En cours au Siège de l'ONU

CS/1140

CONSEIL DE SECURITE : LA RESOLUTION DE LA SITUATION EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO EXIGE LE RESPECT DE L'ACCORD DE LUSAKA

24 janvier 2000


Communiqué de Presse
CS/1140


CONSEIL DE SECURITE : LA RESOLUTION DE LA SITUATION EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO EXIGE LE RESPECT DE L'ACCORD DE LUSAKA

20000124

Toutefois la mise en oeuvre de ses dispositions nécessite l'engagement et l'aide des Nations Unies

Le Conseil de sécurité a examiné aujourd'hui la situation en République démocratique du Congo (RDC) et a entendu les principaux signataires de l'Accord de Lusaka renouveler leur engagement au processus de paix prévu par cet Accord. Dans ce cadre sont intervenus les Chefs d'Etat de la Zambie, du Mozambique, de la République démocratique du Congo, de l'Angola, du Zimbabwe, de l'Ouganda et du Rwanda qui ont tous sollicité l'engagement des Nations Unies afin de les aider à mettre en oeuvre le processus de Lusaka qui prévoit, entre autres, la création d'une commission militaire mixte chargée de faire respecter le cessez-le-feu et de faciliter l'acheminement des secours humanitaires aux victimes des hostilités en République démocratique du Congo. Si l'Accord prévoit le rôle d'appui que devront jouer les Nations Unies en y dépêchant sur les lieux une force de maintien de la paix qui sera chargée de suivre et de faire respecter la mise en oeuvre des dispositions de l'Accord, toutefois sa présence sur le terrain est relativement limitée. Les Chefs d'Etat signataires de cet Accord ont tous reconnu son mérite, le seul qui soit consensuel concernant le règlement de la situation en république démocratique du Congo. L'Accord prévoit, entre autres, le démantèlement des groupes armés et leur réinsertion dans la société et un dialogue intercongolais qui devra déboucher sur la réconciliation nationale. L'application de ces mesures nécessitent des ressources militaires, logistiques et financières qui dépasseraient les seules capacités africaines.

L'Accord n'est pas parfait et sa mise en oeuvre est dans l'impasse, a reconnu le Président Kabila de la République démocratique du Congo. Le Président ougandais, M. Museveni a souligné les dispositions sécuritaires de l'Accord. Le Président de l'Angola, M. dos Santos, a relevé les lacunes de l'Accord en ce qu'il limite la souveraineté du pouvoir en place. Pour le Ministre des affaires étrangères de la Namibie qui est également Président de l'Assemblée générale des Nations Unies, le véritable problème réside dans l'absence de volonté politique et de vision de certaines parties pour l'avenir. L'Accord de cessez-le-feu n'est pas une fin en soi, a ajouté le Président du Rwanda, M. Pasteur Bizimungu. Il est temps que les Nations Unies

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assument leurs responsabilités conformément au mandat qui leur a été conféré par l'Accord, et notamment la constitution "d'une force appropriée" en vue de garantir la mise en oeuvre de l'Accord. Le Président rwandais a lancé un appel pressant au Conseil pour qu'il élabore un plan de déploiement d'une force de maintien de la paix en RDC. Un appel auquel s'est joint les Présidents de l'Angola et du Zimbabwe, M. Robert Mugabe, qui s'est dit déçu par les lenteurs et les hésitations qui ont caractérisé l'action du Conseil.

Au nombre des difficultés évoquées par les intervenants, et notamment par le Président de la Zambie, M. Chiluba, coordonnateur des efforts de paix régionaux, et par le Secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), figurent le manque de ressources allouées à la Commission militaire mixte et l'appui logistique. Cet organe est chargé de faciliter le désengagement des forces belligérantes, de vérifier le cantonnement et le désarmement de tous les groupes armés, de vérifier et de contrôler le retrait des forces étrangères. Pour sa part, le Président du Mozambique, M. Chissano, qualifiant le cessez-le-feu de fragile, a demandé aux Nations Unies de prendre des mesures visant à favoriser la confiance entre les parties. Il s'est félicité, dans ce contexte, de la nomination, comme facilitateur du dialogue intercongolais, de M. Ketumile Masire, ancien Président du Botswana.

La responsabilité première de la mise en oeuvre des mesures prévues par l'Accord de Lusaka incombe aux parties, y compris aux groupes rebelles, a affirmé ce matin Mme Madeleine Albright, Secrétaire d'Etat des Etats-Unis à l'ouverture de la session organisée à l'initiative de son pays. La communauté internationale, y compris son pays, condamnent les violations de l'intégrité territoriale du Congo par des troupes étrangères, mais ils ne peuvent forcer le retrait de ces troupes, ni mener le dialogue interne. Le Secrétaire général, M. Kofi Annan, a déclaré que l'effort des Nations Unies en République démocratique du Congo dépend du respect de l'Accord de Lusaka par les parties en cause. L'ONU ne demande qu'à prêter son concours, mais elle ne peut oublier les expériences du passé.

Appuyé par le Ministre malien des forces armées, le Ministre canadien des affaires étrangères, le Ministre d'Etat au affaires étrangères et au Commonwealth du Royaume-Uni et le Vice-Premier Ministre belge ont jugé essentielle la mise en place d'une opération de maintien de la paix pour aider les parties à mettre en oeuvre l'Accord de Lusaka et permettre le retrait de toutes les forces étrangères de la RDC. Pour réussir, celle-ci devra être suffisamment étoffée, avec un mandat clair et les moyens nécessaires, tant logistiques que financiers. Outre son appui au déploiement d'une opération de maintien de la paix, le Ministre délégué à la coopération de la France a renouvelé la proposition de son pays d'organiser une conférence internationale pour la paix, la sécurité, la démocratie et le développement pour la région des Grands Lacs.

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Les Ministres des affaires étrangères de l'Afrique du Sud et du Burundi ont pris la parole. Le Représentant personnel du Président en exercice de l'OUA, les représentants du Bangladesh, de la Tunisie et de l'Argentine ont fait une déclaration.

Le Président du Conseil a lu un message qui lui a été adressé par le Président du Nigéria, lequel estime que le règlement de la situation en RDC contribuera à la paix dans toute la sous-région.

Le Conseil poursuivra ses travaux en privé et décidera ultérieurement s'il doit se réunir en séances publiques.

LA SITUATION CONCERNANT LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Rappel des faits

Le 17 mai 1997 marque la prise de Kinshasa par M. Laurent-Désiré Kabila et ses troupes et la chute du régime de Mobutu Sese Seko au pouvoir depuis le 24 novembre 1965. Ce changement a été rendu aisé en raison des difficultés économiques et de l'instabilité sociale qui ont caractérisé la situation dans le pays. Par la suite, la situation s'est dégradée et la RDC a accusé l'Ouganda et le Rwanda de prêter main forte au "mouvement rebelle" le Rassemblement congolais pour la démocratie" (RCD) qu'avaient rejoint des lieutenants politiques de M. Kabila l'accusant, entre autres, de n'avoir pas respecté le programme politique soustendant un changement de régime à Kinshasa. Face à la nouvelle situation ainsi créée, M. Kabila est soutenu par l'Angola, la Namibie et le Zimbabwe. A l'initiative de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADEC), le processus de Lusaka est mis en place et débouche le 10 juillet 1999 sur la signature de l'Accord de cessez- le-feu dit "Accord de Lusaka" que signent les chefs d'Etat de la RDC, de la Namibie, du Rwanda, de l'Ouganda et du Zimbabwe et par le Ministre des affaires étrangères de l'Angola. Le Mouvement pour la libération du Congo (MLC) et le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) l'ont signé respectivement les 1er et 31 août derniers.

L'Accord de Lusaka comprend les modalités d'application d'un cessez-le- feu ainsi que la création d'une Commission militaire mixte chargée entre autres de faciliter le désengagement des forces belligérantes et de vérifier le retrait des troupes étrangères. Il porte également sur la constitution d'une "force appropriée" des Nations Unies qui serait déployée en collaboration avec l'Organisation de l'unité africaine (OUA). La présence des Nations Unies en RDC s'est concrétisée dans un premier temps par le déploiement de 79 officiers militaires de liaison dans les capitales des Etats signataires de l'Accord, conformément à la résolution adoptée le 6 août dernier par le Conseil de sécurité. Le 30 novembre dernier, le Conseil de sécurité a créé la Mission d'observation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) qui est constituée pour l'instant des officiers militaires de liaison et qui devrait être renforcée par une équipe pluridisciplinaire dans les domaines des droits de l'homme, des affaires humanitaires, des affaires politiques, de l'information et de l'appui médical.

Rapport du Secrétaire général sur la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (S/2000/30)

Par sa résolution 1279 (1999) du 30 novembre 1999, le Conseil de sécurité a fixé la composition de la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) qui comprend, entre autres, les personnels militaires et civils humanitaires. Ce rapport a pour objectif essentiel de mettre en évidence l'inadéquation numérique de la MONUC, à la lumière des difficultés rencontrées aux plans de la sécurité et de la logistique ainsi que des complexités de la situation dans la République démocratique du Congo (RDC), afin d'envisager un renforcement de cette Mission. On se souvient que l'Accord de Lusaka avait créé une Commission militaire mixte, laquelle était chargée, entre autres fonctions, de surveiller l'application du cessez-le-feu, faciliter l'acheminement des secours humanitaires aux populations dans le besoin et de favoriser le dialogue intercongolais, qui représente la composante essentielle des éléments censés ramener la paix en RDC.

Le Secrétaire général fait observer que le déploiement de personnel militaire supplémentaire devrait contribuer à relancer et à maintenir la dynamique de l'Accord de cessez-le-feu de Lusaka. A cet égard, les signataires de l'Accord ont un rôle décisif à jouer pour assurer l'application de l'Accord. Pour que la communauté internationale soit disposée à leur prêter son plein appui et à allouer les importantes ressources qui seront nécessaires, ils doivent réaffirmer, avec une détermination accrue, qu'ils sont résolus à respecter l'Accord qu'ils ont signé. Dans ce contexte, ils ne devront lancer aucune nouvelle offensive militaire, garantir la sécurité et la liberté de mouvement du personnel des Nations Unies et cesser toute propagande hostile et, notamment, toute incitation à l'agression de civils non armés. Les parties peuvent montrer leur attachement à l'Accord en ayant recours aux mécanismes qui y sont prévus. A cet égard, l'initiative prise par la Commission de trouver une solution à l'encerclement d'Ikela est encourageante, estime le Secrétaire général qui se félicite des mesures prises dans ce contexte par le Gouvernement zambien et, en particulier, par le Président par intérim de la Commission, le général de brigade Timothy Kazembe, et qui souhaite vivement qu'elles aboutissent. La Commission militaire mixte, qui a un rôle clé, doit être promptement mise en place à titre permanent, être capable de réagir rapidement aux événements et proposer des décisions crédibles et faisant autorité.

Le 15 décembre, à l'issue de consultations tenues avec le Gouvernement de la République démocratique du Congo (RCD-Goma), le RCD-Mouvement de libération (RCD-ML) et le Mouvement pour la libération du Congo (MLC), le Secrétaire général de l'Organisation de l,unité africaine (OUA), M. Salim Ahmed Salim, a annoncé que les parties avaient convenu que l'ancien Président du Botswana, Sir Ketumile Masiré, assumerait les fonctions de facilitateur neutre pour les négociations politiques intercongolaises. Comme l'Accord de Lusaka le prévoit, les participants au dialogue comprendront, outre les parties congolaises, l'opposition politique et les représentants des "forces vives". Le dialogue intercongolais est un pas essentiel vers la réconciliation nationale et l'instauration d'une paix durable et de la stabilité en République démocratique du Congo. La désignation de Sir Ketumile Masiré, Président du Botswana, comme facilitateur neutre du dialogue intercongolais laisse entrevoir la perspective que l'autre grand fondement du processus de paix de Lusaka sera maintenant concrétisé, avec l'assistance de l'OUA. L'ONU est résolue à coopérer avec cette dernière pour aider le facilitateur dans sa tâche. A cet égard, le Secrétaire général salue les initiatives prises à l'échelle régionale, notamment par le Président Chiluba, le Président Bouteflika et le Président Mbéki, pour appuyer le processus de paix. Il se réjouit également de l'initiative prise par le Gouvernement des Etats-Unis, qui préside le Conseil de sécurité au mois de janvier 2000, pour encourager les parties belligérantes à réaffirmer les engagements qu'elles ont pris en signant l'Accord de cessez-le-feu de Lusaka. Sous réserve que les parties prennent les mesures nécessaires, le Secrétaire général recommande le déploiement de quatre bataillons d'infanterie protégés et renforcés, accompagnés de 500 observateurs militaires, de deux compagnies navales, ainsi que du personnel et du matériel d'appui militaire et du personnel civil supplémentaire nécessaire. Il soumettra dès que possible au Conseil un état prévisionnel des incidences financières de ces propositions, sous la forme d'un additif au présent rapport.

En attendant le déploiement complet d'une force des Nations Unies, la Commission militaire mixte continuera de jouer un rôle décisif. Afin de lui permettre de s'acquitter pleinement de son mandat en vertu de l'Accord de Lusaka, le Secrétaire général engage à nouveau les donateurs à verser des contributions, en espèce ou en nature, pour financer son fonctionnement. Dans son rapport du 15 juillet 1999, le Secrétaire général avait précisé que, pour être efficace, toute mission de maintien de la paix des Nations Unies en République démocratique du Congo, quel que soit son mandat, devrait être importante et serait onéreuse. Elle exigerait le déploiement de milliers de membres des personnels militaires et civils et aurait à faire face à d'immenses difficultés et à de nouveaux risques. Le déploiement serait lent. Cette analyse a été amplement corroborée par les renseignements fournis jusqu'ici par le personnel de la MONUC, en particulier pour ce qui est de la situation militaire et logistique dans le pays. Le déploiement de cette opération de maintien de la paix suscitera des espérances démesurées et probablement irréalistes.

Le Secrétaire général réaffirme que l'Accord de cessez-le-feu de Lusaka est porteur de l'espoir le plus tangible de règlement du conflit en République démocratique du Congo et représente, en l'état actuel des choses, le seul moyen viable pour y parvenir. Ce mois de janvier 2000 offre aux dirigeants des pays concernés ce qui est peut-être leur dernière chance de montrer qu'ils sont résolus à appliquer l'Accord et à rétablir la paix et la stabilité dans la sous-région de l'Afrique centrale. Déclarations

Mme MADELEINE ALBRIGHT, Secrétaire d'Etat des Etats-Unis, a estimé que la présence au Conseil d'autant de dirigeants nationaux reflète à la fois la gravité des troubles en République démocratique du Congo et la volonté de ceux-ci de faire la paix. De par la situation géographique et la taille de la RDC et de par le nombre de pays impliqués dans le conflit, on pourrait parler de première guerre mondiale en Afrique. La Secrétaire d'Etat a exprimé l'espoir que des progrès décisifs seront réalisés au cours de cette réunion et des jours à venir. Les parties doivent détailler de façon crédible la manière dont elles comptent remplir les engagements qu'elles ont pris. Le Conseil et la communauté internationale doivent, pour leur part, répondre par des mesures de soutien à la transition de la situation de conflit à la coopération. Mme Albright a estimé que l'Accord de Lusaka constituait une base solide pour le progrès et a rappelé que, dans ce cadre, la souveraineté et l'intégrité territoriale du Congo doivent être restaurées et ensuite respectées. L'Accord prévoit aussi la poursuite du processus de dialogue interne en République démocratique du Congo, le retrait des troupes étrangères, et l'établissement de mécanismes concrets visant à assurer que le Congo ne serve pas de sanctuaire à des groupes armés illégaux de quelque pays que ce soit. Voilà les mesures qui peuvent guider l'Afrique centrale sur la voie de la sécurité pour tous. C'est là le moyen de réaliser le vaste potentiel économique de la région, a-t-elle souligné.

La responsabilité première de la mise en oeuvre de ces mesures incombe aux parties, y compris aux groupes rebelles, a affirmé Mme Albright. La communauté internationale, y compris les Etats-Unis, condamnent les violations de l'intégrité territoriale du Congo par des troupes étrangères, mais ils ne peuvent forcer le retrait de ces troupes, ni mener le dialogue interne. Ils ne peuvent que vous aider à prendre vos responsabilités. Pour leur part, les Etats-Unis ont fermement appuyé le processus de Lusaka. Ainsi, ils fournissent un million de dollars pour soutenir le travail de la Commission militaire mixte avec laquelle ils appellent toutes les parties à coopérer en vue du désarmement, de la démobilisation et du processus de réintégration dans le cadre du Chapitre 7 de la Charte et conformément à l'Accord de Lusaka. Mme Albright a fait part de son intention de demander au Congrès de fournir cette année un million de dollars pour appuyer les efforts du Facilitateur, M. Masiré (ancien Président du Botswana) afin de faciliter le dialogue national congolais. Elle a jugé ce dialogue vital pour mettre fin au conflit et en prévenir d'autres, mais aussi pour jeter les bases d'un processus politique qui recueille un large soutien, et d'institutions gouvernementales démocratiques. Les Etats-Unis appuient aussi fermement les efforts déployés par le Représentant spécial du Secrétaire général, M. Morjane, en vue de faire cesser les violations des droits de l'homme, de prévenir les atrocités et de fournir une assistance humanitaire. L'aspect le plus perturbant du conflit a été les violations horribles des droits fondamentaux de l'homme par toutes les parties, a dit Mme Albright, évoquant des rapports crédibles selon lesquels des femmes auraient été brûlées vives dans l'Est du Congo.

Aucun raisonnement invoquant des souffrances passées, l'allégeance politique ou des différences ethniques ne justifie les meurtres, les tortures, les viols et les autres abus. Aujourd'hui, nous devons ensemble faire serment de mettre fin à ces crimes et de traduire leurs auteurs en justice. Mme Albright a assuré que si les efforts de cette semaine réussissaient à donner un nouvel élan à la mise en oeuvre de l'Accord de paix, elle consulterait le Congrès américain et s'efforcerait d'obtenir un consensus rapide du Conseil en vue du déploiement d'une mission de paix de l'ONU. Pour réussir, une telle mission doit reposer sur les engagements pris par les signataires de Lusaka sur les questions clés de l'accès, de la sécurité et de la coopération. Comme en attestera le Secrétaire général, nous avons beaucoup appris des missions précédentes. Ces leçons doivent être mises en oeuvre de manière réaliste, mais nous devons aussi nous montrer résolus dans notre détermination à aider le Congo à sortir de la guerre, a conclu la Secrétaire d'Etat. M. KOFI ANNAN, Secrétaire général des Nations Unies, a rapidement fait l'historique de la situation au congo en observant que la violence s'est intensifiée, les violations des droits de l'homme se sont multipliées et qu'aujourd'hui des millions de personnes essaient de survivre dans des conditions matérielles désespérantes et dans le mépris systématique du droit international humanitaire. Un très grand nombre de réfugiés, de personnes déplacées vivent dans la précarité, sans aucune certitude d'avoir un toit ou de pouvoir se nourrir. On continue de recruter des enfants-soldats, dont des milliers prennent part aux combats. Toute la sous-région est plongée dans une crise d'une complexité telle qu'elle continue de résister à tous nos efforts pour la résoudre. La sagesse, le sens politique et la notion des limites à fixer à l'usage de la force figurent au premier rang de la longue liste des priorités. En juillet dernier, a rappelé le Secrétaire général, une action de médiation menée par le Président Chiluba de Zambie pour le compte de la Communauté de développement de l'Afrique australe, avec le soutienne de l'OUA, a abouti à la signature à Lusaka d'un accord de paix. Depuis, toutefois, le cessez-le-feu a été maintes fois violé et la population a dû endurer de nouvelles épreuves. Les officiers de liaison des Nations Unies n'ont pas pu être déployés, ce qui a ébranlé la confiance dans le processus d'application du cessez-le-feu. Les belligérants doivent s'efforcer d'améliorer cet état de choses et ne doivent pas en rester là, a souligné M. Annan.

L'Accord de Lusaka reste le plan le plus viable pour apaiser les griefs et parvenir à une solution négociée de ce conflit. Si l'on veut donner une chance à la paix et maintenir l'engagement international, les parties au conflit doivent relever un formidable défi : elles doivent démontrer qu'elles sont politiquement prêtes à appliquer les dispositions de l'Accord sans plus tarder. Les auteurs de l'Accord ont mis les négociations intercongolaises au coeur du processus. Ce dialogue est indispensable et c'est pourquoi, les signataires congolais, avec l'aide de l'OUA, ont désigné Sir Ketumile Masiré, ex-président du Botswana en tant que facilitateur neutre de ces négociations. L'ONU, pour sa part, participe activement à la recherche d'une solution pacifique depuis le début de conflit. Le nouveau représentant spécial de la RDC, M. Kamel Morjane, n'épargnera aucun effort pour faire aboutir le processus de paix. En outre, la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo - MONUC - peut aider à instaurer la confiance entre les parties et maintenir à flot le processus de paix à condition de pouvoir compter sur la coopération dont elle a besoin et s'acquitter de ses responsabilités. Le Secrétaire général a jugé nécessaire d'aller jusqu'au bout et qu'il faille pour cela renforcer l'engagement politique des Nations Unies, maintenir les ressources à niveau suffisant ou faire face avec détermination à des circonstances imprévues. En même temps, on doit se garder de donner au monde l'impression que l'ONU peut régler tous les problèmes. Qu'il s'agisse du processus politique, du déploiement des éléments militaires ou de la protection du personnel humanitaire et des autres agents des Nations Unies, il appartient aux parties elles-mêmes de tenir leurs engagements et de créer les conditions nécessaires aux progrès. Le processus de paix est fragile. Les dirigeants peuvent le renforcer. L'ONU ne demande qu'à prêter son concours. Le défi que vous devez relever, c'est de parvenir à vous entendre et à traduire ce consensus en mesures concrètes, a souligné le Secrétaire général.

M. FREDERICK J T CHILUBA, Président de la République de Zambie, a déclaré que, selon le calendrier régissant la mise en oeuvre de l'Accord de cessez-le-feu, la plupart des activités prévues auraient dû être achevées, en particulier le dialogue intercongolais, la mise en place de nouvelles institutions, l'échange de prisonniers et le désarmement des groupes armés. Le déploiement d'une opération de maintien de la paix des Nations Unies aurait dû être lancée depuis longtemps et le retrait des troupes étrangères de la République démocratique du Congo aurait dû en être à sa dernière étape. Les retards dans la mise en oeuvre de l'Accord ne tiennent pas à un manque de volonté politique des parties, a souligné le Président, mais plutôt à un certain nombre de difficultés. Il est vrai que des violations du cessez-le-feu ont eu lieu, que les membres de la Mission d'observation des Nations Unies en RDC (MONUC) et que les enquêteurs neutres de l'Organisation de l'unité africaine ont connu des difficultés d'accès à certaines zones de la RDC. De plus, il a fallu un certain temps pour que la coordination entre la MONUC, l'OUA et la Commission militaire mixte se concrétise.

Ces problèmes ne sont pas insurmontables, a estimé le Président, qui a rendu hommage aux parties pour leur engagement en faveur de l'Accord de cessez-le-feu. M. Chiluba a cité, en exemple, la création par la Commission militaire mixte de quatre commissions régionales et le déploiement de trois enquêteurs de l'OUA à la suite des violations du cessez-le-feu. Il est question de déployer un enquêteur supplémentaire. Lors de l'impasse qui a caractérisé la situation à Ikela entre les Forces alliées et celles du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), la Commission militaire mixte a nommé une Commission neutre comprenant la Zambie, la MONUC et l'OUA pour tenter de trouver une solution à l'amiable. Un autre développement positif, a souligné le Président, s'est traduit par le fait que les parties ont convenu de la nécessité de réajuster le calendrier de mise en oeuvre de l'Accord. Un nouveau calendrier a reçu un accord de principe par le Comité politique qui s'est réuni les 17 et 18 janvier derniers. Les parties, qui ont réaffirmé leur engagement en faveur de ce processus, travaillent actuellement à sa finalisation. Lors de cette même réunion, le Gouvernement de la République démocratique du Congo s'est engagé à faciliter l'accès des enquêteurs de la MONUC et de l'OUA aux diverses zones du pays. Le 15 décembre dernier, les parties congolaises ont nommé Sir Ketumile Masiré, ancien Président du Bostwana, comme facilitateur des négociations intercongolaises.

Le Président a estimé que l'une des principales causes des retards dans la mise en oeuvre de l'Accord de cessez-le-feu tient au manque de ressources allouées à la Commission militaire mixte. Les contributions que la communauté internationale s'est engagée à verser ne sont pas en adéquation avec les besoins de la Commission. Ce qui est pire, a regretté le Président, est que ces contributions n'ont toujours pas été versées ce qui est à l'origine des retards de la Commission à s'établir et se déployer en RDC. Les parties, a souligné à nouveau le Président, sont irrévocablement engagées en faveur de l'Accord de cessez-le-feu contrairement à la notion, qui semble avoir gagné du terrain parmi certains membres de la communauté internationale, selon laquelle l'Accord de Lusaka est resté lettre morte. Le conflit en RDC est bien réel et l'Accord de cessez-le-feu constitue une tentative visant à redresser la situation. Compte tenu de la complexité du problème on ne peut pas s'attendre à un Accord parfait. Les problèmes qui ont vu le jour lors de sa mise en oeuvre n'invalident pas l'Accord.

Le Président a fait part de la profonde préoccupation que lui inspirent des évocations relatives à des conditions préalables au sujet de la RDC. La communauté internationale en effet rechigne à envoyer une opération de maintien de la paix en RDC tant que l'Accord de Lusaka n'enregistre pas des résultats parfaits. Jamais, a insisté M. Chiluba, un accord de cessez-le-feu n'a fait l'objet d'un examen de passage. Si cela avait été le cas, je suis persuadé qu'aucun n'aurait réussi cet examen. Toute opération de maintien de la paix comporte un certain degré de risque. Nous ne demandons pas non plus à la communauté internationale de se lancer dans une aventure risquée au nom du maintien de la paix. Il incombe à tous, et en particulier aux parties au conflit en RDC, d'accorder tout le soutien et la protection nécessaires aux membres d'une telle mission.

En venant ici, les dirigeants régionaux font preuve de leur engagement en faveur du cessez-le-feu. Nous demandons au Conseil de sécurité et à la communauté internationale dans son ensemble de prendre une décision rapide en vue du déploiement d'observateurs et de Casques bleus des Nations Unies et soutenons à cet égard les accords contenus dans le rapport du Secrétaire général en date du 14 janvier dernier. Nous lançons un appel à la communauté internationale pour qu'elle alloue des fonds suffisants à la Commission militaire, pour qu'elle accorde un soutien financier, matériel et humain au Facilitateur du dialogue intercongolais et une aide financière lors de la tenue de ce dialogue national.

M. JOAQUIM ALBERTO CHISSANO, Président du Mozambique, a affirmé qu'une solution durable au conflit en RDC exige des mesures fermes et concertées de la sous-région, du continent et ceux de la communauté internationale dans son ensemble. Les dirigeants de la région et de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) sont profondément préoccupés par ce conflit en raison de la situation stratégique de la RDC pour la paix, la sécurité et la stabilité en Afrique centrale et australe, et en Afrique en général. M. Chissano s'est déclaré encouragé par la réunion, la semaine dernière à Lusaka, de la Commission militaire mixte et par la réunion à Harare du Comité politique ministériel établi par l'Accord de cessez-le-feu de Lusaka, lors de laquelle les parties ont réaffirmé leur ferme détermination à respecter toutes les dispositions de l'Accord. La SADC est fermement convaincue de ce que l'Accord de cessez-le-feu de Lusaka demeure le seul instrument valable pour un règlement pacifique du conflit en RDC et que toute solution du conflit passe par un partenariat solide et structuré entre les Nations Unies, l'Organisation de l'unité africaine (OUA) et la SADC. Tout en se félicitant de la contribution de la communauté internationale à la recherche de la paix en RDC, M. Chissano a souligné la nécessité, à cette étape du processus de paix, de prendre des mesures plus opportunes et plus efficaces. Le cessez-le-feu en RDC est fragile et comprend des difficultés inhérentes à son maintien. Ces difficultés ne peuvent toutefois nous dissuader de prendre les mesures nécessaires pour empêcher qu'il soit remis en cause. C'est pourquoi, la communauté internationale ne devrait pas attendre un cessez-le-feu parfait pour jouer un rôle significatif, ni rester passive et regarder le processus de paix s'écrouler.

Les mesures que prendra l'ONU doivent comprises comme visant à favoriser l'établissement rapide de la confiance entre les parties en vue d'un désengagement sans heurt, de la démobilisation, du désarmement et, surtout, du succès du dialogue interne. La désignation par les parties du M. Ketumile Masiré, comme Facilitateur de ce dialogue constitue une avancée importante, a jugé M. Chissano, qui s'est déclaré confiant que ses efforts aboutiront. Le Président du Mozambique a encouragé le Secrétaire général à poursuivre ses efforts en vue de la recherche d'une paix durable en RDC. La présence de l'ONU sur le terrain empêchera les violations du cessez-le-feu et redonnera espoir au peuple congolais. Le Conseil de sécurité qui a la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationales, ne devrait pas transférer cette responsabilité aux belligérants, aux pays voisins ou à la région. Les belligérants ont créé une base suffisante pour que l'ONU prenne ses responsabilités, a estimé M. Chissano. Nous serions les seuls à blâmer si, par nos hésitations, nous laissions la situation en RDC se détériorer, a- t-il ajouté. Le moment est venu pour l'ONU d'assumer ses responsabilités. Les Etats membres de la SADC appellent donc le Conseil de sécurité à prendre des mesures concrètes en vue de la mise en oeuvre rapide de l'Accord de Lusaka.

La SADC appuie les propositions du Secrétaire général et appelle instamment le Conseil à adopter une résolution qui autorise le déploiement d'observateurs militaires, prochaine étape pour une présence forte des Nations Unies en RDC. Il doit être clair que ceci n'est qu'une phase intermédiaire avant le déploiement rapide d'une vraie opération de maintien de la paix de l'ONU, a souligné M. Chissano. On ne peut se permettre de délais supplémentaires dans l'établissement d'une mission de maintien de la paix opérant avec un mandat approprié en vertu du Chapitre VII de la Charte et disposant du personnel suffisant vu la taille du pays, ainsi que l'ampleur et la complexité du conflit. Cette mission de l'ONU doit se voir accorder les moyens logistiques nécessaires pour remplir son mandat avec succès, a encore souligné M. Chissano. Le Président du Mozambique a attiré l'attention sur la tragédie humanitaire que connaît le pays, soulignant que la situation exige des mesures urgentes. Il a rappelé, en conclusion, qu'en 1992, le Mozambique avait dû attendre plus de 6 mois, après la signature de l'accord de paix, avant l'arrivée des soldats de la paix internationaux. En dépit des félicitations reçues de la communauté internationale, seuls les Mozambicains connaissent les dommages qui ont été causés au pays pendant cette période.

Partant, il a appelé la communauté internationale à donner aujourd'hui une chance à l'ONU de renforcer sa crédibilité aux yeux de ses Etats Membres et de l'humanité.

M. LAURENT-DESIRE KABILA, Président de la République démocratique du Congo (RDC) a rappelé qu'en 1997, le peuple congolais, sous son leadership et celui de beaucoup d'autres compatriotes ayant la même conviction, avait mis un terme à 32 ans de la plus grande dictature corrompue du continent africain. Cet acte salvateur n'a pas été posé pour prolonger les souffrances du peuple congolais mais pour que la RDC puisse reprendre sa place dans le concert des nations, dans une période de changement régional et global sans précédent. Malgré l'agression que subit son pays, M. Kabila a observé qu'il a pris le courage de signer l'Accord de Lusaka en tant qu'homme de paix et parce que le peuple congolais veut la paix. Sa présence à New York aujourd'hui - sa toute première visite - s'explique par le fait que l'Accord de Lusaka est dans l'impasse. Même si l'histoire n'est pas toujours favorable à la RDC, le peuple congolais est un peuple qui sait pardonner a déclaré M. Kabila qui a ajouté qu'il tendait la main de la réconciliation à ceux qui ont porté préjudice à son pays. Le Président a précisé que l'Accord de Lusaka ne peut restaurer la paix dans la région que s'il existe un cessez-le-feu réel et immédiat, un déploiement des forces de l'ONU pour remplacer les troupes des pays agresseurs, un retrait sans délai et sans conditions des forces non invitées et enfin l'interposition des troupes de l'ONU aux frontières de la RDC et les pays agresseurs. Le peuple congolais et son gouvernement de salut public attendent du Conseil qu'il puisse obtenir au cours de la présente session spéciale la fin de l'occupation d'une partie du territoire de la RDC par les armées d'occupation du Rwanda, de l'Ouganda et du Burundi, conformément à la résolution 1234 (1999) du Conseil de sécurité.

Avec ses alliés de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADEC), la RDC agit actuellement pour faire respecter le maintien de l'intégrité territoriale du pays, conformément à la Charte des Nations Unies. Dès l'arrivée au pouvoir, le gouvernement avait annoncé un programme politique de démocratisation, qui devait aboutir à l'organisation d'élections libres et transparentes dans les deux ans. La guerre a malheureusement empêché la réalisation de ce programme, dont certaines étapes - notamment l'élaboration d'un projet de constitution par la Commission des réformes constitutionnelles, la convocation d'une assemblée constituante avaient été initiées. Rejetant les allégations concernant la poursuite des "Interhamwes" et des autres groupes armés qui seraient présents sur le territoire de la RDC, M. Kabila a souligné que son gouvernement ne peut s'allier et ne s'alliera jamais aux génocidaires. Qui n'a pas entendu parler des massacres de Kasika, Makobola, Ngweshe, Burinye, Kamituga, Kasala, Budi, Mwenga. Nous avons été témoins des combats à Kisangani, en territoire congolais entre les agresseurs rwandais et leurs comparses ougandais, a ajouté M. Kabila. Qui, ici, peut prétendre ne pas être au courant du pillage systématique des ressources congolaises auquel se livrent les occupants rwandais, ougandais et burundais puisque leur butin de bois, de diamant, d'or, de cobalt et de zèbres est vendu au grand jour. La question essentielle est dès lors de se demander comment mettre fin d'urgence à cette situation d'humiliation impossible à supporter pour le gouvernement et le peuple congolais.

Dans les circonstances actuelles, le Conseil de sécurité est-il encore fondé de s'appuyer uniquement sur l'Accord de Lusaka pour tenter de restaurer la paix en RDC. Le Gouvernement de la République démocratique du Congo a signé l'Accord de Lusaka afin de rétablir la paix et la stabilité dans le pays et dans la région des Grands Lacs. Nous sommes ici aujourd'hui pour voir dans quelle mesure cet accord peut être rendu plus efficace, a souligné M. Kabila, qui a indiqué que son gouvernement a proposé une solution pour faire face à la sécurité, celle de ses voisins et pour répondre au souhait du peuple congolais de voir les forces non invitées quitter le territoire conformément à l'Accord de Lusaka. Cette initiative est ancrée dans l'Accord de Lusaka sous le nom de "dialogue national". Sur le plan interne, le gouvernement a décrété une "révolution-pardon" à l'égard de tous les anciens dignitaires du régime déchu, qui ont été appelés à joindre les efforts du gouvernement pour la reconstruction du pays. En avril 1999, il a convoqué le "débat national en vue de permettre aux Congolais de dialoguer entre eux et de définir ensemble les principes sur la base desquels devra être construit l'ordre politique nouveau et démocratique. A cette fin, le Président a décrété une amnistie générale permettant aux exilés politiques ainsi qu'aux prétendus rebelles de regagner le pays et de prendre part à sa reconstruction. Sur le plan régional, convaincu du danger que représente pour la paix, la sécurité et le développement de la région, l'existence de groupes armés incontrôlés, la RDC a organisé, avec l'appui notamment du PNUD en mai 1998 une conférence sur la sécurité et le développement dans la région des Grands Lacs, qui n'a malheureusement pas abouti. Dans l'intérêt de la paix et du respect de ses engagements internationaux en matière des droits de l'homme, la RDC a organisé un forum sur la démobilisation et la réinsertion sociale des enfants-soldats. C'est cette volonté de paix, du respect des droits humains et de démocratisation du pays que le gouvernement de la RDC a accepté dans le cadre de l'Accord de Lusaka la tenue du "dialogue intercongolais" visant à restaurer le peuple dans son rôle de souverain primaire et de source unique de légitimité. Ce dialogue a donc pour objectif de préparer les bases de l'ordre politique nouveau et démocratique, dont le peuple congolais a été si longtemps privé.

Le Président Kabila a appelé le Conseil de sécurité à persuader les agresseurs de son pays de la nécessité pour eux de faire des efforts similaires pour assurer la paix dans leur pays, condition sine qua non de la paix dans la région. C'est pourquoi, il se félicite de l'intégration de l'initiative de son pays d'organiser une conférence internationale sur les Grands Lacs dans la résolution 1234 du Conseil de sécurité. Le peuple congolais et lui-même attendent l'arrivée prochaine à Kinshasa du nouveau facilitateur, l'ancien président du Botswana, M. Ketumile Masiréfin. La RDC lui accorde son soutient et l'encourage à se mettre en contact avec les différentes communautés confessionnelles afin de tracer ensemble la voie pour le dialogue national. M. Kabila a exprimé son soutien à la Mission d'observation des Nations Unies en RDC. Il a souligné que tout Congolais qui souhaite venir à Kinshasa pour assister au dialogue national pourra le faire en toute sécurité.

M. JOSE EDUARDO DOS SANTOS, Président de la République de l'Angola, a dénoncé le régime dictatorial qui a dirigé la RDC pendant des années. Une mauvaise gestion des affaires publiques en RDC conjuguée à un régime oppressif et à l'échec du système économique ont mené le pays à une situation chaotique et à sa marginalisation, entraînant des centaines de milliers de ses habitants sur la route de l'exil. Les pays voisins qui ont accueilli les réfugiés de RDC ont été conduits à renforcer la sécurité à leurs frontières. Par conséquent, a expliqué le Président, tous les pays voisins concernés ont soutenu les forces de libération et le vent de changement pour l'avènement de la démocratie. L'Angola, aux côtés du Rwanda et de l'Ouganda se sont ainsi joints aux efforts régionaux. Compte tenu du lourd héritage qui pesait sur le pays, a expliqué le Président, il était implicite que le nouveau gouvernement bénéficierait d'une période de grâce lui permettant de restaurer la paix, réorganiser le système politique et économique, mobiliser la société et reconstruire le pays. Ceci ne s'est jamais produit et en une année, l'Angola a été contrainte d'intervenir pour prévenir des effusions de sang et contenir la menace d'une escalade du conflit à ses frontières. Une fois cette menace éliminée, l'Angola a cherché immédiatement à s'associer à la recherche d'une solution au conflit.

Evoquant sa participation à la réunion de Prétoria, le Président a regretté que les résultats de cette réunion n'aient pas été totalement intégrés à l'Accord de Lusaka. Ne pas mentionner le principe selon lequel la légitimité et l'autorité du Gouvernement actuel et du Président doivent être reconnus sème la confusion. Ces accords de cessez-le-feu comportent d'autres lacunes en ce qu'ils limitent la souveraineté du pouvoir en place et le place sur un pied d'égalité avec les forces qui combattent avec des moyens illégaux tandis que le phénomène d'agression externe n'est pas traité de manière vigoureuse. Il est également important de noter qu'à la suite de la signature de ces accords, de nombreux changements ont eu lieu dans la région. Le Président a estimé que les Nations Unies, outre le désarmement et la démobilisation des anciens combattants, ont la responsabilité de séparer les forces en présence. A cet effet, nous demandons que les Nations Unies lancent une force de maintien de la paix et accroissent leur soutien financier et logistique.

Le Président Dos Santos a formulé un certains nombre de recommandations pour rendre l'Accord de Lusaka opérationnel et pour accélérer sa mise en oeuvre. Il a proposé d'accélérer le désarmement des forces rebelles et de former une armée nationale, de reconnaître l'autorité du Gouvernement actuel comme un gouvernement de transition qui conduirait le pays à des élections législatives et présidentielles qui se tiendraient sous l'égide de la communauté internationale. Le Président a proposé de créer les garanties de sécurité nécessaires à l'installation dans la capitale des chefs rebelles, d'axer le débat national sur la constitution provisoire, les lois électorales, les mécanismes de vote et la loi sur les partis politiques. Le parlement élu, a ajouté le Président, devrait jouer le rôle d'une assemblée constituante qui serait chargée d'approuver la Constitution définitive de la République.

Le Président a déclaré que l'évolution de la situation dans la région des Grands Lacs est liée à celle qui prévaut en République démocratique du Congo où le cessez-le-feu a été constamment violé et où, en raison d'un manque de confiance entre les parties, le désarmement des forces rebelles n'a pas été réalisé. De plus, il nous reste à déterminer comment procéder au désarmement des Interahamwe. L'Accord de cessez-le-feu, a regretté le Président, ne contient pas de garanties politiques dans ce domaine. Il a plaidé en faveur d'un accord politique international pour le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi, qui permettrait de trouver une solution à la situation des Grands Lacs. Les Nations Unies dans ce contexte, devraient s'engager à trouver une solution pacifique et démocratique à cette crise avec le même sérieux qui a caractérisé son action dans d'autres pays du monde.

M. ROBERT G. MUGABE, Président du Zimbabwe, a insisté sur le fait que les Forces alliées de la SADC n'avaient aucune ambition territoriale ou autre, ni aucun agenda caché, en République démocratique du Congo. Nous sommes au Congo à l'invitation du Gouvernement souverain de ce pays et conformément aux décisions de la SADC relatives à la sécurité collective, et nous sommes ici pour faire respecter l'un des principes les plus fondamentaux de la Charte de l'ONU, à savoir le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des Etats et la non-ingérence dans les affaires intérieures d'un pays souverain. C'est, faut-il le rappeler, au nom de ces principes que la communauté internationale n'a pas hésité à faire la guerre dans le Golfe, il y a quelques années. Ce sont ces mêmes principes fondamentaux que le Conseil a reconnus dans sa résolution 1234 (1999) et s'est engagé à faire respecter et à protéger en RDC. Hélas! peu a été fait depuis pour les mettre en oeuvre. Les Etats membres de la SADC sont engagés en faveur de la paix en RDC et dans la sous-région dans son ensemble. Cette guerre est une tragédie pour tous les pays de la région. Nous reconnaissons que s'il y avait eu des consultations suffisantes dans la région, elle aurait pu être évitée. Des leçons ont été tirées de cette tragédie. C'est pourquoi, dès le début du conflit, les pays de la SADC ont prôné le dialogue comme moyen de résoudre le conflit. Tout en nous battant en RDC, nous n'avons jamais cru que le conflit pourrait être résolu par la force des armes. Il était clair pour tous que les négociations constituaient, au bout du compte, le moyen logique et raisonnable de résoudre le conflit. C'est ce que reflète l'Accord de Lusaka. Certains membres de la région ont effectivement fait une grossière erreur en initiant le conflit mais tous ont montré le courage, la vision et la sagesse de négocier une fin au conflit. C'est pourquoi, nous sommes ici pour appeler le Conseil à assumer ses responsabilités en envoyant immédiatement des observateurs et forces de maintien de la paix en RDC. A ce jour, le Conseil a, à notre désappointement, été lent et hésitant à accueillir et renforcer notre accord de pays régional, a déploré M. Mugabe.

Les mois qui se sont écoulés depuis la signature de l'Accord de cessez- le-feu de Lusaka ont été extrêmement frustrants puisqu'ils ont montré les dangers inhérents à tout retard dans l'action du Conseil. Sans observateurs, ni surveillance, on attend des troupes et de leurs commandants sur le terrain qu'ils aient confiance en la bonne foi de leurs adversaires d'autrefois, alors qu'ils les soupçonnent d'être rusés et habiles comme tous ceux entraînés pour la guerre. Dans une telle situation, il est inévitable que les commandants fassent leur possible pour assurer que leurs hommes ne soient pas exposés à des attaques soudaines ou encerclés par l'autre partie. Or, tout mouvement de troupes par une partie est perçu comme une menace par l'autre et susceptible de provoquer des violations du cessez-le-feu. En tant que parties à l'Accord de Lusaka, nous avons exercé le maximum de retenue. La guerre n'a pas repris et l'Accord a continué de tenir dans une large mesure, malgré le problème des ressources. La Commission militaire mixte a fonctionné malgré les contraintes financières et est actuellement présente dans trois régions, ayant ses sièges à Kabinda, Boende et Lisala. Le Comité politique ministériel a été établi et s'est réuni à plusieurs reprises. Une autre avancée importante est la désignation de M. Ketumile Masiré, ancien Président du Botswana, comme Facilitateur du dialogue intercongolais. M. Mugabe a souligné que nombre de ces avancées avaient été réalisées sur la base des ressources des belligérants. Certains donateurs se sont engagés à appuyer ces efforts et l'ont fait. Aujourd'hui, nous appelons instamment ceux qui n'ont pas tenu leurs engagements à le faire et les autres donateurs à envisager de contribuer également.

Les pays de la région sont déçus et frustrés de la léthargie avec laquelle le Conseil de sécurité a répondu à leur appel à l'aide et à l'action, a poursuivi le Président. A ce jour, après avoir traîné les pieds et hésité pendant des mois, nous ne sommes pas plus proches d'une décision sur le déploiement d'une force, tant attendue et si nécessaire, de maintien de la paix en RDC. "Des bonnes intentions, mais pas d'action". C'est ainsi que nous caractérisons le travail du Conseil. Le Conseil a passé trop de temps sur le diagnostic de la situation alors que la prescription qui doit être administrée est déjà connue. Dans ces circonstances, au vu de la promptitude avec laquelle les questions du Kosovo ou de la Bosnie ont été traitées, l'Afrique se sent marginalisée, négligée et même ségrégée. Le moment est venu de prendre des mesures urgentes si le Conseil désire réellement soutenir le processus en RDC. Tout retard supplémentaire ne peut que porter atteinte à la réalisation des objectifs de la paix. Le Conseil a l'occasion de se racheter et de redonner foi dans les Nations Unies au peuple du Congo et de l'Afrique en général, a estimé M. Mugabe, rappelant qu'en 1960, à la mort tragique du dirigeant nationaliste Patrice Lumumba, en se démettant de ses responsabilités, le Conseil avait déjà raté une occasion de faire la paix. Ce que la RDC attend de cette réunion, c'est que le Conseil, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte, envoie des forces de maintien de la paix. Le Conseil n'a fait qu'observer la situation de loin depuis trop longtemps, il doit maintenant aller au Congo et essayer d'y maintenir la paix. M. Mugabe a assuré que son pays était prêt à assumer sa part.

M. YOWERI KAGUTA MUSEVENI, Président de l'Ouganda, a réaffirmé que son pays, ainsi que les pays voisins de la République démocratique du Congo (RDC) ont des préoccupations légitimes en matière de sécurité qui ont été reconnues tant par la région que par la communauté internationale. Le Sommet ministériel, tenu à Lusaka du 14 au 16 janvier 1999, a créé un Comité sur la sécurité de la RDC et des pays voisins. La région, qui a connu le génocide le plus atroce commis en 1994 au Rwanda, a été au bord de la catastrophe à la suite de ce qui a résulté de la disparition du président rwandais Habyarimana et du président zaïrois Mobutu. Le Président ougandais a souligné que le Conseil de sécurité doit reconnaître le rôle terroriste joué par le régime islamique du Soudan, utilisant parfois le territoire de la RDC avec ou sans la coopération de Kinshasa. Les Africains ne sont pas de nouveaux acteurs sur la scène internationale. Ils ont lutté ensemble contre l'injustice et l'oppression pendant de nombreuses années. C'est l'une des raisons qui nous a rassemblé pour la signature de l'Accord de cessez-le-feu de Lusaka visant à mettre fin aux événements tragiques dans la région. L'Accord de Lusaka mérite le plein appui car il répond de manière globale à toutes les préoccupations légitimes et en matière de sécurité de toutes les parties concernées. Il répond également aux préoccupations exprimées par les pays voisins, notamment l'Ouganda. Enfin, il restaure l'unité en Afrique et sa pleine mise en oeuvre promet la paix et la prospérité dans la région. A cet égard, le Président Museveni a réaffirmé l'appui inconditionnel de son pays à l'Accord de Lusaka.

Le Comité politique mis en place en vertu de l'Accord de Lusaka doit bénéficier de l'appui de la communauté internationale et ensuite intégrer ses activités à la Mission d'observation des Nations Unies. Les préoccupations en matière de sécurité des pays voisins et de la RDC ont été reconnues et, à cet effet, un comité a été mis en place pour régler la question de la déstabilisation des pays voisins par des groupes opérant à partir du territoire congolais. M. Museveni a rappelé que depuis 1960, 1,2 million de Rwandais, 400 000 Burundais, 800 000 Ougandais et de nombreux Congolais ont été exterminés par les régimes fascistes de Kayibanda, Habyarimana, Michombero, Idi Amin et Mobutu. Au cours du siècle qui vient de s'écouler, seuls Hitler et Pol Pot ont pu faire concurrence à de telles atrocités. L'être humain est la forme la plus noble de la création de Dieu en termes d'intelligence. Et pourtant, près de 2,5 millions de personnes ont été tuées dans les pays de la région des Grands Lacs depuis 1959. Nous ne sommes pas des poulets égorgés par des acteurs politiques, a souligné le Président ougandais. C'est pourquoi, la communauté internationale doit appuyer la mise en oeuvre de l'Accord de Lusaka. Les groupes d'opposition au Congo doivent participer au processus de paix en vue de coopérer pleinement à la mise en oeuvre de l'Accord. Il faudrait également déployer une force internationale neutre de maintien de la paix en tant que force d'interposition en RDC. A cet égard, l'Ouganda propose que la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo soit établie en vertu du Chapitre VII de la Charte en vue de lui permettre de s'acquitter efficacement du désarmement, de la démobilisation et de la protection des civils. Toutes les forces étrangères doivent se retirer conformément au calendrier établi en étroite coopération par les Nations Unies et l'Organisation de l'unité africaine. Cet aspect présume la coopération active de toutes les parties à l'Accord de Lusaka, en particulier pour garantir la sécurité du personnel des Nations Unies et le personnel associé. Enfin, une conférence nationale à laquelle participeraient tous les groupes politiques congolais devrait avoir lieu dès que possible, avec l'assistance de l'OUA. A cet égard, l'Ouganda appuie la nomination de l'ancien président du Botswana au poste de facilitateur et réaffirme celle du président Chiluba du Mozambique en tant que Coordonnateur du processus de paix. Tout en reconnaissant la complexité de ces vastes tâches, le Président Museveni a estimé que la réaffirmation des engagements pris dans le cadre de l'Accord de Lusaka, constitue un premier pas important. Pour sa part, la communauté internationale doit faire preuve d'un appui clair et concret aux efforts accomplis par les pays africains. Comme le souligne le Secrétaire général dans son rapport, la participation active des Nations Unies en RDC sera immense et coûteuse. Mais le coût de l'inaction - comme on l'a vu au Rwanda - serait inadmissible, plus coûteux et moralement ignoble. C'est pourquoi, le Président a appelé le Conseil de sécurité à agir maintenant pour que ces atrocités ne se reproduisent plus.

M. PASTEUR BIZIMUNGU, Président du Rwanda, a évoqué la publication du rapport Carlsson relatif au rôle des Nations Unies lors du génocide au Rwanda, auquel il convient d'accorder une importance particulière en ce qu'il touche au conflit en RDC et traite spécifiquement des activités des Nations Unies en 1994. Notre échec à prévenir le génocide au Rwanda a permis aux auteurs de se cacher dans des camps de réfugiés au Zaïre et de jouir de la protection de la communauté internationale. Les Ex-FAR et les milices Interahamwe aux côtés d'autres forces négatives en provenance en majorité de l'Ouganda et du Burundi, ont créé un réseau criminel. Les Nations Unies encore une fois ne sont pas intervenues. Aujourd'hui, nous appelons les Nations Unies à assumer leurs responsabilités, conformément au mandat qui leur a été conféré par l'Accord de cessez-le-feu de Lusaka. Néanmoins, a précisé le Président, l'Accord de Lusaka n'est pas une fin en soi mais vise à faciliter le processus d'instauration d'une paix durable dans la région. Le Rwanda est fermement engagé en faveur des principes de cet Accord et il a scrupuleusement respecté le cessez-le-feu. Nous regrettons les violations commises par certains des signataires. Pour le Président rwandais, l'Article II de l'Accord qui porte sur la sécurité de la RDC et de ses voisins est d'une importance fondamentale. Il a toutefois mis l'accent sur la mise en oeuvre dans son intégralité de l'Accord dont la responsabilité première incombe aux signataires tout en soulignant le rôle significatif des Nations Unies.

Evoquant l'intervention des Nations Unies en RDC, le Président rwandais a rappelé qu'au cours des négociations relatives à l'Accord de Lusaka, les parties ont examiné le rôle des Nations Unies dans la mise en oeuvre de l'Accord. Le représentant des Nations Unies a signé l'Accord en sa qualité de témoin qui participait pleinement aux négociations. Par conséquent, nous comprenons que les organes des Nations Unies soutiennent pleinement l'Accord. L'Accord stipule que le Conseil de sécurité des Nations Unies, agissant en vertu du Chapitre 7 de la Charte et en collaboration avec l'OUA, peut être sollicité pour constituer, faciliter et déployer une force de maintien de la paix appropriée en vue de garantir la mise en oeuvre de l'Accord de Lusaka. On s'attend donc à ce que les Nations Unies neutralisent les forces criminelles, neutralisent et désarment les congolais armés qui ne sont pas signataires de l'Accord de Lusaka, organisent une armée nationale ainsi que le retrait des forces étrangères. Nous sommes ici, a souligné le Président, pour lancer un appel pressant au Conseil de sécurité pour qu'il envisage de mettre en oeuvre ces éléments de l'Accord de Lusaka. Vous en avez la capacité et il en est de votre responsabilité. Vous avez uniquement besoin de l'autorité morale et du courage de le faire, a souligné le Président. La première étape sera de faire en sorte que le cessez-le-feu soit respecté pendant que d'autres mécanismes se mettent en place. Le déploiement d'observateurs des Nations Unies est d'une importance considérable mais n'est pas un moyen de dissuasion suffisant des violations du cessez-le-feu. Un plan de déploiement d'une force de maintien de la paix en RDC doit être élaboré maintenant et non pas demain. Le Conseil de sécurité doit également mettre un terme à d'autres activités illégales comme la fourniture d'armes et de matériel de guerre aux forces négatives.

Soulignant l'importance de la Commission militaire mixte, le Président du Rwanda a également lancé un appel pour que des fonds suffisants lui soit alloués. Il a rappelé que les recommandations formulées par son représentant au sein de la Commission portent sur la création de couloirs humanitaires, l'échange de prisonniers de guerre, l'élaboration de relations de travail avec le Comité international de la Croix-Rouge, la mise en place de procédures de désengagement, de désarmement et de recherche des auteurs de crimes contre l'humanité et d'un plan de retrait des forces étrangères. Néanmoins, ces activités resteront lettre morte si la nature de l'engagement et le mandat du Conseil de sécurité demeurent vagues.

M. SALIM AHMED SALIM, Secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), s'est déclaré convaincu que le Conseil de sécurité appréciera les efforts déployés sur le continent africain pour contenir les conflits, les maladies, la détérioration de la situation économique et la pauvreté. Aussi cruciaux que ces efforts soient pour les Africains eux-mêmes, il serait indispensable qu'ils soient vigoureusement appuyés par le reste de la communauté internationale afin d'en garantir l'efficacité et la durabilité. Cette session spéciale du Conseil de sécurité est consacrée au conflit en République démocratique du Congo (RDC). La présence sans précédent d'un grand nombre de Chefs d'Etat africains montre clairement l'importance qu'ils attachent - ainsi que le reste de l'Afrique - à la crise en République démocratique du Congo. Leur présence montre également leur détermination de continuer à assumer leur rôle pour trouver une solution durable à ce problème africain dont la magnitude et la dimension ont des implications à long terme. Leur présence impressionnante représente également leurs attentes et leurs espoirs pour une plus grande solidarité et un ferme appui de la part du reste de la communauté internationale aux efforts déployés par l'Afrique. Ces espoirs et ces attentes sont prévus dans le contexte du partenariat international ancré dans la notion de village mondial avec des valeurs partagées et une destinée communes. Cette solidarité et ce partenariat internationaux ne pourront réaliser leur plein potentiel et leur importance que lorsqu'ils se manifestement clairement par des actions concrètes. Pour sa part, l'OUA n'a épargné aucun effort pour appuyer les efforts régionaux visant à mettre fin au conflit sur la base des principes énoncés par la Charte de l'OUA, en particulier le respect de la souveraineté, de l'unité et de l'intégrité territoriales de ses Etats Membres et du règlement pacifique des différends. Sur la base de ces principes, conscient que ces mêmes principes sont menacés par la situation en République démocratique du Congo en raison des dimensions internes et externes du conflit, l'OUA avec ses partenaires, a oeuvré de manière inlassable en vue de mettre fin à ce conflit. Ces efforts conjugués ont permis la signature de l'Accord de cessez-le-feu en République démocratique du Congo - connu sous le nom d'Accord de Lusaka - qui constitue l'unique instrument viable pour édifier la paix et le dialogue fondés sur la coopération et la bonne foi des parties, ainsi que l'appui de la communauté internationale. Depuis l'entrée en vigueur de l'Accord à la fin du mois d'août 1999, l'OUA a déployé des efforts inlassables pour s'acquitter de sa part de responsabilités dans la mise en oeuvre de l'Accord. A cet égard, M. Salim Salim a salué l'appui du Président Chiluba, Coordonnateur des efforts de paix régionaux ainsi que ceux de ses collègues dans la région.

Le Secrétaire général de l'OUA a souligné les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de l'Accord de cessez-le-feu, en particulier en ce qui concerne la mobilisation des ressources financières et de l'appui logistique nécessaires pour faciliter la création de la Commission mixte militaire à son siège temporaire à Lusaka et le déploiement des commissions mixtes militaires locales dans trois des quatre zones identifiées en RDC. En dépit des difficultés importantes auxquelles elle est confrontée, la Commission mixte militaire s'acquitte de son mandat. M. Salim Salim a toutefois souligné que l'appui des Etats africains et du reste de la communauté internationale sera nécessaire pour tracer la voie aux négociations politiques et au dialogue intercongolais. A cet égard, il s'est félicité de la nomination de l'ancien président du Botswana, M. Ketumile Masiré, au poste de facilitateur. Il a appelé par ailleurs la communauté internationale à fournir les ressources financières et logistiques nécessaires pour appuyer les efforts du Facilitateur dans l'accomplissement de son mandat. Soulignant l'importance du lien entre le processus militaire et le processus politique, M. Salim Salim a estimé qu'il est urgent pour les Nations Unies de déployer une présence effective et efficace en République démocratique du Congo composée d'observateurs militaires et de soldats de maintien de la paix. Par le biais de la coopération, toutes les parties concernées pourront faire preuve de compréhension et de souplesse, a-t-il dit, en faisant remarquer qu'en dépit de ses violations, l'Accord de cessez-le-feu continue d'être viable. L'Accord demeure le seul instrument valable de la volonté collective des différentes parties au conflit en RDC, qu'elles ont négocié et qui a été accepté par la communauté internationale comme un instrument viable - si sa mise en oeuvre est de bonne foi - pour faciliter le retour à la paix, à la sécurité, à la réconciliation nationale et au développement en RDC. C'est sur cette toile de fond que le récent sommet de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADEC) s'est tenu à Maputo (Mozambique), le 16 janvier 2000, qui prie instamment les signataires de l'Accord de cessez-le-feu en RDC de coopérer de manière plus active pour assurer le succès et la pleine mise en oeuvre de cet Accord. Puis, du 17 au 18 janvier 2000, le Comité politique a tenu sa dernière réunion à Harare au cours de laquelle les parties à l'Accord ont réaffirmé leur engagement. Le Secrétaire général de l'OUA s'est déclaré convaincu que les délibérations du Conseil de sécurité aboutiront à un ferme engagement et à une action claire en faveur du déploiement rapide des observateurs militaires des Nations Unies et des forces de maintien de la paix, la taille et le mandat devant être définis et être à la mesure de la crise en RDC. Il a également émis l'espoir que le Conseil sera en mesure de répondre de manière positive à la nécessité d'appuyer concrètement les efforts du Facilitateur, M. Ketumile Masiré.

SIR KETUMILE MASIRE, Facilitateur du dialogue intercongolais, a évoqué la complexité des causes du conflit en RDC et souligné que tout au long du processus de paix, l'inviolabilité de la souveraineté nationale et de l'intégrité territoriale de la RDC a été réaffirmée par l'OUA et les pays de la région. La nécessité de trouver une solution aux problèmes politiques internes à la RDC et à ceux portant sur la sécurité des pays voisins a été fortement reconnue. C'est sur la base de ces principes que l'OUA, les pays de la région et les Nations Unies ont élaboré un Accord de cessez-le-feu. Le Facilitateur a établi un lien important entre les aspects politiques et militaires du conflit en RDC qui est à l'origine, a-t-il expliqué, de l'importance accordée dans l'Accord au dialogue intercongolais. Aux termes de cet Accord, les parties se sont engagées à suivre un processus politique sont convenues d'un échéancier et du règlement intérieur du dialogue politique intercongolais, de la formation d'une nouvelle armée nationale congolaise, de la mise en place d'un nouvel espace politique en RDC, d'un processus électoral démocratique et d'une nouvelle constitution.

Les négociations intercongolaises seront difficiles, a reconnu le Facilitateur. Le défi majeur qui nous attend sera de déterminer la nature et le contenu de ce dialogue, les critères de participation et l'organisation des infrastructures. Les manifestations de bonne volonté de la communauté internationale doivent se traduire en une aide concrète. La communauté internationale doit également maintenir la pression sur toutes les parties. Il faut qu'elle fournisse les ressources financières nécessaires au dialogue politique intercongolais. Il est dans ce contexte urgent qu'un groupe de personnes compétentes soit disponibles pour compléter les efforts de facilitation. Cette période de négociation exigera de nombreux déplacements et consultations avec les acteurs en présence, a souligné le Facilitateur. L'ensemble du processus sera onéreux. Je lance un appel à tous les pays de bonne volonté pour un soutien concret. Il n'y a pas de place pour la neutralité lors de la recherche de la paix. Le Conseil de sécurité doit aller au delà des déclarations de bonnes intentions et lancer une action internationale. Nous devons agir plus rapidement que jamais et cette session du Conseil de sécurité devrait avoir pour objectif d'accélérer le processus de paix. M. THEO-BEN GURIRAB, Ministre des affaires étrangères de la Namibie et Président de l'Assemblée générale, s'est félicité de l'initiative prise par le Conseil de sécurité, présidé par les Etats-Unis, de consacrer ce mois à l'Afrique. Les travaux accomplis par le Conseil dans ce cadre ont été abondants et fructueux. Dans son dernier rapport sur la situation en République démocratique du Congo (RDC), le Secrétaire général a analysé la situation et présenté des recommandations au Conseil de sécurité. Le Président de l'Assemblée générale s'est déclaré préoccupé par ce qui suivra le "Mois de l'Afrique" au Conseil de sécurité, cette année et les années à venir. La Namibie, en tant que membre du Conseil de sécurité, contribuera certainement à veiller à ce que l'accent continue d'être mis sur la situation en Afrique, pendant la durée de son mandat. Il faut garder à l'esprit les préoccupations et idées exprimées ce matin par les intervenants concernant tous les différents aspects de la situation, l'impasse actuelle dans la voie de la paix, le retrait des troupes non invitées et la normalité en RDC, lorsqu'on recherche une solution à la situation en RDC. La déstabilisation de la RDC ne pourra que nuire à l'Afrique et, en particulier, à ses voisins les plus proches. D'autre part, la coopération, la sécurité et la paix globale bénéficieront à tous et permettront de restaurer la dignité de l'Afrique. C'est le règlement politique que prévoit l'Accord de Lusaka, en dépit des retards et difficultés auxquels il est confronté.

En juillet dernier, les responsables africains réunis au sommet de l'OUA à Alger ont souligné de manière éloquente et ferme l'intégrité de l'Afrique et ont appelé à mettre fin aux coups militaires en faveur d'élections démocratiques. Ils se sont en outre résolus à faire de l'année 2000 l'année de la paix, de la sécurité et de la tolérance. A cette fin, ils ont réaffirmé collectivement leur engagement et leur respect pour les Nations Unies et le Conseil de sécurité dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

La Namibie réaffirme son adhésion inconditionnelle à l'Accord de Lusaka. Le véritable problème réside dans l'absence de volonté politique et de vision de certaines parties pour l'avenir. Il existe également un problème d'ingérence de la part de certains interlocuteurs qui ne sont pas très coopératifs parce qu'ils semblent avoir des arrière-pensées et poursuivent des objectifs différents en RDC de ceux de la plupart des pays africains et du reste de la communauté internationale. A tout moment, la Commission mixte militaire et la Mission d'observation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC)doivent se consulter, coordonner et agir ensemble jusqu'au bout et jusqu'à ce que toutes les parties soient satisfaites et, surtout, le Gouvernement de la République démocratique du Congo. Se félicitant de la présence du Secrétaire général de l'OUA à la présente session du Conseil, M. Gurirab a prié instamment l'OUA et l'ONU de conjuguer leurs efforts en vue de la mise en oeuvre de l'Accord de Lusaka. Il a souligné la nécessité pour le Conseil de prendre des mesures claires et concrètes car les dirigeants africains doivent avoir confiance en quittant New York. Tout en se félicitant de la nomination de M. Ketumile Masiré, l'ancien président du Botswana au poste de Facilitateur du processus de paix en RDC, M. Gurirab a fait observer que la situation en RDC est un problème unique qui doit être traité comme tel. Cette résolution attendue du Conseil de sécurité doit être compatible avec cette exigence et tenir compte des récentes mesures prises par les dirigeants africains. Accueillons le nouveau millénaire avec optimisme et si nous pouvons le faire - et nous devons le faire - nous sont en mesure de créer des conditions propices dans le monde pour une paix durable, la sécurité humaine et la prospérité de tous ceux qui le souhaitent, a conclu M. Gurirab.

MME NKOSAZANA DLAMINI, Ministre des affaires étrangères de l'Afrique du Sud, soulignant que le conflit en République démocratique du Congo est l'un des problèmes les plus complexes qui implique six Etats et des groupes armés dans la région, a estimé que c'est grâce aux efforts des dirigeants de la région, coordonnés par le Président Chiluba que l'Accord de Lusaka a été conclu. Cet Accord offre les meilleures chances pour une paix durable en RDC. Son pays se déclare convaincue qu'il n'existe aucune autre alternative au règlement du conflit que le respect des engagements pris par les parties, les Nations Unies, l'OUA et la SADEC qui ont signé ou appuyé l'Accord. L'Accord doit être mis en oeuvre avec succès par toutes les parties concernées. L'Afrique du Sud réaffirme son rôle neutre dans la recherche d'une paix durable en République démocratique du Congo et dans la région des Grands Lacs. A cet égard, le Ministre a estimé qu'il est important pour son pays d'entamer un dialogue sur le même pied d'égalité avec toutes les parties impliquées dans le conflit en RDC. En outre, le gouvernement sud-africain est engagé à assister la Commission mixte militaire en fournissant un appui, en particulier logistique. L'Afrique du Sud appelle fermement en faveur d'un déploiement immédiat et complet de la Commission mixte militaire pour lui permettre de s'acquitter de son mandat conformément à l'Accord de Lusaka. Elle réaffirme l'appel lancé au Conseil de sécurité par les Chefs d'Etat membres de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) à Maputo, le 16 janvier dernier pour qu'il autorise sans retard le déploiement d'une mission des Nations Unies de maintien de la paix en RDC dans le cadre de la mise en oeuvre de l'Accord de cessez-le-feu. L'Afrique du Sud estime que le déploiement d'une force des Nations Unies de maintien de la paix sera crucial pour le succès de la mise en oeuvre de l'Accord de Lusaka et exige l'appui de la communauté internationale. Le Conseil de sécurité doit s'acquitter de son mandat comme le définit la Charte des Nations Unies en assistant les parties à l'Accord à le mettre en oeuvre.

Mme Dlamini-Zuma a estimé qu'il est important de désarmer et de réintégrer les groupes armés qui mettent en péril la sécurité des pays de la région. C'est pourquoi, elle estime également que le Conseil de sécurité adoptera, au cours de cette session extraordinaire consacrée à la situation en RDC, une résolution appuyant le processus de paix en RDC tel que le stipule l'Accord de Lusaka. Le Ministre a appelé toutes les parties congolaises et autres groupes à appuyer les efforts du Facilitateur du processus de paix de Lusaka, M. Ketumile Masiré. A long terme, il appartient aux Congolais eux- mêmes de déterminer leur avenir, la communauté internationale ne pouvant que les assister à créer un climat propice à la mise en oeuvre des engagements congolais. La communauté internationale doit fournir une aide humanitaire à la RDC pour atténuer les souffrances des centaines de milliers de Congolais. La RDC a également besoin de ressources pour son processus de reconstruction et de développement.

M. LOUIS MICHEL, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Belgique, a indiqué que la démarche de la Belgique s'inscrit dans le cadre des efforts déployés par l'Union européenne, dont l'implication dans le processus de paix et de stabilisation de la région constitue un facteur primordial pour le succès de l'entreprise. Le retour à la paix et à la stabilité régionale nécessite le rétablissement du respect de l'unité et de l'intégrité territoriale du Congo et de l'inviolabilité de ses frontières. Les voisins du Congo ont également le droit de vivre en sécurité à l'intérieur de frontières sûres, sans actions déstabilisatrices menées à partir du territoire congolais. L'autre facteur essentiel de stabilisation du Congo est, de l'avis de la Belgique, la réconciliation nationale. M. Michel a estimé que la réunion d'aujourd'hui devait mener à la mise en oeuvre pleine et entière de l'Accord de Lusaka dont il a déploré la lenteur de la mise en oeuvre, soulignant un risque de fragilisation du processus de paix. La passivité ne peut être de mise, a insisté le Ministre, rappelant que l'Accord est le seul instrument existant pour mettre fin au conflit.

Pour la Belgique, le redémarrage et la réussite du processus de paix exigent tout d'abord la volonté des parties signataires. La manifestation claire de leur volonté politique d'appliquer l'Accord de paix, de bonne foi et sans entrave, est indispensable pour rendre possible l'engagement de la communauté internationale, à leurs côtés. L'appui de la communauté internationale est tout aussi absolument nécessaire pour la mise en oeuvre des mécanismes de l'Accord : assistance financière et logistique immédiate à la Commission militaire mixte pour lui permettre de fonctionner de manière permanente, condition nécessaire à l'exécution de sa mission. A cet égard, a souligné le Ministre, les contributions financières promises doivent être versées sans délai aux fonds fiduciaires prévus à cet effet. Pour sa part, la Belgique a contribué jusqu'à présent un montant de 10 millions de FB et a été active au sein de l'Union européenne pour qu'elle s'engage sans délai pour un montant de 1,2 million d'Euros. M. Michel a plaidé également en faveur d'une meilleure coordination entre la MONUC, la Commission militaire mixte et l'OUA. Une autre condition de la réussite du processus de paix est la mise en place d'une opération de maintien de la paix pour aider les parties à réaliser l'Accord et permettre le retrait de toutes les forces étrangères du Congo. Pour réussir, celle-ci devra être suffisamment étoffée, avec un mandat clair et les moyens nécessaires, tant logistiques que financiers. M. Michel a demandé instamment au Conseil de saisir l'occasion offerte par l'Accord de Lusaka et de prendre ses responsabilités à cet égard. Il a assuré que la Belgique apporterait son concours financier et logistique, individuellement et avec ses partenaires de l'Union européenne. Le Ministre a demandé instamment au Conseil de prévoir une protection et des moyens de transport et de communication suffisants pour que les observateurs, dont le déploiement est prévu en phase II, puissent s'acquitter de leur mission avec objectivité et en toute sécurité. La question du désarmement et de la réintégration des combattants des groupes armés non gouvernementaux est de première importance et difficile. Elle exigera des mécanismes politiques et des stimulants économiques plutôt que des solutions militaires, a-t-il dit. La Belgique considère le dialogue intercongolais comme un autre facteur essentiel et urgent, et y apportera, en conséquence, son appui. M. Michel a appelé toutes les parties à construire un système politique associant toutes les forces vives de la nation.

Dans la mesure où les pays signataires s'engagent véritablement, la communauté internationale est prête à aider à sa réalisation. Le concept de "l'African Ownership", qui fut peut-être dans un passé récent un motif de désengagement vis-à-vis de l'Afrique, ne peut être ni un rejet ni un repli, mais doit être porteur de coopération et de partenariat. Ce n'est que par la stabilisation régionale et la coopération au-delà des frontières que la paix assurée par la mise en oeuvre de l'Accord de Lusaka sera consolidée. Sur cette base, la Belgique est prête à mobiliser ses partenaires de l'Union européenne et d'autres dans le cadre d'un partenariat Nord-Sud, axé sur la reconstruction, la démocratie et le développement. Ce pacte s'inscrirait dans le cadre d'une Conférence sur la stabilité et la coopération dans la Région des Grands Lacs qui pourrait être mise en chantier une fois la paix revenue. M. Michel a appelé à aider le Rwanda à panser les plaies du passé, mais aussi à faire en sorte que les erreurs commises au Rwanda ne soient pas répétées. Nous voulons rompre avec la logique de guerre, une guerre qui ne peut être gagnée par personne. Il faut démontrer à ceux qui ne voient d'amélioration de leur sort que par la force des armes, qu'il existe une alternative pacifique basée sur la coopération et le développement économique. La Belgique a la volonté et les moyens d'y participer, a-t-il conclu.

M. SEVERIN NTAHOMVUKIYE, Ministre des relations extérieures et de la coopération du Burundi, a souligné le grand espoir que l'application de l'Accord de Lusaka suscite sur la qualité de l'environnement du processus de paix et de réconciliation entrepris dans son pays depuis trois ans. En effet, une des causes de la recrudescence de la violence ces derniers mois trouve ses racines dans la coalition des groupes armés rebelles qui vont et viennent dans la sous-région où des milices et autres armées entières ont gagné le maquis et entretiennent la guérilla. Le Ministre a rappelé que le Burundi est prêt à accorder sa contribution et jouer pleinement son rôle dans la mise en oeuvre de l'Accord de Lusaka qui reconnaît explicitement ses préoccupations de sécurité à la frontière commune avec la République démocratique du Congo du fait de l'activité d'une partie de la rébellion burundaise dans ce pays. Le Burundi demande à être particulièrement associé dans la résolution des questions suivantes identifiées dans l'Accord de Lusaka : le désarmement des groupes armés dont celui du Burundi, le FDD; le rapatriement volontaire des réfugiés burundais et congolais; la réintégration dans la société des membres des groupes armés; et la normalisation de la situation le long de la frontière commune entre la RDC et le Burundi.

Le Burundi souscrit entièrement à toutes les mesures préconisées dans l'Accord, a encore souligné le Ministre, tout en réaffirmant la volonté de son pays de collaborer avec tous les signataires de l'Accord et avec d'autres parties qui y sont impliquées. La paix et la stabilité en RDC constitue un environnement indispensable à une paix durable dans la sous-région et au Burundi en particulier, a conclu le Ministre.

M. ABDELLATIF RAHAL, Représentant personnel du Président en exercice de l'OUA (Algérie) a évoqué les résultats encourageants enregistrés après la signature de l'Accord de Lusaka. Cet Accord est un acquis important et demeure le cadre approprié pour le règlement du conflit, la restauration de la paix et de la stabilité dans toute la région des Grands lacs. L'Algérie, en sa qualité de Président de l'OUA, a entrepris dès le lendemain du Sommet d'Alger, de mettre en application les décisions adoptées par les Chefs d'Etat et de Gouvernement africains. Le Président a désigné un Envoyé spécial chargé du suivi du processus de paix. Les efforts du Président ont porté dans trois directions. Il s'est attaché à encourager les initiatives des pays de la région et à aplanir les difficultés liées à la représentation des mouvements de rébellion au sein des mécanismes prévus l'Accord de paix. En coordination avec le Secrétaire général de l'OUA, le Président Bouteflika s'est tourné vers l'ensemble des pays africains dans le but d'en renforcer leur adhésion ce qui a permis de réunir l'Organe central de l'OUA chargé de la prévention, de la gestion et du règlement des conflits. Cet organe a entériné l'appui financier de l'organisation à la Commission militaire mixte et le déploiement sur le terrain des enquêteurs africains. Le Président s'est ensuite efforcé de sensibiliser la communauté internationale à cette oeuvre de paix africaine.

Le représentant a évoqué les efforts de coordination déployés par le Président algérien avec le Secrétaire général des Nations Unies dans le but de réunir les conditions d'un engagement rapide des Nations Unies dans la mise en oeuvre de l'Accord de Lusaka. Il n'a pas été possible pour l'instant d'obtenir un engagement des Nations Unies à la hauteur des attentes de l'Afrique. Les retards et hésitations dans le déploiement d'une opération de maintien de la paix constituent une source de préoccupation pour les peuples africains qui ont besoin de l'appui de la communauté internationale pour mener à bien le processus de paix. La présence, aujourd'hui, à cette réunion des parties signataires de l'Accord de Lusaka représente un gage de disponibilité et témoigne de la volonté de favoriser la logique du dialogue comme moyen de règlement pacifique du conflit. S'il est vrai que les progrès enregistrés jusqu'ici sont en deçà de nos attentes, a souligné le représentant, il n'en demeure pas moins que l'Accord de Lusaka est un acquis précieux. Le représentant a cependant regretté que la Commission militaire mixte continue de faire face à d'énormes difficultés financières et matérielles. Nous lançons un appel urgent aux pays qui ne l'ont pas fait de manifester leur soutien à cette Commission.

Malgré les lenteurs et hésitations, les parties africaines ont répondu aux appels du Conseil de sécurité et sont parvenus à l'Accord de cessez-le- feu. Néanmoins son application exige des moyens qui dépassent leurs possibilités. De son côté, le Conseil de sécurité n'a réalisé que partiellement ses engagements en envoyant sur le terrain 79 officiers de liaison. En d'autres temps et en d'autres lieux, le Conseil de sécurité s'est impliqué de manière beaucoup plus énergique. Le continent africain souhaiterait bénéficier de la même sollicitude de la part de la communauté internationale. Il serait difficile de comprendre que cette session exceptionnelle ne débouche pas sur des engagements très fermes.

M. MOHAMED SALIA SOKONA, Ministre des Forces armées et des anciens combattants du Mali, a déclaré que le Conseil de sécurité et la communauté internationale doivent agir vite et de manière concrète pour faire face à la situation critique en République démocratique du Congo (RDC), caractérisée notamment par la dégradation de la situation militaire et des conditions de sécurité, l'aggravation de la situation humanitaire, les violations des droits de l'homme. Le Mali considère que l'arrêt des combats doit être recherché en toute priorité. Soulignant qu'il n'existe pas de solution militaire du conflit qui puisse en même temps constituer une véritable solution de la crise, le Ministre a appelé toutes les parties au conflit à appliquer l'Accord de cessez-le-feu de Lusaka. Il importe, en l'occurrence, qu'elles soient résolues à respecter l'Accord qu'elles ont signé. De même, les Nations Unies doivent appuyer la mise en oeuvre de l'Accord de cessez-le-feu par le déploiement rapide d'une opération de maintien de la paix avec un mandat et des ressources appropriés. Le Mali estime que l'instauration d'une paix durable et de la stabilité en RDC nécessite la mise en oeuvre d'un processus authentique de réconciliation nationale entre tous les Congolais. A cet égard, la délégation malienne salue la désignation de Sir Ketumile Masiré comme facilitateur neutre du dialogue intercongolais et l'assure de son appui total. Avec l'assistance de l'OUA et de l'ONU, il est permis d'augurer des avancées significatives sur cette question.

Le Mali est d'avis qu'un règlement durable du conflit implique la conclusion entre les parties d'arrangements nécessaires pour garantir la sécurité, la stabilité et le développement futurs de la région. En outre, le Mali estime que, pour favoriser la mise en oeuvre des objectifs, à savoir la convocation d'une conférence internationale sur la paix, la sécurité et le développement dans la région des Grands Lacs, sous les auspices des Nations Unies et de l'OUA, constitue une initiative bienvenue qu'il appuie pleinement. M. LLOYD AXWORTHY, Ministre des affaires étrangères du Canada, a estimé que pour bâtir un avenir plus prometteur pour la RDC et la région, il fallait garder à l'esprit le passé. Rappelant la publication, le mois dernier, des conclusions de la Commission indépendante chargée d'enquêter sur le comportement de l'ONU pendant le génocide commis au Rwanda en 1994, il a mis l'accent sur l'échec des membres de l'ONU, du Conseil et du Secrétariat de l'ONU en Afrique, qui n'ont su ni prévoir, ni se préparer, ni communiquer, ni faire preuve de leadership, ni engager des ressources. Il s'agit d'un échec phénoménal de la communauté internationale qui n'a pas su réagir lorsque la population du Rwanda en avait le plus désespérément besoin. M. Axworthy a félicité le Secrétaire général d'avoir ouvert cette enquête sans précédent et d'avoir reconnu ses lacunes et celles du Secrétariat de l'ONU dans cette tragédie. Cependant, le poids de la responsabilité ne leur revient pas à eux seuls, a-t-il souligné. Nous ferions bien, en tant que Conseil de sécurité, qu'Etats Membres de l'ONU, et en tant qu'individus de suivre l'exemple du Secrétaire général et de reconnaître clairement nos insuffisances au rapport au Rwanda, a-t-il dit. Nous ne pouvons effacer le passé, mais nous pouvons en tirer les leçons et les appliquer à des situations présentes. La Commission d'enquête nous donne des lignes directrices précises sur les mesures à prendre pour éviter des tragédies à l'avenir. Ainsi, elle souligne combien la sécurité humaine, autrement dit, la sécurité et la protection des civils, est devenue un souci essentiel dans le cadre des conflits armés modernes, et qu'il est nécessaire d'intégrer la dimension humaine aux mesures prises en ce qui concerne des questions de guerre et de paix. L'enquête explique comment le Conseil a négligé le continent africain et l'a livré à ses risques et périls au prix épouvantable que les Africains paient en conséquence. Elle expose tout cela clairement, méthodiquement et de manière indélébile, à tel point qu'il est difficile, voire impossible, au Conseil de sécurité de se dérober à son obligation de soutenir la paix et la sécurité en Afrique ou de l'ignorer. Le Ministre s'est félicité de certains signes encourageants qui montrent que le Conseil tire les enseignements de l'expérience. Mais, au-delà des paroles et de l'information, il y a aussi les actes, a-t-il souligné. Les progrès sont précaires, et l'engagement du Conseil doit être renforcé et soutenu. Nous ne devons pas nous dérober à nos obligations. Trop souvent, le Conseil est motivé par des soucis d'économie et par la volonté d'éviter les risques. Le conflit et les turbulences qui secouent la RDC reflètent bien des réalités des guerres modernes. Il s'agit manifestement d'un défi important sur le plan de la sécurité humaine et d'un des conflits les plus complexes auxquels soit confrontée la communauté internationale. L'engagement actif du Conseil est donc indispensable. Les habitants de la RDC forment une nation, unie dans sa volonté de préserver l'intégrité territoriale du pays et l'inviolabilité de ses frontières, a souligné le Ministre. Pour le Canada, les outils pour parvenir à une solution existent, mais la dynamique nécessaire à une paix durable est bloquée. Les perspectives de paix sont avant tout liées aux actes et aux décisions des parties directement concernées. La balle est donc dans leur camp, a-t-il souligné. Cependant, la communauté internationale peut, et devrait, jouer un rôle actif, autrement dit, elle devrait contribuer à relancer le processus de paix et à réaliser les objectifs fixés par l'Accord de Lusaka. Le fardeau ne doit pas peser sur les seuls pays africains mais sur nous tous, a insisté le Ministre. Il ne s'agit pas de confier une responsabilité à une coalition spéciale mais de consentir des efforts véritablement collectifs qui ne soient pas financés comme une oeuvre de bienfaisance mais par des quotes-parts. Autrement dit, il s'agit d'intervenir par le biais du Conseil de sécurité et d'une opération de l'ONU. Cela signifie un déploiement rapide de 500 observateurs de l'ONU qui devront s'appuyer sur un mandat clair et disposer de ressources suffisantes. A cet égard, le Canada serait favorable à la création d'une mission de l'ONU pour aider à appliquer l'Accord de paix, et il souhaiterait que son mandat stipule clairement qu'elle doit protéger les civils. Le Ministre a indiqué que son pays verserait 500 000 dollars en contribution au fonctionnement de la Commission militaire mixte et attendait que celle-ci et l'opération de maintien de la paix de l'ONU collaborent à l'application de l'ensemble des dispositions de l'Accord de Lusaka. Dans les mois à venir, le Canada versera 2 millions de dollars pour financer le processus de paix et de réconciliation en RDC et dans la région. Un million de dollars sera réservé au dialogue intercongolais. Le Ministre a jugé important de prendre des mesures concrètes pour aider les enfants touchés par la guerre. Dans ce contexte, le Canada versera une contribution d'un million de dollars, dont une partie ira à la Commission nationale de la RDC sur les enfants soldats, afin d'aider à désarmer ces enfants, à les réadapter et à les réintégrer dans la société. La conférence régionale sur les enfants touchés par la guerre, qui se tiendra en avril à Accra sous l'égide du Ghana et du Canada, examinera d'autres mesures concrètes et pertinentes pour l'Afrique occidentale et la région des Grands Lacs.

M. CHARLES JOSSELIN, Ministre délégué à la coopération et à la francophonie de la France, a souligné que l'Accord de Lusaka qui constitue la base d'une solution négociée, agréée par toutes les parties, est le seul instrument complet, consensuel pouvant conduire au rétablissement de la paix en République démocratique du Congo (RDC). Sa mise en oeuvre est engagée, même si elle connaît des difficultés et ne respecte pas le calendrier très ambitieux fixé par ses signataires. Le Comité politique et la Commission militaire mixte - clés de voûte de cet Accord - ont été constitués. Ils se sont réunis de manière régulière et ont pu prendre d'importantes décisions concernant aussi bien l'organisation interne que l'observation de l'application de l'Accord. La communauté internationale, en particulier l'ONU, par la création de la Mission d'observation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) et l'annonce d'une prochaine opération de maintien de la paix, mais aussi l'OUA et l'Union européenne, se sont rapidement engagées à soutenir ce processus, lui conférant ainsi une crédibilité et une légitimité supplémentaires. Toutefois, a fait observer M. Josselin, l'absence à ce stade d'un système d'observation internationale du respect de l'accord, due au manque de moyens de la Commission militaire mixte, comme au retard dans le déploiement des personnels des Nations Unies favorise malheureusement la multiplication des violations de cessez-le-feu qui peuvent à chaque instant déboucher sur une reprise du conflit.

Le maintien d'effectifs importants de troupes étrangères sur le territoire congolais, de nombreuses violations des droits de l'homme, le développement des trafics et l'exploitation illégale des richesses de la RDC sont autant de réalités inacceptables. Il reste encore à engager le "dialogue national" - après la nomination du Facilitateur, M. Masiré - qui doit permettre l'émergence d'un nouveau consensus indispensable à une solution durable de la crise. De l'avis du Ministre, le non respect du calendrier témoigne du manque de confiance entre les parties, ce qui en compromet l'application. C'est pourquoi, la France en appelle de nouveau au sens des responsabilités et à l'esprit de compromis des parties au conflit. Elle rappelle solennellement que la communauté internationale ne peut envisager de soutenir de manière utile, notamment par une opération de maintien de la paix, l'application de l'Accord de Lusaka, que si ses signataires manifestent clairement leur volonté de respecter leurs engagements et de surmonter leurs différends. Mais ils attendent aussi des pays membres du Conseil de sécurité qu'ils s'engagent à leurs côtés, notamment en consolidant au plus vite, par une intervention conséquente et crédible des Nations Unies, le respect du cessez-le-feu. A cet égard, M. Josselin s'est déclaré convaincu que les recommandations du Secrétaire général faciliteront la mise en oeuvre concrète et vérifiée de l'Accord de Lusaka. Elles ouvrent également la voie à un engagement ultérieur de l'ONU de plus grande envergure, que la France appelle de ses voeux et qui permettra de compléter et d'approfondir le processus de paix, dès que les conditions le permettront en termes de sécurité et de respect par les parties de leurs engagements.

A plusieurs reprises, le Président Jacques Chirac a indiqué que la France était prête à apporter son soutien pour faciliter le déploiement de cette opération, qu'il s'agisse par exemple d'une aide à l'acheminement des Casques bleus, ou à l'équipement de certains contingents africains participant à l'opération. Le déploiement de l'opération de maintien de la paix devra en tout cas permettre aux parties d'honorer leurs engagements pour démobiliser et réintégrer les anciens combattants des groupes armés. En outre, des mesures devront être prises rapidement pour mettre fin à l'exploitation illégale des ressources du pays. Pour y parvenir, un groupe d'experts pourrait être constitué, dans un premier temps, auprès du Secrétaire général, pour analyser la situation et proposer des solutions. La France s'engage également en aidant à l'organisation du dialogue national. Pour être crédible, ce dialogue devra se dérouler selon les termes prévus par l'Accord de Lusaka et sans interférence étrangère. A cet égard, la France se félicite de la nomination de M. Ketumile Masiré au poste de facilitateur du processus de paix.

Concernant les perspectives qu'ouvrirait une conférence internationale sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement pour les Grands Lacs proposée par la France, M. Josselin a estimé que si l'on veut le retour à la paix, il faut convenir qu'elle ne sera réelle et durable qu'à la condition d'examiner globalement les phénomènes qui depuis longtemps y font obstacle et entraînent des réactions en chaîne dans la région. Les processus de paix à l'oeuvre - celui d'Arusha pour le Burundi et celui de Lusaka pour la RDC - constituent un préalable et donc le socle d'une telle conférence. Celle-ci ne saurait se tenir si les premiers résultats ne sont pas tangibles. Une telle conférence constituerait la base d'un nouvel engagement de la communauté internationale en faveur de la reconstruction, du développement et de la démocratie dans les pays de la région. Pourraient y être abordées simultanément trois ensembles de questions, celles qui touchent à la paix, à la sécurité donc au respect et au contrôle des frontières sont essentielles et concernent également toutes les parties. Tout aussi importante serait la mise en oeuvre des mesures visant la restauration de la démocratie, l'Etat de droit, le respect des libertés fondamentales concernant surtout les minorités et les réfugiés, mais aussi l'éradication de toute idéologie d'exclusion. L'Afrique des Grands Lacs a besoin d'être épaulée dans un effort considérable de reconstruction et de développement. Organisée par l'OUA avec l'appui de l'ONU, cette conférence pourrait déboucher sur l'adoption d'une déclaration de principe, puis sur une série d'accords et partenariats bilatéraux et multilatéraux qui en déclineraient les modalités d'application. La France, résolument engagée en faveur de l'Accord de Lusaka par les officiers de liaison mis à la disposition de l'ONU et de son assistance à la Commission militaire mixte, est déterminée à appuyer toutes les actions visant le rétablissement de la paix en RDC.

M. PETER HAINE, Ministre d'Etat aux affaires étrangères et aux Commonwealth du Royaume-Uni, a jugé que l'Accord de Lusaka qui repose sur des fondations fermes est un accord viable. Il s'est félicité de l'engagement à cet Accord dont ont fait preuve les chefs d'Etat africains présents aujourd'hui. Notant que les progrès ont été néanmoins trop lents dans sa mise en oeuvre, le Ministre a plaidé en faveur d'un calendrier réaliste qui contienne des normes d'évaluation des progrès. La mise en place d'un dialogue national est également crucial pour le futur de la RDC et l'annonce faite par le Président Kabila de lancer un tel dialogue immédiatement est une source importante de satisfaction. M. Haine a insisté sur la nécessité d'élaborer un plan crédible visant la démobilisation, le désarmement et la réinsertion des anciens combattants. Pour cela, il faut convenir d'une série de principes politiques, comme la fin de l'aide aux milices non gouvernementales, la réintégration pacifique des combattants issus des pays voisins, l'élaboration de dispositions en vue d'une action collective pour forcer les milices à rendre les armes et la mise en place d'un système de surveillance internationale permettant aux parties de bénéficier de toutes les assurances nécessaires pour mener à bien leurs activités.

Le Ministre a souhaité que les mécanismes créés en vertu de l'Accord de Lusaka pour surveiller le cessez-le-feu et, éventuellement, le retrait des troupes fonctionnent mieux. Il a encouragé, à cette fin, la Commission militaire mixte, le Comité politique, l'OUA et les Nations Unies à travailler encore plus étroitement. Les mécanismes de mise en oeuvre de l'Accord de Lusaka ne fonctionneront réellement que s'ils bénéficient des ressources financières adéquates. Il est urgent d'intervenir au niveau humanitaire, compte tenu de la détérioration de la situation. Un autre domaine de réflexion d'une importance considérable porte sur la prochaine phase de la mission des Nations Unies. Nous nous rallions à la proposition du Secrétaire général selon laquelle la prochaine phase de la mission des Nations Unies devrait porter sur le déploiement d'une force de vérification du cessez-le-feu et sur le redéploiement de troupes à des positions défensives. Cette mission exige une protection et un soutien logistique adéquate. Cette mission doit être déployée aussi vite que possible. Nous réaffirmons également notre appui à une réelle opération de maintien de la paix en RDC dès que les conditions le permettent. Son mandat devra être clair. Cette force devra aider les parties à mettre en oeuvre l'Accord de Lusaka. Les risques inhérents à une telle mission devront être minimisés. Il ne s'agira alors pas simplement de protéger le personnel des Nations Unis mais de préserver l'élan international. M. ANWARUL KARIM CHOWDHURY (Bangladesh) a estimé qu'il existait aujourd'hui une plus grande perspective de convergence de vues entre les parties et que cette occasion devait être saisie et renforcée de manière à lui donner une forme concrète. Les derniers six mois ont montré que l'Accord de Lusaka demeure la meilleure base pour le règlement du conflit en RDC et pour l'établissement de la paix et de la sécurité dans la région des Grands Lacs. Les manoeuvres visant à imposer une solution militaire sont destinées à échouer, a-t-il estimé. La réunion d'aujourd'hui est une occasion que l'on ne peut manquer et qui requiert que l'on fasse preuve d'une plus grande compréhension, d'une plus large coopération et que l'on prenne des décisions plus audacieuses. Le représentant a souligné le rôle essentiel du Facilitateur du dialogue intercongolais et indiqué que son pays appuyait entièrement ses efforts en vue de la réconciliation nationale en RDC. La mise en oeuvre de l'Accord de Lusaka exigera une volonté politique sans faille, un engagement sincère et la coopération effective de tous les signataires. Les mécanismes de Lusaka, notamment la Commission militaire mixte, ont déjà reçu l'engagement du soutien financier de plusieurs pays. Le Bangladesh exprime l'espoir que ces pays tiendront leurs engagements et que la mission du Facilitateur bénéficiera elle aussi des ressources nécessaires.

M. Chowdhury a appuyé les propositions du Secrétaire général relatives à l'établissement d'une mission de l'ONU en RDC. Le Conseil doit agir rapidement pour que la présence militaire de l'ONU puisse être établie sans délai. Pour le Bangladesh, il s'agit là d'une mission intérimaire préparant la voie à une mission de maintien de la paix plus large et plus solide. Le Bangladesh reste disposé à contribuer à une MONUC élargie, a-t-il assuré. Il a estimé nécessaire d'examiner en temps voulu le concept d'une mission plus importante, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte en vue de la mise en oeuvre des autres dispositions de l'Accord de Lusaka, y compris le désarmement et la démobilisation des groupes armés, la surveillance et le contrôle du retrait des troupes étrangères et la sécurité des frontières. Des progrès réels dans ces domaines ne pourront être réalisés que parallèlement aux progrès du dialogue national et de la réconciliation. La réconciliation nationale requiert évidemment le rétablissement de l'autorité de l'Etat sur tout le territoire de la RDC et la fin du pillage des ressources naturelles du pays, a-t-il estimé. Le représentant a souligné l'importance d'assurer la normalisation de la situation sécuritaire aux frontières communes entre la RDC et ses voisins, estimant qu'il faudrait envisager d'étendre le mandat de la MONUC à cet égard. Enfin, un règlement politique global est essentiel. A cet égard, le Bangladesh appuie la tenue d'une conférence internationale qui traiterait de toutes les questions liées à la paix et à la sécurité, de l'établissement de la paix après le conflit, ainsi que de la démocratie et du développement dans la région des Grands Lacs. Il a souhaité que les délégations fassent usage des prochains jours pour réduire leurs divergences et entamer le dialogue national, exprimant l'espoir qu'elle pourront approuver, lors de leur séjour à New York, le nouveau calendrier de mise en oeuvre de l'Accord de paix agrée par le Comité politique lors de sa réunion à Harare la semaine dernière.

M. SAID BEN MUSTAPHA (Tunisie) a déclaré que son pays a fait de l'Afrique une priorité en matière de politique étrangère et la question de la RDC en est un élément central. Il a fait part de la préoccupation que lui inspire la détérioration de la situation humanitaire en RDC qui menace toute tentative de mettre un terme au conflit. L'Accord de Lusaka a bénéficié d'un grand soutien de la part de la communauté internationale. Il consacre l'intégrité territoriale et la souveraineté de la RDC et nous souhaitons que les parties mettent en application avec sérieux cet accord. Six mois après la signature de l'Accord, la situation en RDC est toujours difficile. Les violations de cet accord sont répétées et le retour à une guerre généralisée n'est pas exclu. Il n'y pas d'autre solution qu'un règlement pacifique du conflit. Pour ce qui est de la MONUC et des propositions du Secrétaire général en vue du déploiement d'observateurs militaires et éventuellement d'une opération de maintien de la paix, le représentant a expliqué qu'une mission d'une telle envergure exige une importante volonté politique et des ressources humaine et matérielle tout autant importantes. Le représentant s'est dit satisfait des activités de la Commission militaire mixte et l'a encouragé à poursuivre son action.

M. ARNOLDO LISTRE (Argentine) a déclaré que la résolution 1234 (1999) adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité et la signature de l'Accord de Lusaka par toutes les parties constituent l'instrument politique et juridique approprié pour mettre fin au conflit en République démocratique du Congo. Malheureusement, il n'existe pas de volonté politique suffisante pour mettre en oeuvre l'Accord de Lusaka. Le cessez-le-feu a été fréquemment violé depuis la signature le 10 juillet dernier de l'Accord de Lusaka et le retrait des forces tel que prévu par l'Accord n'a pas encore été assuré. La situation en RDC est très fragile. Comme le souligne le Secrétaire général dans son rapport, il n'existe pas de solution militaire au conflit. Le conflit en République démocratique du Congo est essentiellement politique. Toutefois, la délégation argentine estime que le conflit ne peut être analysé de manière efficace si l'on n'examinait pas les autres principes essentiels du droit international, notamment le respect de l'intégrité territoriale et l'indépendance politique de la RDC, la non-ingérence dans les affaires intérieures et le retrait de toutes les forces étrangères qui sont stationnées sur son territoire sans y avoir été invitées, le droit inaliénable à la légitime défense individuelle et collective et l'acquisition illégale de territoires par la force. Le représentant a rappelé le principe de l'inviolabilité des frontières réaffirmé par la Cour internationale de Justice.

On ne pourra trouver de solution durable si l'on ne tenait pas compte de manière adéquate des préoccupations légitimes en matière de sécurité de tous les pays voisins de la RDC, en particulier le Rwanda et l'Ouganda et si l'on ne leur accordait pas de garanties claires. Dans ce contexte, le désarmement, la démobilisation et la réintégration des milices de la RDC constituent un aspect essentiel qui doit être analysé de manière approfondie. En outre, le dialogue intercongolais doit avoir pour objectif d'établir une structure constitutionnelle démocratique et représentative de tous les segments de la société congolaise. La désignation de l'ex-président du Botswana, M. Ketumile Masiré comme Facilitateur constitue un premier pas vers la réconciliation nationale. L'Argentine estime que les Nations Unies ont un rôle à jouer et une responsabilité historique à assumer en RDC. Elle estime donc que la Mission d'observation des Nations Unies en RDC (MONUC) doit être déployée. M. Listre a rappelé qu'il n'y aura pas de solution stable tant que les institutions démocratiques ne seront pas mises en place. Faisant sienne la proposition de la France, il a estimé que la tenue d'une conférence internationale sur la paix et la sécurité en RDC est indispensable.

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