L'EFFORT DES NATIONS UNIES EN RDC DEPEND DU RESPECT DE L'ACCORD DE LUSAKA PAR LES PARTIES EN CAUSE, DECLARE M. ANNAN
Communiqué de Presse
SG/SM/7284
SC/6790
L'EFFORT DES NATIONS UNIES EN RDC DEPEND DU RESPECT DE L'ACCORD DE LUSAKA PAR LES PARTIES EN CAUSE, DECLARE M. ANNAN
20000124L'ONU ne demande qu'à prêter son concours, mais elle ne peut oublier les expériences du passé
Vous trouverez ci-après le texte de la déclaration faite aujourd'hui 24 janvier, par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, lors de la réunion officielle du Conseil de sécurité sur la situation en République Démocratique du Congo :
Je tiens à remercier une fois de plus les efforts extraordinaires déployés par Madame le Secrétaire d'Etat Albright et Monsieur l'Ambassadeur Holbrooke pour organiser une autre réunion importante consacrée à l'Afrique pendant la présidence du Conseil de Sécurité exercée par les Etats Unis. Grâce à vous, désormais le monde fait plus attention à l'Afrique : c'est là un exploit que nous devons saluer et dont vous pouvez être fier.
Il est remarquable de voir autant de dirigeants africains rassemblés dans cette salle. Vous êtes venus de loin pour tenter de résoudre un conflit qui n'en finit plus de faire des victimes. Le chemin politique à accomplir sera encore plus long. C'est une responsabilité qui vous incombe en tant que dirigeants et c'est pour vous l'occasion de servir la population africaine et de mobiliser l'appui international pour que s'instaurent la paix et la stabilité sur le continent.
Lorsque la guerre a de nouveau éclaté en République démocratique du Congo en août 1998, un an à peine s'était écoulé depuis la fin du conflit précédent dans ce pays, conflit qui lui-même faisait suite à des décennies de dictature et de désordres.
Dans les mois qui ont suivi, la violence s'est intensifiée, les violations des droits de l'homme se sont multipliées. Aujourd'hui, des millions de personnes essaient de survivre dans l'insécurité chronique, des conditions matérielles désespérantes et le mépris systématique du droit international humanitaire.
- 2 - SG/SM/7284 SC/6790 24 janvier 2000
Un très grand nombre de réfugiés, de personnes déplacées et d'autres hommes et femmes vulnérables vivent dans la précarité, sans aucune certitude d'avoir un toit ou de pouvoir se nourrir. On continue à recruter des enfants soldats, dont des milliers prennent part aux combats. On ne compte plus les enfants mineurs qu'aucun adulte n'accompagne. Toute la sous-région est plongée dans une crise d'une complexité telle qu'elle continue de résister à tous nos efforts pour la résoudre.
La sagesse, le sens politique et la notion des limites à fixer à l'usage de la force figurent au premier rang de la longue liste des priorités.
En juillet dernier, une action de médiation menée par le Président Chiluba de Zambie pour le compte de la Communauté de développement de l'Afrique Australe, avec le soutien de l'Organisation de l'unité africaine, avait pris la tête a abouti à la signature à Lusaka d'un accord de paix. Depuis, toutefois, le cessez-le-feu a été maintes fois violé et la population a dû endurer de nouvelles épreuves. Les officiers de liaison des Nations Unies n'ont pas pu être déployés, ce qui a ébranlé la confiance dans le processus d'application du cessez-le-feu. Les belligérants doivent s'efforcer d'améliorer cet état de choses et ne doivent pas en rester là.
L'Accord de Lusaka reste le plan le plus viable pour apaiser les griefs et parvenir à une solution négociée de ce conflit. Si l'on veut donner une chance à la paix et maintenir l'engagement international, les parties au conflit doivent relever un formidable défi : elles doivent démontrer qu'elles sont politiquement prêtes à appliquer toutes les dispositions de l'Accord sans plus tarder. Tout le reste découle de cette condition essentielle.
En dernière analyse, nous ne pourrons régler durablement cette crise que si nous nous attaquons à ses causes premières. C'est bien pourquoi les auteurs de l'Accord de Lusaka ont mis les négociations intercongolaises au coeur du processus.
Ce dialogue est en effet indispensable. Les signataires congolais, avec l'aide de l'OUA, ont pris une première mesure encourageante en désignant Sir Ketumile Masire, ex-Président du Botswana, en tant que facilitateur neutre de ces négociations. Son prestige, son expérience et son autorité morale peuvent aider à relancer le processus de Lusaka.
L'Organisation des Nations Unies, pour sa part, participe activement à la recherche d'une solution pacifique depuis le début du conflit. Nous avons soutenu les efforts déployés par le Président Chiluba et par l'OUA. Nous y avons sensiblement contribué grâce aux missions dont a été chargé mon ex-Envoyé spécial, Moustapha Niasse.
Mon nouveau Représentant spécial pour la République démocratique du Congo, Kamel Morjane, n'épargnera aucun effort pour faire aboutir le processus de paix.
- 3 - SG/SM/7284 SC/6790 24 janvier 2000
Mon Représentant spécial pour la région des Grands Lacs, Berhanu Dinka, étudiera comment l'Organisation des Nations Unies pourrait aider à débrouiller les problèmes régionaux qui ont entravé les progrès.
Et la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo, la MONUC, peut aider à instaurer la confiance entre les parties et maintenir à flot le processus de paix à condition de pouvoir compter sur la coopération dont elle a besoin et s'acquitter de ses responsabilités.
Si l'on veut que l'Organisation des Nations Unies puisse faire évoluer les choses dans le bon sens en République démocratique du Congo en évitant les faux-pas qui se sont soldés par des tragédies dans d'autres contextes, nous devons être prêts non seulement à agir, mais aussi à agir d'une façon qui réponde à la gravité de la situation. Nous devons aller jusqu'au bout, qu'il faille pour cela renforcer notre engagement politique, maintenir les ressources à un niveau suffisant ou faire face avec détermination à des circonstances imprévues.
En même temps, nous devons nous garder de donner au monde l'impression que l'Organisation des Nations Unies peut régler tous les problèmes.
Et nous ne devons jamais oublier que notre effort dépend du respect de l'Accord par les parties en cause. Qu'il s'agisse du processus politique, du déploiement des éléments militaires ou de la protection du personnel humanitaire et des autres agents des Nations Unies, il appartient aux parties elles-mêmes de tenir leurs engagements et de créer les conditions nécessaires au progrès.
Dans quelques instants, le Secrétaire général adjoint, Bernard Miyet, vous parlera plus en détail de mon rapport le plus récent au Conseil, de la recommandation qu'il contient en vue d'un élargissement de la MONUC et du déploiement de nouveaux soldats de la paix si la dynamique de paix est maintenue et si certaines conditions impératives sont ré unies.
Le temps presse. Les dirigeants qui participent à la réunion d'aujourd'hui et au "mini sommet" de demain ont une chance de réaffirmer leur attachement à l'Accord de Lusaka.
Le processus de paix est fragile. Les dirigeants peuvent le renforcer. Des millions de civils vivent dans la douleur. Les dirigeants peuvent les inspirer et leur redonner espoir.
L'Organisation des Nations Unies ne demande qu'à prêter son concours, mais elle ne peut oublier qu'elle a eu d'amères expériences : il est arrivé en effet que son aide ait des conséquences tragiques.
- 4 - SG/SM/7284 SC/6790 24 janvier 2000
Cette expérience négative a profondément perturbé les Etats Membres et les a rendus d'autant plus difficiles à convaincre de participer à de nouvelles opérations de ce genre, même lorsque la détresse de la population et la solidarité exigent que nous agissions. Si notre système international est malade, une direction éclairée peut le guérir.
Le défi que vous devez relever, c'est de parvenir à vous entendre et à traduire ce consensus en mesures concrètes. Ce n'est qu'à ce prix que vous pourrez aller de l'avant; et, non moins important, la communauté internationale pourra alors se convaincre d'apporter à l'Afrique l'appui qu'elle mérite et qui peut entraîner une amélioration décisive de la situation.
Je vous remercie.
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