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FEM/1105

LA POLITIQUE DE PROMOTION DE LA FEMME EST TRES FORTEMENT FREINEE PAR LE CONFLIT ARME QUI SEVIT EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

25 janvier 2000


Communiqué de Presse
FEM/1105


LA POLITIQUE DE PROMOTION DE LA FEMME EST TRES FORTEMENT FREINEE PAR LE CONFLIT ARME QUI SEVIT EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

20000125

Les expertes soulignent que de nombreuses lois demeurent discriminatoires à l'égard des femmes

"Comment voulez-vous qu'un Gouvernement puisse réaliser les performances attendues lorsqu'une partie de son territoire est occupée, que ses richesses sont pillées, ses populations massacrées, ses femmes violées et enterrées vivantes et que plus de 6 millions d'enfants y sont déscolarisés?" a demandé, ce matin, devant le Comité sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, la Ministre des affaires sociales et de la famille de la République démocratique du Congo, Mme Anastasie Moleko Moliwa. Présentant le rapport initial et les deuxième et troisième rapports périodiques de son pays, Mme Moliwa a expliqué que le conflit armé qui oppose la RDC à plusieurs de ses voisins et a abouti à l'occupation d'une partie de son territoire, risque de rendre sans effet les efforts déployés en faveur de la cause des femmes. La situation est d'autant plus difficile qu'à l'insécurité vient s'ajouter une grave crise économique plongeant la population dans une pauvreté proche de la misère.

En dépit de ces circonstances difficiles, les autorités congolaises ont pris un engagement réel et multiple en faveur des femmes, a déclaré la Ministre, en prenant pour preuve l'élévation au rang de ministère du mécanisme national chargé de la promotion de la femme, l'établissement du Ministère des droits humains, ou encore l'inscription du principe de l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes dans le projet de Constitution. Sur le plan pratique, le Gouvernement a aussi décidé d'adopter une approche sexospécifique dans la conception, l'exécution et l'évaluation de tout projet de développement et d'élaborer un Programme national pour la promotion de la femme congolaise.

(à suivre - 1a)

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Mais ces initiatives se heurtent aussi à la persistance des mentalités et pratiques traditionnelles négatives par rapport aux droits de la femme, ainsi qu'à l'ambiguïté, voire au caractère discriminatoire, de certains textes de lois. Le Code de la famille pose par exemple l'incapacité juridique de la femme mariée, et ne lui accorde pas le libre choix de sa résidence. De plus, la disposition du Code du travail, selon laquelle une femme mariée peut exercer un emploi sauf opposition expresse de son mari, amène, dans la pratique, les employeurs à demander de manière systématique une autorisation du mari avant d'engager une femme.

Dans des observations générales, les expertes du Comité se sont dites conscientes des problèmes graves qui frappent le pays depuis plusieurs années, et notamment de la gravité du conflit armé. A cet égard, plusieurs expertes ont regretté l'absence de chiffres sur les femmes victimes d'actes violents, ainsi que l'absence d'information sur la situation des nombreuses femmes réfugiées. Il a été aussi rappelé que le Conseil de sécurité examine actuellement les moyens d'assurer à la RDC un développement pacifique et économique réel. Les avancées réalisées au plan institutionnel ont été saluées, mais certains membres du Comité ont néanmoins estimé que la persistance de dispositions de lois gravement discriminatoires est en contradiction avec le fait que l'Etat partie a adhéré à la Convention sans aucune réserve. Une experte s'est particulièrement inquiétée de la politique exigeant des ONG qu'elles homologuent leur règlement intérieur auprès du Ministère de la Justice, car il semble qu'à la suite de cette décision, beaucoup de leurs membres aient préféré fuir le pays de peur d'être poursuivis.

Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Comité poursuivra son dialogue avec l'Etat partie.

EXAMEN DES RAPPORTS PERIODIQUES DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Rapports

Rapport initial et deuxième rapport périodique du Zaïre, ainsi que troisième rapport périodique de la République démocratique du Congo (CEDAW/C/ZAR/1, CEDAW/C/ZAR/2, CEDAW/C/ZAR/2/ADD.1 et Corr.1, CEDAW/C/COD/1)

Le Zaïre, aujourd'hui République démocratique du Congo, a signé la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en juillet 1980, mais ce n'est qu'en octobre 1985 qu'il l'a officiellement ratifiée. Les différents rapports présentés couvrent donc la période allant de 1985 à 1999.

Le dernier rapport (CEDAW/C/COD/1) porte plus spécialement sur la période de juin 1996 à juin 1999. Dans cet intervalle, le pays a connu d'importants bouleversements, avec en 1997 la chute du régime du Président Mobutu en place depuis 1965, l'instauration d'une période de transition s'accompagnant d'un changement de nom, le Zaïre devenant République démocratique du Congo le 17 mai 1997, et prévoyant à terme une nouvelle constitution en cours d'élaboration, ainsi que la tenue d'élections en vue de mener le pays à la 3ème République. Outre ces changements politiques importants, le pays a dû faire face à deux conflits, l'un de caractère essentiellement interne lié à lutte contre la dictature mobutiste intervenant en 1997, et l'autre se poursuivant depuis l'été 1998 et l'opposant dans toute la partie Est du territoire au Rwanda, à l'Ouganda et au Burundi. Ces hostilités ont miné les bases de l'économie, se traduisant notamment par une baisse de la production intérieure (-6% en 1997 et -3,5% en 1998), l'effondrement des exportations du pays pourtant très riche en minerais, et une très forte inflation. Ces difficultés ont entraîné une misère généralisée pour la population et constituent un frein évident aux activités de promotion de la femme et à l'application de la Convention en particulier, l'enveloppe budgétaire réservée au Ministère ayant la femme dans ses attributions ne représentant, par exemple, que 0,8% du budget national.

Le Secrétariat permanent du Bureau politique chargé de la condition féminine, qui avait été créé en 1980, a été transformé, en juillet 1998, en Conseil national de la femme, élevé au rang ministériel. Le Conseil national de la femme est responsable de la mise en oeuvre du Programme national sur la femme, élaboré par les nouvelles autorités avec l'appui du PNUD, et qui a pour objectif d'assurer la promotion économique de la femme en favorisant l'entreprenariat féminin; la promotion juridique et culturelle de la femme par la diffusion de l'information sur ses droits; la promotion sociale de la femme par la formation, la valorisation du capital humain et du statut féminin; la prise en charge de la santé de la femme et de l'enfant en améliorant notamment leur situation nutritionnelle, en développant des programmes de soins de santé

primaire et en allégeant les travaux journaliers des femmes; ainsi que l'assistance technique, matérielle et financière des femmes dans les milieux ruraux. Ce Conseil est composé de représentants des institutions publiques, des organisations non gouvernementales confessionnelles et laïques, des syndicats et des représentants du système des Nations Unies siégeant en qualité d'observateurs. Son travail est relayé par des conseils provinciaux et complété par le Ministère des droits humains, créé en juin 1998 et ayant pour vocation de protéger, promouvoir et vulgariser les différents droits fondamentaux de la personne humaine.

Mais cet ensemble qui s'inscrit dans un Programme triennal 1997-2000 comprenant une approche sexospécifique est en prise à de nombreux obstacles, en plus de la guerre et de la crise économique qui en découle. Ainsi, dans le domaine de la vie publique, les mentalités traditionnelles ne considèrent toujours pas la femme comme capable de gérer la chose publique, bien qu'elle soit électrice et éligible depuis 1966. Cette opinion est souvent perpétuée par les femmes elles-mêmes, qui font preuve en outre de peu de solidarité entre elles. Le faible niveau d'instruction, ainsi que le taux élevé d'analphabétisme des femmes (46% en 1995), constituent à cet égard un obstacle supplémentaire. De plus, et malgré la suprématie des textes internationaux sur les lois internes, des dispositions légales discriminatoires demeurent toujours. C'est le cas du Code de la famille de 1987, qui dispose que le mari est le chef de ménage et qu'en cas de dissentiment entre l'homme et la femme, la volonté du père prévaut. Ce Code n'autorise pas la femme mariée à gérer ses biens propres et consacre l'incapacité juridique de la femme mariée qui ne peut accomplir certains actes juridiques sans l'autorisation de son mari. Le Code pénal s'avère lui aussi discriminatoire, notamment s'agissant de la répression de l'infraction d'adultère, beaucoup plus sévère pour la femme. Les contraintes pesant sur la femme mariée se retrouve dans le Code du travail qui stipule que la femme mariée peut contracter un emploi sauf opposition expresse de son mari. Dans la pratique, cette disposition amène les employeurs à demander de manière quasi systématique une telle autorisation aux femmes qu'ils embauchent. Cette condition est même posée à la nomination d'une femme au poste de magistrat. Le Code du travail est aussi discriminatoire en matière d'allocations familiales, qui ne sont pas allouées à la femme mariée qui travaille, et ce, même si son époux est sans emploi ou a un salaire inférieur.

Dans le domaine économique, l'obstacle majeur à la promotion des femmes est l'inaccessibilité de la femme rurale à la propriété terrienne, le faible recours aux technologies modernes par les femmes rurales, à qui revient le rôle de cultiver la terre, la difficulté d'accès au crédit pour les femmes, la sous-représentation féminine dans les instances d'élaboration des programmes économiques et de développement, et l'influence des coutumes. Pour ce qui est de l'éducation, les femmes souffrent de la disparité ville-campagne en matière d'infrastructures scolaires, des préjugés traditionnels sur le rôle futur

de la fille dans la société, des préférences scolaires des jeunes filles qui optent pour des filières traditionnellement féminines, du fort taux d'abandon scolaire, ainsi que de l'insuffisance des structures d'alphabétisation des femmes. Enfin, de nombreux freins pèsent aussi sur l'amélioration de la santé des femmes comme, par exemple, l'insuffisance d'infrastructures hospitalières, mais aussi la surcharge des tâches ménagères, le pouvoir limité de la femme pour la gestion de sa sexualité, sa dépendance économique, le manque d'information et les maternités nombreuses et trop rapprochées. Le taux de mortalité maternelle est ainsi de 1837 pour 100 000, contre 837 pour 100 000 en 1996, et l'espérance de vie des femmes de 53,4 ans. Les principales causes de mortalité et de morbidité des femmes sont la malnutrition, les infections (y compris les maladies sexuellement transmissibles et le sida) et les cancers génitaux. Concernant le sida, les femmes infectées sont souvent considérées comme un "réservoir d'infections" et sont rejetées par leur famille ou leur mari. Seul le deuxième rapport périodique évoque l'action d'un Bureau central de coordination de la lutte contre le sida, mettant en place des campagnes de sensibilisation, encadrant les personnes atteintes et promouvant les moyens d'éviter la maladie, tel que le préservatif. Selon le rapport initial (CEDAW/C/ZAR/1), seul à évoquer cette question, l'avortement est sévèrement réprimé par la loi.

Concernant le trafic et l'exploitation sexuelle des femmes, il n'existe aucune disposition punissant la prostitution, à l'exception d'un article du Code pénal qui condamne les souteneurs. En raison de la guerre et de l'aggravation de la pauvreté, la République démocratique du Congo connaît une augmentation des cas de prostitution, ainsi que de la précocité sexuelle des adolescentes qui sont rarement protégées contre les grossesses (1,9% des adolescentes non mariées de 12 à 19 ans ont une grossesse) et les maladies sexuellement transmissibles, comme le VIH/sida. Récemment, un effort de vulgarisation des méthodes contraceptives par les médias a été fourni. L'état de guerre et la situation économique ont aussi des conséquences sur l'éducation puisque le taux de scolarisation a fortement baissé entre 1994 et 1998 passant de 77% à 49,7% pour les garçons et de 76,5% à 32,3% pour les petites filles. A tous les niveaux d'enseignement et dans toutes les filières, il y a plus de garçons que de filles. En matière d'éducation, le gros problème demeure l'analphabétisme puisqu'en 1998 50,3% des femmes rurales ne savent ni lire, ni écrire.

La population féminine active est estimée à 49% de la population active totale. Les femmes sont employées à 86% dans le secteur primaire, ces femmes exercent surtout le petit commerce des produits agroalimentaires qu'elles cultivent. Un grand nombre de séminaires de formation sur la tenue des documents commerciaux, la comptabilité et les mécanismes d'accès au crédit a été organisé pour réduire les obstacles auxquels les femmes sont confrontées dans l'exercice de ce petit commerce. S'agissant de l'entreprenariat féminin, on observe une émergence d'associations féminines d'appui et de formation et un prix de la meilleure femme entrepreneur a été institué en 1997.

Toutefois, les entreprises créées par les femmes demeurent précaires. Quant aux femmes rurales, leurs conditions de vie sont préoccupantes du fait de leur inaccessibilité à la propriété terrienne, à l'éloignement des centres de santé, au manque de technologie employée, au faible accès au crédit et à la répartition inégale de tâches champêtres entre l'homme et la femme.

En ce qui concerne les rapports familiaux, il est très difficile de surmonter les obstacles que sont les coutumes (préférence pour les petits garçons, séparation commensale, pratique de l'hospitalité au mâle de passage, excision, lévirat, mariage par prédestination et dot), les préjugés et la mentalité des femmes elles-mêmes, la plupart ignorant leurs droits. Les formes de violence physique, morale et psychologique sont toujours vivaces. Qu'il s'agisse de coups et blessures dans le couple, de viol, de mutilations génitales ou de l'utilisation abusive de l'image de la femme dans les médias, les victimes ne dénoncent pas souvent les faits devant les institutions compétentes. Le Ministère ayant la femme dans ses attributions tente d'organiser, à titre expérimental, des cliniques juridiques pour les femmes et jeunes filles victimes de violences dans 8 communes de la ville de Kinshasa. De plus, dans les territoires occupés par les agresseurs rwandais, ougandais et burundais, il est fait état de plusieurs actes de violence perpétrés contre les femmes et les jeunes filles. Actuellement, les ONG s'emploient à sensibiliser l'opinion publique en général et les femmes en particulier sur les causes de la violence, ses conséquences, ainsi que le mode de règlement des conflits.

Présentation des rapports par l'Etat partie

Présentant les rapports de son pays, Mme ANASTASIE MOLEKO MOLIWA, Ministre des affaires sociales et de la famille de la République démocratique du Congo (RDC), a rappelé que les femmes au Congo représentent 52% de la population, estimée en 1999 à 50 millions de personnes. Cette population est jeune, puisque 59% sont des individus âgés de moins de 20 ans, et très diversifiée, quelques 450 tribus réparties en 5 groupes ethniques principaux ayant été recensées. Elle vit pour 60% en zone rurale. La valeur de la femme congolaise est tributaire de son rôle de production et de reproduction. C'est ainsi que le mariage et la maternité représentent des valeurs capitales auxquelles la plupart des femmes aspirent. En outre, la persistance de pratiques religieuses traditionnelles du type "animiste" et la croyance en la sorcellerie, fortement ancrée dans la mentalité des Congolais, constituent un véritable frein à l'épanouissement des individus les plus vulnérables de la société, a fait observer la Ministre, ajoutant que les enfants et les femmes âgées en sont les plus grandes victimes.

Bien que l'économie de la RDC repose surtout sur l'exploitation des mines de cuivre, de diamant, d'or et de malachite, la majorité de la population pratique l'agriculture et le pays n'est que faiblement industrialisé. Le secteur informel, qui emploie principalement les femmes, contribue pour plus de 80% au Produit intérieur brut. Celui-ci est en baisse importante ces dernières années, alors que le taux d'inflation accuse lui une hausse vertigineuse pour se situer à 489% en 1999. Cette situation liée à la crise globale a été accentuée par les effets des dernières guerres, celle de "libération" et celle imposée depuis août 1998 par ses voisins de l'Est, à savoir le Rwanda, le Burundi et l'Ouganda, a expliqué Mme Moliwa. En outre, depuis l'assassinat du Président rwandais en 1994 et la guerre entre les Hutus et les Tutsis qui en a suivi, la RDC doit faire face dans l'Est de son territoire à un afflux massif de réfugiés Hutus. Le pays et sa population traversent en fait une situation d'insécurité et de pauvreté qui frise la misère et rend les conditions de vie des gens, particulièrement des femmes, de plus en plus précaires, a-t-elle reconnu.

Le 17 mai 1997, un changement politique s'est opéré dans le pays suite à la guerre de libération menée par l'Alliance des Forces démocratiques pour la libération, avec l'appui militaire des Rwandais et des Ougandais. Mais lorsqu'en 1998 les nouvelles autorités ont demandé aux forces militaires étrangères de rentrer chez elles, le Rwanda et l'Ouganda, rejoints ensuite par le Burundi, ont déclaré la guerre à la RDC. Le Gouvernement en place depuis 1997 évolue vers un régime présidentiel. En vue de parvenir à la démocratisation, un Programme triennal minimum actualisé a été mis en place pour la période 1999-2001 accordant la priorité au rétablissement de la paix et à la stabilisation du cadre macroéconomique. Mais ce programme a été fortement perturbé par l'agression subie depuis 1998. "Comment voulez-vous qu'un Gouvernement puisse faire les performances attendues lorsqu'une partie de son territoire est occupée, que ses richesses sont pillées, ses populations massacrées, ses femmes violées et enterrées vivantes et que plus de 6 millions d'enfants y sont déscolarisés?" s'est exclamée Mme Moliwa.

Toutes les constitutions qui se sont succédées garantissent les droits fondamentaux de la personne et consacrent le principe d'égalité entre l'homme et la femme, a poursuivi la Ministre. Au fil des ans, des structures chargées de définir des politiques et programmes visant la promotion des droits des femmes et de la famille ont été mises en place, tels notamment le Ministère des affaires sociales et de la famille, chargé de la coordination des questions spécifiques à la femme et au genre; le Conseil national et les Conseils provinciaux de la femme, qui veillent à la mise en oeuvre de la politique nationale en matière de protection de la femme et le Conseil national et Conseils provinciaux de l'enfant, qui s'occupent eux de la protection des enfants.

Un des articles du projet de nouvelle Constitution, actuellement à l'élaboration, prévoit que "l'Etat a le devoir de veiller à l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard de la femme et d'assurer la protection de ses droits". Cependant, la discrimination demeure encore dans les faits, et ce, à cause des mentalités et de certaines coutumes négatives qui défavorisent les femmes et les enferment encore dans un statut social bas, a indiqué ensuite Mme Moliwa. De plus, certaines lois demeurent contraires aux dispositions constitutionnelles, comme par exemple le Code de la famille de 1987 qui consacre toujours l'incapacité juridique de la femme mariée. En outre, l'âge de la majorité légale en cas de viol pour la jeune fille y est fixé à 14 ans et par conséquent la petite fille n'est pas protégée. Avec l'aide d'ONG, le Ministre des affaires sociales et de la famille s'attelle actuellement à modifier ces dispositions discriminatoires et prépare des campagnes de sensibilisation sur les droits des femmes et la lutte contre la violence contre les fillettes et les femmes. Par ailleurs, si la loi foncière accorde le droit de concession des sols, dont l'Etat est exclusivement propriétaire, aussi bien à l'homme qu'à la femme, les mentalités et coutumes rendent pratiquement inconcevable qu'une femme fasse prévaloir ses droits sur des terres. Au regard de toutes les discriminations contenues encore dans les lois, un Forum national sur les droits et le leadership de la femme a été organisé en 1996 pour sensibiliser les femmes sur leurs droits et élaborer un plan d'action réaliste, a indiqué la Ministre.

Les rôles stéréotypés de la femme sont maintenus et vulgarisés tant en zone rurale qu'urbaine et très tôt, dans la vie de la petite fille, développent un complexe d'infériorité par rapport au petit garçon, a expliqué encore Mme Moliwa. Pour lutter contre cette situation, une étude sur les lois coutumières et les droits de la femme a été réalisée l'an passé par les experts du Ministère de la femme et des ONG pour mettre en place des stratégies d'élimination de toute coutume néfaste. Les femmes professionnelles de la communication fournissent également un effort considérable dans le cadre d'activités menées par leurs associations, a précisé la Ministre.

La prostitution est une réalité vivante au sein de la société congolaise mais les statistiques sont muettes sur ce sujet faute de cadre institutionnel de prise en charge de cette catégorie de femmes. Il convient également de noter l'absence formelle des lois interdisant la prostitution et l'exploitation des femmes en RDC. Sur le plan de la vie politique et publique, la femme congolaise est électrice et éligible depuis 1966. Cependant, sa représentativité est encore faible. En témoigne le nombre peu élevé de femmes Administrateurs du territoire (3) alors que le pays compte 145 hommes pour cette même fonction.

Sur la plan de la santé, certains indicateurs soulignent la détérioration de la santé des femmes en RDC. Ainsi le taux de mortalité maternelle se situe-t-il à 1837 pour 100 000 naissances vivantes et l'accès à la contraception moderne affiche un taux de 8%. Parmi les obstacles majeurs rencontrés dans ce domaine figurent la paupérisation excessive de la population et la libéralisation quasi incontrôlée de l'exercice médical. Pour relever ce défi, le pays a entrepris de nombreuses initiatives, parmi lesquelles un programme de formation des accoucheuses dans le cadre du projet "santé rurale", ainsi qu'un plan de sensibilisation sur les maladies sexuellement transmissibles par l'entremise du Bureau national de coordination de lutte contre le sida.

Mme Moleko Moliwa a souligné que les femmes ont difficilement accès au crédit car elles offrent moins de garanties économiques. La Ministre a également mis en exergue un certain nombre de violations à l'encontre de l'égalité des femmes en matière civile, en indiquant que le Code de la famille affirme que la femme mariée a son domicile chez son mari et qu'elle est obligée de le suivre partout où il juge à propos de résider. Dans le domaine de l'éducation, le Forum national sur les droits et le leadership de la femme congolaise, qui s'est tenu en 1996, s'était fixé les deux objectifs suivants: relever le taux de scolarité de la jeune fille au secondaire de 25 à au moins 30% pour la rentrée 1997-1998 et augmenter de 10% la proportion de jeunes filles qui s'orientent vers des métiers. La majorité des femmes congolaises restent encore analphabètes.

En RDC, les droits garantis par la loi s'appliquent indistinctement à toutes les catégories de femmes urbaines et rurales. Toutefois, compte tenu du poids démographique des femmes rurales (51,7% de la population totale), des stratégies spécifiques sont arrêtées pour identifier leurs besoins tout en allégeant leur charge de travail. Il convient à cet égard de relever la publication de la revue "Le vulgarisateur" qui renseigne le monde paysan, et particulièrement les femmes, sur les connaissances utiles relatives au développement rural.

Il est un fait que nombreuses sont les femmes en RDC qui souffrent de violences physiques, psychologiques et morales, a déclaré la Ministre, en faisant remarquer qu'une partie seulement de ces violences sont connues du fait que de nombreuses femmes préfèrent rester silencieuses à ce sujet. Toutefois, depuis quelques années, des actions de sensibilisation sont menées en collaboration notamment avec les ONG. S'agissant de la situation des petites et des jeunes filles âgées de 5 à 19 ans, la Ministre a indiqué qu'elles représentent 35% de la population féminine et que de grandes disparités demeurent quant au taux de scolarisation par rapport aux garçons, surtout en milieu rural. La fille congolaise est accablée de multiples tâches dès la jeunesse tels que les travaux des champs et les activités génératrices de revenu. C'est aussi à ce stade de sa vie que la fille subit les différentes formes de sévices sexuels et de mutilations génitales.

Reconnaissant dans sa conclusion que la ratification de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes n'a pas été suivie de sa pleine application, Mme Moleko Moliwa en a indiqué les raisons principales. Parmi elles figurent la persistance des mentalités et pratiques traditionnelles négatives par rapport aux droits de la femme, l'ambiguïté de certains textes de lois ainsi que la conjoncture sociopoliticoéconomique difficile aggravée par la guerre. Pour répondre à ces défis, le Gouvernement congolais a mis en place un programme national sur une période de cinq ans qui a notamment pour objectif de renforcer le pouvoir économique de la femme par le biais de l'entreprenariat féminin et de la formation et d'améliorer le statut juridique et social de la femme par la suppression des lois encore discriminatoires. Si toutes ces initiatives démontrent clairement l'engagement du Gouvernement en faveur de la cause de la femme, la Ministre a cependant relevé avec inquiétude que cet engagement risque de ne produire aucun effet bénéfique si le pays continue de sombrer sous le joug d'une guerre d'agression et d'occupation du territoire national. Elle a lancé un appel aux Nations Unies pour qu'elles apportent leur aide dans la lutte menée par le pays contre toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. En l'absence d'un contexte de paix, il est illusoire de penser atteindre l'élimination des violences et autres formes de discrimination à l'égard des femmes, a conclu Mme Moleko Moliwa.

Observations générales et questions des expertes

Félicitant l'Etat partie pour la qualité et le haut niveau de la délégation présente ce matin et pour les efforts réalisés afin de présenter plusieurs rapports en même temps, la Présidente, Mme AIDA GONZALEZ MARTINES, a indiqué que le Comité est parfaitement conscient des problèmes importants que traverse le pays depuis plusieurs années, et notamment du conflit armé qui sévit sur toute une partie de son territoire. Elle a rappelé, à cet égard, que le Conseil de sécurité examine actuellement les moyens d'assurer à la RDC un développement pacifique et économique réel.

Prenant la parole pour formuler des commentaires généraux, Mme AWA OUEDRAOGO, experte du Burkina Faso, a noté que des avancées ont été réalisées au plan institutionnel avec la mise en place de mécanismes de promotion de la femme et surtout l'intégration d'une approche sexospécifique dans l'ensemble des programmes et politiques. La RDC est sur la bonne voie, a-t-elle estimé. Toutefois, des préoccupations importantes demeurent. Il est tout d'abord dommage que les rapports fournissent si peu de données statistiques. De plus, et compte tenu du contexte politique évoqué plus haut, rien n'y est dit sur les femmes réfugiées. Quel est leur statut, quelles mesures d'intégration sociale et économique ont été prises en leur faveur? De manière générale, les rapports n'ont fait que survoler les conséquences de la guerre, a regretté l'experte. Si la présentation orale a apporté des éclaircissements sur

ce point, il faut absolument que des chiffres soient donnés quant au nombre de femmes victimes de viols et quant à l'aide qui leur est apportée. Les rapports présentés témoignent également d'une certaine confusion sur l'interprétation des directives du Comité. Le rapport le plus récent présente, par exemple, des lacunes importantes quant à l'évolution de la situation dans le domaine de l'emploi des femmes et quant à la polygamie. L'experte s'est néanmoins réjouie de voir que la RDC s'inspire du Programme d'action de Beijing pour lutter contre la pauvreté qui frappe traditionnellement plus fortement les femmes.

Poursuivant les observations générales du Comité, Mme YUNG-CHUNG KIM, experte de la République de Corée, a félicité l'Etat partie de la participation nombreuse des femmes à la rédaction de la constitution du pays. Elle s'est cependant dite préoccupée par la façon dont le Gouvernement entend assurer une répartition équitable des ressources pour les programmes en faveur des femmes. Mme Kim a enfin souhaité connaître les mesures prises par le Gouvernement concernant la polygamie. Mme NAELA GABR, experte de l'Egypte, a relevé un fait contradictoire dans l'attitude des autorités congolaises en ce que la RDC a adhéré à la Convention sans réserve aucune alors que, sur le plan pratique, l'on continue à constater des discriminations graves à l'encontre des femmes dans toutes les sphères de leur vie. Des efforts doivent donc être déployés, notamment sur le plan législatif, afin de faire disparaître cette contradiction. L'experte a enfin souhaité savoir si les ONG ont participé à la rédaction du rapport actuellement examiné. Mme CHIKAKO TAYA, experte du Japon, a elle aussi relevé une contradiction en indiquant qu'en 1998 le Gouvernement a mis en place le Ministère des droits de l'homme alors que, dans la même année, il a annoncé une nouvelle politique exigeant des ONG qu'elles homologuent leur règlement intérieur auprès du Ministère de la Justice. A la suite de cette décision, très peu d'ONG ont finalement été acceptées et beaucoup de leurs membres ont préféré fuir le pays de peur d'être poursuivis. L'experte s'est également demandée comment les recommandations et commentaires formulés par le Comité pourront être pris en compte en RDC s'ils sont contraires à la politique du Gouvernement. Mme YOLANDA FERRER GOMEZ, experte de Cuba, a, pour sa part, souligné que la reconstruction du pays est impérative pour une meilleure application des programmes en faveur des femmes. L'experte s'est félicitée de ce que le projet de constitution qui sera soumis au référendum à la population congolaise comprend le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes. Mme Ferrer Gomez a enfin souhaité connaître les relations qui existent entre le Conseil national de la femme et le Ministère des droits humains. Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana, a, pour sa part, rappelé que l'un des facteurs principaux qui empêche l'application de la Convention est l'absence de paix. L'Afrique a besoin de paix, a-t-elle poursuivi, avant de lancer un appel à la délégation pour qu'elle mobilise les femmes pour l'application de l'Accord de paix de Lusaka. Notant que, selon un rapport récent, les filles et femmes sont violées dans les prisons, notamment en période de guerre, l'experte s'est inquiétée de ce que le viol est de plus en plus utilisé en tant que tactique de guerre en RDC.

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