En cours au Siège de l'ONU

CS/1118

PREVENTION DES CONFLITS: APPUI AU RENFORCEMENT DES MECANISMES D'ALERTE RAPIDE ET DE LA CAPACITE D'INITIATIVE DU SECRETAIRE GENERAL

29 novembre 1999


Communiqué de Presse
CS/1118


PREVENTION DES CONFLITS: APPUI AU RENFORCEMENT DES MECANISMES D'ALERTE RAPIDE ET DE LA CAPACITE D'INITIATIVE DU SECRETAIRE GENERAL

19991129

Le Conseil de sécurité a consacré, cet après-midi, un débat à la question de son rôle dans la prévention des conflits armés. Comme l'a déclaré le Gabon, il aurait été anormal que le Conseil n'aborde pas cette question alors même qu'il a fait l'objet de vives critiques lors de conflits qui ont éclaté à travers le monde, en particulier en Afrique. Les explosions de la violence au Rwanda et en Bosnie-Herzégovine ont été évoquées par de nombreuses délégations, dont les Etats-Unis, pour illustrer "ce que le Conseil de sécurité a manqué de faire". Renouvelant son appel à passer d'une culture de la réaction à une culture de la prévention, le Secrétaire général, M. Kofi Annan, a souligné que les efforts de l'ONU, entrepris depuis deux ans, pour renforcer sa capacité de prévention resteront vains sans un engagement renouvelé du Conseil de sécurité en faveur de cette culture de la prévention, prévue par la Charte des Nations Unies. Cet appel a été reçu favorablement par la plupart des délégations, comme celle de la France qui a précisé "qu'en matière d'action préventive, on ne peut isoler le rôle du Conseil de sécurité des responsabilités et compétences d'autres organes des Nations Unies". Le représentant français a expliqué cela par le fait que les conflits trouvent leur source dans des considérations complexes qui touchent la politique, l'économie, les structures institutionnelles ou la situation sociale.

Si la coopération du Conseil de sécurité avec le Conseil économique et social, les fonds et programmes des Nations Unies et les institutions de Bretton Woods a été jugée nécessaire, l'accent a surtout été mis sur le rôle du Secrétaire général. Le Royaume-Uni a, par exemple, plaidé pour que ce dernier jouisse de la liberté nécessaire pour rechercher des approches novatrices de diplomatie préventive. Le renforcement de la capacité d'alerte rapide et d'analyse du Secrétariat de l'ONU a été cité comme une priorité. Le Secrétaire général a recommandé au Conseil la création en son sein d'un organe subsidiaire pour étudier les questions d'alerte rapide et de prévention, et l'institution de réunions régulières pour identifier les domaines nécessitant une action préventive urgente. Rien ne saurait être plus efficace qu'une claire manifestation de la disposition du Conseil à prendre des mesures vigoureuses, a-t-il estimé, en réitérant son appel en faveur d'un consensus sur l'intervention, dans son acceptation la plus large.

(à suivre - 1a) - 1a - CS/1118 29 novembre 1999

Invoquant le principe de la non-ingérence, des délégations, comme la Fédération de Russie ou la Chine, se sont opposées à toute intervention de l'ONU sans l'accord du Conseil de sécurité. Le Royaume-Uni a, lui, rejoint par d'autres délégations, estimé que le rétablissement du rôle légitime des Nations Unies dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales dépend de son adaptation à un monde où l'Etat souverain a été redéfini par la mondialisation et où cet Etat est reconnu comme le serviteur du peuple et non le contraire.

La question de la prévention des conflits a également incité de nombreuses délégations à appeler à une coopération accrue entre l'ONU et les organisations régionales. La démobilisation, la réinsertion des anciens combattants et l'élimination de l'accumulation et de la circulation illicite des armes légères ont également été évoquées comme éléments de prévention des conflits. A ce titre, la France a exprimé son intention de proposer la négociation d'un instrument rendant obligatoire le marquage de ces armes, lors de la Conférence sur les armes légères et de petit calibre prévue en 2001.

Outre le Secrétaire général des Nations Unies, les représentants des Etats Membres suivants du Conseil ont pris la parole: Etats-Unis, France, Argentine, Canada, Royaume-Uni, Chine, Fédération de Russie, Bahreïn, Malaisie, Brésil, Gabon, Gambie, Namibie et Pays-Bas. Les pays suivants se sont également exprimés: Jamahiriya arabe libyenne, Finlande (au nom de l'Union européenne et des pays associés), Emirats arabes unis, Afrique du Sud, Australie, Soudan, République de Corée, Bélarus et Japon.

Le Conseil de sécurité poursuivra son débat demain, mardi 30 novembre, à 10 heures.

LE ROLE DU CONSEIL DE SECURITE DANS LA PREVENTION DES CONFLITS ARMES

Déclarations

M. KOFI ANNAN, Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, a souligné que la prévention des conflits armés constitue l'un des grands défis auxquels sont confrontées aujourd'hui les Nations Unies. Nous devons, a dit le Secrétaire général, passer d'une culture de la réaction à une culture de la prévention. La prévention est simplement rentable autant en termes financiers qu'en termes humains. La plupart des pays reconnaissent aujourd'hui cette assertion comme une proposition générale même si, dans certains cas, des arguments visant à refuser ou à retarder l'action préventive peuvent être avancés. Les personnes impliquées dans les conflits peuvent soit être réticentes à reconnaître le danger soit considérer l'action préventive comme une ingérence. Dans d'autres cas, l'une ou l'autre partie au conflit peut véritablement croire que le conflit sert ses intérêts. Les personnes non impliquées peuvent, pour leur part, penser que l'action proposée est inutile ou qu'elle ne peut qu'aggraver la situation. Ayant expliqué cela, le Secrétaire général a rappelé qu'au cours des deux dernières années, l'ONU a essayé de renforcer ses capacités en matière de diplomatie préventive, de désarmement et de déploiement préventifs ainsi que de consolidation de la paix avant et après les conflits. L'ONU essaye, en particulier, d'améliorer ses capacités d'alerte rapide et d'analyses, ainsi que la coordination entre le différents départements, fonds et institutions. Elle s'efforce aussi, a ajouté le Secrétaire général, d'intensifier sa coopération avec les gouvernements, les organisations régionales et les ONG.

Ces efforts resteront vains, a estimé le Secrétaire général, en l'absence d'un engagement renouvelé du Conseil de sécurité et de tous les Etats Membres de l'ONU en faveur d'une action préventive efficace. Pour le Secrétaire général, le Conseil devrait se servir de cette réunion pour examiner la façon de faire de la prévention une part concrète de son travail quotidien. Présentant plusieurs recommandations, le Secrétaire général a suggéré au Conseil de recourir plus fréquemment aux missions d'établissement des faits au stade précoce d'un différend; d'encourager les Etats à saisir plus rapidement le Conseil sur un conflit naissant; d'accorder une attention urgente aux problèmes des Etats qui subissent des contraintes économiques, écologiques et de sécurité, avec les risques connus qu'implique pour leur stabilité interne la présence d'un grand nombre de réfugiés. Le Secrétaire général a illustré ses propos en attirant l'attention sur le cas de la Guinée qui abrite actuellement 500 000 réfugiés du Libéria et du Sierra Leone. Il a également recommandé au Conseil de créer un groupe de travail informel ou un organe subsidiaire pour étudier les questions d'alerte rapide et de prévention. L'institution de réunions régulières sur la prévention pour identifier les domaines qui exigent une action préventive urgente, fait également partie des recommandations du Secrétaire général.

Il a aussi attiré l'attention sur la question des ressources, en arguant que bien que rentable, l'action préventive n'est pas gratuite. Le Secrétaire général a regretté, à cet égard, le manque "endémique" de ressources pour les actions préventives.

Pour le long terme, le Secrétaire général a conseillé au Conseil de traiter des causes originelles des conflits qui se trouvent souvent dans les sphères économiques et sociales. La pauvreté, la répression, l'existence de gouvernements antidémocratiques, le sous-développement endémique, la faiblesse ou la non-existence d'institutions, la discrimination politique et économique entre communautés ethniques ou religieuses ont été citées par le Secrétaire général comme autant de causes à long terme de nombreux conflits. Il est souligné que chaque Etat Membre assume la responsabilité de prévenir les conflits par la pratique de la bonne gouvernance. Il leur revient de résoudre les différends internes pacifiquement et par le biais de la négociation. Si la guerre est le pire ennemi du développement, le développement sain et équilibré est la meilleure forme de prévention des conflits à long terme.

Il appartient au Conseil d'aider les Etats Membres à éliminer les causes à long terme des conflits. Le Secrétaire général a reconnu que de nombreuses causes relèvent de la compétence de diverses institutions du système des Nations Unies dont celles de Bretton Woods, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Conseil économique et social et même la Cour internationale de Justice. Le Secrétaire général a pourtant appelé le Conseil à prendre l'initiative et à organiser une discussion sur ces questions tout aussi nombreuses que complexes, au cours d'une réunion qui pourrait se tenir pendant l'Assemblée du millénaire. Le Secrétaire général a conclu en réitérant son appel en faveur d'un nouveau consensus sur l'intervention, dans son acception la plus large, a-t-il précisé. Il a une nouvelle fois déclaré que rien ne saurait être plus efficace, pour empêcher les pays et les parties à recourir à des mesures extrêmes qui caractérisent trop souvent les conflits actuels, qu'une claire manifestation de la disposition du Conseil de sécurité à prendre des mesures vigoureuses lorsqu'il est confronté à des crimes contre l'humanité. Le Secrétaire général a émis l'espoir que la réunion d'aujourd'hui aidera les Nations Unies à forger un nouveau consensus sur ces questions vitales et replacera la prévention à la place qui lui revient de droit, à savoir la responsabilité première du Conseil de sécurité et de l'Organisation des Nations Unies, dans son ensemble.

M. RICHARD HOLBROOKE (Etats-Unis) a déclaré que bien que la Charte de l'Organisation définisse clairement le rôle de chaque organe des Nations Unies dans la prévention des conflits, la réunion qui se tient aujourd'hui permet de discuter plus en détails d'une question relative au rôle spécifique du Conseil de sécurité dans ce domaine. Rentrant du Timor oriental, a poursuivi le délégué, nous pouvons affirmer que les décisions prises par le Conseil de sécurité ont permis de mettre fin à la violence dans ce territoire.

Dans deux jours, a dit M. Holbrooke, je me rendrai dans plusieurs pays africains, dont l'Angola, le Rwanda, l'Ouganda et la République démocratique du Congo, où j'aurai l'occasion de me rendre compte de l'action de l'ONU. Les défis que nous devons relever aussi bien au Timor oriental qu'au Kosovo, en Sierra Leone et dans d'autres endroits de la planète en crise, nous rappellent que la guerre et la violence continuent de causer encore trop de tragédies humaines. Malgré les progrès spectaculaires accomplis au cours du siècle présent dans les domaines de la santé, de la science et de la technologie, et même de la diplomatie, trop de gens continuent de penser que la guerre et la violence sont les seuls moyens de résoudre les différends. Nous nous devons de faire face à ce genre d'attitude, et nous devons être inéquivoques dans la manière dont nous faisons face aux conflits armés en faisant clairement la distinction entre leurs causes et leurs effets. Le Conseil de sécurité et les autres institutions de l'ONU sont indispensables pour faire face aux conséquences des conflits armés, ce que ne pourraient faire individuellement les gouvernements.

Il est de notre devoir, en tant que représentants de nos gouvernements, a dit le représentant, de faire face aux causes des conflits, un domaine dans lequel l'action de la communauté internationale a jusqu'ici laissé à désirer. La Bosnie et le Rwanda sont des exemples de ce qui aurait dû être fait, mais rien n'a été entrepris, comme le reconnait le récent rapport du Secrétaire général sur le cas de Srebrenica. Nous devons désormais faire mieux, d'abord en rendant les dirigeants des pays en conflits responsables de leurs actions, mais aussi en orientant nos initiatives davantage vers la prévention. La promotion de la démocratie, des droits de l'homme, de l'état de droit, et de l'égalité dans les opportunités économiques, est le chemin le plus sûr vers la stabilité et le développement international. L'engagement du Secrétaire général et du Conseil de sécurité dans la prévention des conflits doivent être accrus et les Etats-Unis souhaitent que les organisations régionales, en Afrique, en Amérique latine et en Europe, qui ont montré qu'une intervention rapide pouvait empêcher les conflits de dégénérer, soient soutenues. Nous voulons aussi que l'ONU collabore avec les institutions financières internationales pour qu'elles puissent aussi répondre à cet appel de la prévention, et enfin, nous pensons que nous devrions tous mieux aider l'ONU à améliorer ses capacités de recrutement et de déploiement d'officiers de police civile.

M. ALAIN DEJAMMET (France) a fait remarquer que l'action préventive requiert souvent la discrétion et l'opiniâtreté, vertus qui s'accommodent mal des contraintes d'un monde médiatisé. Parfois, il peut être utile que le Conseil de sécurité se saisisse ouvertement d'une question afin de mobiliser l'attention et de faire pression sur les parties. Dans d'autres cas, en revanche, il peut s'avérer préférable d'agir dans la discrétion. La plupart des conflits actuels sont de nature interne. Leur prévention peut ainsi être perçue comme une entorse au principe de souveraineté des Etats.

Pourtant, si on ne fait rien suffisamment tôt, une crise interne peut rapidement dégénérer en un conflit armé qui, dans beaucoup de cas, a des répercussions internationales et peut déstabiliser toute une région. Il nous faut donc trouver un équilibre entre ces préoccupations apparemment contradictoires de façon que le Conseil de sécurité puisse être saisi suffisamment tôt pour enrayer une spirale de violence qui risque de déboucher sur un véritable conflit. M. Dejammet a ajouté, à ce propos, que le texte de la Charte, sur le plan juridique, n'exclut pas que le Conseil débatte d'une situation interne citant à cet effet les Articles 34 et 39.

Le représentant a déclaré que l'on ne peut pas, en matière d'action préventive, isoler le rôle du Conseil de sécurité des responsabilités et compétences d'autres organes des Nations Unies, et au-delà, des organisations régionales et des Etats Membres. Le rôle éminent que doit jouer le Secrétaire général dans la prévention des conflits, pour alerter le Conseil sur les situations qui lui semblent susceptibles de dégénérer, et pour conduire, avec le soutien du Conseil, des actions de diplomatie préventive, exige qu'il s'appuie sur une expertise au sein du Secrétariat, et sur des moyens d'information et d'alerte précoce. Le renforcement du Secrétariat dans ces domaines ne doit donc pas reposer sur des contributions volontaires. Comme l'avait relevé le Secrétaire général dans son rapport sur l'Afrique, la meilleure des préventions passe par le traitement des causes profondes des conflits, notamment les conflits internes. Ceci suppose que les Etats, assistés par les donateurs et les organisations internationales, assurent un développement durable, soient attentifs à la redistribution sociale, veillent à la bonne gouvernance, au partage du pouvoir, à la démocratisation, au respect des droits de l'homme, et à la protection des minorités.

La lutte contre l'accumulation et l'usage illicite des armes de petit calibre, dont 500 millions circulent à travers le monde, et sont responsables de 90% des morts causées par la majorité des conflits de l'après-guerre froide, est par excellence une action de prévention des conflits. A ce sujet, la France a l'intention de proposer la négociation d'un instrument rendant obligatoire le marquage de ces armes, lors de la Conférence sur les petites armes prévue en 2001. Nous saluons à cet égard les initiatives de moratoire sur les petites armes prises par certains pays comme le Mali, et qui touche toute l'Afrique de l'Ouest. Dans le même esprit, les programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration des ex-combattants ont un aspect autant préventif que curatif, et méritent le soutien du Conseil. Nous formons le voeu que le débat que nous avons aujourd'hui stimule les volontés et les imaginations, et que la déclaration présidentielle qui sera lue à la fin de cette réunion, rappelle les procédures et les moyens dont dispose le Conseil de sécurité pour exercer efficacement son rôle en matière de prévention des conflits.

M. FERNANDO PETRELLA (Argentine) a indiqué que la notion de sécurité va aujourd'hui plus loin que la régulation de l'armement et, de ce fait, les organes des Nations Unies se doivent de protéger l'être humain et d'affronter les défis d'un monde changeant. Du fait de la mondialisation, il est devenu aujourd'hui impossible de faire front de manière unilatérale et il importe de s'attaquer simultanément aux causes immédiates et profondes des conflits qui, la plupart du temps, trouvent leur origine dans les inégalités économiques et sociales. M. Petrella a attiré l'attention sur le fait qu'un meilleur accès aux marchés des pays en développement est bénéfique pour tous et réduit les demandes d'assistance.

M. Petrella a estimé que la diplomatie et le désarmement préventifs sont les meilleures stratégies à court et moyen terme pour empêcher l'escalade vers la guerre. La prévention, a-t-il ajouté, doit se fonder sur une connaissance précise des faits, une bonne analyse de la situation mondiale et devra recueillir l'adhésion de tous. Selon lui, la capacité d'adopter des mesures de prévention conformes à la Charte des Nations Unies appartient principalement au Conseil de sécurité où la volonté politique de tous est importante. Il a rappelé que la Charte, notamment dans son Article 34, donne au Conseil la possibilité d'enquêter sur tout différend ou toute situation qui pourrait entraîner un désaccord et, en cas de nécessité, prévoit, dans son Chapitre VII, l'application de mesures préventives n'impliquant pas l'emploi de la force armée. Le Conseil se doit donc d'explorer et d'approfondir tous les ressorts de la diplomatie préventive. A cet égard, M. Petrella a cité la mission du Conseil de sécurité à Jakarta et à Dili, en septembre dernier, qui s'est avérée un moyen efficace de prévenir une situation de crise.

M. Petrella a considéré comme essentielle la collaboration entre le Conseil de sécurité et le Secrétaire général pour détecter à temps les situations qui pourraient poser une menace à la paix et à la sécurité et permettre au Conseil de prendre les mesures nécessaires. Il a insisté sur le fait que les tribunaux internationaux contribuent à faire passer le message que l'impunité ne sera plus tolérée. Cette fonction sera renforcée par l'entrée en vigueur du Statut de la Cour criminelle internationale de Rome, a-t-il ajouté. Les organisations régionales ont également un rôle important à jouer et peuvent s'avérer extrêmement utiles pour coordonner les efforts des Nations Unies. M. Petrella a formulé l'espoir que les décennies à venir permettront d'établir un monde où les intérêts de la sécurité collective prévaudront sur les intérêts nationaux, ce qui représente le seul moyen de prévenir les conflits et de maintenir une paix durable.

M. ROBERT R. FOWLER (Canada) a déclaré appuyer sans réserve l'appel lancé par le Secrétaire général en faveur de l'adoption d'une culture de prévention des conflits armés. Même la plus coûteuse de ces politiques de prévention est bien moins coûteuse en vies humaines et en ressources que les mesures adoptées dans le cadre de la culture d'intervention après-coup qui

prévaut actuellement. Le Canada estime que dans son mandat, tel qu'inscrit dans la Charte, rien n'interdit au Conseil d'entreprendre une action préventive pour préserver la paix et la sécurité internationales. Il faudrait pour cela qu'il adopte une définition plus large de la sécurité prenant en compte les multiples facteurs qui alimentent le conflit, de façon à le juguler dès qu'en apparaissent les tout premiers signes et manifestations. Il s'agit d'accorder davantage d'attention aux menaces qui pèsent sur la sécurité humaine, a poursuivi le représentant, estimant qu'une intervention rapide et efficace exige une prise de décisions politiques de la part d'un Conseil qui a le pouvoir discrétionnaire de décider ce qui constitue une menace pour la paix et la sécurité. Pour le Canada, une action préventive rapide de la part du Conseil, qu'elle soit persuasive ou coercitive, contribuera à éviter à la fois l'émergence et l'escalade du conflit, ce qui aura un effet dissuasif non négligeable. M. Fowler a insisté à cet égard sur le rôle des tribunaux pénaux internationaux et de la Cour pénale internationale, qui seront à l'avenir en mesure de prouver à tous ceux qui seraient tentés de violer les droits de l'homme qu'ils auront à rendre compte des génocides, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.

De l'avis du représentant, les fonctions du Secrétaire général offrent au Conseil la possibilité de faire office de médiateur, d'enquêter sur les litiges, de promouvoir le dialogue, d'envoyer des émissaires pour la paix. Le Conseil devrait avoir recours plus systématiquement aux dispositions relatives au règlement pacifique des différends, notamment en entreprenant ses propres enquêtes sur les conflits potentiels et en encourageant les Etats Membres à soumettre ces questions à l'attention du Conseil. Il faudrait aussi envoyer des délégations composées de membres du Conseil dans des Etats en proie à des situations conflictuelles, pour prouver aux belligérants réels ou potentiels la détermination et l'engagement des Nations Unies.

Pour ce qui est des procédures et des méthodes de travail du Conseil, le Canada estime que ce dernier doit s'adapter au nouveau contexte de la sécurité en abandonnant ses séances à huis clos et réservées à des privilégiés, et élargir son éventail d'interlocuteurs et de sources d'information. Il pense qu'une place plus large devrait être faite à la participation d'Etats qui ne sont pas membres du Conseil à ses délibérations. Le Conseil devrait également envisager d'appliquer de nouvelles dispositions favorisant l'interaction avec des acteurs autres que les Etats. Rappelant que dans son rapport sur la protection des civils dans les situations de conflit armé, le Secrétaire général a demandé au Conseil d'être plus réceptif aux signes précurseurs d'un conflit éventuel, le représentant s'est prononcé pour la poursuite de la pratique visant à informer le Conseil sur les questions humanitaires et a suggéré de demander aux rapporteurs spéciaux et au Haut Commissaire des droits de l'homme de lui présenter des rapports réguliers. Il a appuyé la création de groupes de travail d'experts du Conseil chargés de suivre des situations explosives. Le Canada soutient sans réserve la coopération entre le

Conseil et les organisations régionales et sous-régionales chargées de la sécurité dans le cadre des efforts visant à éviter les conflits. Toutefois, a précisé M. Fowler, les efforts visant à éviter des conflits déployés au niveau local ou régional exigent souvent une impulsion que seul un engagement actif de la part du Conseil peut leur donner.

Sir JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a, en termes d'action préventive, jugé important que le Secrétaire général ait tout l'appui qu'il lui faut pour travailler pour la paix de sa propre initiative. Cela signifie, a précisé le représentant, la création d'une capacité au sein du Secrétariat des Nations Unies qui soit capable de fournir des analyses précises des conflits potentiels. Il faut également, a estimé le représentant, renforcer la capacité du Département des opérations de maintien de la paix à déployer rapidement des soldats de la paix, des éléments de police et des fonctionnaires pour prévenir la désintégration des accords de paix. Les efforts de prévention impliquent également que les fonds, programmes et institutions spécialisées des Nations Unies, accordent une attention accrue à ces questions. Le Secrétaire général, a insisté le représentant, doit jouir de la liberté de travailler à des approches novatrices de diplomatie préventive. Pour assurer le succès, le Secrétaire général doit être en mesure de mener ces efforts, à sa discrétion et selon son propre jugement tactique.

Pour leur part, a poursuivi le représentant, les Etats Membres doivent jouer un plus grand rôle, en particulier en Afrique. Ils doivent aider l'Organisation de l'unité africaine (OUA) et les autres organisations régionales à jouer un rôle plus actif dans la prévention des conflits. A cet égard, le représentant a annoncé que son pays vient de s'engager à octroyer 1 million de dollars pour l'élargissement de la capacité du Centre de la gestion des conflits de l'OUA. Le fait que de nombreux conflits soient de nature interne, a ajouté le représentant, ne doit pas disqualifier le Conseil qui doit pouvoir prendre les mesures nécessaires pour les résoudre. Nous ne pourrons rétablir le rôle légitime des Nations Unies dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales que lorsque nous nous serons adaptés à un monde où l'Etat souverain a été redéfini par la mondialisation et où l'Etat est reconnu comme le serviteur du peuple et non le contraire. Nous partageons la responsabilité d'agir lorsque nous sommes confrontés à un génocide, à des déplacements massifs de population et à des violations graves du droit international humanitaire, a poursuivi Sir Jeremy. Cela ne signifie pas forcément le recours à la force, a-t-il expliqué. Cela veut dire la pratique d'une diplomatie préventive déterminée sans publicité et plus novatrice dans ses idées et sa mise en oeuvre. L'action préventive peut prendre différentes formes, a ajouté le représentant en insistant sur le fait que l'action militaire n'est pas toujours souhaitable ou réalisable.

Pour lui, le recours à la force en réponse aux crises humanitaires doit se faire dans un cadre précis. Il doit se fonder sur une compréhension commune des circonstances et des conditions attachées à l'action. La force, pour le représentant, doit toujours être un instrument de dernier recours. Elle doit être limitée dans sa portée et être proportionnelle à l'objectif humanitaire de prévention des pertes en vies humaines. Pour que les Nations Unies réalisent leurs objectifs, le Conseil doit travailler de concert avec le Secrétaire général, les fonds, les programmes et les institutions des Nations Unies, et avec les Etats Membres dans leur ensemble, a conclu le représentant.

M. QIN HUASUN (Chine) a déclaré que si tout un ensemble de mesures peuvent être prises en vue de prévenir les conflits armés, ces mesures doivent toutefois respecter un principe général, qui est celui du respect des propos et principes de la Charte des Nations Unies. L'histoire prouve que les actions de l'ONU ont été suivies de succès chaque fois que les principes de la Charte avaient été respectés, et que l'échec avait toujours suivi les violations et le non-respect de la Charte. Ceci est autant valable dans la prévention des conflits que dans la résolution des crises régionales. Les actions du Conseil de sécurité devraient donc viser la résolution pacifique des conflits, au lieu de les exacerber ou d'en créer de nouveaux. La Chine pense que toutes mesures préventives ne devraient être prises qu'à la condition que celles-ci respectent l'indépendance politique, la souveraineté et l'intégrité territoriale de tous les pays et qu'elles tiennent compte de la volonté du gouvernement et du peuple du pays concerné. Le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats est le principe directeur des actions de l'ONU dans la prévention des conflits. Le consentement et la coopération du pays concerné doivent être acquis, et le Conseil doit écouter toutes les parties en cause.

La Chine partage les points de vue du Secrétaire général, selon lesquels la primauté du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, ne peut être outrepassée, ce qui menacerait les fondations mêmes du droit international, qui sont définies par la Charte de l'ONU. Nous pensons que vouloir prendre la place du Conseil en matière de prévention des conflits revient à vouloir prendre sa place dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Ce genre d'attitude menacerait l'autorité du Conseil et saperait les mesures reconnues de prévention des conflits, en menant à l'éclatement et à l'escalade des conflits et des crises. La prévention des perspectives de conflits armés exigera des mesures raisonnables d'aide au développement en faveur des pays en développement. Sans cette dimension, les mesures préventives ne pourront que prétendre guérir des symptômes sans éliminer les causes du mal. Nous pensons que l'Afrique ne devrait plus être le sujet de simples discours, et que le monde ne devrait plus, en matière de prévention et de résolution de conflits, adopter la politique des deux poids et deux mesures.

M. GENNADY GATILOV (Fédération de Russie) a estimé que les questions de principe en matière de stratégie préventive doivent rester du domaine du Conseil de sécurité. Il a, à cet égard, mis l'accent sur le fait que toute atteinte au rôle du Conseil, en matière de paix et de sécurité internationales, mettrait en doute les bases du droit international que constitue la Charte des Nations Unies. Le représentant a encouragé le Conseil à utiliser la panoplie de moyens qui lui sont disponibles pour empêcher que des différends ne dégénèrent en affrontements armés. Il a toutefois jugé important que les moyens de prévention respectent le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, arguant que seul un accord de l'Etat concerné peut servir de base juridique à toute action préventive. Ainsi, a insisté le représentant, toute action de l'ONU doit-elle se faire conformément à la Charte des Nations Unies et avec l'assentiment du Conseil de sécurité. Il a indiqué par ailleurs que le respect par les Etats de leurs obligations au titre du Chapitre VI est important puisqu'il offre les moyens de régler pacifiquement les différends. Dans ce contexte, le représentant a plaidé pour un renforcement de l'efficacité des embargos sur les armes et des efforts de démobilisation et de réinsertion des anciens combattants.

Sans une solution efficace du problème de l'embargo militaire, il sera impossible de stabiliser la Province du Kosovo, a dit le représentant. La Fédération de Russie, a-t-il ajouté, appuie la participation de l'ONU aux efforts en la matière si tant est qu'un Etat le demande. Le représentant a en outre souhaité un plus grand déploiement de personnel civil dans les actions de prévention, mais il s'est opposé "par principe" à ce que les composantes d'une mission assument des fonctions coercitives. Le représentant a souligné l'importance des organisations régionales et des structures sous-régionales dans la prévention des conflits, et a expliqué qu'il était impératif que leurs activités demeurent conformes au Chapitre VIII de la Charte. Il a encouragé une répartition des tâches entre l'ONU et ces organisations sur la base de ce Chapitre avant d'assurer que son pays continuera à contribuer à la recherche de moyens permettant au Conseil de sécurité d'être plus en mesure de prévenir les conflits armés.

M. JASSIM MOHAMMED BUALLAY (Bahreïn) a estimé que, comme l'avait déclaré il y a quelques années M. Boutros Boutros Ghali, alors Secrétaire général des Nations Unies, la situation du monde actuel demande un engagement accru des Nations Unies en matière de prévention et de résolution des conflits. Malheureusement, la politique des deux poids et deux mesures empêche l'ONU, depuis un certain temps, de pouvoir efficacement agir. Les questions relatives au peuple palestinien occupé et au Golan syrien occupé par Israël, ne figurent même pas à l'ordre du jour du Conseil, certains pays faisant un usage abusif de leur droit de veto et confortant ainsi l'Etat occupant dans sa position illégitime.

Concernant la résolution des conflits, nous pensons que toute demande d'un pays pour envoyer une mission d'examination des faits sur le terrain dans les zones en conflit, doit obtenir l'aval du Conseil et des pays concernés, pour éviter les abus. Nous sommes en faveur de la résolution pacifique des conflits et nous sommes désolés du mauvais usage qui est fait des différents organes de l'ONU. Comment expliquer les contradictions et les doubles emplois que l'on constate en matière de consolidation de la paix et de maintien de la paix ? Comment le Conseil peut-il vouloir rester en dehors de cette situation ? Est-il normal que le Conseil de sécurité traîne les pieds et ne veuille pas inviter des organes comme le Conseil économique et social quand il s'agit de discuter de programmes de reconstruction après-conflit ? Nous pensons qu'une meilleure coordination devrait être établie entre les différents organes de l'Organisation. Il faudrait aussi discuter des conflits d'intérêt qui existent entre les objectifs de l'Organisation et ceux de certains de ses Etats Membres qui, ayant des intérêts dans certaines zones en conflits, procèdent à des livraisons d'armes. Nous sommes, d'autre part, opposés aux mesures d'embargo, qui ne résolvent rien, mais font souffrir inutilement des populations innocentes, tout en n'ayant pas de véritable légitimité internationale.

M. HASMY AGAM (Malaisie) a rappelé que le Conseil de sécurité, dans l'exercice de son mandat, doit respecter les principes et dispositions de la Charte des Nations Unies, et particulièrement celles ayant trait au règlement pacifique des conflits et aux mesures collectives de prévention et d'élimination des menaces à la paix, ainsi que les actes d'agression. Le Conseil agit au nom de l'ensemble des Membres de l'Organisation et, de ce fait, ses actions doivent être caractérisées par la responsabilité, la cohérence et l'égalité de traitement.

La délégation de la Malaisie, estimant qu'il vaut mieux prévenir que guérir, s'est jointe à l'appel lancé par le Conseil pour le renforcement de son rôle dans la prévention des conflits armés. Le Conseil a souligné, à de nombreuses reprises, que la prévention des conflits armés passe par la protection des vies humaines et la promotion du développement humain. Il convient à présent que, dans le cadre d'une approche plus active et créative du maintien de la paix et de la sécurité internationales, le Conseil élabore des mesures concrètes et pratiques de diplomatie préventive. Les Nations Unies doivent améliorer leur processus de collecte et d'analyse d'informations et renforcer leur capacité d'alerte rapide, afin d'être en mesure de réagir rapidement et de manière appropriée dans ce type de situations. Il faut réagir avant que les conflits n'explosent et n'aient de graves conséquences humanitaires.

La prévention des conflits armés comporte plusieurs dimensions et nécessite toutes les ressources d'un système des Nations Unies complet et intégré. Il faudra que le système des Nations Unies soit uni et bien coordonné pour que l'on puisse prévenir l'émergence ou la réémergence de conflits armés. A cet égard, l'engagement actif des principaux organes et institutions des Nations Unies, tels que le HCR, l'UNICEF et le PNUD, dans les opérations de construction de la paix postconflit est fondamental pour empêcher des sociétés ravagées par la guerre en transition vers la paix de retourner à une situation de conflit armé. Il est impératif que l'Organisation surveille l'exécution des programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration des anciens combattants dans toutes les activités postconflit. L'ONU devra s'attaquer en outre aux causes profondes des conflits.

La délégation malaisienne est d'avis qu'il faudra avoir davantage recours à la diplomatie préventive et aux bons offices du Secrétaire général. L'envoi d'envoyés spéciaux et de représentants spéciaux chargés d'entreprendre des démarches diplomatiques discrètes dans des zones de conflits graves est très important. Il s'agit d'un aspect de plus en plus important de l'assistance fournie par le Secrétaire général au Conseil dans le cadre de différentes questions de paix et de sécurité. Il a noté que les opérations de maintien de la paix des Nations Unies se retrouvent entraînées dans des conflits internes qui confrontent des gouvernements légitimes et des rebelles ou des seigneurs de guerre dont le commandement est peu organisé. Dans de telles situations de conflits, il est d'une importance primordiale de défendre les personnes en péril.

Dans le contexte de cette transformation de la nature des conflits, le Conseil doit revoir ses approches passées et formuler de nouvelles stratégies. La Charte offre au Conseil la possibilité d'invoquer certaines mesures provisoires, sans avoir recours à la force, et notamment les embargos sur les armes et les sanctions ciblées. De telles sanctions ne doivent avoir aucun impact humanitaire indésiré sur la population en général. Afin de répondre aux situations de crise, y compris les catastrophes humanitaires, le Conseil est partagé entre le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des Etats et les impératifs moraux et éthiques qui commandent de mettre fin aux massacres qui se déroulent au sein de ces Etats, a poursuivi le représentant.

Le Conseil ne peut agir seul, a souligné le représentant. Toutes les parties concernées, y compris les organisations et arrangements régionaux doivent coopérer avec le Conseil. Toutefois, ceci ne dispense pas le Conseil de remplir son rôle. Malheureusement, l'impasse et la paralysie auxquelles est confronté le Conseil sont liées au processus de prise de décision qui permet l'usage ou la menace d'utiliser le droit de veto.

M. GELSON FONSECA (Brésil) a affirmé que les instruments de prévention des conflits doivent être précisés et renforcés. Le représentant a toutefois estimé que l'obstacle principal à la création d'une culture de prévention provient d'un manque de volonté de la communauté internationale. Il importe, a-t-il poursuivi, d'identifier les moyens dont dispose le Conseil pour que ses efforts en matière de prévention des conflits armés soient couronnés de succès. Le représentant a ainsi insisté sur la diplomatie, soulignant que le Conseil se trouve dans une position unique pour faire triompher la raison - à travers la négociation et la persuasion - dans des situations gouvernées par l'intolérance et l'incompréhension. Le déploiement préventif et le désarmement sont également des instruments utiles de prévention, a poursuivi le représentant. Il a insisté sur le fait que le renforcement des traités relatifs au désarmement peut créer un climat favorable à la diplomatie et, partant, a appelé de ses voeux une réactivation du processus mondial de désarmement. Le Brésil considère par ailleurs que la justice est un facteur important du respect des valeurs humaines essentielles. Dans ce contexte, le Brésil espère que le statut de la future Cour pénale internationale entrera bientôt en vigueur. Le représentant estime également que le Conseil, dans son rôle de prévention des conflits armés, peut compter sur les organisations et accords régionaux. Partant, il a appuyé la conviction du Secrétaire général qu'il ne saurait y avoir de concurrence entre les Nations Unies et lesdites organisations. Il a affirmé que dans l'esprit de la Charte, c'est de coopération et non de compétition dont il est question.

Le Brésil estime que pour assurer la légitimité de son action de prévention, le Conseil devrait respecter un certain nombre de principes. Ainsi, toute mesure de prévention devrait être adoptée moyennant consentement du ou des gouvernements intéressés, dans le plein respect de leur souveraineté. Par ailleurs, le Conseil devrait toujours veiller à prendre des mesures proportionnées à la situation visée. Enfin, ce n'est que confronté à des situations extrêmes, que le Conseil pourrait recourir à des mesures coercitives fondées sur le Chapitre VII de la Charte. Dans de tels cas, a précisé le représentant, tout devrait être fait pour s'assurer de leur conformité avec les principes du droit international. Pour le Brésil il n'existe pas un moyen universel de prévenir les conflits armés. Par conséquent, les actions de type préventif devraient toujours être définies après évaluation des spécificités propres à chaque situation. Le Brésil estime par ailleurs que le succès à long terme d'une stratégie de prévention des conflits devrait reposer sur l'idée que la communauté internationale est unie dans le combat pour le développement et la justice. Ainsi, on ne devrait jamais pouvoir justifier les atrocités ou les horreurs, telles que celles que l'on a pu constater lors de récents conflits, par un manque de développement.

M. CHARLES ESSONGHE (Gabon) a estimé qu'en cette fin de siècle, il aurait été anormal que le Conseil n'aborde pas cette question alors qu'il fait l'objet de vives critiques, ces dernières années, à l'occasion de conflits qui ont éclaté, en particulier en Afrique. La Charte des Nations Unies, a dit le représentant, contient les lignes directrices de l'action de l'ONU en faveur de la promotion, du maintien de la paix et de la sécurité dans le monde. La prévention des conflits constitue le meilleur moyen d'éviter qu'une tension ne dégénère en un conflit armé difficile et coûteux à résoudre. Le représentant s'est dit convaincu qu'un bon système ou mécanisme d'alerte rapide permettrait de détecter des signes avant-coureurs d'une menace à la paix et offrirait de meilleures chances de mener une action diplomatique préventive en direction des parties en litige. Le recours à des voies pacifiques, c'est-à-dire au dialogue ou au règlement juridique, est vivement encouragé et consacré par la Charte, a souligné le représentant, avant d'en déduire qu'en tant qu'organe investi de la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, le Conseil dispose donc du pouvoir d'influencer l'évolution d'un différend et de le régler avant qu'il ne se transforme en conflit armé.

Pour le représentant, la difficulté dans cette tâche réside à deux niveaux, à savoir la rapidité de l'action préventive et la fermeté d'un engagement réel. En ce qui concerne le premier niveau, le représentant a jugé impératif que les actions diplomatiques soient déclenchées dès la détection des signes d'une tension. Pour ce qui est de l'engagement réel, il a d'abord souligné que plusieurs conflits auraient pu être évités si, à leur stade initial, le Conseil n'avait pas "traîné les pieds". Il a toutefois convenu que dans la gigantesque tâche de la prévention des conflits, le Conseil ne détient pas un monopole et qu'il ne serait pas juste qu'il y fasse face seul. Il a donc souhaité que les Etats Membres de l'ONU, la société civile et les partenaires au développement soient mis à contribution en vue de calmer les tensions susceptibles de se transformer en conflits armés. Le représentant a appelé l'ONU non seulement à renforcer ses mécanismes d'alerte rapide mais à contribuer davantage à la création et au fonctionnement de systèmes identiques au sein d'organismes ou arrangements régionaux. Il a d'ailleurs regretté que certains systèmes déjà existants se heurtent au "lancinant" problème de financement. Le représentant a terminé sur la question de la consolidation de la paix postconflit en soulignant l'importance, dans ce contexte, de la démobilisation, du désarmement et de l'élimination des armes légères et de petit calibre.

Prévenir les conflits armés, a dit le représentant, c'est d'abord en éliminer les causes profondes qui sont surtout d'ordre économique, institutionnel et social. Il a conclu en appelant les parties à des conflits à faire preuve de responsabilité, afin de rechercher une solution négociée à leurs différends, au lieu d'opter pour des voies extrémistes. Il a aussi lancé un appel à ceux qui sont en mesure d'exercer une influence sur les parties à un différend, leur demandant de s'investir dans la prévention des conflits plutôt que dans l'aggravation des tensions au "profit d'un mercantilisme étroit et égoïste".

M. BABOUCARR-BLAISE JAGNE (Gambie) a souligné que le poids du pouvoir et du prestige dont le Conseil peut se prévaloir ne vaut que s'il fonde son action sur le principe d'équité eu égard à tous les conflits quel que soit l'endroit où ils se produisent. Depuis qu'elle siège au Conseil de sécurité, a insisté le représentant, la Gambie n'a cessé d'insister sur la nécessité de redoubler d'efforts pour montrer à la communauté internationale que tous les Membres du Conseil partagent la même détermination à résoudre les conflits. Les leçons tirées de l'expérience montrent à suffisance que bien souvent, les décisions du Conseil arrivent tard, en particulier lorsqu'il s'agit de l'Afrique. Tout en reconnaissant la responsabilité première du Conseil de sécurité en matière de paix et de sécurité internationales, le représentant a attiré l'attention sur le rôle important que peuvent jouer les organisations régionales. Il s'est félicité, à cet égard, du degré de coopération entre l'ONU et la CEDEAO et évoqué la situation en République démocratique du Congo pour espérer un degré de coopération similaire entre l'ONU et l'OUA.

Citant les conditions préalables au succès des efforts de consolidation de la paix, le représentant a mis l'accent sur la question des armes légères et de l'efficacité des embargos sur les armes. Arguant, par ailleurs, que la pauvreté est une cause profonde des conflits armés, le représentant a appelé à des efforts pour lutter contre ce fléau, demandant, notamment, une augmentation substantielle de l'Aide publique au développement (APD), au cours du prochain millénaire. A son avis, en suivant les directives énoncées dans le projet de Déclaration dont est saisi aujourd'hui le Conseil, la crédibilité de cet organe sera rétablie, la stabilité du monde assurée et le bien-être de tous à portée de main.

M. MARTIN ANDJABA (Namibie) a rappelé que les Chefs d'Etat et de gouvernement de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), réunis à Alger ont réaffirmé leur volonté de faire de l'OUA l'instrument de leur action collective en Afrique et à travers le monde pour la préservation de la paix et de la sécurité internationales. Ils ont, à ce sujet, déclaré que le Mécanisme de prévention, de gestion et de résolution des conflits de l'OUA est un outil qui mérite d'être renforcé. Ils ont cependant ajouté que, si ce Mécanisme représentait la prise par le continent africain de ses responsabilités en matière de maintien de la paix et de la sécurité, il n'exonère cependant pas les Nations Unies des obligations qui leur ont été conférées dans ce domaine par la Charte. L'ONU, et en particulier le Conseil de sécurité, doit, par conséquence, aider l'OUA à renforcer ses capacités d'alerte rapide. Nous nous félicitons, a dit le représentant, de la relation de travail croissante entre l'ONU et l'OUA dans la prévention des conflits et dans les opérations de maintien de la paix, mais nous déplorons les initiatives d'imposition de la paix entreprises sans l'aval et sans un mandat du Conseil de sécurité, et qui n'obéissent pas à l'esprit de la Charte de l'Organisation. Ce genre d'actions devrait être découragé, car elles minent la crédibilité du Conseil et diminuent son rôle dans le maintien de la paix et de la sécurité.

Le consensus de tous les Membres du Conseil est indispensable au succès des opérations de maintien de la paix, qui sont l'outil essentiel du Conseil de sécurité sur la scène internationale. Plus que jamais, la communauté internationale a besoin d'un Conseil de sécurité revitalisé, et nous pensons que la présence des Etats africains dans les deux catégories de Membres du Conseil, aiderait les pays d'Afrique à mieux assumer leur devoir dans le maintien de la paix sur le continent. C'est à ce propos que les chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Alger ont lancé un appel à la démocratisation de l'ONU et de son Conseil de sécurité, et à la reconnaissance de la place légitime de l'Afrique au sein de cet organe. Selon la Fondation Carnegie, les guerres qui ont éclaté au cours des années 90, non compris le conflit du Kosovo, ont coûté plus de 199 milliards de dollars. Cette Fondation estime en même temps que ces conflits auraient pu être évités par des actions de prévention.

M. PETER VAN WALSUM (Pays-Bas) a indiqué que ses remarques sont complémentaires à celles que fera le représentant de la Finlande au nom de l'Union européenne. Les coûts qu'entraîne un conflit armé en terme humanitaire, économique et de société excéderont toujours les dépenses liées à l'action la plus complexe de prévention, a-t-il déclaré. Pourquoi alors laissons-nous échapper tant d'occasions dans le domaine de la prévention des conflits ? La prévention des conflits par le Conseil de sécurité se fonde sur trois éléments principaux: l'alerte avancée, une attention et une action rapides. Pour que le Conseil puisse prévenir l'éclatement de conflits, il faut qu'il soit alerté à temps des crises émergentes. Le problème aujourd'hui réside cependant moins dans un manque d'alerte rapide que dans le suivi des crises. L'attitude des quinze Etats Membres du Conseil de sécurité revêt donc une importance fondamentale.

La session actuelle de l'Assemblée générale a été le témoin d'un débat passionné au sujet de la validité de la disposition de l'Article 2 paragraphe 7 du Chapitre I de la Charte des Nations Unies. Aux termes de cet article, les Nations Unies ne peuvent intervenir dans des situations qui relèvent de la juridiction interne d'un Etat. Sans vouloir faire éclater un débat similaire au sein du Conseil de sécurité, le représentant a souligné que les points de la Charte relatifs à la prévention des conflits - dans les chapitres VI et VII et dans l'Article 99 - semblent avoir été élaborés avec à l'esprit les conflits entre Etats alors que la plus grande majorité des conflits actuels figurant à l'ordre du jour du Conseil sont de nature interne. A la lumière de cette constatation, une interprétation rigide du paragraphe 7 de l'Article 2 empêcherait l'adaptation aux réalités d'aujourd'hui. Le représentant a recommandé que le Conseil de sécurité considère les rapports de la Commission des droits de l'homme et du Haut Commissaire pour les droits de l'homme comme des documents potentiels d'alerte. La Charte ne protège pas les auteurs de nettoyage ethnique et de meurtres. S'agissant du droit de veto,

il devrait être utilisé de façon restrictive, en particulier dans les situations d'urgence humanitaire. Lorsque l'on examine le rôle du Conseil de sécurité, il est enfin important de ne pas perdre de vue le rôle du Secrétaire général dans la prévention des conflits. Leurs rôles respectifs doivent se soutenir mutuellement: le Conseil et le Secrétaire général sont des partenaires, et non des concurrents, a déclaré le représentant.

M. ABUZED OMAR DORDA (Jamahiriya arabe libyenne) a souligné que comme tout organe du système des Nations Unies, le Conseil de sécurité est guidé par les buts et principes de la Charte qui évoque nommément l'action préventive. La Charte, a précisé le représentant, prévoit aussi l'égalité souveraine entre tous les Etats Membres, la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats et le non-recours à la force par un Etat contre un autre. Le mandat en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales n'est pas une fonction exclusive du Conseil de sécurité, a ajouté le représentant en expliquant que le Conseil doit assumer ses responsabilités au nom de tous les Membres de l'ONU et non au nom d'un seul membre ou d'un groupe de membres. Le non-respect par le Conseil des dispositions de la Charte ne peut donc que saper sa propre crédibilité. Il revient aussi au Conseil de respecter les accords internationaux conclus par consensus, a estimé le représentant, en insistant sur le fait que les résolutions du Conseil ne peuvent être respectées si elles n'ont pas l'accord de l'ensemble des Etats Membres. Les débats du Conseil sont donc des préalables à l'élaboration de toute résolution du Conseil, a dit le représentant, en dénonçant l'élaboration de résolutions en discussions informelles entre un groupe limité d'Etats Membres. Aujourd'hui encore, a-t-il ajouté, le projet de déclaration a été élaboré avant la tenue de ce débat.

Passant à la question de l'action préventive en tant que telle, le représentant a estimé que tout doit, en la matière, se fonder sur une définition précise de ce que constitue une menace à la paix et à la sécurité internationales et qui nécessite donc une action préventive. Il a, pour sa part, dénoncé la possession d'armes nucléaires en appelant le Conseil à jouer un rôle important dans la recherche d'une solution à ce problème, d'autant que ses membres permanents sont les principaux détenteurs de ce type d'armes. Le Conseil ne peut susciter la confiance d'autres Membres s'il continue d'agir avec passivité devant les actes d'agression de puissances nucléaires comme Israël au Moyen-Orient. Dans le même ordre d'idées, le représentant a demandé pourquoi le Conseil ne s'est pas opposé à l'agression des Etats-Unis contre la Libye en 1986.

Pour le représentant, la nouvelle tendance du Conseil est de se saisir d'un certain nombre de questions qui relèvent déjà de la compétence d'autres organes des Nations Unies. Des émissaires sont envoyés, des déclarations faites mais où sont les résolutions que tous attendent, comme par exemple celle concernant la République démocratique du Congo. Il est clair, a estimé

le représentant, que le Conseil agit en fonction de l'intérêt suscité chez les médias occidentaux. Le représentant a mis en garde contre le danger de laisser à certains Etats le loisir d'invoquer une situation humanitaire pour s'immiscer dans les affaires intérieures d'autres Etats, aux fins de satisfaire leurs propres intérêts. La Libye, a affirmé le représentant, n'est pas disposée à accepter une disposition qui donnerait à un Etat le droit d'intervenir dans les affaires internes d'un autre Etat même sous un prétexte humanitaire.

M. MARJATTA RASI (Finlande) a déclaré, au nom de l'Union européenne et des pays associés, que la prévention des conflits exige des mesures structurelles à long terme ainsi que des mesures opérationnelles à court terme. La première série de mesures implique la mise en oeuvre de mécanismes d'alerte rapide, de diplomatie, de déploiement et de désarmement préventifs. Le dernier type de mesures, en revanche, implique des activités d'édification de la paix qui passent par l'identification des causes des conflits. La Charte des Nations Unies, et notamment son Article 33, fournit un certain nombre d'instruments qui devraient et peuvent être utilisés dans le cadre des activités de prévention des conflits. Ces méthodes devront être renforcées et devront être complémentaires, a souligné le représentant. Une "échelle de prévention" facilitera l'identification de mesures de prévention appropriées à chaque étape d'un conflit en cours. Le Conseil de sécurité, qui a la responsabilité première pour ce qui est du maintien de la paix et de la sécurité internationales, devra accorder une attention particulière aux zones potentielles de conflits, notamment par la convocation de réunions régulières, et se tenir prêt à intervenir dans le cadre d'activités préventives. Certaines activités préventives traditionnelles comme l'établissement de zones démilitarisées et le désarmement préventif sont des outils à la disposition du Conseil de sécurité. Le succès indiscutable de la FORDEPRENU en ex-République yougoslave de Macédoine, a suscité une large adhésion de la part des Etats Membres des Nations Unies au concept de mission de déploiement préventif. La mission récente des Membres du Conseil, en raison de la crise au Timor oriental, a, en revanche, témoigné du succès que peuvent remporter les Nations Unies lorsqu'elles font usage rapidement et de manière décisive des instruments à leur disposition.

Le représentant a expliqué que le désarmement préventif est un sujet qui a fait l'objet d'une attention particulière de la part des membres de l'Union européenne qui a adopté un Programme d'action conjoint sur les armes légères et de petit calibre. La priorité devra être accordée, en particulier en Afrique, à la réduction de l'approvisionnement en armes, au trafic illicite d'armes et de diamants, de l'or et autres métaux précieux qui constituent des sources de financement pour ce type d'activités. L'Union européenne engage le Conseil de sécurité à envisager d'imposer un embargo sur les armes dès l'émergence des crises. Elle soutient également le rôle central de diplomatie préventive du Secrétaire général, y compris les missions d'enquête et

de bons offices ainsi que les efforts en vue d'améliorer le système d'alerte rapide des Nations Unies. Le représentant a estimé que le potentiel dont dispose le Secrétaire général et le Secrétariat dans ce domaine n'a pas été pleinement exploité. L'Article 99 de la Charte des Nations Unies, a-t-il rappelé, fournit au Secrétaire général la possibilité de soumettre à l'attention du Conseil de sécurité toute question susceptible de menacer la paix et la sécurité internationales. Dans ce contexte, nous estimons que les capacités du Secrétariat devront être améliorées pour permettre au Conseil de s'informer régulièrement de la situation dans les zones de conflit potentiel. Nous encourageons les Etats Membres et les membres des organisations régionales à mettre davantage à la disposition des Nations Unies leurs informations de nature préventive. Le Secrétariat de son côté, en utilisant toutes les informations disponibles au sein du système, devra être en mesure de fournir au Conseil de sécurité une évaluation de la situation dans les différentes régions, en particulier des informations sur les crises émergentes ainsi que des propositions relatives à des interventions possibles.

L'Union européenne estime que la prévention des conflits, le maintien de la paix et l'édification de la paix ne devraient pas donner lieu à une compétition entre les Nations Unies et les organisations régionales. Nous soutenons à cet égard, les efforts du Secrétaire général pour améliorer la coordination entre les Nations Unies et les organisations régionales. L'Union européenne joue un rôle important dans la domaine de la coopération régionale et de la gestion des crises qui s'est traduit notamment par l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam le 1er mai 1999 et la création au sein de l'Union d'une Unité d'alerte rapide et de planification des politiques. Cette Unité, a suggéré le représentant, pourrait servir de point de convergence des activités de prévention des conflits de l'Union européenne à l'usage des Nations Unies. Le représentant a indiqué que le Sommet du G8 qui doit se tenir à Berlin du 16 au 17 décembre prochains sur le thème de la gestion préventive des conflits, cherchera à renforcer les efforts en cours visant à accroître le rôle des activités de prévention des conflits dans les relations internationales.

Nous sommes persuadés, a ajouté le représentant, que la meilleure stratégie permettant de maintenir la paix et la sécurité doit viser l'identification des causes des conflits. Compte tenu du fait que les conflits actuels, qui sont pour la plupart internes aux Etats, sont associés aux violations des droits de l'homme, l'Union européenne attache une importance particulière à la promotion et à la protection des droits de l'homme pour la prévention des conflits. Il est également important de développer l'utilisation plus ciblée des instruments de la coopération pour le développement lors de l'identification des causes des conflits et de la lutte contre les inégalités. De telles activités doivent permettre de renforcer les capacités et institutions locales. De plus, pour éviter les effets indésirables de la coopération pour le développement sur la situation

politique générale, il est indispensable d'élaborer une analyse de l'impact des politiques d'aide humanitaire et de développement. Dans ce contexte, nous accueillons positivement la proposition du Secrétaire général visant à examiner l'idée de "l'évaluation de l'impact sur les conflits" des politiques de développement. La restauration de la sécurité, les mesures de désarmement, de démobilisation et de réintégration des anciens combattants à la société sont également essentielles. Le Conseil de sécurité devrait formuler des mandats permettant de trouver une solution à ces questions dans le contexte régional. Le représentant a souligné le rôle de premier plan du droit international dans la prévention des conflits. Les tribunaux pénaux internationaux jouent un rôle de dissuasion, de réconciliation et placent chacun face à ses responsabilités. L'adoption des statuts de la Cour pénale internationale de Rome a constitué un progrès important. Abordant la situation en Afrique, le représentant a expliqué que l'Union accorde la priorité à l'aide au développement durable sur le continent africain qui doit être perçu comme une contribution à long terme à la stabilité et à la prévention des conflits.

M. MOHAMMAD J. SAMHAN (Emirats arabes unis) a déclaré que le Conseil devait éviter à l'avenir, s'il veut être crédible, de faire la politique des deux poids et deux mesures quand il s'agit de décider d'interventions en vue de résoudre des conflits ou simplement d'inscription de questions à son ordre du jour. Certaines questions sont en effet totalement ignorées par le Conseil, comme si la souffrance humaine n'était pas partout la même. Notre pays, a poursuivi le représentant, est en faveur de mesures pouvant promouvoir une paix et un développement juste et équitable au bénéfice de tous les peuples.

Concernant les zones de conflits, les responsables de crimes contre l'humanité qui y sévissent devraient être arrêtés et condamnés, et cette question devrait être sérieusement traitée par la communauté internationale, qui devrait appuyer les mécanismes nationaux et régionaux prêts à agir dans ce domaine. Les droits de l'homme, quant à eux, ne devraient pas être perçus comme un chapitre à part des interventions humanitaires, mais devraient en faire partie intégrante, quand les Etats concernés acceptent que ce genre d'intervention se fassent sur leur territoire. Nous tenons au respect absolu de la souveraineté des nations. Les Nations Unies devraient oeuvrer en faveur d'une meilleure dissémination des informations relatives à la culture de la paix, car ce genre de démarche permettrait de simplifier les opérations de prévention et de résolution des conflits en éduquant les populations et en les sensibilisant sur leurs droits et ceux de leurs voisins qui ne seraient plus perçus comme ennemis potentiels.

M. DUMISANI SHADRACK KUMALO (Afrique du Sud) a déclaré que la récente prolifération de conflits à l'intérieur d'Etats montre le lien fondamental entre les inégalités qui existent entre les pays et celles qui se créent au sein des sociétés nationales. Si les inégalités qui marquent les relations internationales ne sont pas simultanément résolues, il y a peu de chances, a estimé le représentant, que soit mise en oeuvre la dimension universelle de la démocratisation de la vie publique au niveau des nations. Il est clair, à cet égard, que le Conseil de sécurité, créé il y a un demi-siècle, a du mal à s'adapter aux nouvelles réalités internationales. Il est surprenant de noter que les Nations Unies n'ont usé que deux fois de mesures de déploiement préventif en vue de prévenir un conflit latent: ces déploiements sont ceux qui ont eu lieu dans l'ex-République yougoslave de Macédoine et en République centrafricaine. Nous pensons qu'en vue de démontrer son engagement envers la prévention, la gestion et la résolution des conflits, le Conseil de sécurité devrait promouvoir et soutenir les efforts de mise en place de mécanismes régionaux d'alerte rapide. Il devrait aussi suivre les recommandations faites par ce type de mécanismes en prenant rapidement des mesures préventives et il devrait faciliter la création d'un environnement permettant de trouver une solution aux véritables causes des conflits.

La légitimité et la fiabilité des informations et des analyses ayant trait à des zones de conflits sont souvent mises en doute. La collecte d'informations, elle-même, violerait la souveraineté des Etats, aussi le Secrétariat des Nations Unies devrait-il respecter les normes d'impartialité les plus élevées dans ces activités. A l'approche du Troisième millénaire, la légitimité du Conseil est remise en question par la majorité des Etats Membres de l'Organisation. La composition de cet organe est même jugée anachronique et porteuse d'hégémonie. Les principes de la Charte sont, estiment la plupart des Etats, bafoués. Concernant la maintien de la paix, les droits de l'homme, ou la démocratie, on se demande quelle vision de ces valeurs défend le Conseil. Le discours actuellement imposé est fortement et amèrement contesté. S'il veut vraiment agir au nom de tous les Etats Membres et de la communauté internationale, et au nom de la Charte, le Conseil doit être perçu comme légitime. Ceci sous-entend que la composition même du Conseil doit être représentative de toute la communauté internationale.

Mme PENNY WENSLEY (Australie), estimant que le réseau de traités de non-prolifération et de désarmement fait partie de l'effort collectif en vue de prévenir les conflits, s'est déclarée préoccupée par la décision du Congrès américain de ne pas ratifier le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires et a encouragé les Etats-Unis et les Etats dont la ratification est nécessaire pour l'entrée en vigueur du Traité à le ratifier rapidement. Estimant qu'au niveau local les conflits peuvent être provoqués et alimentés par le trafic d'armes légères et de petit calibre, Mme Wensley a indiqué que l'Australie serait prête à contribuer aux efforts internationaux en vue d'agir dans ce domaine.

Elle a souligné l'importance de la coopération régionale qui complète les efforts internationaux en matière de prévention et a signalé que son pays s'emploie, dans le cadre du Forum régional de l'ANASE, à chercher des moyens d'empêcher les différends d'escalader en conflits. Il s'agit, dans un premier temps, de parvenir à une compréhension commune du concept et des principes de la diplomatie préventive dans le contexte du Forum régional, puis d'explorer les points de rencontre entre la diplomatie préventive et les mesures de renforcement de la confiance, notamment en consolidant les bons offices du Président du Forum et en créant un registre d'experts. Dans ce cadre, une série de principes a été identifiée dont la non-ingérence, le recours à des méthodes pacifiques, le consentement des parties au différend et le respect du droit international. Il importe maintenant d'élaborer un mécanisme de bons offices qui permettrait de réduire les risques de conflits conformément à ces principes. En outre, le Forum régional a mis au point un Rapport annuel sur la sécurité régionale. Ce document comprend des contributions volontaires des membres du Forum régional qui identifient et analysent les événements importants pour la sécurité de la région. Toutefois, a-t-elle ajouté, dans certains cas, les Nations Unies sont en meilleure position pour agir.

Le rôle du Conseil de sécurité est évidemment central et doit venir en complément des autres mécanismes internationaux et régionaux de prévention des conflits. Mme Wensley a estimé que le Conseil de sécurité peut et doit faire plus dans ce domaine, notamment en matière d'alerte rapide. Elle a rappelé la position de son pays selon laquelle le Conseil de sécurité devrait travailler directement avec les parties concernées, soit à New York soit par le biais d'une mission spéciale. De tels contacts permettent d'alléger les tensions et de stopper l'escalade. L'action préventive dépend en partie de la qualité de l'information sur les conflits potentiels et de sa promptitude. Elle a estimé que pour cela les initiatives régionales comme celle du Forum de l'ANASE peuvent s'avérer utiles et a encouragé le Secrétaire général à faire meilleur usage de l'autorité que lui confère l'Article 99 de la Charte pour attirer l'attention du Conseil sur toute affaire qui pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales. En outre, Mme Wensley a mis l'accent sur les responsabilités du Conseil dans le déploiement de missions préventives et de reconstruction de la paix. A cet égard, elle a souligné l'importance des efforts accomplis par les Nations Unies et la communauté internationale au Kosovo et au Timor oriental qui permettent de prévenir la résurgence d'un conflit.

M. ELFATIH MOHAMED AHMED ERWA (Soudan) a convenu que la Charte de l'ONU prévoit un rôle préventif pour le Conseil de sécurité tout en insistant sur le rôle du Secrétaire général en la matière. Il s'est donc félicité de la disposition du Conseil à consulter le Secrétaire général sur les situations de conflits potentiels. Le représentant a jugé important de promouvoir aussi une coopération entre l'ONU et les organisations régionales. Soulignant la nécessité d'éliminer les causes profondes des conflits, le représentant

a lancé un appel au Conseil pour qu'il renforce sa coopération avec tous les organes des Nations Unies notamment l'Assemblée générale et le Conseil économique et social. Selon lui, le Conseil ne peut assurer son rôle de prévention que s'il devient un organe plus démocratique ayant une représentation géographique conforme à la composition actuelle de la communauté internationale. Le danger de cette représentation se manifeste, en particulier, par une politique des deux poids et deux mesures. Le représentant a évoqué, à cet égard, l'acte d'agression perpétré par les Etats-Unis contre son pays, question dont le Conseil est saisi depuis plus d'un an. Malgré des demandes répétées, le Conseil n'a toujours pas envoyé la mission d'établissement des faits que le Gouvernement soudanais appelle de ses voeux. L'agression des Etats-Unis, a poursuivi le représentant, était une violation flagrante des principes de la Charte. Les Etats-Unis, a-t-il insisté, n'ont jamais fourni de preuve probante qui puisse justifier cette agression. Dans ces conditions, le Soudan ne peut que rester sourd aux appels en faveur de l'intervention qui se révèlera très vite dangereuse en l'absence d'un ordre mondial transparent. Cet appel, dans l'état actuel des choses, est un appel en faveur de l'hégémonie des forts sur les faibles et de la loi de la jungle.

Le représentant a poursuivi en accusant les Etats-Unis de nourrir la guerre dans le Sud-Soudan. Il s'agit là, a dit le représentant, d'une violation flagrante de la résolution de l'Assemblée générale qui a constaté la bonne coopération du Soudan avec les Nations Unies pour faciliter les opérations humanitaires dans les régions touchées par le conflit. Le représentant a donc demandé ce que les Etats-Unis visent en attisant le conflit au Sud-Soudan alors même que les pays africains et ceux de l'Union européenne n'épargnent aucun effort pour assurer le règlement pacifique du conflit, dans le cadre de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD). Le Soudan participe, en outre, à l'initiative égypto-libyenne ainsi qu'à celle du Président de Djibouti qui a abouti, la semaine dernière, à la signature de l'Accord de Djibouti par les principaux partis d'opposition. Il s'agit d'un Accord qui pourrait avoir un impact positif dans toute la sous-région. Le Soudan aurait donc attendu d'une superpuissance comme les Etats-Unis qu'elle appuie les efforts de paix et rapproche les points de vue.

M. LEE SEE-YOUNG (République de Corée) a déclaré que le Conseil de sécurité devrait créer et mettre en place un mécanisme d'alerte rapide efficace en vue de prévenir les conflits, et si nécessaire d'y faire face par des mesures de réaction rapide. A cet égard, notre délégation partage la proposition du Secrétaire général en faveur de l'usage actif d'un mécanisme de surveillance dans les zones de conflits potentiels et pour le déploiement de missions préventives de maintien de la paix. Nous pensons, à cet égard, que l'exemple de la force de prévention déployée par l'ONU dans l'ex-République yougoslave de Macédoine pourrait être répété. Nous soutenons le rôle central

que doivent jouer, conformément à la Charte, le Conseil de sécurité et le Secrétaire général de l'Organisation dans la prise des initiatives pour prévenir les conflits, a dit le représentant, qui a ajouté que son Gouvernement lance un appel à tous les Etats Membres et notamment les plus munis, pour qu'ils contribuent plus généreusement au Fonds spécial créé en faveur des actions préventives.

Le renforcement du cadre juridique international peut aussi aider à empêcher l'éclatement de futurs conflits, a dit M. Lee See-Young. Les initiatives de la communauté internationale pour mettre fin à la culture de l'impunité sont à ce sujet encourageantes, et la République de Corée est particulièrement heureuse de l'adoption du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. La création des tribunaux pénaux spéciaux pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie va dans le même sens, et la République de Corée soutient les propositions du Secrétaire général en vue de la mise en oeuvre de mesures pour l'arrestation et le jugement de tous les criminels désignés par ces tribunaux. La République de Corée souhaite enfin réaffirmer son plein soutien au renforcement du rôle des Nations Unies et du Conseil de sécurité. A l'aube du Troisième millénaire, les Etats doivent en effet aller au-delà de leurs intérêts nationaux égoïstes et la communauté internationale doit oeuvrer en faveur du bien et de la prospérité de toute l'humanité.

M. ALYAKSANDR SYCHOV (Bélarus) a déclaré que la situation actuelle du monde en matière de paix et de sécurité exige que l'on donne plus que jamais la priorité à la diplomatie préventive. La nature des conflits devient de plus en plus complexe et demande qu'on leur oppose des types d'actions de prévention de conflits plus élaborés que par le passé. La communauté internationale doit garder un oeil vigilant sur les zones de conflits potentielles, et la prévention devrait revenir en premier aux Nations Unies et à leurs organes, notamment le Conseil de sécurité et le Conseil économique et social. Une attention particulière doit être portée au désarmement et à la réintégration des ex-combattants dans la vie civile. La réaction rapide aux situations de crise exige que le Conseil recherche, avant l'usage de la force, tous les moyens diplomatiques à sa portée. La communauté internationale doit respecter le principe de la souveraineté des Etats. Aucune ingérence n'est acceptable sans un accord de la communauté internationale, et aucun Etat ou groupe d'Etats ne peut, de manière unilatérale, contrevenir à ce principe. Toute action internationale doit être conforme aux dispositions de la Charte. Quant aux interventions humanitaires, elles doivent faire l'objet de discussions au sein de l'ONU, et un Groupe de travail pourrait institutionnaliser cette démarche au sein de l'Organisation.

M. YUKIO SATOH (Japon) a souligné que le Conseil de sécurité, bien qu'il oeuvre avec ce que l'on pourrait appeler une culture de réaction, a déjà pris un certain nombre de mesures qui visaient à prévenir l'éclatement ou la reprise de conflits. Le déploiement de la Mission des Nations Unies en ex-République yougoslave de Macédoine a été efficace pour empêcher que le conflit au Kosovo ne s'étende au-delà de la frontière macédonienne. Les activités de consolidation de la paix après les conflits en République centrafricaine et en Sierra Leone ont au moins contribué à prévenir la reprise des conflits dans ces pays. Très récemment, la mission du Conseil de sécurité au Timor oriental en septembre dernier a été efficace non seulement pour permettre que le débat du Conseil de sécurité soit fondé sur des informations de première main, mais également pour bénéficier de la coopération du Gouvernement indonésien afin de déployer une force internationale au Timor oriental.

Le Conseil de sécurité dispose d'un certain nombre de moyens, telle que l'adoption de résolutions, la publication de déclarations présidentielles et la tenue de débats publics qui - s'ils sont utilisés de manière appropriée et prompte - seraient également efficaces pour prévenir l'éclatement ou la reprise de conflits. Mais la délégation japonaise souligne que ce qui est essentiel en matière de prévention, c'est une action rapide du Conseil de sécurité. C'est dans ce contexte malheureusement que le Conseil n'a pas connu récemment de véritable succès. Dans le cas de l'Iraq, par exemple, il y a presqu'une année que les inspecteurs de la Commission spéciale ont quitté le pays, mais à ce jour, le Conseil de sécurité n'a pas été en mesure de parvenir à une décision sur la manière de faire face à la situation si ce n'est que pour affaiblir son autorité. Concernant le Kosovo, le Conseil de sécurité a d'abord été dans l'impossibilité d'agir efficacement, à la grande consternation de la communauté internationale. Bien que le Conseil de sécurité ait été en mesure d'agir plus rapidement au Timor oriental, une action encore plus rapide aurait été souhaitable.

Le Kosovo comme le Timor oriental nécessitent un appui rapide et accru de la part de la communauté internationale pour leurs efforts de restauration et de construction dans un grand nombre de domaines, passant de l'assistance humanitaire à l'administration et à l'économie. Dans le contexte de la prévention des conflits armés, le succès de ces efforts est essentiel dans les deux cas pour empêcher la reprise des conflits et le désordre. Le Conseil de sécurité peut et doit jouer un rôle catalyseur pour encourager l'appui de la communauté internationale dans ces deux situations. Pour ce qui est du Timor oriental, le Japon envisage d'accueillir à la mi-décembre à Tokyo la première Conférence des pays contributeurs. Cette Conférence, qui sera coprésidée par les Nations Unies et la Banque mondiale, permettra à la communauté internationale de montrer qu'elle est prête à assister les efforts de construction de la paix au Timor oriental.

La reprise des conflits et la pauvreté constituent les deux facteurs importants qui ont sapé le développement de l'Afrique. La prévention des conflits est donc essentielle pour de nombreux pays de ce continent. De toute évidence, les pays africains ont besoin de beaucoup d'appui et d'assistance de la part des pays développés pour empêcher la reprise des conflits et s'engager eux-mêmes dans les efforts de développement. Il serait souhaitable, a préconisé M. Satoh, que le Conseil de sécurité se serve des crises africaines, comme cas modèles, pour développer une culture de prévention. Cette culture de prévention doit être développée avec la coopération étroite du Secrétaire général, des organisations régionales et de tous les pays concernés.

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