PI/1167

TROIS JEUNES ORPHELINS DU SIDA APPORTENT LEUR TEMOIGNAGE ET UN MESSAGE D'ESPOIR LORS DE LA JOURNEE MONDIALE DU SIDA

1 décembre 1999


Communiqué de Presse
PI/1167


TROIS JEUNES ORPHELINS DU SIDA APPORTENT LEUR TEMOIGNAGE ET UN MESSAGE D'ESPOIR LORS DE LA JOURNEE MONDIALE DU SIDA

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Mme Clinton demande à tous les acteurs sociaux d'agir ensemble pour mettre fin à la conspiration du silence autour de cette tragédie

"Ma mère est morte du sida alors que j'avais 11 mois et je n'ai aucun souvenir d'elle. Mon père, lui, est mort quand j'avais 12 ans, il était aussi atteint du sida et je me souviens très bien de lui, chaque jour plus malade et amaigri", est venu témoigner Khomsan Sang-sue-moon, jeune adolescent thaïlandais de 13 ans.

Khomsan, Andrew venu d'Ouganda, 13 ans également; et Paris, 17 ans qui vit à Harlem, à New York, ont un point commun: ils sont orphelins du sida. A quelques années d'intervalle, ils ont perdu leurs deux parents. Ils étaient souvent trop jeunes pour se souvenir du premier d'entre eux qui leur a été dérobé par l'épidémie, mais ils ont en revanche été le témoin horrifié du calvaire du deuxième. Victimes d'une tragédie qui cette année encore a coûté la vie à plus de 2,6 millions d'individus - un chiffre record -, les trois jeunes garçons ont néanmoins présenté un message d'espoir, expliquant comment avec le soutien de leur famille éloignée ou adoptive, et l'aide d'organisations gouvernementales ou non ou encore d'associations, ils ont pu surmonter leur traumatisme et aller à l'école normalement. Pour moi, si les personnes atteintes du sida cessaient d'être victimes de discrimination et d'isolement, le problème pourrait facilement être résolu", a fait observer l'un des trois jeunes garçons.

C'est avec ces témoignages de jeunes orphelins du sida que l'Organisation des Nations Unies a marqué aujourd'hui la Journée mondiale du sida, instaurée en décembre 1998. Le Président de l'Assemblée générale, M. Théo-Ben Gurirab, la Vice-Secrétaire générale de l'Organisation, Mme Louise Fréchette, le Directeur du Programme ONUSIDA, M. Peter Piot, ainsi que la Première Dame des Etats-Unis, Mme Hillary Rodham Clinton, étaient également présents à cette occasion. Pour Mme Clinton, nous avons tous la possibilité de décider, si nous laissons ces enfants de côté ou si nous joignons nos efforts et nos responsabilités pour veiller à ce que cette maladie, qui les a déjà privés de leurs parents, ne continue pas à dévaster

(à suivre leur avenir. Ce défi énorme, de dimension quasi biblique, exige les efforts de tous. La Première Dame des Etats-Unis a enjoint la communauté internationale à mettre fin à la conspiration du silence autour du sida et à venir véritablement en aide aux enfants qui en sont victimes, car il ne s'agit pas seulement de leur assurer une place dans un orphelinat, mais avant tout de leur donner l'occasion de suivre une éducation et de devenir des adultes responsables et agissants.

Le Directeur du Programme ONUSIDA, M. Peter Piot, a, quant à lui, estimé que le sida est le plus grave problème de développement humain qui frappe l'Afrique, les Caraïbes et l'Asie. En vérité, la tragédie des orphelins du sida annule les progrès de développement réalisés ces dernières décennies. Le sida tue d'ailleurs plus de gens en Afrique que la guerre, a fait observer Mme Fréchette, Vice-Secrétaire générale de l'ONU, avant d'indiquer que la gravité de la situation justifie le nouvel appel à l'action présenté aujourd'hui.

Les chiffres du programme ONUSIDA indiquent que d'ici la fin de l'année 2000, 13 millions d'enfants au total auront perdu leur mère ou leurs deux parents en raison du sida, avait en introduction rappelé le Secrétaire général adjoint aux communications et à l'information, M. Kensaku Hogen. Jusqu'à présent, plus de 50 millions de personnes ont été infectées par le VIH/sida et 16 millions d'entre elles sont déjà décédées. En Afrique, pour la première fois, le nombre de femmes séropositives âgées de 15 à 49 ans est supérieur à celui des hommes séropositifs. La moitié des personnes infectées cette année a moins de 25 ans (dont 500 000 nouveaux-nés) et mourront probablement avant l'âge de 35 ans. En fait, dans certaines régions d'Afrique, le sida a ramené l'espérance de vie à des niveaux sans précédent depuis les années 60.

JOURNEE INTERNATIONALE DU SIDA: "LES ENFANTS LAISSES POUR COMPTE"

Déclarations

M. THEO-BEN GURIRAB, Président de l'Assemblée générale, a attiré l'attention sur le fait que d'ici la fin de son discours 25 personnes au moins seront mortes du sida, laissant derrière eux des enfants seuls pour faire face à un avenir incertain. Il y a aujourd'hui des millions d'orphelins du sida. Si ces orphelins vivaient en Europe ou en Amérique du Nord plutôt qu'en Afrique subsaharienne, on parlerait déjà de tragédie humaine. En outre, selon les chiffres de la Banque mondiale, le sida tuera près de 15 000 professeurs en Tanzanie d'ici 2010 et 27 000 dans les dix ans qui suivront. La formation de professeurs pour les remplacer coûterait 37,8 millions de dollars à un pays qui souffre déjà du manque de ressources. D'ici cinq ans, plus d'un tiers du budget de la santé de l'Ethiopie, la moitié de celui du Kenya et les deux tiers de celui du Zimbabwe seront consacrés au traitement du sida. M. Gurirab a précisé que son propre pays, la Namibie, est l'un des plus atteints.

Le Président de l'Assemblée générale a également insisté sur le fait que l'espérance de vie en Afrique est revenue à des niveaux antérieurs à ceux des années 50. Ainsi, l'espérance de vie ne dépasserait pas 45 ans d'ici cinq à dix ans. Le sida signifie que les enfants sont privés de leurs parents, que les revenus des familles pauvres chutent encore considérablement. En Côte d'Ivoire, par exemple, le revenu des familles urbaines frappées par le sida chute de 67% et ces familles dépensent plus pour les médicaments que pour la nourriture ou l'éducation des enfants. M. Gurirab a estimé qu'il faut garder ces chiffres à l'esprit lorsqu'on examine le problème des orphelins du sida. L'Afrique ne peut faire face seule à cette crise, a-t-il ajouté.

Pour Mme LOUISE FRECHETTE, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, il n'est guère de faits plus terrifiants que ceux du sida. Aujourd'hui, il s'agit d'examiner un nouvel aspect de cette tragédie humaine: la tragédie des enfants orphelins du sida. Depuis l'apparition de cette épidémie, plus de 11 millions d'enfants ont perdu leur mère, et malheureusement ce n'est que le commencement. Au cours de la prochaine décennie, on s'attend en effet à voir croître le nombre des orphelins du sida sur tous les continents, de l'Asie aux Amériques en passant par la Communauté des Etats indépendants. Mais l'Afrique est d'ores et déjà confrontée à un désastre sans pareil dans l'histoire humaine, puisqu'elle abrite 90% des orphelins du sida. En vérité, le sida tue désormais plus de gens en Afrique que la guerre. La plupart des victimes sont jeunes, dans la fleur de l'âge, alors que leurs capacités de gain et de devenir parent sont à leur maximum. Dans certains pays africains, un enfant sur dix lutte pour survivre, après avoir perdu sa mère.

La moitié des 5,6 millions de personnes qui ont été infectées cette année par le virus ont moins de 25 ans, a indiqué la Vice-Secrétaire générale. Ces personnes décèderont selon toute vraisemblance avant d'atteindre 35 ans, laissant derrière eux des orphelins traumatisés et pour qui la perte d'un ou des parents risque d'être aggravée par l'opprobre qui accompagne cette maladie encore trop souvent synonyme de honte. Ce sont généralement les fillettes qui souffrent le plus, a fait remarquer Mme Fréchette, ajoutant que ces jeunes n'ont personne vers qui se tourner. Au fur et à mesure que meurent les jeunes adultes en effet, les familles, les collectivités et même les gouvernements ont de plus en plus de mal à se défendre et à prendre soin des orphelins et de tous ceux qui sont laissés pour compte.

Il n'est plus possible de penser que le sida est le problème des autres, a insisté ensuite Mme Fréchette. Cette crise exige que le monde entier travaille de concert, ainsi que le programme ONUSIDA en montre la voie. "Les partenariats sont ce qu'il nous faut si nous voulons aider les enfants laissés pour compte". C'est pourquoi aujourd'hui je joins ma voix à celle du Docteur Piot pour lancer un appel à l'action. Nous devons agir sur tous les fronts contre cette tragédie humaine et apporter l'espoir à ceux qu'elle frappe. "Faisons de cette action, notre mission pour le prochain millénaire!".

M. PETER PIOT, Directeur exécutif du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), a déclaré que cette Journée mondiale du sida offre l'occasion de donner un nouvel élan à la lutte contre le sida et de se réjouir des quelques progrès réalisés. Le sida est le plus grave problème de développement humain qui frappe l'Afrique, les Caraïbes et l'Asie. Cent cinquante millions de l'aide au développement ont été consacrés à la lutte contre le sida en Afrique, ce qui est grandement insuffisant. La tragédie des orphelins du sida était inimaginable il y a une dizaine années. Le sida annule les progrès de développement réalisés ces dernières décennies. Le sida est une crise qui frappe les enfants qui perdent leurs parents et les personnes âgées qui doivent s'occuper d'enfants en bas-âge. D'ici la fin de l'année, 33,6 millions d'hommes, de femmes et d'enfants vivront avec le sida, près de 95% d'entre eux dans les pays en développement, la plupart en Afrique. Ceux qui luttent contre cette tragédie vont avancer des propositions.

M. Piot a présenté le travail d'ONUSIDA qui travaille avec l'UNICEF et la National Black Leadership Commission on AIDS, ainsi qu'avec d'autres institutions. En outre ONUSIDA s'emploie à accélérer les recherches pour un vaccin, le seul moyen de prévenir et de contrôler l'épidémie. Il convient aujourd'hui de construire un cadre afin de venir en aide aux orphelins du sida. Il importe aussi de se demander comment empêcher que les mères soient infectées et meurent.

Mme HILLARY RODHAM CLINTON, Première Dame des Etats-Unis, a salué le courage des enfants venus aujourd'hui témoigner et présenter un message d'espoir; celui du potentiel qui existe malgré tout pour les 11 millions d'orphelins du sida de part le monde. Ce potentiel peut être soit libéré, soit gaspillé, a-t-elle averti, concluant que le résultat dépend en fait de nous tous, décideurs, gouvernants ou citoyens. "Nous avons tous la possibilité de décider, si nous laissons ces enfants de côté ou si nous joignons nos efforts et nos responsabilités pour veiller à ce que cette maladie, qui les a déjà privés de leurs parents, ne continue pas à dévaster leur avenir". Le défi est énorme, il s'agit d'un fléau pratiquement biblique, a reconnu Mme Clinton, car en moins de 20 ans, le sida a fait 20 millions de victimes; toutes les 5 secondes, un homme, une femme ou un enfant est infecté par le virus, et d'ici 5 ans, 100 millions d'êtres humains auront été infectés. L'ombre du virus continue d'obscurcir de manière terrible l'avenir du monde en développement qui abrite 90% des victimes, a insisté la Première Dame, avant d'estimer que même si pour beaucoup d'entre nous ces statistiques ne sont que trop connues, nous n'avons pas le droit de laisser le reste du monde y faire la sourde oreille.

"Je suis hantée par le visage d'une petite fille de 12 ans en chaise roulante, rencontrée dans un refuge pour anciennes prostituées en Thaïlande", a confié Mme Clinton, précisant que décédée peu de temps après sa visite, elle ne peut depuis s'empêcher d'imaginer ce que sa vie sans le sida aurait pu être. On sait que d'ici à l'an 2010, 40 millions d'enfants seront devenus orphelins du sida. Des individus dont le nombre équivaut à la totalité de la population de l'Afrique du Sud sont en danger direct. Pour les enfants laissés pour compte, le parcours de l'enfance vers l'âge adulte devient terrifiant, marqué non seulement par une perte tragique, mais accompagné d'un plongeon de la pauvreté à la misère totale. Ces enfants sont le fruit d'une génération sacrifiée, et il nous faut veiller à ne pas perdre non plus complètement ces jeunes gens, mais on ne peut répondre seul au défi lancé, a prévenu Mme Clinton. Les efforts de tous, Organisation des Nations Unies, chefs de gouvernement, organisations internationales, chefs religieux, et membres du secteur privé sont indispensables. "Je me tourne particulièrement vers la communauté des affaires pour qu'elle vienne au secours de ceux qui sont dans la plus grande difficulté dans les pays en développement", a déclaré la Première Dame des Etats-Unis. Elle a ajouté également que plus que jamais, les enfants méritent l'attention de ceux qui sont placés aux échelons les plus élevés des gouvernements; elle ne doit pas être limitée aux seuls Ministres de la santé, car le sida pèse sur tous les secteurs de la société. Dans bien des régions de pays en développement, il est difficile par exemple aux employeurs de trouver des travailleurs en bonne santé.

Pour Mme Clinton, il faut impérativement comprendre que le sida n'est pas seulement une crise de santé, mais une crise internationale, et il est temps de mettre fin à la conspiration du silence autour du sida. Le problème est accablant, difficile; il s'adresse directement à notre sens de l'humanité et de la moralité, a-t-elle admis avant d'ajouter qu'il ne stoppera pas simplement parce que l'on cesse d'en parler. Il faut en conséquence lutter contre l'ignorance qui empêche la diffusion de l'information sur cette épidémie. Mme Clinton a appelé tous les pays à suivre les exemples des gouvernements de l'Ouganda et de la Thaïlande qui ont déployé des efforts énormes et payants en matière de prévention de la maladie. Elle a lancé un défi aux dirigeants de tous les pays pour qu'ils viennent véritablement en aide aux enfants victimes du sida, car il ne s'agit pas seulement de leur assurer une place dans un orphelinat, mais avant tout de leur donner l'occasion de suivre une éducation et de devenir des adultes responsables et agissants. Dans cette perspective, elle a indiqué que les Etats-Unis vont doubler cette année leurs efforts financiers pour la lutte contre le sida en Afrique. Et, elle a précisé qu'elle entendait bien que cet effort particulier ne soit pas seulement ponctuel. Toutes les nations doivent oeuvrer ensemble au sein d'une campagne globale, a-t-elle affirmé, avant de déclarer en conclusion que "nous devons cesser de chercher des coupables, pour passer à l'espoir et endiguer la pandémie. Il n'est rien de plus urgent pour nous aujourd'hui que d'avoir la conviction que nous pouvons vaincre cette épidémie".

Trois orphelins du sida parlent de leur expérience

KHOMSAM SANG-SUE-MOON, 13 ans, de Thaïlande, ANDREW JACKSON OKURUT, 13 ans, Ouganda et PARIS LANE, 17 ans, Etats-Unis, répondant à ALEXANDRA BERKE, 15 ans, reporter pour Children's express, ont déclaré d'une seule voix qu'il importe de ne pas perdre confiance et de rester forts face à cette maladie qui, lorsqu'elle ne tue pas, peut permettre de resserrer les liens familiaux et communautaires. Andrew Jackson Okurut s'est accroché à la composition du livre de souvenirs qu'il a commencé avec sa mère et continué avec l'aide de la "Communauté des femmes vivant avec le sida" qui lui donne aussi le courage d'aller à l'école. Khomsam Sang-sue-moon a lui aussi parlé de courage et de confiance en exprimant sa reconnaissance à tous ceux qui, dans son quartier, l'avaient aidé.

Paris Lane a toutefois remarqué que cette tragédie l'a obligé à faire le tri dans ses amis et à choisir ceux à qui il pouvait parler de son expérience et qui étaient prêts à le soutenir. Ayant des frères et soeurs plus jeunes, il veut pouvoir les protéger en étant un exemple et un modèle. Tous ont parlé de cette expérience comme un test de la confiance et affirmé qu'aujourd'hui, ils étaient déterminés à poursuivre leur éducation le plus loin possible.

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