LE CONSEIL EXPRIME SA PREOCCUPATION FACE AU NOMBRE ALARMANT DE REFUGIES ET DE PERSONNES DEPLACEES EN AFRIQUE
Communiqué de Presse
CS/1136
LE CONSEIL EXPRIME SA PREOCCUPATION FACE AU NOMBRE ALARMANT DE REFUGIES ET DE PERSONNES DEPLACEES EN AFRIQUE
20000113Le HCR souligne la nécessité d'établir une autorité pour l'exécution de la loi et un appui au maintien de la paix régionale
Réuni ce matin sous la présidence de M. Richard Holbrooke (Etats-Unis), le Conseil de sécurité a examiné, dans le cadre de son mois consacré à l'Afrique, la question de l'assistance humanitaire aux réfugiés en Afrique. Le Président du Conseil a fait, au terme de cette réunion, et au nom des Membres du Conseil, une déclaration par laquelle il constate avec une grave préoccupation qu'un nombre alarmant de réfugiés et de personnes déplacées en Afrique ne reçoivent pas une protection et une assistance suffisantes. Il a noté que les réfugiés sont protégés par la Convention des Nations Unies de 1951 et par le Protocole de 1967 se rapportant au statut des réfugiés, la Convention de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique (1969), et par d'autres initiatives pertinentes dans la région. Le Conseil souligne qu'il importe de fournir une protection et une assistance adéquates tant aux réfugiés qu'aux personnes déplacées, compte tenu des difficultés particulières que présentent la fourniture d'une aide humanitaire aux personnes déplacées en Afrique. Il demande instamment à la communauté internationale de les doter des ressources financières nécessaires, compte tenu des besoins considérables auxquels le continent doit faire face.
Ce sont les pays qui ont le plus généreusement accueilli les réfugiés qui en paient le prix le plus élevé, notamment la Tanzanie en Afrique centrale et la Guinée en Afrique de l'Ouest, a fait remarquer ce matin Mme Sadako Ogata, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à l'ouverture de la réunion. Elle a souligné que les conflits ne seront pas réglés si l'on ne répond pas de manière efficace aux problèmes du partage fondamental du pouvoir. Les traits les plus négatifs de l'histoire coloniale semblent se manifester à nouveau dans les situations où les peuples luttent pour survivre tandis que de petits groupes profitent des richesses de l'Afrique et que d'immenses ressources sont gaspillées pour poursuivre la guerre, a-t-elle fait observer. Attirant l'attention sur l'absence de mécanismes efficaces pour le règlement de conflits en Afrique, Mme Ogata a soulevé la nécessité d'établir partout une autorité efficace pour l'exécution de la loi et la nécessité d'apporter un appui systématique au maintien de la paix régionale.
Concernant la question des camps de réfugiés, elle a estimé que les personnes doivent être regroupées sur une base volontaire, l'accès des institutions humanitaires à ces personnes devant être assuré par les gouvernements et les groupes en conflit devant garantir pleinement la sécurité du personnel humanitaire. Concernant le rapatriement volontaire des réfugiés, Mme Ogata a insisté que le choix doit réellement être celui des réfugiés eux-mêmes. Mais les conditions de ce choix deviennent de plus en plus difficiles, a-t-elle estimé, les réfugiés n'ayant en réalité que deux options limitées: rester et se faire refouler, ou rentrer et risquer de se faire tuer.
Les représentants des Etats membres suivants du Conseil ont pris la parole: Namibie, Malaisie, France, Jamaïque, Canada, Ukraine, Tunisie, Royaume-Uni, Argentine, Mali, Bangladesh, Fédération de Russie, Chine, Pays-Bas et Etats-Unis.
PROMOUVOIR LA PAIX ET LA SECURITE: ASSISTANCE HUMANITAIRE AUX REFUGIES EN AFRIQUE
Déclaration du Président du Conseil de sécurité, M. Richard Holbrooke (Etats-Unis), sur les réfugiés et les personnes déplacées en Afrique
Le Conseil de sécurité rappelle ses précédentes déclarations concernant la protection des activités d'assistance humanitaire aux réfugiés et autres personnes touchées par un conflit, et concernant la situation en Afrique, la protection des civils touchés par les conflits armés et le rôle du Conseil de sécurité en matière de prévention des conflits armés. Le Conseil rappelle également ses précédentes résolutions pertinentes ainsi que les résolutions pertinentes de l'Assemblée générale.
Ayant à l'esprit la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales qui lui incombe en vertu de la Charte des Nations Unies, le Conseil souligne qu'il importe de prendre des mesures visant à prévenir et à régler les conflits en Afrique. Il insiste sur la nécessité de s'attaquer aux causes fondamentales des conflits armés dans leur ensemble en vue de prévenir les situations qui conduisent à des déplacements de population et à l'exode de réfugiés. Il note avec préoccupation que la plupart des réfugiés, des rapatriés et des personnes déplacées, ainsi que des autres victimes de conflits, sont des femmes et des enfants, et souligne qu'il importe d'intensifier les efforts en vue de répondre à leurs besoins particuliers en matière de protection, notamment leur vulnérabilité face à la violence, à l'exploitation et à la maladie, y compris le VIH/sida. Le Conseil souligne que tous les États Membres sont tenus de s'employer à régler leurs différends internationaux par des moyens pacifiques. Il condamne la pratique consistant à prendre les civils pour cible, de même que les déplacements forcés. Il réaffirme son attachement aux principes de l'indépendance politique, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de tous les États. Il souligne que les autorités nationales ont l'obligation et la responsabilité principales de fournir une protection et une aide humanitaire aux personnes déplacées qui relèvent de leur juridiction. Il réaffirme que les États sont tenus de prévenir les déplacements arbitraires dans les situations de conflit armé et réaffirme également qu'il leur incombe de subvenir aux besoins de protection et d'assistance des personnes déplacées qui relèvent de leur juridiction.
Le Conseil constate avec une grave préoccupation qu'un nombre alarmant de réfugiés et de personnes déplacées en Afrique ne reçoivent pas une protection et une assistance suffisantes. À cet égard, il note que les réfugiés sont protégés par la Convention des Nations Unies de 1951 et par le Protocole de 1967 se rapportant au statut des réfugiés, la Convention de l'OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique (1969), et d'autres initiatives pertinentes dans la région. Le Conseil note également que les personnes déplacées ne bénéficient pas d'un régime de protection générale et que les normes existantes ne sont pas pleinement appliquées.
Il considère que les souffrances infligées à un grand nombre de civils ainsi que les violations des droits de l'homme et du droit humanitaire résultent de l'instabilité, à laquelle elles ajoutent, et qu'elles contribuent à la recrudescence des affrontements. À cet égard, le Conseil souligne qu'il importe de fournir une protection et une assistance adéquates tant aux réfugiés qu'aux personnes déplacées, compte tenu des difficultés particulières que présentent la fourniture d'une aide humanitaire aux personnes déplacées en Afrique.
Le Conseil de sécurité demande instamment à toutes les parties concernées de s'acquitter scrupuleusement des obligations qu'elles ont contractées en vertu du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits de l'homme et aux réfugiés, et souligne qu'il importe que les normes pertinentes soient mieux appliquées en ce qui concerne les personnes déplacées. Il invite les États qui ne l'ont pas encore fait à envisager de ratifier les instruments pertinents du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits de l'homme et aux réfugiés. Il prend note des efforts déployés par les organismes des Nations Unies en vue de promouvoir une intervention collective efficace de la part de la communauté internationale face aux situations de déplacement intérieur. Le Conseil demande aux États, en particulier aux États d'Afrique qui se trouvent aux prises avec des déplacements de population, de coopérer pleinement à ces efforts. Il note en outre que les organismes des Nations Unies, les organisations régionales et les organisations non gouvernementales, agissant en coopération avec les gouvernements des pays hôtes, s'appuient sur les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays, notamment en Afrique.
Le Conseil de sécurité réaffirme qu'il incombe aux États accueillant des réfugiés d'assurer la sécurité et le caractère civil et humanitaire des camps et zones d'installation de réfugiés conformément aux normes internationales applicables en la matière, ainsi qu'au droit international relatif aux réfugiés et aux droits de l'homme et au droit international humanitaire. À cet égard, il souligne qu'il est inacceptable d'utiliser des réfugiés et d'autres personnes se trouvant dans les camps et zones d'installation de réfugiés pour réaliser des objectifs militaires dans le pays d'asile ou dans le pays d'origine.
Le Conseil souligne qu'il importe de permettre au personnel humanitaire, conformément au droit international, d'accéder dans de bonnes conditions de sécurité et sans entrave aux civils touchés par les conflits armés, y compris aux réfugiés et aux personnes déplacées, et d'assurer la protection de l'aide humanitaire qu'il aurait fournie, et il rappelle qu'il incombe à toutes les parties au conflit d'assurer la sécurité de ce personnel. Il condamne les actes de violence délibérée commis récemment en Afrique contre le personnel humanitaire.
Le Conseil est conscient de l'importance de l'expérience accumulée par les États d'Afrique qui accueillent des réfugiés et qui doivent assumer les conséquences de l'existence des camps et zones d'installation de réfugiés, et de la charge immense qui leur est ainsi imposée. Il salue les efforts déployés pour aider à répondre aux besoins des réfugiés en Afrique, en particulier les efforts du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et ceux des pays d'accueil. Constatant avec préoccupation que les programmes destinés aux réfugiés et aux personnes déplacées en Afrique ne bénéficient pas de moyens de financement suffisants, le Conseil demande à la communauté internationale de les doter des ressources financières nécessaires, compte tenu des besoins considérables auxquels le continent doit faire face.
Déclaration de Mme Sadako Ogata, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés
Mme SADAKO OGATA , Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a souligné qu'à l'occasion de cette deuxième réunion du "Mois de l'Afrique" au Conseil, ses pensées vont vers les nombreux réfugiés du continent qui ont passé le mois de décembre dans la peur. Elle a rappelé qu'elle avait déjà exprimé ses préoccupations devant le Conseil. Le Sommet de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) tenu à Alger en juillet 1999, la signature des Accords de Lomé et de Lusaka ont donné quelques espoirs. Malheureusement, six mois plus tard, la situation dans de nombreuses régions, et en particulier en Afrique centrale, est devenue encore plus dramatique. Au cours de ces dernières années, les crises de réfugiés, en particulier en Afrique, ont subi des changements considérables. Les réfugiés continuent de fuir la violence et les conflits et de chercher asile dans des pays plus sûrs. D'autres personnes, de plus en plus nombreuses, se déplacent dans leur propre pays, vers des zones moins dangereuses. En Angola, par exemple, presque 20% de la population a fui tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des frontières. Les agences humanitaires n'ont pas accès, actuellement, à des centaines de milliers de personnes confrontées à la guerre, notamment dans le sud du Soudan, la République démocratique du Congo, le Burundi, l'Angola et la Sierra Leone - dont la majorité a été déplacée à l'intérieur du pays. Là où cet accès est possible, il est souvent dangereux. Le meurtre de deux fonctionnaires des Nations Unies au Burundi en novembre dernier n'est que le dernier des incidents meurtriers affectant le personnel humanitaire.
Les crises actuelles des réfugiés ont également d'autres aspects complexes. La sécurité, la situation économique et sociale et l'environnement des pays d'accueil sont gravement affectés par les flux forcés considérables de population. Ce sont les pays qui ont le plus généreusement accueilli les réfugiés qui en paient le prix le plus élevé, notamment la Tanzanie et la Guinée. D'autres pays, en dépit de leur situation difficile, ont néanmoins accueilli un grand nombre de réfugiés. Il s'agit notamment du Libéria et de la République démocratique du Congo. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a toujours eu pour mandat de rechercher des solutions aux problèmes de réfugiés tout en assurant la protection de ces derniers.
Le contexte international exige également des solutions plus rapides. Les conflits ne seront pas réglés si l'on ne répond pas de manière efficace aux problèmes du partage fondamental du pouvoir. Les traits les plus négatifs de l'histoire coloniale semblent se manifester à nouveau dans les situations où les peuples luttent pour survivre tandis que de petits groupes profitent des richesses de l'Afrique et que d'immenses ressources sont gaspillées pour poursuivre la guerre.
Il n'existe pas de mécanismes efficaces pour le règlement de conflits en Afrique. Au contraire, des groupes armés s'insurgeant contre les gouvernements sont souvent appuyés ouvertement par d'autres gouvernements. L'efficacité de l'action humanitaire ne peut être que limitée. Cette forme de guerre offre peu de chances pour la promotion et le respect du droit humanitaire international. Avec le déplacement des personnes qui constitue un objectif militaire, le respect des droits des réfugiés a été souvent bafoué, en raison des groupes armés infiltrant fréquemment les populations déplacées. En clair, les crises de réfugiés ne peuvent être réglées aisément. Le "Mois de l'Afrique" doit offrir l'occasion au Conseil de sécurité d'explorer des mesures plus concrètes pour faire face aux problèmes de la lutte pour les ressources, le trafic illicite des armes, l'absence de mécanismes de règlement des conflits et le faible appui pour la reconstruction après les situations de conflits.
Le Haut Commissaire a insisté sur deux priorités en matière de sécurité : la nécessité d'établir partout une autorité efficace pour l'exécution de la loi, et la nécessité d'apporter un appui systématique au maintien de la paix régional. Le Haut Commissariat ne renoncera pas à son obligation de promouvoir le respect des droits des réfugiés, en particulier le droit d'asile, et à les assister en cas de besoin, a souligné Mme Ogata. Il est important que le HCR déploie des efforts au niveau de la communauté pour assister les populations affectées, et, en fin de compte, pour les aider à retourner dans leur foyer. Même en l'absence d'importantes activités de développement, le HCR et les institutions humanitaires ont été en mesure de s'acquitter d'un programme d'intégration important au Rwanda - pays où 25% de la population sont récemment revenus et où de nombreuses femmes et fillettes font face à d'importantes charges familiales. Mme Ogata a fait observer que sans une action plus concrète de la part des gouvernements, que le Conseil de sécurité a mandat d'inspirer, d'élaborer et de diriger, les crises de réfugiés ne peuvent être réglées. La situation est tragique dans de nombreuses régions de l'Afrique. Toutefois, nulle part ailleurs, la guerre et la violence n'affectent autant de millions de civils épuisés qu'en Afrique centrale. Il y a des conflits non réglés et étroitement liés dans au moins sept pays, à savoir l'Angola, le Burundi, le Rwanda, le Soudan, la République démocratique du Congo, la République du Congo et l'Ouganda. En ce qui concerne le Burundi, on compte au total 300 000 réfugiés burundais en Tanzanie. Le nombre des personnes déplacées à l'intérieur des frontières a également augmenté.
Environ 300 000 personnes sont regroupées dans des "sites de regroupement" créés par une politique gouvernementale. Cette question préoccupe gravement les institutions humanitaires. Tout en comprenant les priorités du gouvernement en matière de sécurité, il est impératif qu'un certain nombre de conditions soient réunies pour qu'une assistance soit fournie aux différents sites. Les personnes doivent être regroupées sur une base volontaire, l'accès des institutions humanitaires à ces personnes doit être accordé et les personnes déplacées à l'extérieur de ces sites doivent également être assistées. Le gouvernement doit également offrir des garanties pleines et claires pour la sécurité du personnel humanitaire.
La nomination de M. Nelson Mandela comme Facilitateur pour la mise en oeuvre du processus de paix d'Arusha est un progrès extraordinaire. A cet égard, Mme Ogata a émis l'espoir que son charisme et sa stature de Chef d'Etat permettront aux négociations d'aboutir prochainement. En République démocratique du Congo, la non-application de l'Accord de Lusaka aurait des répercussions terribles, a averti Mme Ogata qui a rappelé combien elle avait été choquée par la détérioration de la situation lors de sa récente visite dans le pays. Plus de 130 000 Congolais ont fui à l'étranger, dont une grande majorité en Tanzanie et peut-être des millions sont déplacés à l'intérieur des frontières. A cet égard, Mme Ogata a souligné la nécessité d'appuyer les efforts du Représentant spécial du Secrétaire général, M. Kamel Morjane, pour établir une présence de l'ONU dans l'ensemble du pays. En Angola, la sécurité est le principal obstacle. Les hostilités ont repris dans de nombreuses régions du pays. Il y a peut-être 10 millions de mines terrestres antipersonnel sur le territoire. Le processus de paix est paralysé. Dans ces trois pays, les nouveaux mouvements de population montrent clairement que le conflit n'est pas réglé et qu'il empire même.
Par ailleurs, la situation en Sierra Leone doit s'améliorer. L'action doit être axée sur trois priorités, à savoir des pressions adéquates sur les signataires de l'Accord de Lomé, le déploiement des soldats de maintien de la paix et des observateurs militaires et la mise en oeuvre du programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration assurée grâce à des ressources appropriées. Le HCR assure la promotion des programmes pour le renforcement des capacités nationales au Libéria au sein de l'administration locale et de la police. Par ailleurs, la situation en Somalie est fragile, mais le rapatriement en provenance de l'Ethiopie vers des régions plus stables dans le Nord-Ouest continue et doit être appuyé. L'Erythrée a convenu récemment de reprendre le rapatriement des Erythréens se trouvant encore au Soudan. Mme Ogata a émis l'espoir que le Conseil de sécurité saisira l'occasion que lui offre ce "Mois de l'Afrique" pour renforcer l'appui à l'initiative de l'OUA visant à régler les conflit entre l'Ethiopie et l'Erythrée. En dépit de certains progrès, la situation en Afrique de l'Ouest et dans la Corne de l'Afrique est loin d'être stable. En Afrique de l'Ouest, le HCR envisage de promouvoir une approche de restauration de la paix sur une base régionale pour faire face aux conséquences négatives des mouvements
de réfugiés sur la situation économique et écologique de certains pays de la région. Le Conseil de sécurité devrait pour sa part promouvoir les initiatives régionales selon le modèle du Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est. De l'avis du Haut Commissaire, le succès du "Mois de l'Afrique" dépendra de la manière dont les débats ici, à New York, seront rapidement et efficacement traduits en mesures concrètes sur le terrain.
Déclarations
M. MARTIN ANDJABA (Namibie) a déclaré que les conflits qui dévastent l'Afrique mettent en péril les groupes les plus vulnérables de la population, qui sont d'abord des femmes et des filles dans les zones en conflit. Elles subissent les viols répétés de la part des combattants et elles sont les premières victimes de la propagation du sida. La communauté internationale a le devoir de mettre fin à ces atrocités. Les pays qui accueillent les flots ininterrompus de réfugiés en provenance des zones en conflit ont besoin d'une aide urgente pour les soutenir dans leurs efforts de développement et parfois de reconstruction, ces conflits débordant sur leurs territoires.
Plusieurs fois, a dit M. Andjaba, le Conseil de sécurité a exprimé son souci face au sort des réfugiés africains. Il est temps que des actions concrètes suivent ces discours, et nous lançons un appel urgent pour que des ressources adéquates soient affectées à la satisfaction des besoins des réfugiés africains. Nous avons vu, au cours de l'année écoulée, comment la communauté internationale peut réagir efficacement, quand il s'agit de réfugiés sur d'autres continents. L'Afrique ne demande pas un traitement spécial, loin de là, elle demande simplement à être traitée de façon équitable. Les réfugiés africains sont en effet les seuls à vivre dans le dénuement le plus total. De tels déséquilibres et injustices doivent prendre fin. Certains ont dit que l'Afrique devait elle-même s'occuper de ses réfugiés. Nous n'avons rien contre cette suggestion, et nous ne rejetons pas nos responsabilités. Il est de notre devoir de bâtir et d'inculquer à nos peuples une culture de la paix. Mais les conflits africains ont aussi une dimension externe et internationale, dont les tenants et aboutissants sont aux mains de forces extérieures, qui doivent nous aider dans nos efforts de maintien de l'ordre et de la sécurité. Les pays africains font face à une marée qui dépasse leurs moyens nationaux. La Tanzanie, par exemple, accueille 300 000 réfugiés en provenance du Burundi, mais ne reçoit pratiquement aucun soutien international. Cette absence d'aide peut mettre en péril la stabilité du pays. Il est temps que les producteurs et vendeurs d'armes cessent leurs trafics et leur commerce avec les mouvements rebelles qui sèment la panique sur notre continent.
M. AGAM HASMY (Malaisie) a déclaré que la réunion d'aujourd'hui sur les réfugiés permet de remettre la question à l'ordre du jour du Conseil. Personne ne sait combien il y a réellement de réfugiés en Afrique, a dit le représentant. Mais, hélas, ce continent n'a cependant pas l'exclusivité de ce genre de situations et différentes raisons sont avancées, aujourd'hui, pour expliquer ce qui favorise toutes ces crises dans le monde. Le cas de l'Afrique est aggravé par la profonde crise économique que connaît ce continent. Les conflits en Angola et dans les deux Congo ont engendré de nombreux flux et la communauté internationale n'a pas encore trouvé de solutions viables et permanentes. Nous pensons que les solutions à mettre en oeuvre ne peuvent être qu'africaines, mais les pays africains, malgré les efforts qu'ils peuvent déployer et la bonne volonté dont ils font montre, ont aussi d'autres problèmes et urgences qui les empêchent d'accorder suffisamment de moyens à la question des réfugiés.
La communauté internationale et les bailleurs de fonds, qui ont semblé, ces dernières années, se désintéresser totalement de l'Afrique, ont été rappelés à leurs obligations par le HCR et les ONG opérant sur le terrain, et nous espérons qu'ils traiteront désormais l'Afrique comme ils traitent d'autres parties du monde. Malheureusement, pour les réfugiés africains, des interférences dans les actions humanitaires, comme le meurtre de membre du personnel humanitaire n'ont pas favorisé l'engagement de la communauté internationale sur le continent. Il faut donc que des engagements fermes soient pris pour protéger et respecter le personnel humanitaire et lui redonner confiance. Notre délégation soutient l'idée d'un mois pour l'Afrique au Conseil de sécurité, mais il faudrait, au bout de ces réunions, arriver à des actions concrètes allant dans le sens des demandes faites ce matin par Mme Ogata et dont la plupart avaient déjà été faites dans cette salle.
M. ALAIN DEJAMMET (France) a déclaré que Mme Ogata avec sa rigueur habituelle a adressé le tableau en Afrique. Il a constaté que pratiquement, Mme Ogata a répondu à l'ensemble des préoccupations exprimées par les membres du Conseil. M. Dejammet a demandé des précisions supplémentaires sur le Libéria, la Sierra Leone et la Guinée. Il serait intéressant d'avoir une idée du calendrier du retour possible des réfugiés sierra-léonais que la Guinée a accueillis. Concernant le conflit entre l'Erythrée et l'Ethiopie, bien que l'on note quelques progrès, il serait toutefois souhaitable de fournir des précisions sur les récents développements. Les pays donateurs doivent maintenir leur effort. Faisant référence à la protection de l'assistance humanitaire, il a estimé qu'au-delà de la surveillance de l'application du cessez-le-feu, il est impératif d'escorter et de protéger l'acheminement de l'assistance humanitaire.
M. Dejammet a souligné le rôle positif de pactes de sécurité pour établir des relations amicales et de bon voisinage entre les pays d'une région. L'existence, au-delà de leurs frontières, de groupes armés met en danger la sécurité et la stabilité des pays de l'Afrique centrale.
C'est pourquoi, il leur est recommandé de se réunir autour d'une table et d'envisager une telle possibilité. Le cessez-le-feu doit être respecté. Mais il est nécessaire de convoquer une conférence sur la région et de déterminer les conditions qui permettront de rétablir une situation humanitaire raisonnable.
Mme OGATA a dit, en répondant aux questions et observations faites par le représentant de la France, que la guerre en Ethiopie et en Erythrée était un conflit localisé, mais ce conflit accroît cependant les tensions dans la Somalie voisine, et fait craindre des débordements sur le territoire de ce pays. Concernant l'Erythrée elle-même et la situation de ses réfugiés, le HCR a mené des négociations avec le gouvernement. Ce dernier se dit prêt à les accepter dans certaines zones de son territoire. Concernant les politiques de regroupement, quand on demande à la communauté internationale de fournir de l'assistance, on est obligé de procéder à un regroupement des populations dans une zone donnée, souvent à l'intérieur même de leur propre pays, créant ainsi une situation de personnes déplacées et de réfugiés internes. Le HCR doit s'accommoder de ces faits incontournables sur le terrain.
Mme PATRICIA DURRANT (Jamaïque) a rappelé que sur les 21,5 millions de réfugiés dont s'occupe le Haut commissariat pour les réfugiés, 6 millions vivent sur le seul continent africain. Lors d'une réunion passée du Conseil de sécurité, il avait été souligné que la mise en place des accords politiques conclus entre les parties en conflit était un aspect essentiel de la résolution de certains des pires problèmes de réfugiés sur le continent africain. Or, bien que nous ayons accueilli avec espoir la signature d'un cessez-le-feu dans les crises en Sierra Leone et dans la République démocratique du Congo, respectivement à Lomé et à Lusaka, il est évident que ces accords ne sont qu'un premier pas dans la résolution des crises engendrées par ces conflits.
Notre délégation soutient les progrès faits par le HCR au cours de l'année écoulée à la suite de ses propositions de règlement des crises de réfugiés et personnes déplacées en Afrique. Certaines de ces propositions comprennent l'installation des groupes de personnes réfugiées à une distance raisonnable des zones de conflits et des frontières, et une assistance aux gouvernements des pays d'accueil pour les aider à maintenir la sécurité et l'état de neutralité des camps de réfugiés. Le HCR a proposé, d'autre part, un modèle-type de législation internationale sur les réfugiés, qui aide les gouvernements à traiter cette question, et il fournit aussi une formation aux fonctionnaires de ces pays.
La Jamaïque soutient les efforts de l'Organisation de l'unité africaine dans la résolution des problèmes de réfugiés, notamment l'initiative prise en 1998 de réunir une conférence ministérielle sur les réfugiés et les personnes déplacées de l'intérieur, et les recommandations faites en vue d'une action
de la communauté internationale. Nous pensons, à cet égard, que les Etats Membres devraient trouver d'abord les vraies causes aux conflits et s'engager à respecter et appliquer les mécanismes et instruments pertinents existants, y compris la Convention de l'OUA adoptée en 1969. Il faudrait aussi renforcer la protection des réfugiés en Afrique, en réitérant et en appliquant les principes du droit d'asile, de la protection et de la sécurité, et trouver des solutions durables, dont le rapatriement volontaire et la réintégration des réfugiés. Enfin, l'Afrique a besoin d'un soutien pour renforcer ses capacités de réponses aux crises de réfugiés.
Répondant aux observations formulées par les délégations, Mme OGATA a indiqué que le HCR aide les gouvernements hôtes à assurer avec la police la sécurité des équipements dans les camps de réfugiés. Toutefois, il est parfois très difficile de maintenir le caractère civil des camps de réfugiés. Souvent on a besoin de forces de police nationales ou internationales pour faire respecter l'ordre dans les camps de réfugiés.
M. MICHEL DUVAL (Canada) a assuré Mme Ogata de l'appui de son pays et noté avec regret que la situation des réfugiés en Afrique ne s'est pas améliorée. Le nombre des réfugiés a même augmenté dans les pays hôtes, créant de nouvelles difficultés économiques, sociales et politiques. La situation risque encore d'empirer lorsque les déplacements contribuent à des conflits.
Le Canada salue les efforts inlassables déployés par la Guinée et la Tanzanie qui ont accueilli un nombre considérable de réfugiés. Dans la mesure où les gouvernements ne peuvent ou ne veulent assurer la protection du personnel humanitaire, ils doivent faire appel à d'autres gouvernements pour s'y substituer. L'ensemble de la communauté internationale doit agir de manière résolue pour assurer une plus grande efficacité des opérations de maintien de la paix, afin de régler les crises de réfugiés en Afrique. Des mesures concrètes doivent être prises pour assurer le retour volontaire et en toute sécurité des réfugiés ainsi que leur réintégration dans leur pays d'origine. Une proportion importante des réfugiés sont des enfants et des adolescents. A cet égard, M. Duval a prié Mme Ogata de fournir des renseignements précis sur la situation des fillettes, notamment en matière d'éducation.
M. VOLODYMYR YEL'CHENKO (Ukraine) a rappelé que le HCR ne peut remplir son mandat que si les Etats Membres s'acquittent de leurs obligations. L'appui, tant financier que politique, de la communauté internationale est essentiel pour que le HCR puisse traiter des causes de déplacements massifs, fournir une protection internationale et contribuer à la recherche de solutions durables aux problèmes des réfugiés et à l'établissement d'une paix durable. L'Ukraine est convaincue de ce que le HCR et les autres institutions qui travaillent sur le terrain disposent de l'expérience et des connaissances suffisantes pour faire face à tous les types de situations qui se présentent sur le continent africain. Le débat devrait donc se concentrer sur ce que
peuvent faire le Conseil de sécurité et la communauté internationale dans son ensemble pour faciliter leur travail et contribuer à la recherche de solutions durables aux problèmes des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. De l'avis de l'Ukraine, deux facteurs rendent difficile la recherche de solutions: le fait que les pays d'accueil sont de moins en moins tolérants en raison des séjours prolongés d'un grand nombre de réfugiés et la "fatigue des donateurs" qui fournissent l'assistance nécessaire de plus en plus à contrecoeur. Si le premier facteur peut être traité au cas par cas, y compris par le Conseil de sécurité, le deuxième est de nature plus générale et requiert une approche coordonnée et la solidarité de la communauté des donateurs, a souligné le représentant. L'assistance humanitaire ne peut à elle seule résoudre les problèmes politiques à l'origine de déplacements internes et de mouvements de réfugiés. Seul un règlement politique des conflits peut assurer des solutions durables au problème des réfugiés. C'est précisément dans ce domaine que le Conseil de sécurité peut et doit apporter une contribution significative, a-t-il estimé.
L'un des aspects de la question qui requiert une attention particulière est, de l'avis de l'Ukraine, les cas où les réfugiés deviennent eux-mêmes source d'instabilité et cause de résurgence d'un conflit menaçant de s'étendre à d'autres territoires. En effet, la présence d'un grand nombre de réfugiés en un endroit contribue à l'épuisement des ressources locales et à la déstabilisation du marché de la main-d'oeuvre, alimentant ainsi les tensions avec la population locale. Ces réfugiés courent aussi le risque de devenir les victimes faciles de groupes d'opposition ou de groupes rebelles qui cherchent à recruter de nouveaux membres. Le Conseil de sécurité a déjà examiné le problème de la sécurité des camps de réfugiés, de la circulation des armes dans ces camps, ainsi que la question du désarmement et de la démobilisation des anciens combattants. Mais davantage doit être fait. Aussi, le Conseil devrait-il envisager d'envoyer, à intervalles réguliers, des missions spéciales dans les principaux camps et zones où se trouvent des réfugiés pour évaluer la situation sur le terrain, ainsi que l'impact éventuel de leur présence sur le pays hôte et sur la sécurité dans la région. Le Conseil pourrait également envisager d'établir, avec le consentement du pays hôte, des missions de déploiement préventif lorsque les circonstances l'exigent. Ces idées ont déjà été avancées dans le passé, a rappelé le représentant, soulignant que ce qu'il faut aujourd'hui, c'est assurer leur application. Il a jugé intéressante l'idée d'étendre les activités du HCR à la fourniture d'une aide humanitaire et d'une protection aux personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, mais a mis en garde contre toute conclusion hâtive et a rappelé que toute modification du mandat du HCR requiert une résolution de l'Assemblée générale.
Mme OGATA a, répondant aux remarques du représentant du Canada concernant la situation des réfugiés en matière d'éducation en disant que les réfugiés qui se trouvent en dehors de leur cadre d'instruction de façon temporaire doivent avoir la possibilité de poursuivre leurs études,
même si c'est dans un camp de réfugiés. En Afrique, la connaissance et l'éducation sont tellement importantes pour l'intégration et l'ascension sociale qu'il faut les mener à terme.
M. SAID BEN MUSTAFA (Tunisie) a dit que la situation des réfugiés dans certaines parties du continent africain met en danger l'équilibre de nombreux pays du continent. Nous saluons les efforts déployés par le HCR et son personnel pour soulager les réfugiés africains, a dit le représentant. La situation dramatique de millions de personnes a été évoquée, ici, notamment, la souffrance des femmes et des fillettes. Le problème des réfugiés se présente sous deux aspects fondamentaux. Il faut, et c'est essentiel, respecter la souveraineté nationale des Etats qui offrent l'asile aux réfugiés, et la communauté internationale doit savoir équilibrer le droit et le souci humanitaires et la souveraineté des Etats. La Tunisie pense que cette question pourrait se discuter à l'Assemblée générale, au Haut Commissariat aux réfugiés, à l'issue d'une conférence réunie spécialement à cet effet. Nous savons que le Secrétariat travaille en ce moment sur la question et aimerions avoir un droit de consultation et d'opinion là-dessus. L'OUA a émis des avis et élaboré une Convention sur les réfugiés qui a été ratifiée par de nombreux pays, dont le nôtre. L'aide aux pays d'accueil est un aspect important de la question des réfugiés, aussi, aujourd'hui, devant ce Conseil, nous exhortons de nouveau la communauté internationale à soutenir et aider les pays qui accueillent des réfugiés. Notre pays approuve d'autre part, la totalité des propositions faites par Mme Sadako Ogata.
M. JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a dit que concernant la crise de réfugiés en Afrique deux domaines essentiels peuvent être discutés. La suggestion de Mme Ogata sur la question d'un accès facilité aux réfugiés et la responsabilité du HCR en ce domaine, et la difficulté que rencontre cet organismes à se procurer les ressources nécessaires, sont des questions essentielles. Le maintien de la loi et de l'ordre et l'appui aux gouvernements dans ce domaine sont des points qui intéressent le Royaume-Uni. Au cours de ce débat, les représentants africains ont dit que nous ne faisons pas assez pour aider le continent dans ses efforts pour résoudre la crise des réfugiés. Nous essayons de résorber la misère qui affecte le continent, mais malheureusement, nous n'avons pas accès aux vraies raisons et aux sources de cette misère. C'est comme un tonneau des Danaïdes, sans fond, que l'on essayerait de remplir.
Des groupes armés, appuyés par des pays voisins déstabilisent les nations mêmes dont ils sont originaires. Et sans essayer de nous immiscer dans les affaires intérieures des Etats, nous pensons qu'on devrait pouvoir condamner les gouvernements irresponsables, même si certaines sensibilités, ici, même au Conseil, peuvent en être affectées. L'Europe a l'OSCE, et il existe un Pacte de stabilité sur ce continent. Pourquoi est-ce que les Africains ne mettraient-ils pas en place des règles et des structures qu'ils respecteraient eux-mêmes, en matière de sécurité et en matière humanitaire ?
L'Afrique et ses gouvernements sont en dernier ressort responsables de ce qui arrive à leurs propres populations. Nous pensons qu'il y a un profond problème de leadership au niveau des dirigeants, et nous demandons et espérons qu'un débat franc s'engagera là- dessus.
M. ARNOLDO MANUEL LISTRE (Argentine) s'est félicité de la nouvelle méthode de travail adoptée par le Conseil de sécurité qui garantit une plus grande transparence. La persistance du problème des réfugiés aggrave la situation tant humanitaire qu'en matière de sécurité. La communauté internationale n'a pas suffisamment de volonté pour s'en prendre à la cause même de la crise des réfugiés en Afrique. Les Africains doivent se rendre compte qu'il n'existe pas deux poids, deux mesures. C'est pourquoi, le Conseil de sécurité doit agir de manière efficace. L'accès des institutions humanitaires et la sécurité des réfugiés dans les camps sont les deux conditions essentielles pour régler rapidement les crise humanitaires. Le représentant a demandé à Mme Ogata d'indiquer les mesures permettant de régler efficacement ces crises. Quelles que soient les mesures que le Conseil de sécurité adoptera, les ressources sont indispensables pour les mettre en oeuvre. M. Listre a fait remarquer qu'il a été possible de trouver des ressources pour le Kosovo et le Timor oriental.
M. CHEICKNA KEITA (Mali) a appelé le Conseil à réaffirmer son engagement envers l'Afrique et les principes d'indépendance politique, de souveraineté et d'intégrité territoriale de tous les Etats Membres. Les Etats africains ont accompli d'importants progrès en matière de démocratisation, de réforme économique et du respect de la protection des droits de l'homme afin de parvenir à la stabilité politique, à la paix et au développement économique et social durables. Pourtant, le nombre et l'intensité des conflits armés sur le continent continuent d'être préoccupants. Ces conflits menacent la paix régionale, provoquent souffrances parmi la population, perpétuent l'instabilité et détournent des ressources importantes qui devraient être consacrées au développement à long terme. L'ONU apporte une contribution importante aux efforts que l'Afrique déploie pour édifier un avenir de paix, de démocratie, de justice et de prospérité, a affirmé le représentant. Il a souligné l'importance de l'engagement pris par l'ONU de soutenir, par l'intermédiaire du HCR et d'autres organisations à vocation humanitaire, les efforts faits par les Etats africains pour régler les crises humanitaires et celles provoquées par l'afflux de réfugiés.
L'exode des populations civiles touchées par un conflit peut compromettre gravement la paix et la sécurité internationales. Pour assurer la protection des activités d'assistance humanitaire aux réfugiés et autres personnes touchées par un conflit, il importe d'adopter une démarche coordonnée, a poursuivi le représentant. Il a condamné la multiplication des attaques ou le recours de plus en plus fréquent à la force contre les réfugiés et autres populations civiles dans des situations de conflit, ainsi que les attaques ou le recours à la force contre le personnel des Nations Unies
et le personnel humanitaire. La recherche de la paix en Afrique nécessite une approche globale, concertée et résolue, portant sur l'élimination de la pauvreté, la promotion de la démocratie, le développement durable et le respect des droits de l'homme, ainsi que la prévention et le règlement des conflits, y compris le maintien de la paix et l'aide humanitaire. Une manifestation réelle de volonté politique est nécessaire, en Afrique et ailleurs dans le monde, pour obtenir des résultats durables à ces fins, a-t-il conclu.
M. ANWARUL KARIM CHOWDHURY (Bangladesh) a énuméré un certain nombres d'éléments que le Conseil doit souligner dans le cadre de l'examen de la situation des réfugiés. Le représentant a cité entre autres la nécessité de traiter des causes originelles des conflits et jugé, en cela, que le Conseil de sécurité a un rôle important à jouer. Il a cité en outre l'importance qu'il y a à se pencher sur les difficultés liées à la fourniture de l'aide humanitaire aux personnes déplacées pendant une situation de conflit. Il a, à cet égard, mis l'accent sur les besoins particuliers des femmes et des enfants. Le représentant a jugé utile que les Nations Unies se concentrent davantage sur la formulation de directives en matière d'assistance aux réfugiés en appelant la communauté internationale à rechercher les moyens d'assurer un plus grand respect des normes pertinentes. Le représentant a conclu en exhortant la communauté internationale à faire davantage pour assurer un financement adéquat des programmes liés aux réfugiés et aux personnes déplacées.
M. SERGEY LAVROV (Fédération de Russie) a déclaré que son pays appuie pleinement l'appel lancé par le Haut Commissaire pour les réfugiés, Mme Sadako Ogata. Le Conseil de sécurité doit prendre en compte les initiatives adoptées par l'OUA au niveau sous-régional. Le Conseil de sécurité a aussi une responsabilité particulière en la matière. A cet égard, M. Lavrov a indiqué que son pays entend apporter sa contribution à ces efforts.
M. SHEN GUOFANG (Chine) a estimé que la présentation de la situation des réfugiés en Afrique faite ce matin par Mme Ogata, Haut Commissaire pour les réfugiés, apporte des précisions sur cette situation tragique. La délégation chinoise a souligné à plusieurs occasions que le règlement de la crise des réfugiés réside dans l'élimination des causes mêmes des conflits. L'élimination de la pauvreté et le développement de l'économie sont essentiels pour instaurer la paix et la sécurité dans les pays de la région. Il est impératif de respecter l'équité dans la distribution de l'assistance humanitaire. La Chine continuera à renforcer sa coopération avec un certain nombre de pays de la région, ainsi qu'avec le Haut Commissariat pour les réfugiés.
M. PETER VAN WALSUM (Pays-Bas) a fait part de sa satisfaction après la présentation faite par Mme Ogata sur la situation de l'Afrique en matière de réfugiés. Si les accords de Lusaka ne sont pas mis en oeuvre, ce sera un drame, a estimé M. Van Walsum, et nous apprécions la franchise du ton du Haut Commissaire pour les réfugiés qui n'a pas mis de gants pour nous rappeler nos engagements et nos devoirs sur cette question. Mme Ogata nous a rappelés l'absence critique d'un mécanisme de sécurisation et de protection des réfugiés dans les camps qui les accueillent, or nous savons que face à la montée des conflits internes, nous aurons à faire face à plus de crises à l'avenir.
Nous sommes d'avis que même le concept de "rapatriement volontaire", risque de devenir caduque à l'avenir, car il sera de plus en plus difficile de faire la part entre le refoulement et le rapatriement volontaire, face à des crises qui perdurent et s'éternisent. L'attention du Conseil continue d'être centrée sur la prévention et le règlement des conflits, a dit le représentant, mais nous avons entendu le HCR nous recommander que le Conseil devrait plutôt appuyer les initiatives prises par les Etats ou les parties en conflit, ce qui semble faire défaut jusqu'à maintenant. Notre délégation espère donc que l'action du Conseil pourra se réorienter et se faire avec efficacité.
M. RICHARD HOLBROOKE (Etats-Unis) a rappelé qu'il travaille sur la question des réfugiés depuis 1978, et qu'il s'était notamment occupé de ceux du Cambodge. Il est temps de prendre des mesures concrètes et de corriger des déséquilibres dans le monde. Le retour des réfugiés qui avaient fini au timor occidental n'a pas été réalisé avec succès. Il reste encore un millier de miliciens qui s'en prennent aux Australiens.
La situation des réfugiés est tragique. Deux-tiers des réfugiés dans le monde ne sont pas protégés par le Haut Commissariat pour les réfugiés. Ces personnes sont déplacées à l'intérieur de leur pays et ont été chassées de leur foyer. Qu'est-ce qu'une personne déplacée et qu'est-ce qu'un réfugié ? Il n'y a pas de différence. La Commission des droits de l'homme devrait oeuvrer étroitement avec le HCR et le Conseil de sécurité pour trouver des solutions à la situation de ces personnes. M. Holbrooke a affirmé que, lors de sa visite en Angola, le mois dernier, il avait constaté avec stupeur que 90% des réfugiés étaient des personnes déplacées. On se tourne le plus souvent vers le HCR parce qu'il représente le dernier espoir. M. Holbrooke a souligné la nécessité de définir avec plus de précision la situation des personnes déplacées et de confier l'examen de leur cas à une institution spécifique.
Mme OGATA a, dans ses remarques de clôture, affirmé que sa présentation de la situation des réfugiés en Afrique avait été la plus franche possible. Des décisions concrètes doivent être prises, a-t-elle déclaré, car la situation sur le terrain est devenue dramatique et réellement intenable pour les populations déplacées. Les problèmes des personnes déplacées
à l'intérieur de leur propre pays sont les mêmes que rencontrent des réfugiés ordinaires. Le HCR peut examiner les différents aspects de leur subsistance et faire des recommandations au Conseil en ce qui concerne les actions à prendre et notamment celles concernant le rapatriement volontaire. Sur cette question, il est très important que ce soit vraiment les réfugiés eux-mêmes qui fassent des choix, ce que la situation actuelle ne permet pas. Les conditions de ce choix deviennent de plus en plus difficiles, car les réfugiés n'ont en réalité que deux options limitées: rester et se faire refouler, ou renter et risquer de se faire tuer. C'est donc un choix cornélien. Mes collègues du HCR, et tous les travailleurs humanitaires se sentiront encouragés s'ils savent que le Conseil de sécurité se penche sur cette question, a dit Mme Ogata.
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