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CS/1124

LE CONSEIL DE SECURITE PROROGE D'UNE SEMAINE LA PHASE VI DU PROGRAMME "PETROLE CONTRE NOURRITURE" MIS EN OEUVRE EN IRAQ

3 décembre 1999


Communiqué de Presse
CS/1124


LE CONSEIL DE SECURITE PROROGE D'UNE SEMAINE LA PHASE VI DU PROGRAMME "PETROLE CONTRE NOURRITURE" MIS EN OEUVRE EN IRAQ

19991203 La France décide de ne pas prendre part au vote sur le texte estimant que la mesure proposée est irréalisable

A l'issue de consultations tenues, cet après-midi, sous la présidence de M. Jeremy Greenstock (Royaume-Uni), le Conseil de sécurité a adopté par un vote de onze voix pour, trois abstentions (Chine, Fédération de Russie et Malaisie) la résolution 1280 (1999) relative à la situation entre l'Iraq et le Koweït. La France a déclaré en début de séance qu'elle ne participerait pas au vote car la décision qui allait être prise était irréalisable. Aux termes du texte adopté, le Conseil décide de proroger jusqu'au 11 décembre 1999 la période visée dans les résolutions 1242 (1999) et 1266 (1999), c'est-à-dire la phase VI du programme "pétrole contre nourriture". Par la résolution 1275 (1999) en date du 19 novembre 1999, le Conseil de sécurité avait déjà prorogé cette phase pour une période de 15 jours.

La résolution 1242, qui prorogeait les dispositions autorisant l'Iraq à exporter du pétrole et des produits pétroliers à hauteur de 5 milliards 256 millions de dollars pour une période de 180 jours, soit jusqu'au 20 novembre, a été modifiée cinq mois plus tard, par la résolution 1266, qui a ajouté à cette somme 3 milliards 40 millions de dollars. L'Iraq se voyait ainsi autorisé à exporter du pétrole et des produits pétroliers à hauteur de 8 milliards 296 millions de dollars.

Les représentants des membres suivants du Conseil ont expliqué leur position: France, Malaisie, Etats-Unis, Fédération de Russie, Canada, Pays-Bas, Chine et Namibie.

Le Conseil était saisi à cette occasion du rapport du Secrétaire général sur l'application du Programme humanitaire interorganisations des Nations Unies en Iraq, ainsi que du rapport du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 661 (1990) concernant la situation entre l'Iraq et le Koweït.

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Explications de vote

M. ALAIN DEJAMMET (France) a rappelé que depuis 1997, la résolution sur le programme "pétrole contre nourriture" a été régulièrement renouvelée pour une période de six mois. Aujourd'hui, le Conseil de sécurité décide de prolonger le programme pour une seule semaine, période trop courte, en raison des délais techniques incompressibles, pour procéder à la vente de pétrole. Selon le représentant, le texte est bâti de telle sorte que la mesure proposée est délibérément irréalisable. On nous explique, a-t-il dit, qu'il s'agit d'exercer des pressions sur les membres du Conseil en vue d'un autre exercice. Le débat attendu n'a rien à voir avec son objectif théorique. Pour M. Dejammet, il est inconcevable de se prononcer sur un texte irréalisable. Dans une hypothèse aussi rarissime, la France estime que la seule décision raisonnable est de ne pas participer au vote.

M. DAVID RUBADIRI (Malaisie) a affirmé que l'on ne doit pas faire de lien entre la présente résolution et la résolution omnibus sur l'Iraq actuellement à l'étude. Le représentant s'est élevé contre toute tentative de faire un tel lien entre deux processus qui sont distincts. S'agissant de la résolution omnibus, la Malaisie souhaite qu'elle soit présentée suffisamment tôt à l'ensemble des membres du Conseil pour qu'ils puissent disposer du temps nécessaire à son examen. Elle se réjouirait qu'un accord sur une résolution omnibus intervienne entre les cinq membres permanents et insiste de nouveau sur le fait qu'une telle résolution doit faire l'objet d'un examen de la part de tous les membres. Les membres non permanents doivent disposer du temps nécessaire pour examiner cette résolution. Pour la Malaisie une prolongation d'une semaine du programme "pétrole contre nourriture" est tout à fait arbitraire et vise à bousculer la recherche d'un accord sur le problème d'ensemble. La Malaisie souhaite une prorogation de six mois du programme "pétrole contre nourriture" et estime qu'une prorogation d'une semaine est inutile. Pour toutes ces raisons, la Malaisie n'est pas en mesure d'appuyer la présente résolution et en conséquence s'abstiendra.

M. PETER BURLEIGH (Etats-Unis) a réaffirmé que son pays manifeste un intérêt profond pour le bien-être des citoyens iraquiens soumis au régime de Saddam Hussein. Les Etats-Unis ont joué un rôle de pionnier dans la mise en oeuvre du programme "pétrole contre nourriture" depuis son élaboration peu après la libération du Koweït en 1991. A cet égard, les Etats-Unis notent avec satisfaction le succès bien établi de cet important effort humanitaire. Le programme "pétrole contre nourriture" constitue l'effort d'assistance humanitaire le plus vaste dans l'histoire des Nations Unies, et il a contribué de manière considérable à l'amélioration des conditions de vie de la population civile sur l'ensemble du territoire iraquien. Les activités régulières des Nations Unies se poursuivent en Iraq. En dépit de la récente décision injustifiée prise par le Gouvernement iraquien visant à interrompre la production et les exportations de pétrole, d'importantes quantités de fournitures humanitaires arrivent chaque jour dans le pays. Aucune

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interruption de l'assistance humanitaire en vertu du programme "pétrole contre nourriture" n'a eu lieu, et il est de la plus haute importance que le programme continue de fonctionner sans obstacle. Pour cette raison, la délégation des Etats-Unis se félicite de la décision prise aujourd'hui par le Conseil de sécurité en prorogeant la phase VI du programme pour sept jours, jusqu'au 11 décembre 1999. Cette résolution assure que l'assistance humanitaire essentielle peut continuer tandis que le Conseil de sécurité se prépare à l'adoption d'une résolution omnibus sur l'Iraq, la semaine prochaine. L'adoption d'une telle résolution, qui comprend des dispositions importantes relatives au programme "pétrole contre nourriture", ouvrira la voie à la prorogation pour une période de six mois. Cette résolution représentera la culmination de nombreux mois de travail accompli par le Conseil de sécurité, et nécessite d'être approuvée avant de procéder à l'autorisation de l'ensemble de la phase VII du programme "pétrole contre nourriture".

Les Etats-Unis se félicitent également du rôle que le Bureau du Programme pour l'Iraq joue pour gérer le programme "pétrole contre nourriture", en particulier à la lumière des obstacles récemment imposés par le régime iraquien. M. Burleigh appelle le Gouvernement iraquien à mettre fin à cette attitude cynique à laquelle nous sommes confrontés ces dernières semaines pour reprendre sans retard la production et les exportations de pétrole autorisées, et pour coopérer pleinement avec le programme au cours de la semaine prochaine et à l'avenir. Le programme "pétrole contre nourriture" établi par la résolution 986 n'est qu'une mesure temporaire, a rappelé M. Burleigh, qui précise qu'il n'a jamais eu pour objectif d'usurper la responsabilité première qui incombe au Gouvernement iraquien de faire face aux besoins de sa population civile. Les Etats-Unis continueront toutefois à appuyer la poursuite de la mise en oeuvre du programme "pétrole contre nourriture" aussi longtemps qu'il sera nécessaire pour la communauté internationale de répondre aux besoins urgents de la population civile que le Gouvernement iraquien préfère ignorer.

M. GENNADY GATILOV (Fédération de Russie) a attiré l'attention des membres du Conseil sur la gravité de la situation humanitaire en Iraq, situation qui nécessite l'adoption de mesures urgentes. Pour la Fédération de Russie, l'opération humanitaire actuelle n'est pas suffisante pour faire face à l'ampleur de la tâche. Le représentant a demandé que soient adoptées et mises en oeuvre des mesures urgentes qui reflètent les recommandations faites par le Secrétaire général. Le représentant a regretté que les arguments présentés par sa délégation n'aient pas été entendus. Pour la Fédération de Russie, le présent projet de résolution ne répond pas aux réalités actuelles de la situation humanitaire en Iraq. La Fédération de Russie ne peut pas approuver le projet sous sa forme actuelle. Par ailleurs, le représentant a souligné qu'il n'y a pas de lien entre la présente résolution et la poursuite des travaux sur la situation d'ensemble en Iraq. L'adoption de cette décision

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par le Conseil ne détermine en aucune manière les travaux sur la résolution omnibus. Le représentant a appelé de ses voeux la conclusion d'un accord traitant des problèmes de fond. Pour l'instant, il n'y en a pas a-t-il conclu.

M. MICHEL DUVAL (Canada) a déclaré que son pays votera en faveur du présent projet de résolution. Le Canada aurait préféré adopter un renouvellement de 180 jours jusqu'à la phase VII. Il est toutefois en mesure d'appuyer cette prorogation de sept jours pour permettre aux membres permanents de disposer d'une semaine supplémentaire en vue de la négociation d'une résolution globale. Le représentant a affirmé que les renouvellements temporaires ne peuvent pas continuer indéfiniment et espère que tous les membres envisageront sérieusement la prochaine fois un renouvellement d'une durée de 180 jours. Le Canada exhorte les membres permanents à utiliser cette semaine supplémentaire pour gagner du terrain afin qu'un résolution globale puisse finalement être à nouveau soumise à l'examen du Conseil et qu'il puisse prendre des mesures en conséquence.

M. PETER VAN WALSUM (Pays-Bas) a déclaré que son pays aurait été heureux d'appuyer un renouvellement de 180 jours dans des circonstances normales. Mais, a-t-il dit, les circonstances ne sont pas normales. Les Pays-Bas ont été co-auteurs de trois projets de résolution présentés dans le cadre des consultations officieuses. Les Pays-Bas estiment que la prorogation d'une semaine de la phase VI du programme "pétrole contre nourriture" maintiendra la pression exercée sur les cinq Etats Membres permanents du Conseil de sécurité et permettra de parvenir à une décision globale sur la situation en Iraq. Il s'est étonné de la non participation d'une délégation au vote.

M. QIN HUASUN (Chine) a affirmé que le programme "pétrole contre nourriture" a joué un rôle fondamental du point de vue humanitaire. Toutefois, il présente des lacunes qui devront être comblées à la lueur des nouvelles réalités. Le représentant a affirmé que le programme humanitaire ne doit pas être utilisé à des fins politiques. Pour sortir de l'impasse, a-t-il souligné, il faut que ceux qui ont été à la source des problèmes actuels fassent maintenant preuve de souplesse. La Chine continuera de faire des efforts constructifs en vue de l'adoption d'une résolution omnibus traitant le problème iraquien dans son ensemble. Le texte soumis aujourd'hui vise à forcer le Conseil à adopter le plus vite possible la résolution d'ensemble. La Chine ne saurait accepter l'idée que la fin de la semaine prochaine soit considérée comme date butoir pour les négociations sur cette résolution. Pour la Chine, la présente résolution n'aide en rien à la recherche d'une résolution d'ensemble. Les préoccupations humanitaires n'ayant pas été prises en compte, la Chine a décidé de s'abstenir.

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M. MARTIN ANDJABA (Namibie) a déclaré que la question du programme "pétrole contre nourriture" préoccupe sa délégation depuis qu'elle siège au Conseil de sécurité. Il a déclaré que la décision prise aujourd'hui par le Conseil de sécurité menace ce programme. Sa délégation a voté en faveur du projet de résolution, en espérant qu'il sera possible de parvenir à un consensus sur la prorogation de la phase VI du programme "pétrole contre nourriture" pour une période de six mois.

M. VAN WALSUM a tenu à préciser que dans sa déclaration, il avait pensé que la non participation à l'adoption du projet était une manifestation de la volonté d'éviter de recourir au veto.

M. DEJAMMET a affirmé que dans certains cas, rarissimes, certains textes, dont on sait qu'ils ne seront pas appliqués, ne devraient pas être proposés au Conseil. C'est pourquoi la France a décidé de ne pas participer au vote.

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