénéficient d'une politique et de programmes de protection spécifiques. L'accent est mis sur l'alphabétisation des petites filles et l'on va s'attacher également à améliorer le statut social et économique de ces femmes. Une loi de 1955 et une autre de 1989 visent à prévenir et réprimer les pratiques "d'intouchabilité" et d'atrocités liées à la caste. Le Gouvernement central coordonne les mesures prises par les Etats et leur offre une assistance financière. Plusieurs Etats de la fédération ont créé des Cours spéciales pour appliquer ces lois.

S'agissant des violences dont les indiennes sont victimes dans le cadre d'un conflit armé, Mme Aggarwal a indiqué que le pays n'est pas le théâtre d'un conflit armé tel que défini par le droit international. Toutefois, ponctuellement des insurrections locales et des violences, notamment dans le Jammu-et-Cachemire et dans le Punjab, éclatent. Elles sont perpétuées par des terroristes, qui par définition ne respectent aucune loi. Mais, s'agissant du personnel militaire, la loi sur les pouvoirs spéciaux n'accorde aucune immunité aux forces de sécurité en matière de poursuites pénales, a affirmé Mme Aggarwal, ajoutant que celles-ci doivent simplement être précédées d'une sanction du Gouvernement central. Entre 1990 et 1997, 259 plaintes pour violation des droits humains ont été déposées contre les membres des Forces de sécurité des frontières. Les enquêtes alors menées ont conduit à la condamnation de 81 personnes, y compris 29 officiers.

Tout ce qui a été entrepris l'a été ouvertement et avec la vaste participation des femmes et c'est pourquoi les réformes initiées seront durables, a affirmé Mme Aggarwal en conclusion. En revanche, a-t-elle expliqué, étant donné l'état du développement politique et social du pays, le Gouvernement indien n'est pas en mesure de lever les réserves. Il n'épargnera cependant aucun effort pour éliminer toutes les discriminations délibérées à l'égard des femmes. De manière générale, le Gouvernement estime que des mesures draconiennes n'aident pas à améliorer la situation car elles renforcent bien souvent les intégrismes et les résistances et s'avèrent donc contre-productives. Les autorités préfèrent donc s'attacher à encourager des réformes au sein des communautés qui suivent toujours des pratiques discriminatoires à l'égard des femmes. L'activisme du système judiciaire, et notamment de la Cour suprême, en matière de défense des droits des femmes, vient compléter les efforts du Gouvernement central, a ajouté encore Mme Aggarwal.

La Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Mme AIDA GONZALEZ MARTINES, experte du Mexique, a remercié l'Etat partie pour la richesse des informations que contiennent les réponses données par Mme Aggarwal. Au nom du Comité, la Présidente s'est dite pleinement consciente du fait que les progrès réalisés sont dus à la ferme volonté du peuple indien de créer

une réelle démocratie. Il reste, toutefois, encore beaucoup à faire dans le domaine de la promotion des femmes et le Comité félicite à cet égard la volonté affichée de l'Inde de poursuivre ses efforts et de partager ses accomplissements dans ce domaine.

Observations et commentaires des expertes

Formulant des commentaires sur les réponses données par l'Etat partie, Mme SAVITRI GOONESEKERE, experte du Sri Lanka, a demandé à l'Etat partie de parvenir à la plus grande excellence dans la promotion de la femme, étant donnée l'importance de la population féminine en Inde. S'agissant de l'affectation des ressources, l'experte a relevé qu'un montant inférieur a été alloué à la promotion des femmes par rapport au budget consacré aux enfants. De l'avis de l'experte, il faudrait reconsidérer le concept de redistribution des ressources financières pour que la priorité soit accordée aux femmes. Par ailleurs, en l'absence d'un enregistrement des mariages en Inde, comment faire appliquer les lois relatives aux mariages? s'est demandée l'experte. S'agissant des conflits armés, il est primordial que, dans le cadre des lois sur la sécurité interne, toute violation des droits de l'homme par des agents de la sécurité nationale fasse l'objet d'un examen sans obstacle afin que ces personnes soient tenues pour responsables de leurs actes.

Pour sa part, Mme SALMA KHAN, experte du Bangladesh, s'est inquiétée du niveau d'autorité dont jouit la Commission nationale des femmes. Elle a constaté, en effet, que nombre de ses propositions ne se traduisent jamais par des lois. Cette Commission dispose-t-elle vraiment de toutes les ressources dont elle a besoin et est-elle en mesure d'intervenir dans les cas de violence contre les femmes? s'est interrogée l'experte. La Commission dispose-t-elle d'une cellule juridique pour procéder notamment à des enquêtes? Le Gouvernement doit mener une politique parfaitement claire et sans équivoque concernant les femmes dalits qui constituent 24% de la population indienne, a poursuivi Mme Khan. Elle a, à cet égard, fait remarquer que le Comité ne s'attache pas seulement à la discrimination directe à l'égard des femmes mais aussi à toutes les formes de discrimination indirecte que les Etats parties se doivent également de combattre. Elle s'est réjouie des mesures prises pour considérer les violations des droits de l'homme commises par les forces armées placées aux frontières. L'experte a néanmoins demandé des précisions sur les violences dont les femmes ont été particulièrement victimes. Un programme de réinsertion est-il prévu pour les victimes? Sont-elles indemnisées? s'est- elle enquise.

"Il faut continuer d'appuyer fermement le travail des ONG de femmes auprès des communautés religieuses, pour modifier les lois sur le Statut personnel", a insisté Mme HANNA SCHOPP-SCHILLING, experte de l'Allemagne. Pour elle, le prochain rapport devrait notamment indiquer si le Gouvernement envisage de signer et de ratifier le Protocole facultatif à la Convention, qui donne la possibilité aux femmes, individuellement ou en groupe, de déposer une plainte directement au Comité. L'experte du Ghana, Mme CHARLOTTE ABAKA, a, quant à elle, appelé l'attention du Gouvernement indien sur l'approche "holistique" de sa politique de santé et lui a demandé d'y intégrer la question de l'accès à tous les centres de santé.

En guise d'observations finales, Mme GONZALEZ MARTINES a salué la volonté dont la délégation indienne a fait preuve pour répondre le plus complètement possible aux questions des expertes. Parmi les préoccupations principales du Comité, elle a insisté sur l'éducation, car il s'agit, selon elle, de l'outil le plus déterminant du développement des populations. En matière de promotion de la femme, l'éducation est précisément l'outil qui permet aux femmes de connaître et d'exercer tous leurs autres droits fondamentaux, a-t-elle affirmé. La protection des femmes contre toutes les formes de violence, domestique, communautaire ou étatique, est également un élément de préoccupation pour le Comité, a poursuivi Mme Gonzalez Martines. Elle s'est dite en outre très inquiète de l'attitude par trop passive du Gouvernement central à l'égard des lois communautaires sur le droit de la famille et le droit personnel. Les autorités centrales doivent absolument encourager des changements importants et inciter les communautés à demander ces changements. Pour ce faire, il faut que le Gouvernement organise des campagnes d'information et de sensibilisation. La Présidente a aussi insisté sur la nécessité de diffuser, auprès des différents organes du Gouvernement, le contenu des commentaires et questions du Comité formulés durant l'examen de ce rapport initial, notamment ceux portant sur le niveau de financement des activités relatives aux femmes.

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