SG/SM/7275

LA LUTTE CONTRE LE SIDA EN AFRIQUE DOIT ETRE LA PRIORITE DES PRIORITES, AFFIRME LE SECRETAIRE GENERALE DEVANT LE CONSEIL DE SECURITE

10 janvier 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7275
SC/6780


LA LUTTE CONTRE LE SIDA EN AFRIQUE DOIT ETRE LA PRIORITE DES PRIORITES, AFFIRME LE SECRETAIRE GENERALE DEVANT LE CONSEIL DE SECURITE

20000110

Cette tâche doit faire partie intégrante des efforts pour la paix et la sécurité du continent

Vous trouverez ci-après le texte de la déclaration faite aujourd'hui, 10 décembre, par le Secrétaire général, Monsieur Kofi Annan, lors de la réunion officielle du Conseil de sécurité sur les incidences du sida à l'égard de la paix et de la sécurité en Afrique :

Je vous remercie, Monsieur le Vice-Président, de ces sages paroles. De fait, votre présence aujourd'hui dans cette salle augure bien de la nouvelle année et constitue un signe encourageant de l'attachement de votre pays à l'Organisation des Nations Unies.

En cette aube du nouveau millénaire, nous sommes nombreux à avoir bien des raisons de nous estimer heureux. La paix règne presque partout dans le monde. Nous sommes pour la plupart plus instruits que ne l'étaient nos parents ou grands-parents. Nous pouvons espérer vivre plus longtemps, en jouissant d'une liberté plus grande et en ayant le choix entre davantage d'options.

Mais nous sommes aussi confrontés à de nouveaux problèmes — ou à des problèmes que nous connaissons de longue date mais qui prennent aujourd'hui des formes nouvelles et alarmantes. Permettez-moi d'en citer quelques-uns :

- La dégradation de l'environnement;

- Les conflits ethniques;

- Les erreurs ou carences dans la gestion des affaires publiques;

- Les violations généralisées des droits de l'homme;

- L'analphabétisme et les problèmes de santé;

- L'inégalité croissante à la fois entre les États et entre les citoyens d'un même État;

- Et surtout la mise à l'écart de tant de peuples, près de la moitié de l'humanité, qui loin de bénéficier des avantages de la mondialisation, sont condamnés à stagner dans une inexorable pauvreté.

Aucune région du monde n'est exempte de ces problèmes. Mais il semble que l'Afrique soit la plus mal lotie de toutes :

- Sur les 48 pays les moins avancés que compte la planète, 33 se trouvent en Afrique.

- Sur les deux douzaines de conflits, ou plus, qui font rage dans le monde, près de la moitié ont pour théâtre le continent africain.

- Quinze pays de l'Afrique subsaharienne sont actuellement aux prises avec des situations d'urgence alimentaire exceptionnelles. Dans la seule République démocratique du Congo, les disponibilités alimentaires de plus de 10 millions de personnes sont mises en péril par des troubles civils.

- Et 90 % des 11 millions d'orphelins qu'a faits à ce jour la pandémie de sida sont des enfants africains.

Monsieur le Vice-Président, ces chiffres sont éloquents. Ils justifient amplement la décision prise par votre pays de faire de ce premier mois de l'ère nouvelle un "mois de l'Afrique" au sein du Conseil de sécurité — tout comme l'Organisation de l'unité africaine a déclaré l'année 2000 tout entière une Année de paix, de sécurité et de solidarité en Afrique. Il est bon que les Africains ouvrent la voie car c'est des peuples en conflit, et en particulier de leurs dirigeants, que doit jaillir l'inspiration qui conduira à une paix véritable et viable.

Bien des régions du continent font actuellement des progrès spectaculaires. Il n'y a aucune raison de sombrer dans l'"afro-pessimisme". Au contraire, le moment ne pourrait pas être mieux choisi pour un ralliement de la communauté internationale à la cause de l'Afrique.

Et dans le cadre du Mois de l'Afrique, il est tout à fait indiqué que le Conseil de sécurité consacre sa première séance au problème du sida.

Certains objecteront peut-être qu'il appartient à d'autres organismes des Nations Unies de se pencher sur la question. À mon avis, pourtant, il serait regrettable que le Conseil consacre un mois à l'Afrique sans aborder ce que l'Ambassadeur Holbrooke a appelé "le problème numéro un" de l'Afrique d'aujourd'hui.

Non que le sida soit un problème purement africain. Dans bien des pays ailleurs qu'en Afrique, en particulier en Asie et en Europe orientale, il se propage à une vitesse alarmante.

Mais nulle part ailleurs, le sida ne fait peser sur la stabilité économique, sociale et politique une menace aussi grave qu'en Afrique australe et orientale.

L'impact du sida sur cette région n'est pas moins destructeur que celui de la guerre. En fait, à divers égards, il est bien plus grave. L'année dernière, le sida a tué environ 10 fois plus de personnes en Afrique que les conflits armés.

En submergeant les services sanitaires du continent, en créant des millions d'orphelins, en décimant agents sanitaires et enseignants, le sida cause des crises sociales et économiques qui, à leur tour, menacent la stabilité politique. Il menace également la bonne gouvernance du fait des taux de mortalité élevés parmi les élites, qu'elles appartiennent au secteur public ou privé.

Dans des sociétés déjà instables, ce cocktail de catastrophes est une recette infaillible pour d'autres conflits. Et ces conflits, à leur tour, sont une pépinière de nouvelles infections. L'effondrement des services sanitaires et éducationnels, l'obstruction de l'assistance humanitaire et le déplacement de populations entières sont autant de facteurs qui contribuent à l'expansion de plus en plus rapide de l'épidémie.

En bref, Monsieur le Vice-Président, le VIH/sida n'est pas seulement un problème africain. Il s'agit d'un problème de portée mondiale et il doit être reconnu en tant que tel. Au titre des obligations de la communauté internationale, la lutte contre le sida en Afrique doit être la priorité des priorités, une tâche qui doit faire partie intégrante de notre oeuvre en faveur de la paix et de la sécurité sur ce continent.

Comme la plupart des gouvernements africains l'ont maintenant compris, la première bataille qu'il leur faut gagner dans la guerre contre le sida est celle qui consiste à abattre le mur de silence et à dissiper les stigmates qui entourent la maladie.

Il y a un mois, ici au Siège de l'Organisation des Nations Unies, nous avons tenu la première réunion de haut niveau de représentants de gouvernements d'États africains et d'institutions des Nations Unies qui participent directement à la lutte contre le sida, en présence de

gouvernements donateurs, de sociétés privées et d'ONG. Je les ai invités à formuler, d'ici au mois de mai prochain, des mesures qui soient à la hauteur de l'ampleur de la crise; et j'ai énoncé des responsabilités spécifiques à chaque partenaire dans cette lutte.

J'ai maintenant l'immense plaisir d'accueillir le Conseil en tant que partenaire supplémentaire. Son rôle, à mon avis, est d'empêcher les conflits de contribuer à la propagation du sida et d'entraver les efforts que déploient les autres partenaires pour maîtriser l'épidémie.

Dans le courant de la présente session, mes collègues Jim Wolfensohn, Mark Malloch Brown et Peter Piot vous parleront de façon plus approfondie des aspects économiques et sociaux ainsi que des aspects purement sanitaires de l'épidémie. Je suis convaincu que leurs contributions — tout comme la nôtre, Monsieur le Vice-Président, et celles des autres États Membres — aideront à faire clairement comprendre au monde entier que toutes les composantes du système des Nations Unies accordent aux problèmes de l'Afrique l'attention qu'ils méritent et que les Africains méritent.

Je vous remercie de votre attention.

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