POUR LE LUXEMBOURG, LA SIGNATURE DU PROTOCOLE FACULTATIF A LA CONVENTION TEMOIGNE DE SA VOLONTE D'AGIR EN FAVEUR DE LA PROMOTION DES FEMMES
Communiqué de Presse
FEM/1097
POUR LE LUXEMBOURG, LA SIGNATURE DU PROTOCOLE FACULTATIF A LA CONVENTION TEMOIGNE DE SA VOLONTE D'AGIR EN FAVEUR DE LA PROMOTION DES FEMMES
20000119Les expertes regrettent que le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes ne soit toujours pas posé dans la Constitution
"Le Luxembourg est très fier d'avoir été parmi les tous premiers pays à signer, le 10 décembre dernier, le Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes", a déclaré Mme Marie-Josée Jacobs, Ministre de la promotion de la femme, de la famille, de la solidarité nationale et de la jeunesse du Luxembourg, ce matin, devant les 23 expertes du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Présentant ainsi le troisième rapport périodique de son pays, elle a indiqué qu'un projet de loi sur la ratification du Protocole facultatif, qui accorde aux femmes, individuellement ou collectivement, la possibilité de présenter directement des communications au Comité, est déjà en cours d'élaboration. Il est ainsi permis d'espérer que le Luxembourg sera l'un des tout premiers pays à déposer auprès des Nations Unies les instruments de sa ratification, le rendant applicable au niveau national. Cette situation correspond à la volonté du nouveau Gouvernement de coalition, au pouvoir depuis 1999, qui a fait de la politique de promotion de la femme l'une de ses priorités.
La délégation luxembourgeoise a expliqué que les observations et recommandations formulées par le Comité lors de la présentation des rapports précédents du Luxembourg ont donné lieu à un vaste débat d'orientation national sur l'égalité des chances, qui, mené par la Commission parlementaire sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a donné naissance au Plan national 2000. Les orientations actuelles sont axées sur la prise de conscience du changement et de l'évolution des rôles et des responsabilités des femmes et des hommes et sur l'intégration systématique de la dimension sexospécifique dans toutes les politiques. Ainsi depuis septembre 1998, tout projet de loi, avant d'être soumis au Conseil de Gouvernement luxembourgeois, doit être examiné notamment du point de vue de son impact sur l'égalité des chances. La Ministre a reconnu néanmoins que cette disposition n'est pas encore appliquée de manière systématique.
(à suivre - 1a) - 1a - FEM/1097 19 janvier 2000
Mme Jacobs a également évoqué un certain nombre d'obstacles d'ordre législatif freinant toujours l'amélioration sensible de la situation des femmes. Par exemple, pour ce qui est de la vie publique et politique, l'Accord de coalition entre les deux partis au pouvoir se prononce strictement contre l'introduction de quotas en faveur des femmes pour ce qui concerne l'établissement des listes électorales. De même, l'inscription dans la Constitution du principe de l'égalité entre les hommes et les femmes n'est toujours pas à l'ordre du jour.
Dans leurs questions et observations, les expertes se sont félicitées des évolutions positives intervenues au Luxembourg quant à la promotion de la femme, notamment grâce à l'accent mis sur la dimension sexospécifique des politiques. Elles ont également salué le fait que le champ d'action du Ministère de la promotion féminine ne se limite pas seulement à la vie familiale mais qu'il concerne également les questions sociales et de la jeunesse, adoptant ainsi une conception intégrale des questions liées aux femmes. Une experte a néanmoins regretté que l'amendement constitutionnel relatif à l'inscription du principe de l'égalité de la femme et de l'homme dans la Constitution n'ait toujours pas été adopté. L'absence de cette adoption, a-t-elle indiqué, montre que l'Etat n'est pas réellement engagé dans l'égalité homme-femme.
Le Comité poursuivra son dialogue avec l'Etat partie, cet après-midi, à partir de 15 heures.
EXAMEN DU TROISIEME RAPPORT PERIODIQUE DU LUXEMBOURG
Rapport (CEDAW/C/LUX/3 et Add.1)
La Convention est entrée en vigueur au Luxembourg, en mars 1989. Le rapport initial et le deuxième rapport périodique ont été examinés par le Comité les 9 et 11 juillet 1997. Le présent rapport couvre la période écoulée entre mars et décembre 1997.
Dans la préface de ce rapport, Mme Marie-Josée Jacobs, Ministre de la promotion féminine du Luxembourg, estime que la plupart des inégalités de fait entre les sexes proviennent de préjugés et de la conception stéréotypée des rôles. Pour arriver à corriger ces inégalités, il faut provoquer un changement de mentalité. C'est l'objectif prioritaire assigné au Ministère depuis sa création en janvier 1995, la majeure partie de ses activités se concentrant sur l'information, la sensibilisation et le respect de l'égalité des sexes.
Dans le respect de l'article 2 de la Convention, une résolution relative à un projet de révision constitutionnelle a été adoptée le 1er juillet 1997 par la Chambre des députés du Luxembourg. Cette révision a trait à l'inscription du principe de l'égalité de la femme et de l'homme dans la Constitution. De plus, des mesures législatives ayant trait à la protection des femmes contre le harcèlement sexuel sur les lieux de travail et sur la protection de la dignité des femmes et des hommes au lieu de travail, ont été introduites en mars 1997 par le Ministère de la promotion féminine et par une députée du Parti ouvrier socialiste du Luxembourg. Concernant le droit pénal, une loi du 19 juillet 1997 complète le Code pénal en ce qui concerne les questions de racisme, de révisionnisme et autres agissements fondés sur des discriminations illégales contre des personnes physiques ou morales en raison de leur sexe, ou orientation sexuelle.
Concernant la question du trafic des femmes et l'exploitation de leur prostitution, le Luxembourg a axé sa Présidence de l'Union européenne (UE) sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes, une priorité étant accordée à la lutte contre le trafic des femmes. Dans le cadre du suivi de la Conférence de La Haye du 26 avril 1997, le Luxembourg a pris l'initiative d'une campagne de prévention et d'information de l'UE et des Etats-Unis sur la lutte contre la traite des femmes à des fins d'exploitation dans les pays d'origine. Une campagne en Pologne et en Ukraine devait ensuite permettre d'informer les jeunes filles sur les risques liés à l'immigration. Au plan national, un cours de six séances intitulé "violence contre les femmes" a été introduit en 1994 à l'Ecole de gendarmerie et de police du Luxembourg, et ces deux institutions ont de leur côté élaboré un dépliant comportant des conseils destinés aux parents pour les aider à protéger leurs enfants contre des actes d'abus sexuel, dépliants qui sont aussi distribués dans les écoles.
Dans le domaine de l'éducation et de l'emploi, les actions sont menées pour encourager les filles à s'orienter vers des enseignements et des professions techniques, et la Ministre de l'éducation et de la formation professionnelle se propose d'instituer un comité de lecture et d'analyse des publications pour y éviter la transmission des stéréotypes. Concernant l'emploi et notamment la situation des femmes en situation de chômage, des mesures sont mises en place pour leur faciliter la réintégration du marché de l'emploi. Les femmes intéressées et ayant une qualification peuvent recevoir des cours de bureautique principalement axés sur les nouvelles technologies d'information. Concernant les femmes migrantes, le Luxembourg compte surtout une population féminine originaire des pays de l'Union européenne qui, de ce fait, bénéficie des mêmes droits en matière d'emploi que les nationaux, les femmes de pays tiers devant quant à elles, être en possession d'un permis de travail.
L'intégration de la dimension de l'égalité des femmes et des hommes dans les mesures de lutte pour l'emploi et contre le chômage a amené la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l'Union européenne à organiser un Sommet européen extraordinaire sur l'emploi. A la suite de cette réunion, un Plan d'action 2000 a été adopté le 26 mars 1997 par le Conseil de gouvernement, qui vise à promouvoir l'autonomie économique des femmes par l'accès aux ressources, à l'emploi, aux marchés et aux échanges commerciaux, et à éliminer la ségrégation professionnelle et toutes les formes de discrimination dans l'emploi. Au mois de novembre 1997, les ONG féminines luxembourgeoises ont organisé, en collaboration avec le Lobby européen des femmes un "Sommet des femmes pour l'emploi" à l'issue duquel a été adoptée une Déclaration recommandant la négociation d'un "nouveau contrat hommes-femmes" qui mettra fin à une division stéréotypée du travail et des tâches et permettra aux citoyennes et aux citoyens de construire l'Europe sur un pied d'égalité.
L'additif présente un bilan, suivant les sexes, du personnel de la commune de Bettembourg. La décision de procéder à cette évaluation avait été prise lors de la Journée internationale des Femmes de 1998 qui s'était déroulée à Bettembourg sur le thème "Actions positives".
Questions du Groupe de travail présession
Le Groupe de travail présession a examiné le rapport périodique du Luxembourg et a noté qu'il a été présenté suivant les directives du Comité. De surcroît, il a estimé qu'il contenait des informations détaillées, notamment pour ce qui est des activités du Ministère de la promotion de la femme. Le Groupe a relevé toutefois que les données statistiques présentées étaient insuffisantes et que les informations sur l'effet de la législation, des politiques et des autres mesures adoptées conformément aux dispositions de la Convention étaient limitées. Ce faisant, il a formulé des questions sur la situation concernant le retrait des réserves aux articles 7a) et 16,
et les amendements qu'il est prévu d'apporter à la législation constitutionnelle nationale pour y incorporer les dispositions de la Convention. Le Groupe de travail a souhaité aussi savoir si la prostitution est légale ou non au Luxembourg et quelles sont les sanctions et pénalités dont sont passibles la prostituée et le client. Revenant sur les problèmes auxquels se heurtent les Luxembourgeoises dans le domaine de l'éducation à tous les niveaux exposés dans le rapport, le Groupe de travail présession a demandé aussi davantage de précisions sur les mesures actuellement prises pour y remédier. Un certain nombre des questions porte sur les femmes et l'emploi et notamment sur la situation des femmes étrangères travaillant au Luxembourg.
Le texte des questions figure au document CEDAW/PSWG/2000/I/CRP.1/Add.7.
Présentation du rapport par l'Etat partie
Mme MARIE-JOSEE JACOBS, Ministre de la promotion de la femme, de la famille, de la solidarité sociale et de la jeunesse du Luxembourg, a indiqué que le rapport précédent du Comité sur la situation des Luxembourgeoises a fait l'objet d'un débat d'orientation sur l'égalité des chances en mars 1998, tenu par la Commission parlementaire de l'Egalité des chances entre hommes et femmes à la Chambre des députés. Cette Commission a recommandé au Gouvernement de suivre au niveau national la mise en oeuvre de la Convention, en établissant, dans un premier temps, un constat général, en prenant des mesures concrètes, tel notamment l'établissement du Plan national 2000, et en effectuant un suivi régulier des progrès réalisés. Dès 1999, un premier débat a eu lieu portant sur les femmes dans la prise de décision aussi bien politique qu'économique. Cette année, un autre débat devrait avoir lieu pour analyser les résultats des femmes aux élections nationales, européennes et communales. Des recommandations devraient alors être faites pour améliorer la participation des femmes à la prise de décision politique. Par ailleurs, l'Accord de coalition du 12 août 1999, conclu entre les 2 partis politiques formant le nouveau Gouvernement, attribue à la politique de la promotion de la femme un caractère prioritaire. Ce nouveau Gouvernement comprend 4 femmes Ministres, même si par rapport à l'ancien Gouvernement le taux de représentation des femmes a légèrement baissé, en raison de l'augmentation des postes. Le Ministère de la promotion féminine a été maintenu au rang de ministère autonome. Son budget est de 0,1% du budget total de l'Etat. Depuis 1995, le budget attribué à ce Ministère a augmenté de 33,75%. Le Ministère occupe exclusivement des femmes, exemple des hautes responsabilités pouvant être exercées par les femmes.
Le taux d'activité des femmes s'élève à 47,3% et les femmes représentent 37% de la population active, soit une augmentation de 0,7% depuis 1994. En ce qui concerne les raisons poussant les femmes à abandonner leur emploi pour se consacrer à leur famille, une étude réalisée en 1999 révèle que la tradition du père comme chef de famille et pourvoyeur des ressources financières est
toujours bien ancrée. D'autre part, les salaires élevés des hommes permettent de renoncer à un revenu d'appoint, qui est généralement celui des femmes. Néanmoins, les femmes en-dessous de 45 ans jugent souvent cet abandon comme temporaire, envisageant de retrouver une activité lorsque les enfants sont grands.
Mme Jacobs a expliqué ensuite que monarchie constitutionnelle, le trône du Luxembourg est transmis exclusivement aux héritiers mâles, ce qui a conduit à formuler une réserve à l'article 3 de la Convention lors de sa signature. La levée de cette réserve incombe exclusivement au Grand-Duc qui doit changer les dispositions du pacte de famille. En mars 1997, le Gouvernement s'est engagé par son Plan d'action 2000, programme de mise en oeuvre de la Déclaration de Beijing, à faire lever ces réserves et il continue d'agir dans son sens. Pour ce qui est de la deuxième réserve formulée au sujet du choix nom patronymique des enfants, la Ministre a reconnu qu'il n'y a pas encore de changement significatif. La Commission parlementaire de l'égalité des chances entre femmes et hommes est d'avis qu'il faudrait oeuvrer en faveur d'un changement de législation en la matière. Pour l'heure, il n'existe aucun engagement du Gouvernement en ce sens, et la levée de cette réserve est donc peu probable pendant la présente période législative. Il n'est par ailleurs par prévu de modifier la loi de 1978 sur la prévention de l'avortement.
Mme Jacobs a indiqué ensuite que les conclusions et recommandations du Comité sur les rapports précédents présentés par le Luxembourg ont été largement diffusées tant auprès des ONG que des parlementaires. Le Conseil national de l'égalité des chances s'est étonné des nombreuses critiques formulées à l'égard de la politique luxembourgeoise en matière de lutte contre la discrimination à l'égard des femmes. Il a néanmoins fait siennes les suggestions et recommandations du Comité. Pour sa part, le Gouvernement a intégré une partie des recommandations du Conseil national des femmes luxembourgeoises dans son Plan d'action national en faveur de l'emploi. Les débats parlementaires sur les conclusions de l'examen des rapports ont été commentés dans la presse et rendus publics par la voie du compte rendu des séances publiques de la Chambre des députés, distribué à chaque ménage. De plus, le manuel "Droits égaux pour filles et garçons, femmes et hommes" sera distribué prochainement aux enseignants, aux élèves des lycées, aux agents de la force publique et au personnel pénitentiaire, ainsi qu'aux juges, travailleurs sociaux et personnel de santé. Conformément aux recommandations du Comité, un effort est aussi actuellement réalisé pour améliorer l'établissement des données statistiques ventilées par sexe. L'action menée par les autorités luxembourgeoises s'intègre aussi, par le biais du projet "Partageons l'égalité", dans le cadre du quatrième Programme d'action de l'Union européenne à moyen terme pour l'égalité des chances entre femmes et hommes. Un des objectifs est d'intégrer le principe de l'égalité dans les curricula de formation des enseignants et enseignantes, des formateurs et formatrices.
Le 22 octobre dernier, le Conseil national des femmes a organisé une Conférence sur les implications nationales et internationales de l'adoption du Protocole facultatif à la Convention, permettant à des femmes ou groupes de femmes de présenter des communications au Comité si elles s'estiment victimes de violation de droits inscrits dans la Convention. Le Luxembourg a été parmi les premiers pays à signer, le 10 décembre dernier. Un projet de loi portant sa ratification est en train d'être élaboré.
L'inscription de l'égalité entre les hommes et les femmes figure toujours à l'ordre du jour du projet de révision constitutionnelle. En outre, depuis la loi du 12 février 1998 sur l'emploi des femmes, la mise en oeuvre d'actions positives dans le secteur privé est désormais possible. Le Gouvernement vient de subventionner dans ce contexte 4 projets, dont deux se concentrent sur la formation des femmes dans l'entreprise. Il n'y a pas de limite d'âge à ce programme. Des consultations avec les responsables des entreprises ont permis de constater que la philosophie de l'égalité n'est pas encore un élément de la culture du travail. Les chefs d'entreprise ont souvent peur de susciter par une action positive en faveur des femmes le mécontentement de leurs salariés masculins. Pour remédier à cela, une action visant à convaincre les chefs d'entreprise est menée. Dans le secteur public, le Ministère de la promotion de la femme va mener des négociations avec le nouveau Ministre de la fonction publique pour introduire la notion d'action positive dans la loi portant sur le statut général du fonctionnaire, qui doit être révisé. Le principe de l'égalité est toutefois implicitement inscrit dans le statut général du fonctionnaire. Pour ce qui est de la vie publique et politique, l'Accord de coalition entre les deux parties au pouvoir se prononce strictement contre l'introduction de quotas pour ce qui concerne l'établissement des listes électorales.
L'année 1999 a été décrétée Année nationale contre la violence à l'égard des femmes. Dans ce contexte, une vaste campagne de sensibilisation et d'information a été organisée. En outre, le Ministère de la condition féminine a organisé une formation à l'intention des professionnels travaillant dans les maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence ou en situation de détresse.
Une autre préoccupation principale du Gouvernement est l'intégration des femmes étrangères dans la société luxembourgeoise, dont le nombre va croissant. Mme Jacobs a indiqué, à cet égard, que pour mieux connaître les problèmes d'intégration, une Commission spéciale devant dresser un état des lieux de la situation des femmes étrangères vient d'être instituée au sein du Conseil national pour les étrangers.
Présentant les orientations actuelles du Gouvernement luxembourgeois, Mme Marie-Josée Jacobs a expliqué qu'une démarche politique axée sur deux stratégies a été mise en place par son Gouvernement, à savoir, d'une part, la prise de conscience du changement et de l'évolution des rôles et
des responsabilités des femmes et des hommes et, d'autre part, l'intégration systématique de la dimension du genre, c'est-à-dire des conditions, des priorités et des besoins propres aux femmes et aux hommes, dans toutes les politiques.
Concernant le changement des rôles et des responsabilités, Mme Jacobs a illustré les nombreuses actions menées par le Luxembourg en citant l'exemple du projet "Partageons l'égalité/Gläichheet delen-Gleichheit teilen" qui a développé une approche pédagogique du genre. Il s'agit d'une approche méthodologique qui prend en compte les différences existant entre les sexes et offre des possibilités de développement individuel transgressant les rôles traditionnels. Ce concept de pédagogie du genre adopté par le Luxembourg a, par ailleurs, été transféré en Autriche, a souligné Mme Jacobs. Concernant le deuxième axe stratégique qui se concentre sur le cadre législatif, à savoir l'intégration systématique de la dimension du genre dans toutes les politiques, le Ministre de la promotion féminine a rappelé que tout projet de loi, avant d'être soumis au Conseil de Gouvernement luxembourgeois, doit être avisé obligatoirement depuis le 1er septembre 1998 quant à son impact sur l'égalité des chances mais que la consigne n'a pas été suivie au début. La rubrique portant sur l'égalité des chances reste en blanc. Cet exemple, a-t-elle déclaré, illustre bien l'attitude d'inconscience à laquelle se heurte toute politique d'égalité et de promotion féminine. Il nous faut donc beaucoup de patience, mais surtout montrer de l'assiduité, a préconisé la Ministre. Tout gouvernement peut influencer le changement des rôles par des mesures législatives. Ainsi, le Gouvernement luxembourgeois a introduit par une loi un droit individuel non transférable de prendre 6 mois de congé parental pour chaque parent élevant un enfant de moins de 5 ans dans son foyer.
Outre les mesures législatives, les gouvernements peuvent aussi avoir recours à l'octroi d'appuis financiers pour provoquer la réalisation de mesures en faveur des femmes. Ainsi, le Ministère de la promotion féminine a proposé de couvrir les frais de formation de candidates aux élections, si le parti politique en introduisait la demande. Deux seulement des cinq partis en ont profité. Le Ministre a fait remarquer à cet égard que le contenu de la lettre du Ministère n'avait même pas été diffusé et qu'ainsi les femmes du directoire ignoraient l'offre. N'est-ce pas là, à nouveau, une stratégie bien cachée de maintien au pouvoir? s'est interrogée la Ministre. Dans le cadre de l'action de politique communale, la Ministre a rappelé le lancement au Luxembourg du prix pour la meilleure pratique communale d'égalité entre femmes et hommes afin de récompenser la commune qui s'investit le plus dans ce domaine.
Sur le plan international, Mme Jacobs a formulé l'espoir de voir la future conférence des femmes francophones se constituer en un forum d'échange d'expériences et de bonnes pratiques, en rappelant que l'objectif de la conférence est de développer une solidarité non seulement entre les femmes,
mais aussi entre les hommes et les femmes francophones. A cet égard, la Ministre de la promotion féminine a réitéré la proposition faite par le Luxembourg lors de la présentation de son rapport initial et son deuxième rapport périodique concernant l'organisation d'une conférence mondiale sur "les hommes et le pouvoir". Rappelant que sans la participation des hommes au changement des relations entre les sexes qui caractérise nos sociétés, nous risquons de mettre en cause le développement et la paix pour le XXIe siècle, a conclu Mme Jacobs, en formulant l'espoir de voir ce sujet abordé lors de la session extraordinaire de l'Assemblée générale en juin prochain.
Dialogue entre les expertes et l'Etat partie
Mme ANNE LISE RYEL, experte de la Norvège, a salué le fait que le champ d'action du Ministère de la promotion féminine au Luxembourg ne se limite pas seulement à la vie familiale mais qu'il concerne également les questions sociales et de la jeunesse, adoptant ainsi une conception intégrale des questions liées aux femmes. S'agissant du financement des actions menées par le Ministère de la promotion féminine, l'experte a souhaité savoir si l'aide financière provient du seul budget du Ministère de la promotion féminine. Remarquant que bien souvent dans la société, les hommes sont les décideurs, l'experte a souligné que l'on devrait leur faire davantage ressentir que le sujet de la promotion des femmes les concerne. L'experte a réitéré l'importance de lever les réserves émises par le Luxembourg à certaines dispositions de la Convention, en s'interrogeant sur les pouvoirs réels du Grand-Duc à cet égard. L'experte s'est enfin félicitée de l'ouverture des congés parentaux aux hommes. Concernant la désignation de délégués à l'égalité dans le secteur privé, l'experte a souhaité savoir si ces derniers étaient désignés par les employés eux-mêmes ou par l'employeur. Elle a souhaité avoir des précisions sur leur statut. S'agissant du plan d'action 2000, l'experte a demandé à la délégation si le plan existe toujours, s'il a été renouvelé et si les ONG y seront intégrées. Concernant les femmes et la sécurité sociale, l'experte a souhaité savoir si pour les emplois des femmes qui entraînent un épuisement physique et un abandon précoce de l'emploi, le régime de pension au Luxembourg est assorti d'une option qui assure une rente même si des contributions n'ont pas été versées auparavant?
Reprenant la parole pour répondre aux commentaires et questions de l'experte de la Norvège, Mme JACOBS a précisé que malgré le remaniement ministériel, l'autonomie et l'indépendance du Ministère de la promotion de la femme ont été préservées par rapport au Ministère de la famille, de la solidarité sociale et de la jeunesse. Il se trouve simplement que ces deux ministères relèvent de la compétence d'une seule et même personne. Si le montant du budget national alloué à la promotion de la femme peut paraître faible, il ne faut pas oublier que d'autres ressources sont indirectement consacrées aux femmes par les autres ministères. C'est pourquoi, une analyse ventilée par sexe du projet de budget de l'Etat va être réalisée.
S'agissant des critiques à l'égard du caractère exclusivement féminin de ce Ministère, elle a expliqué qu'il ne semble guère possible de proposer des salaires plus élevés pour les personnes employées au Ministère de la promotion de la femme afin d'attirer les hommes. S'agissant des inégalités de salaires entre hommes et femmes rencontrées dans le secteur de l'emploi, elles s'expliquent surtout par le fait que les hommes ont davantage de temps pour participer à des séminaires de formation, ce qui leur permet d'améliorer leurs qualifications et donc leur rémunération. Cette situation est bien entendu liée à la persistance du partage traditionnel des tâches domestiques.
Concernant les questions sur la levée des réserves, Mme Jacobs a rappelé que la question de l'héritage du trône dépend exclusivement du Grand-Duc. Quant à la question du choix du nom patronymique des enfants, il n'est guère probable qu'elle soit réglée dans les prochaines années, car elle n'est pas à l'ordre du jour du nouveau Gouvernement. Les femmes victimes de violence domestique qui quittent leur foyer ne risquent pas de perdre leurs propriétés, a-t-elle ensuite clairement précisé. En revanche, ces femmes risquent de se voir privées de pension alimentaire et c'est ce que le Gouvernement entend modifier lors de la présente législation. Le Gouvernement a décidé de lancer uniquement à titre expérimental le congé parental supérieur à 3 mois pour s'assurer que les femmes n'en sont pas les seules bénéficiaires. Si c'était en effet le cas et si les hommes continuaient d'exercer leur emploi, laissant systématiquement à la mère le soin de rester à la maison, un tel congé ne ferait finalement qu'engendrer une nouvelle discrimination. La Ministre a expliqué également que l'âge moyen de la retraite est fixé à 65 ans, néanmoins les personnes ayant exercé des travaux difficiles ou ayant travaillé de nuit, par exemple, peuvent partir à la retraite à 57 ans. Les personnes en situation d'invalidité peuvent quant à elles toucher une retraite dès 54 ans.
Poursuivant sur la question des retraites d'invalidité, Mme VIVIANE ECKER, juriste, experte externe du Ministère de la promotion de la femme en matière de droit à l'égalité entre femmes et hommes et experte luxembourgeoise auprès du groupe de droit à l'égalité de la Commission européenne, a expliqué qu'aucune distinction n'est faite entre les hommes et les femmes. Pour établir une telle distinction, il faudrait notamment avoir des données ventilées par sexe permettant d'identifier quelles sont les activités plus dommageables à la santé des femmes. En ce qui concerne la violence, elle a indiqué qu'il revient encore aux femmes qui quittent le domicile conjugal de prouver qu'elles avaient de bonnes raisons de le faire. Par ailleurs, la loi sur le divorce ne prévoit aucune pension alimentaire à titre personnel si la femme est reconnue comme la seule responsable du divorce.
Mme MADDY MULHEIMS, chargée de la direction du Ministère de la promotion de la femme, a, quant à elle, indiqué que c'est le "Comité entre femmes et hommes" qui est chargé du suivi du Plan d'action 2000. Elle a ajouté qu'il mène une concertation constante avec les ONG et les organisations et associations de femmes.
Mme SILVIA ROSE CARTWRIGHT, experte de la Nouvelle-Zélande, a constaté qu'en 1997 la Chambre des députés a adopté une résolution indiquant l'urgence d'adopter l'amendement constitutionnel relatif à l'inscription du principe de l'égalité de la femme et de l'homme dans la Constitution. Elle a indiqué que cet amendement aurait dû être adopté depuis longtemps et que l'absence de cette adoption montre que l'Etat n'est pas réellement engagé dans l'égalité homme-femme.
Mme IVANKA CORTI, experte de l'Italie, a émis l'espoir que des efforts seront réalisés pour que la notion d'action positive soit introduite dans la fonction publique. Elle a, par ailleurs, constaté que l'introduction de quotas pour l'établissement de listes électorales dans les pays qui montrent une grande résistance pour placer des femmes à des postes de responsabilité, a eu le mérite d'ouvrir la voie dans ce domaine. L'experte s'est donc montrée surprise qu'il y ait une résistance au Luxembourg face à l'introduction de ces quotas. S'agissant des femmes émigrées, l'experte a demandé quels étaient les résultats des nouvelles initiatives entreprises par le Ministère de la promotion féminine en leur faveur. L'experte a également souhaité savoir quel est le portrait de la femme dans les médias luxembourgeois. Comment les médias contribuent-ils à cette nouvelle culture de l'égalité dans une petit pays comme celui du Luxembourg? s'est-elle interrogée.
Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana, a souhaité obtenir plus de données sur la réduction drastique, notée au Luxembourg, du taux d'allaitement maternel après la naissance. Elle a enfin demandé des informations quant aux effets du tabagisme sur les maladies cardiovasculaires chez les femmes.
Mme JACOBS a déploré avec les expertes le fait que l'article 11 de la Constitution luxembourgeoise n'ait toujours pas été modifié pour poser clairement l'égalité entre les hommes et les femmes. Elle a précisé que pour qu'un tel changement intervienne, une majorité des 2/3 des parlementaires est requise; ce qui revient à dire que cette question est davantage du ressort du Parlement que du Gouvernement. Elle a reconnu que cette modification est d'autant plus importante qu'en l'état actuel, l'article 11 pose de nombreux problèmes pour adopter des mesures positives en faveur des femmes. La Ministre a également regretté le fait que les membres de la nouvelle coalition au pouvoir ne soient guère disposés à accepter l'instauration de quotas en faveur des femmes sur les listes électorales.
S'agissant de la situation des femmes immigrées, dont la proportion par rapport à la population luxembourgeoise totale est assez importante, la Ministre a expliqué que l'un des problèmes principaux était les difficultés de communication avec ces femmes qui sont souvent très occupées travaillant du matin jusqu'au soir dans une entreprise puis dans leur foyer, et vivent dans un milieu relativement fermé, et dont il faut identifier les besoins. Pour ce qui est de l'évolution des mentalités et de la lutte contre les stéréotypes, l'action au niveau des médias est relativement limitée car en raison
de sa fort petite taille, le pays ne dispose pas d'un secteur des médias très développé. La télévision luxembourgeoise n'émet par exemple qu'une heure par jour. Il existe néanmoins une Commission d'éthique chargée de la publicité, ce qui a permis de modifier sensiblement l'image de la femme diffusée dans les spots publicitaires, a précisé la Ministre.
En réponse aux questions posées sur la santé des femmes, Mme Jacobs a indiqué que le Gouvernement est très engagé en faveur de l'allaitement maternel. Il existe des comités de lutte contre le tabagisme ainsi que contre les cancers, qui sont souvent dirigés par des femmes. De plus, en matière de lutte contre le cancer du sein, chaque femme de plus de 50 ans est convoquée régulièrement pour faire une mammographie. La Ministre a reconnu que des statistiques dans ce domaine sont néanmoins encore insuffisantes.
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