FEM/1102

LES EXPERTES RELEVENT UN DESEQUILIBRE ENTRE LA SITUATION DE JURE ET LA SITUATION DE FACTO DES FEMMES AU MYANMAR

21 janvier 2000


Communiqué de Presse
FEM/1102


LES EXPERTES RELEVENT UN DESEQUILIBRE ENTRE LA SITUATION DE JURE ET LA SITUATION DE FACTO DES FEMMES AU MYANMAR

20000121

Elles s'inquiètent du faible niveau de participation des femmes à la vie politique

Cet après-midi, les expertes du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, qui poursuivaient leur examen du rapport initial du Myanmar, ont, par leurs questions, tenté d'obtenir un tableau plus précis des conditions de vie réelles des femmes. Il leur a semblé, en effet, que la promotion de la femme y souffre d'un déséquilibre entre la situation de jure, satisfaisante à quelques exceptions près, et la situation de facto, encore trop largement dominée par les stéréotypes et les schémas traditionnels de comportement.

Le faible niveau de participation des femmes à la vie publique et politique a également retenu l'attention des expertes. Un certain nombre d'événements survenus depuis l'annulation des élections gagnées par la représentante de l'opposition et prix Nobel de la paix, Mme Aung San Suu Kyi, ont en outre suscité la préoccupation de plusieurs membres du Comité, quant à la manière dont le Myanmar se conforme aux dispositions de la Convention. Des expertes ont demandé si le Conseil pour la paix et le développement a envisagé de faire participer les femmes pour rétablir la stabilité et mettre fin aux luttes de pouvoir.

La délégation apportera des réponses aux questions posées ce matin et cet après-midi par les expertes le mercredi 26 janvier à partir de 15 heures.

Lors de sa prochaine réunion, lundi 24 janvier à 10 heures 30, le Comité examinera le rapport initial de l'Inde.

SUITE DE L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DU MYANMAR

Le rapport a été présenté dans notre communiqué FEM/1101.

Dialogue entre les expertes et l'Etat partie

Reprenant les questions sur l'article 5 de la Convention relatif à la lutte contre les stéréotypes et les comportements traditionnels, Mme YOLANDA FERRER GOMEZ, experte de Cuba, a indiqué qu'il ne suffit pas d'affirmer que l'on est parvenu à l'égalité dans les textes et qu'il faut que le contenu des lois soit traduit dans les faits. Selon elle, le fait que les rares femmes occupant des postes de direction et de décision se rencontrent dans des secteurs traditionnellement considérés comme féminin, tels les cosmétiques, les relations publiques ou le petit commerce, démontre qu'il reste encore beaucoup à faire pour faire évoluer les mentalités. La Commission nationale de la condition de la femme s'occupe-t-elle de ce problème? Les autorités ont-elles cherché à associer les médias à la lutte contre les rôles stéréotypés? Mme ANNE LISE RYEL, experte de la Norvège, s'est, pour sa part, tout particulièrement penchée sur la situation des femmes détenues. Elle a demandé combien de femmes sont en prison et pour quels crimes en particulier. Elle a aussi voulu connaître le nombre de femmes qui sont condamnées à la peine de mort chaque année.

Le rapport ne donne pas une idée précise de la manière dont les différentes lois relatives au trafic des femmes et à leur exploitation sexuelle sont appliquées, a estimé l'experte de Saint-Kitts-et-Nevis, Mme ROSALYN HAZELLE, qui s'exprimait sur l'article 6. Il est dommage que les activités de la Commission nationale de la condition de la femme dans ce domaine, ainsi que dans celui de la violence contre les femmes et les petites filles, ne soient pas présentées. L'experte a demandé notamment des informations sur le groupe d'étude sur la traite des femmes et des enfants qui a été établi en 1998. La Commission nationale est-elle associée à ses travaux? Les forces de police reçoivent-elles une formation sur les questions de violence? Elle a aussi demandé si les résultats de l'étude sur la violence dans le couple sont désormais disponibles et s'ils ont été utilisés pour améliorer la formation des personnes oeuvrant à la réhabilitation des victimes. La traite des femmes est un problème universellement répandu, a poursuivi Mme SALMA KHAN, l'experte du Bangladesh, qui a regretté que le Myanmar se soit limité à énumérer les différents mécanismes mis en place plutôt que de présenter la situation précise du pays dans ce domaine. Il aurait par exemple fallu fournir une estimation du nombre de femmes se livrant à la prostitution ou victimes d'une exploitation sexuelle. Compte tenu de la longueur des frontières du Myanmar avec plusieurs autres pays, comment les autorités luttent-elles contre le trafic transfrontalier et international des femmes, s'est notamment interrogée l'experte. Des personnes ont-elles été condamnées pour un tel trafic? Sachant que souvent certains membres

des forces militaires et de police participent à de tels trafics, elle a demandé si des mesures ont été prises pour surveiller particulièrement les agissements des militaires et officiers de police et de douanes. Mme KHAN, rejointe en cela par l'experte de l'Argentine, Mme ZELMIRA REGAZZOLI, a aussi demandé s'il existe des centres d'accueil et de réinsertion des femmes victimes de l'exploitation sexuelle et de violences et si les programmes de lutte contre la transmission du VIH/sida couvrent la population prostituée. Pour Mme IVANKA CORTI, experte de l'Italie, il est impératif que le Myanmar se concentre désormais sur l'obtention de données statistiques pour adapter les nombreux mécanismes en place et les rendre plus efficaces. Elle a estimé en outre que la loi sur la prostitution devrait être plus sévère.

Mme ROSARIO MANALO, experte des Philippines, a rappelé avec préoccupation l'arrestation du prix Nobel de la paix, Mme Aung San Suu Kyi, qui est en contradiction avec les dispositions de l'article 7 de la Convention. Mme CORTI a également soulevé cette question en rappelant que l'opinion publique avait pourtant protesté contre la privation de liberté pour motifs politiques du prix Nobel de la paix. Elle a également rappelé que certaines femmes au Myanmar qui avaient des fonctions politiques ont été obligées de démissionner. Quelles en sont les raisons? a-t-elle demandé. Mme FENG CUI, experte de la Chine, a quant à elle souhaité connaître le nombre de femmes qui se sont portées candidates aux élections et leur pourcentage au Conseil pour la paix et le développement. Mme RYEL a souhaité connaître les raisons du faible taux de femmes dans la politique puisqu'elles ont le droit de vote et peuvent se porter candidates. Mme SAVITRI GOONESEKERE, experte du Sri Lanka, a demandé si des mesures ont été prises dans le cadre du Conseil pour la paix et le développement pour que les femmes puissent participer aux activités de paix et de développement au Myanmar. Mme MAVIVI MYAKAYAKA-MANZINI, experte de l'Afrique du Sud, a pour sa part demandé quelle est la proportion des femmes qui occupent des postes de directeur. Quel est le nombre de femmes incarcérées? Mme HANNA SCHOPP-SCHILLING, experte de l'Allemagne, a demandé, quant à elle, dans quelles conditions les femmes sont autorisées à constituer des organisations non gouvernementales ou à y participer. Existe-t-il des chiffres sur ces ONG? a-t-elle souhaité savoir. Mme REGAZZOLI s'est enfin interrogée sur le contenu des programmes pour encourager la participation des femmes à la vie politique, faisant remarquer avec préoccupation que lorsqu'une femme gagne une élection, l'élection est alors souvent annulée; lorsqu'elle est lauréate du prix Nobel, elle est arrêtée.

S'agissant de la possibilité de représenter le pays à l'échelon international, article 8 de la Convention, Mme REGAZZOLI a demandé combien de femmes sont, depuis la tenue de la Conférence de Beijing, entrées dans la carrière diplomatique et quel type de postes elles occupent.

Mme GOONESEKERE, a, pour sa part, estimé que les informations fournies en matière de transmission de la nationalité ne semblent pas pleinement conformes aux dispositions de l'article 9. Une femme du Myanmar transmet-elle de la même manière que les hommes la nationalité à ses enfants? L'experte s'est aussi enquise des dispositions prévues dans ce domaine pour les femmes qui épousent un étranger.

Relevant les bons résultats obtenus en matière d'éducation, article 10, Mme SCHOPP-SCHILLING a demandé des chiffres supplémentaires sur la scolarisation des petites filles en zone rurale. L'experte s'est dite préoccupée par la fermeture de nombreuses universités, liées à l'instabilité politique, qui risque à terme d'avoir un effet négatif sur l'instruction des femmes. Est-il vrai que les critères d'inscription dans certains établissements, notamment ceux préparant des ingénieurs, sont plus sélectifs pour les filles que pour les garçons? Pour Mme YUNG-CHUNG KIM, experte de la République de Corée, c'est le coût élevé de l'éducation qui limite de facto les opportunités d'études offertes aux jeunes filles. Ce facteur financier associé à la persistance de l'idée selon laquelle les filles n'auront qu'à s'occuper du foyer crée une situation qui est dans les faits discriminatoire. Qu'en est-il de l'application du projet "éducation pour tous", a demandé ensuite l'experte. Faisant observer que les programmes de formation professionnelle mentionnés dans le rapport portent sur des activités traditionnellement féminines, comme la couture et la dentellerie, elle a demandé si des cours sur les technologies modernes, comme l'informatique, sont disponibles. Mme Kim a conclu son intervention en indiquant que si l'égalité d'accès à l'éducation est très importante, le contenu des enseignements l'est encore plus et il faudrait que les autorités s'assurent par exemple que les manuels employés ne perpétuent pas les stéréotypes.

Mme SCHOPP-SCHILLING a ensuite regretté le peu de clarté quant à la situation de l'emploi des femmes décrite au titre de l'application de l'article 11. Les statistiques font défaut puisque par exemple la proportion des femmes travaillant dans le secteur informel n'est pas indiqué et que rien n'est dit quant aux salaires des femmes. Des mécanismes de recours et d'arbitrage dans l'entreprise existent-ils et sont-ils habilités à traiter des plaintes pour discrimination en raison du sexe. Puisqu'il est reconnu que les femmes ont une journée de travail (emploi et tâches domestiques compris) plus longue que les hommes, le Gouvernement prend-il des mesures pour lutter contre cet état de fait? Etant donné que la femme est considérée comme le pilier de la famille, a-t-on déjà envisagé la possibilité de reconnaître une valeur économique aux travaux domestiques, s'est également interrogée Mme SCHOPP-SCHILLING. Mme KHAN a, pour sa part, demandé si le Code du travail au Myanmar a été aligné sur la Convention et sur les directives de l'OIT.

Poursuivant l'examen de l'article 11, Mme CHIKAKO TAYA, experte du Japon, a demandé des précisions sur le travail forcé. L'experte a également demandé comment les programmes destinés à aider les femmes sur le plan de l'emploi sont financés, sachant que la moitié du budget au Myanmar est destiné aux activités militaires. Mme CARTWRIGHT a noté, pour sa part, que les lois qui protègent les femmes dans le monde du travail ont été adoptées pour certaines il y a plus de 50 ans. Elle a donc demandé à la délégation s'il est prévu que ces lois soit révisées. L'experte a mentionné une enquête de l'Organisation internationale du Travail (OIT) selon laquelle le travail forcé des femmes est toujours largement utilisé au Myanmar, notamment au sein de l'armée. Elle a donc demandé si le Gouvernement a pris au sérieux les résultats de l'étude de l'OIT en prévoyant notamment des mesures pour punir les responsables.

Passant à l'article 12, Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana, a souhaité que le prochain rapport contienne des informations non seulement sur les femmes mariées mais aussi sur les femmes célibataires. L'experte a regretté le manque d'informations concernant la morbidité des femmes et la prise de drogues et de substances psychotropes chez les femmes. Notant que le Myanmar est l'un des pays au monde qui a les lois les plus restrictives en matière d'avortement, l'experte s'est inquiétée du fossé qui existe à l'heure actuelle entre les lois en vigueur au Myanmar et la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes que le Myanmar a pourtant ratifiée sans réserve. Mme SCHOPP-SCHILLING a demandé des précisions quant au budget du Gouvernement consacré à la santé des femmes et a souhaité savoir si ce budget a augmenté au cours des dernières années, proportionnellement à l'augmentation de la population.

Concernant l'article 13 relatif à la vie économique et sociale, Mme REGAZOLLI a demandé quelles sont les possibilités d'accès des femmes au crédit et dans quelles mesures elles peuvent pénétrer le système financier.

Passant à l'article 14, Mme OUEDRAOGO a relevé que, selon le rapport, les femmes rurales jouissent des mêmes droits que les hommes. Elle a cependant émis la crainte qu'il ne s'agisse là que de propos théoriques, la situation des femmes rurales dans le rapport n'ayant pas été étayée de données statistiques. Des données notamment sur les prêts agricoles ou encore sur les femmes chefs d'exploitation font par exemple défaut. Existe-t-il des programmes pour faciliter l'accès des femmes rurales aux services de soins de santé? s'est-elle interrogée. Mme REGAZOLLI a regretté, pour sa part, qu'aucune mention n'ait été faite de la valeur de la monnaie locale, soulignant qu'il serait bon de disposer d'un paramètre pour se rendre compte de l'importance des programmes mis en oeuvre. Mme CUI a enfin souhaité obtenir des informations sur les programmes adoptés par le Gouvernement afin d'alléger la pauvreté des femmes dans le milieu rural.

Terminant l'examen des articles, Mme CARTWRIGHT, a demandé, au titre de l'article 16, si l'âge minimum légal du mariage pour les hommes et les femmes est le même et, si tel est le cas, si cette mesure est respectée. Des rapports indiquant que lorsque des jeunes femmes sont violées on les oblige à se marier avec l'homme qui a commis cet acte, l'experte a souhaité recevoir des informations à ce sujet. Elle s'est également demandée dans quelle mesure les lois sur l'avortement sont appliquées, notamment lorsque les viols sont commis par des militaires. Mme EMNA AOUIJ, experte de la Tunisie, a enfin relevé que le rapport ne comporte pas, au titre de l'article 16, toutes les informations qui devraient y figurer. Rappelant que chaque ethnie au Myanmar applique son droit coutumier, l'experte a demandé devant quelle instance les femmes peuvent porter plainte si le droit coutumier n'a pas été respecté. Mme GOONESEKERE s'est pour sa part demandée comment, dans un pays comme le Myanmar où le testament écrit n'existe pas, les femmes peuvent jouir de leurs droits en matière de propriété.

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