ONG/334

LES RAPPORTS QUADRIENNAUX DES ONG "ROBERT KENNEDY MEMORIAL" ET "SOCIETY FOR THREATENED PEOPLES" SUSCITENT DES INTERROGATIONS

27 janvier 2000


Communiqué de Presse
ONG/334


LES RAPPORTS QUADRIENNAUX DES ONG "ROBERT KENNEDY MEMORIAL" ET "SOCIETY FOR THREATENED PEOPLES" SUSCITENT DES INTERROGATIONS

20000127

La Turquie rappelle aux ONG l'obligation de respecter leur caractère apolitique conformément aux conditions de coopération avec l'ONU

Le Comité chargé des organisations non gouvernementales a poursuivi, cet après-midi, l'examen du rapport quadriennal du Robert Kennedy Memorial qui, ce matin, avait suscité des interrogations concernant ses relations avec des organisations n'ayant plus le statut consultatif et son refus de dévoiler l'identité du ressortissant soudanais auquel elle a décerné un prix. A cet égard, la représentante de Cuba a exprimé sa préoccupation face aux problèmes que posent les relations entre les ONG accréditées auprès du Conseil économique et social et d'autres organisations qui nourrissent, elles, des buts politiques. Il faudra que le Comité détermine, une fois pour toutes, la marche à suivre lorsque tout prouve que la résolution 96/31 de l'Assemblée générale régissant le statut des ONG n'est pas mis en application.

L'ordre du jour du Comité comprend l'examen des rapports que sont tenues de présenter, tous les quatre ans, les ONG dotées du statut consultatif général et du statut consultatif spécial concernant l'action qu'elles ont menée en appui aux travaux du Conseil économique et social, conformément à la résolution 96/31. Cette obligation ne s'applique pas aux ONG inscrites sur la Liste. Le représentant du Pakistan a abondé dans le sens des propos de Cuba et mis l'accent sur l'importance de la transparence dans le travail des ONG, et, comme l'a dit le représentant de la Fédération de Russie, l'importance pour ces ONG de sélectionner avec responsabilité les personnes qu'elles accréditent, auxquelles elle attribuent des prix ou permettent de parler en leur nom. La non-application de la résolution pertinente pourrait être interprétée comme un manque de respect vis-à-vis du Comité.

Pour sa part, la représentante de l'Irlande a souligné le droit de tout individu d'être affilié à une ONG tout en reconnaissant la responsabilité des ONG de choisir soigneusement les organisations qui parlent en son nom. Le choix des affiliés, a insisté le représentant des Etats-Unis, n'est pas couvert par la résolution 96/31. En la matière, l'initiative revient aux ONG

et aux ONG seules. De plus, aucune disposition n'interdit l'attribution d'un prix de manière anonyme; ce qui ne signifie nullement que l'oeuvre récompensée doit rester dans l'anonymat. Répondant à ces commentaires, la représentante du Memorial a affirmé que l'ONG assume ses responsabilités concernant ses relations avec le Conseil économique et social; toutes les décisions étant prises conformément à la résolution 96/31 et à la Charte des Nations Unies. Les personnes qui parlent au nom de l'ONG sont choisies parmi celles avec qui elle entretient des relations de travail. L'ONG est transparente dans tous ses travaux et est toujours disponible pour répondre aux questions.

Après cette réponse, le représentant de la Chine a dit maintenir ses doutes et jugé inacceptable qu'une ONG bafoue ainsi une décision du Comité en conservant des relations de travail avec une organisation à laquelle le Comité a retiré le statut consultatif. De plus, en remettant, de façon anonyme, un prix à une personne, l'ONG fait des naître des doutes sur son respect des principes de transparence, d'équité et de justice. Tous les prix sont-ils décernés de façon anonyme, a demandé le représentant, ou uniquement lorsqu'il s'agit de ressortissants de certains pays? En fonction de quels événements, cette pratique a-t-elle été établie? Y a-t-il eu, par le passé, persécution de lauréats? Compte tenu de l'absence de réponses claires à ces questions, la Chine n'est pas à même de prendre note de ce rapport, a conclu le représentant.

A cela, le représentant de la France a répondu que lorsqu'il y a doutes, il faut être en mesure de poser des questions nouvelles et précises. Il a insisté sur le fait que rien dans la résolution 96/31 n'évoque l'obligation de transparence en termes de modalités d'accréditations qu'octroient les ONG à d'autres organisations. A partir du moment où une ONG respecte les dispositions de la résolution pertinente, rien ne permet au Comité d'aller au- delà. Le représentant de la Chine a dit attendre, avant toute prise de décision, des explications sur la manière dont l'ONG entend régir à l'avenir ses relations avec d'autres organisations. Entend-elle oui ou non suivre l'esprit et la lettre de la résolution 96/31? Compte-t-elle continuer à autoriser une ONG à laquelle le statut consultatif à été retiré à parler en son nom? La Chine attend des réponses écrites, a insisté le représentant.

Le Comité a consacré une séance officieuse à l'examen de ses méthodes de travail. A l'issue de cette séance, le représentant de la Turquie a tenu à faire une déclaration pour évoquer la question de l'accréditation des représentants des ONG aux réunions des Nations Unies et celle de leur responsabilité quant à l'attitude à adopter. Il ne fait aucun doute, a souligné le représentant, que la Turquie encourage la participation des ONG qui détiennent des compétences dont tous peuvent profiter. Malheureusement, il a fallu constater, depuis quelque temps, que certains représentants d'ONG en profitent pour faire des déclarations à motivation politique ou véhiculant des idéologies terroristes. Cette tendance est une source de préoccupation grave pour la Turquie, a dit le représentant avant de rappeler la responsabilité directe et complète des ONG à l'égard de leurs représentants.

Etant donné le nombre croissant d'incidents, il est important d'étudier soigneusement cette question. La présence de représentants d'ONG ayant des activités politiquement motivées contre des Etats Membres est une violation de la résolution 96/31 de l'Assemblée générale régissant le statut des ONG, a estimé le représentant.

A cet égard, il a rappelé que l'article 55 de la partie 8 de la résolution stipule que les ONG à qui le Conseil économique et social a octroyé un statut consultatif ou l'inscription sur la Liste doivent à tout moment respecter les principes régissant la nature de leurs relations consultatives avec le Conseil. Le représentant a insisté sur les termes "à tout moment" avant de rappeler que cette partie fixe aussi la procédure de retrait du statut consultatif. Il a prévenu que son pays continuera de suivre de très près les activités des ONG afin de déterminer dans quelle mesure elles respectent les principes établis et contribuent aux travaux des Nations Unies. La Turquie accordera une attention toute particulière aux ONG qui ont déjà abusé de leur statut pour vérifier si leur comportement revêt un caractère systématique. Le représentant a conclu en réitérant l'appui continu de son pays aux "activités très utiles" des ONG.

Le Comité a ensuite repris l'examen des rapports quadriennaux présentés par les ONG. Concernant la "Fédération islamique internationale des organisations d'étudiants" dont le rapport quadriennal, renvoyé depuis 1997 par le Comité, est contenu dans le document E/C.2/1999/CRP.4, le Président de séance du Comité a rappelé qu'en juin 1999, il avait été convenu que ce dossier serait réglé lors de la présente reprise de session. La représentante de l'Algérie a demandé quel sort devait être réservé au statut d'une ONG dont l'examen du rapport a été reporté depuis 1997. Selon les informations transmises par le Secrétariat, a dit le Président, il n'y a pas de changement au statut consultatif dont bénéficie l'organisation concernée qui peut, de ce fait, continuer sa collaboration avec l'ONU.

Le représentant de l'Inde est alors intervenu et a dit que la demande originale d'acceptation du rapport soumise par l'ONG datait en fait de 1996, et dans ce document l'ONG se définissait comme "une organisation de défense de la société islamique". Mais en fait, tout ce que dit cette ONG vise directement l'Inde et se situe très en dehors des limites du statut qu'elle avait demandé auprès de l' ECOSOC, a dit le représentant. Le Secrétaire général de cette ONG et certains de ses membres les plus actifs, sont en fait membres d'un parti politique en Turquie, ce qui en fait une organisation à caractère politique comme le montre le genre de rapports qu'elle entretient avec de nombreux mouvements interdits en Turquie. L'Inde a d'autre part, demandé à cette ONG pourquoi elle n'avait pas déclaré au Secrétariat son changement de lieu de siège, ce qui est contraire aux termes de la résolution 96/31.

Le Secrétaire général de cette ONG, qui a séjourné dans un pays que l'Inde ne veut pas nommer, défend en fait les intérêts et les visées de ce pays. Sans s'opposer à l'acceptation par le Comité du rapport de cette ONG, l'Inde demande que les réserves qu'elle exprime vis à vis de cette ONG soient notés dans les rapports de travaux de ce Comité, a demandé le délégué.

Intervenant à son tour, le représentant du Pakistan a dit que l'Inde n'avait jamais élevé, dans le passé, contre la Fédération islamique internationale des organisations d'étudiants, les objections majeures qu'elle exprime aujourd'hui. Cette attitude surprend la délégation pakistanaise, et les arguments évoquées par le représentant de l'Inde concernant le fonctionnement interne de l'ONG sont totalement hors de propos. Nous ne pensons pas que l'ONG concentre ses activités ou ses critiques contre un seul pays, a dit le délégué. Le Pakistan ou le Kosovo sont parfois cités dans son rapport, et aucun Etat Membre ne peut prétendre museler les ONG. Prenant la parole, le Président a estimé que le Comité était prêt à prendre note du rapport de l'ONG tout en notant les réserves de la délégation de l'Inde.

S'agissant du rapport quadriennal de l'ONG Confédération générale des attentistes du 7ème jour, le Comité, avant d'en prendre note, a entendu le représentant de la France qui a demandé que l'ONG apporte les corrections nécessaires et cite la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie et la Guyane comme des territoires français. Le Comité, passant au rapport de Society for Threatened Peoples, le représentant de la Chine est revenu sur l'obligation des ONG de respecter les principes et les buts de la Charte des Nations Unies et partant, le principe de l'intégrité territoriale des Etats Membres. Il se trouve, a dit le représentant, que l'ONG diffuse des analyses mensongères sur la politique de la Chine en prétendant qu'elle a occupé le Tibet. Si cette assertion n'est pas due à une mauvaise connaissance de l'histoire et de la géographie de la Chine, elle ne peut qu'être imputable à des visées politiques. L'ONG prétend, en outre, que la Chine a commis des crimes contre l'humanité au Tibet alors que le Gouvernement chinois a arrêté un certain nombre de mesures pour réaliser le développement économique et social du Tibet. Le territoire est ainsi passé d'une ère médiévale à une ère moderne stable et respectueuse des droits de l'homme et des libertés. Il est très important que l'ONG clarifie sa position et dise clairement si elle reconnaît que le Tibet est une partie inaliénable de la Chine. Dans le cas contraire, il faudrait conclure que cette ONG appuie des activités visant à démembrer les Etats membres des Nations Unies.

A son tour, le représentant de la Fédération de Russie a décrit l'ONG comme une organisation réticente à respecter le principe d'intégrité territoriale des Etats. Si l'ONG reconnaissait véritablement la Tchétchénie et l'Ingouchie comme parties intégrantes de la Fédération de Russie, ses réponses auraient été plus claires. Nous avons ici un exemple probant, a dit le représentant de l'Inde, d'une ONG qui, ayant à peine obtenu son statut consultatif, réussit déjà à se mêler de questions touchant l'intégrité territoriale des Etats.

Cette ONG est, d'ailleurs, bien connue pour son travail incompatible avec le Conseil économique et social, a dit le représentant avant de laisser la parole au représentant de la Turquie qui a demandé quel est le rapport entre cette ONG et le Bureau international de la paix. Dans l'énumération qu'elle fait des pays dans lesquels elle a une représentation, elle cite le Tyrol méridional comme entité distincte. Pourquoi cette ONG a-t-elle jugé bon de séparer cette région du reste de l'Italie, a ajouté le représentant.

Concernant l'ONG "Women's International Zionist Organization" (WIZO) à qui le statut consultatif spécial avait été octroyé en 1959, le représentant du Liban s déclaré que sa délégation avait des questions à poser par écrit à poser à cette ONG. Ceci veut donc dire que le Comité n'est pas prêt à prendre de décision sur le rapport de cette ONG a estimé le Président. La décision du Comité est donc reporté. Le Comité a ensuite examiné le rapport de l'ONG "Foundation for the Rights of the Family" (PRODEFA), organisation espagnole qui avait reçu le statut consultatif spécial en 1987. La représentante de l'Algérie s'est étonnée du fait que la réponse envoyée par cette ONG figure sur un papier à en-tête du Ministère des affaires sociales du gouvernement espagnol. Ce Comité a-t-il jamais accordé un statut consultatif à des organismes officiels? Prenant la parole, la représentante de l'Irlande a déclaré comprendre que le courrier à en-tête dont il était question était une pièce jointe à la lettre de l'ONG qui a accompagné sa réponse d'une attestation de versement de fonds du gouvernement espagnol à son budget. Le Président de séance du Comité, hispanophone, a approuvé l'interprétation faite par la délégation de l'Irlande. Le Comité a approuvé le rapport de PRODEFA en prenant note des doutes émis par la représentante de l'Algérie.

Le Comité a également reporté sa décision sur les rapports quadriennaux de World Muslim Congress et pris note de ceux de International Alliance of Women; et de International Federation of Human Rights - l'Algérie réservant ses commentaires pour plus tard -.

Pour ce qui est du rapport de Christian Democratic International dont le Comité a reporté l'examen, la représentante de Cuba a rappelé que sa délégation avait posé une série de questions à cette ONG étant donné qu'elle appuie des groupes à Cuba qui agissent dans l'illégalité en étant financés de l'extérieur. La représentante a souhaité savoir quels sont les partis politiques que l'ONG reconnaît comme affiliés. A cet égard, la représentante de l'Algérie a souligné que la résolution 1996/31 comprend un chapitre excluant les ONG à motivation politique. Que veut-donc dire cette ONG par "parti politique"? Ce ne sont pas des partis politiques en soi, a répondu le Président du Comité mais des regroupements de partis politiques. D'autres organisations de ce type ont d'ailleurs déjà reçu le statut consultatif. Pour sa part, le représentant de la Tunisie a souhaité connaître la nature des activités que l'ONG dit mener en Tunisie et les partis politiques en Tunisie qui lui sont affiliés.

Concernant l'Organisation de solidarité des peuples afroasiatiques, la délégation du Pakistan a demandé si cette ONG avait des relations avec le mouvement dénommé "SAARC". L'ONG prétend d'autre part avoir un statut d'observateur auprès des non-Alignés, ce qui n'est pas vrai, a estimé le délégué, qui a précisé que les règles du Mouvement des non-Alignés permettent la présence d'invités mais pas d'observateurs. Le Pakistan veut savoir quel rôle cette ONG a joué durant les travaux de la Commission des droits de l'homme. Le Comité a reporté toute prise de décision sur le rapport de cette organisation. Il a ensuite examiné le rapport de l'Association des femmes pakistanaises, à laquelle des questions avaient été adressées. La délégation de l'Inde a estimé insuffisantes les réponse apportées par l'ONG aux questions qui avaient été posées sur son activité. L'ONG peut-elle faire parvenir au Comité le texte intégral de sa déclaration sur ce point? La question lui a été posée en juin 1999, mais l'ONG n'a daigné envoyer un élément de réponse qu'au mois de janvier 2000. Le délégué du Pakistan est alors intervenu pour demander si la question posée sur la position de l'ONG sur la pratique des "meurtres d'honneur" n'avait vraiment pas reçu de réponse. Cette question doit-elle vraiment remettre en question le statut de cette ONG auprès de l'ONU et menacer le travail qu'elle accomplit en faveur des femmes? Le Comité a pris note du rapport de l'ONG.

Le Comité se réunira demain vendredi 28 janvier à 10 heures.

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