LA DEUXIEME TABLE RONDE SUR LE DIALOGUE ENTRE CIVILISATIONS MET L'ACCENT SUR LA TOLERANCE AUX DIFFERENCES ET LA RECONNAISSANCE DES POINTS COMMUNS
Communiqué de Presse
SOC/4500
LA DEUXIEME TABLE RONDE SUR LE DIALOGUE ENTRE CIVILISATIONS MET L'ACCENT SUR LA TOLERANCE AUX DIFFERENCES ET LA RECONNAISSANCE DES POINTS COMMUNS
19991122L'instauration d'un dialogue entre les cultures et les civilisations exige une définition préalable des concepts de "culture" et de "civilisation" et un engagement ferme en faveur des normes universelles et des principes moraux, a déclaré le Président du Centre international pour le dialogue entre les civilisations et Conseiller du Président de l'Iran. M. Mohammad Faridzadeh s'exprimait au cours de la deuxième table ronde consacrée au dialogue entre civilisations: un appel à l'entente, qui a été organisée, cet après-midi, par la Mission permanente de la République islamique d'Iran. "Le dialogue entre les civilisations, a-t-il affirmé, peut permettre l'émergence d'un langage commun puis d'une pensée commune qui doit conduire à une position commune vis-à-vis du monde commun". Cette position commune est d'autant plus importante dans un contexte de mondialisation qui, si elle met en danger l'identité de l'humanité, permet également aux civilisations de s'écouter les unes les autres, de découvrir les différences, d'explorer ce que nous partageons, d'affirmer la solidarité humaine et de répondre aux besoins fondamentaux de tous les peuples, a estimé M. Richard Falk, Professeur à l'Université de Princeton.
Ainsi, les conditions à réunir pour lancer ce dialogue portent, aux yeux de M. Kishore Mahububani, Représentant permanent de Singapour, sur la tolérance à la diversité, la tolérance au changement et la tolérance à l'apprentissage. Les difficultés auxquelles il faudra répondre sont d'ordre conceptuel. Qu'est-ce qu'une civilisation, quels en sont ses représentants et comment faire en sorte pour que ce dialogue ne soit pas dominé par les puissants. Il faut impliquer la jeunesse, a estimé le Vice-Président de la Banque mondiale, qui a aussi plaidé en faveur de l'utilisation des moyens technologiques modernes, de la multiplication des voies du dialogue, de la prise en compte des 3 milliards de pauvres sans voix et de la contribution de la communauté artistique.
Les participants à la table ronde étaient M. Richard Falk, Professeur à l'Université de Princeton; M. Mohammad J. Faridzadeh, Conseiller auprès du Président de l'Iran et Président du Centre international pour le dialogue entre les civilisations; M. Kishore Mahboubani, Représentant permanent de Singapour auprès des Nations Unies; et M. Ismail Serageldin, Vice-Président de la Banque mondiale.
(à suivre - 1a)
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Le Représentant personnel du Secrétaire général pour l'Année du dialogue entre les civilisations, M. Giandomenico Picco, a assuré le rôle de modérateur.
La table ronde a eu lieu dans le cadre d'une résolution de l'Assemblée générale datée du 4 novembre 1998 qui consacrait l'Année 2001, Année des Nations Unies pour le dialogue entre les civilisations. L'initiative d'instaurer cette Année revient au Président de la République islamique d'Iran, M. Mohammad Khatami, qui, le 21 septembre 1998, avait "espéré qu'au cours du siècle à venir, le recours à la violence et à la force ne sera pas glorifié et que l'essence du pouvoir se mesurera à l'aune de la compassion, de la justice et du dialogue entre les civilisations". Il avait proposé que l'ONU instaure, comme première étape de l'évolution de l'humanité, une année internationale du dialogue entre les civilisations. La première table ronde, qui s'est tenue au Siège en mai 1999, avait pour thème le nouveau paradigme du dialogue entre civilisations. Elle a examiné le rôle des religions dans la promotion de ce dialogue et souligné le rôle joué, à cet égard, par les Nations Unies.
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Déclarations
M. HADJI NEJAD HOSSEINIAN, République islamique d'Iran, a expliqué que cette table ronde vise à déterminer de quelle manière le dialogue entre les civilisations contribuera à l'établissement d'un monde plus sûr, plus civilisé et plus juste pour les civilisations à venir. Il est devenu de plus en plus évident que les organisations non gouvernementales, les médias, les universitaires, les intellectuels et chaque individu ont un rôle important à jouer dans la définition de la nature des relations internationales. Les Gouvernements ne sont plus seuls. La proposition du Président Khatami de proclamer l'année 2001 Année du dialogue entre les civilisations repose sur ce postulat. Les Etats peuvent faciliter ce dialogue par leur simple volonté politique. Les représentants des Etats Membres, comme de coutume, abordent les négociations politiques en ayant à l'esprit des stratégies et des tactiques qui visent la défense de leurs intérêts nationaux. A cette croisée des chemins qu'est le passage au troisième millénaire, les négociations politiques à venir devraient avoir pour objectif le rapprochement des civilisations. Nous souhaitons que le dialogue entre les peuples verra l'élaboration, de la part des représentants de la société civile, de stratégies et de tactiques qui visent, non pas à imposer, mais à écouter, à comprendre, à partager les peurs et les préoccupations de l'autre dans l'espoir de développer une confiance mutuelle et une approche commune permettant à long terme d'influencer les politiques dans le but de construire un monde meilleur. La mondialisation, dans ce contexte, doit être un tout composé de nombreux ingrédients plus petits faits de cultures différentes qui sont elles-mêmes engagées dans un processus d'enrichissement culturel. Le chemin qui mène à ce dialogue sera long et difficile, mais c'est la seule option à notre disposition.
M. JAVAD FARIDZADEH, Conseiller auprès du Président de la République islamique d'Iran et Président du Centre international pour le dialogue entre les civilisations, a déclaré que l'"acte de dialogue" relève de la nature même de l'être humain. Grâce au dialogue, "les êtres humains ouvrent des fenêtres sur l'existence d'autres êtres humains et par ces fenêtres ouvertes, des niveaux plus profonds d'existence sont offerts aux deux parties au dialogue". Lorsque le dialogue est institué entre deux cultures ou civilisations, la qualité existentielle que les deux parties gagnent est toujours tributaire de la qualité du dialogue qu'elles instaurent. Le dialogue a la capacité de jeter les bases de toutes les sphères rationnelle, philosophique et scientifique comme il trace la voie de la connaissance et de la découverte de la vérité. La conscience d'être et de vivre n'a aucun sens sans la compréhension de l'univers et des êtres humains. Le sens de l'être et du vivre est donc conditionné à la compréhension qui ne peut naître que du dialogue.
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Lorsque l'on parle de dialogue entre les cultures et les civilisations, il convient d'abord, a souligné M. Faridzadeh, de définir les concepts de "culture" et de "civilisation". Toute discussion relative au dialogue entre civilisations exige la formulation d'un ensemble de nouvelles questions touchant la politique, la science, les relations internationales, l'économie, l'éthique et la morale. L'instauration de nouveaux types de relations internationales fondées sur un dialogue entre civilisations exige une identification précise des préalables à un tel dialogue. Les Etats qui ont voté en faveur de la Déclaration des Nations Unies sur le dialogue entre civilisations doivent réaliser les conséquences morales et politiques d'un tel engagement.
Sans engagement en faveur des normes universelles de l'éthique et des principes moraux, tout espoir de dialogue entre civilisations restera vain, a poursuivi M. Faridzadeh. Sans la reconnaissance de l'égalité des droits politiques de chaque partie au dialogue, aucun dialogue fructueux ne sera possible. Au-delà du simple dialogue, un discours plus élevé doit permettre de dépasser l'intérêt mutuel et mener à une compassion et une sympathie mutuelles. Cet ultime objectif peut paraître éloigné, compte tenu de la situation politique du monde actuel. Le dialogue peut permettre l'émergence d'un langage commun qui peut, à son tour, contribuer à la création d'une pensée commune qui elle peut aboutir à une position commune vis-à-vis du monde commun et de ce qui s'y produit. C'est de cette manière que le dialogue peut conduire à la sympathie et à la compassion. L'appel à un dialogue entre civilisations, a expliqué M. Faridzeh, ne se limite pas à un processus évident et naturel puisqu'un tel dialogue a été éprouvé au cours de l'histoire, pour des raisons de proximité géographique ou de guerre, de commerce et d'objectifs matériels. Par "dialogue", il faut entendre une pratique rationnelle et éthique bien définie visant à accroître le savoir dans les domaines culturel et civilisationnel avec pour but ultime d'adopter une attitude de sympathie et de compassion.
La distinction subtile entre la notion de dialogue entre civilisations et le transfert de civilisation ne peut s'expliquer qu'avec une certaine dose d'analyse philosophique, a convenu M. Faridzadeh. Du point de vue descriptif, le dialogue entre civilisations peut être associé aux études d'histoire, d'archéologie, d'anthropologie, de sociologie politique, de psychologie sociale, ou encore de philosophie politique. Du point de vue normatif, le dialogue entre civilisations participe des domaines conceptuels de l'éthique, de la philosophie morale, de la philosophie du droit, des relations internationales, de la psychologie de l'enseignement ou encore de la métaphysique.
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Pour ce qui est des connotations du concept de dialogue entre civilisations, M. Faridzadeh a estimé que l'étude de toute culture ou de toute civilisation implique la reconnaissance préalable de l'"essence" de la culture ou de la civilisation en question. Cette assertion, a-t-il admis, peut venir en contradiction du concept "d'influence mutuelle" entre civilisations. Pour lever ce paradoxe, M. Faridzadeh a expliqué qu'il faut distinguer l'aspect existentiel de l'aspect substantiel du phénomène étudié. Il ne faut pas confondre l'"essence véritable" et les "termes propres" qui définissent une culture ou une civilisation. Sans l'établissement d'une frontière claire entre les "concepts" et l'"essence", il ne sera pas possible de parvenir à la connaissance.
Néanmoins, ignorer la réalité "existentielle" et "phénoménologique" d'une culture ou d'une civilisation conduirait à une dichotomie entre la réalité et la vérité ou la "vérisimilitude". Un autre point important, dans ce cadre, est le rôle des identités nationale et culturelle dans le dialogue entre les civilisations. L'identité culturelle peut parfois être vue comme une représentation politique du paradoxe philosophique mentionné plus haut, a poursuivi M. Faridzadeh, en soulignant que les identités nationales doivent être préservées tant il est vrai que l'instauration d'un véritable dialogue dépend du degré d'indépendance des parties au dialogue. Souligner la nature exclusive de toute identité culturelle aboutit à l'exclusion d'autres cultures et par conséquent, à la création d'un obstacle majeur à l'instauration d'un dialogue entre les cultures et les civilisations.
M. RICHARD FALK, Professeur à l'Université de Princeton, a estimé que cette initiative arrive à point nommé dans la mesure où elle permet d'affirmer nos cultures au moment où la prévalence de la mondialisation met en danger l'identité de l'humanité. La mondialisation a donné au monde une vaste image de lui-même au risque de réduire le sens de l'existence en des termes matérialistes. Ce dialogue et l'accent mis sur la culture, constituent le moyen de dépasser le point de vue matérialiste de l'humanité. L'aspect positif de la mondialisation est qu'elle nous a permis de comprendre que le monde n'est pas composé uniquement d'Etats souverains mais de communautés normatives aux traditions anciennes. La mondialisation donne l'occasion aux civilisations de s'écouter les unes les autres et de pratiquer un langage autre que le langage économique et politique des relations internationales. Ainsi, l'accent mis sur la diversité des civilisations lors de ce dialogue permettra de créer un environnement au sein duquel il sera possible d'étudier les autres moyens de concevoir la réalisation humaine. Nous voulons non seulement découvrir ce qui est différent, mais explorer ce que nous avons en commun, affirmer la solidarité humaine et répondre aux besoins fondamentaux de tous les peuples.
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Ce dialogue nous permet en fait d'élaborer une architecture normative qui puisse fournir les moyens de comprendre les différences qui sont à la source des conflits entre les peuples. Les textes universels, notamment ceux relatifs aux droits de l'homme, doivent être revus de façon critiques en partie en raison de leurs origines occidentales, sans pour autant tomber dans le piège d'un universalisme faux qui ne serait que la manifestation d'une culture dominante. Il est également indispensable de faire en sorte que le dialogue n'assombrisse pas certaines perspectives. Ainsi, il est important de favoriser le dialogue intracivilisations qui est tout autant important que le dialogue intercivilisations. Dans cette optique, il est crucial d'y inclure les peuples autochtones pour qu'un dialogue entre tradition et modernité s'engage. Il est également important de ne pas fixer d'attentes trop élevées. L'objectif principal et minimal du dialogue est de partager l'éthique de la tolérance qui est à la base de toute ère de paix dans le monde.
M. ISMAIL SERAGELDIN, Vice-Président de la Banque mondiale, a stigmatisé la différence dans le monde contemporain entre "ceux qui ont" et "ceux qui n'ont pas", citant des statistiques sur la pauvreté, l'accès aux nouvelles technologies de l'information ou celles de l'impact des progrès scientifiques. Il a souligné que l'un des aspects les plus cachés de la mondialisation est surtout l'existence de l'inégalité à l'intérieur des pays. L'appel à un dialogue entre les civilisations doit donc tenir compte de la désintégration sociale et de la perte d'identité qui découlent de la mondialisation. Le dialogue entre civilisations, a poursuivi M. Serageldin, pose la question de la confrontation des valeurs universelles et des valeurs spécifiques. La Déclaration des droits de l'homme représente, par exemple, le jugement collectif des nations souveraines en ce qui concerne le respect minimum de l'être humain. Dans ce cadre, aucun argument spécifique permettant l'oppression des femmes ou des enfants ne peut être acceptable. Le dialogue entre civilisations doit donc se fonder sur un terrain commun universel. En effet, toute religion, éthique ou philosophique part deux éléments universels qui peuvent se traduire en préceptes suivants; "défends le faible" et "ne fait pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'on te fasse". Le dialogue intracivilisations et intercivilisations est donc faisable et, à cet égard, les Nations Unies sont l'instance idéale à cette fin, qui ont réussi à définir un ensemble d'actions communes depuis la Conférence de Rio sur l'environnement et le développement en 1992. S'il est vrai que le dialogue entre civilisations nécessite la tolérance, il faut pourtant la dépasser et parler d'engagement. Seul l'engagement envers l'autre permet d'apprendre et de comprendre. Le dialogue engagé doit donc pénétrer les esprits et créer un mouvement où les hommes se vivront comme partie intégrante d'un monde plus grande.
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Pour ce faire, il faut d'abord engager la jeunesse qui, après tout, représente la moitié du présent et la totalité de l'avenir. Il est important que les jeunes participent à l'instauration de ce dialogue. Il faut aussi utiliser les moyens technologiques dont on dispose aujourd'hui comme Internet. Il est plus simple en effet de lancer une page Web qu'une page de journal. Les Etats doivent avoir des sites Web qui donnent des informations factuels et réfutent les préjugés. Il faut également multiplier les voies d'engagement et engager, par exemple, chaque Etat Membre des Nations Unies à procéder à trois échanges par an avec un autre pays. Il faut, en outre, définir un terrain d'entente commun tout en reconnaissant les différences et notamment la réalité des 3 milliards de personnes qui ne peuvent pas faire entendre leur voix. Il faut créer un espace pour la liberté d'expression artistique et faciliter le travail des artistes, premiers contributeurs au "développement du sens de la compréhension".
M. KISHORE MAHBUBANI (Singapour) a estimé que l'idée de ce dialogue vient à point nommé dans la mesure où les peuples vivent dans un monde toujours plus petit. Avant de passer au 21ème siècle, chacun vivait dans un petit bateau individuel puis à la suite de la mondialisation nous sommes devenus les passagers du même bateau. Mentalement en revanche, nous vivons dans le passé et notre esprit ne s'est pas adapté à la réalité. Pourtant, notre existence dépend d'un réseau d'interdépendance comme en témoigne la crise financière asiatique. D'une certaine façon, il s'agit d'une ère nouvelle et inédite de l'humanité où il sera possible pour des civilisations de briller à différents coins de la planète au même moment. Les conditions à réunir pour lancer ce dialogue portent, notamment, sur la tolérance de la diversité. L'humanité s'est développée dans un environnement monolithique et il nous est difficile de comprendre les autres cultures. La grande inconnue sera de voir ce qui se passera lorsque les cultures qui ne se connaissent pas se rapprocheront. Est-ce que les événements des Balkans montrent qu'au seuil du 21ème siècle, nous allons nous encombrer des bagages du 19ème siècle? S'agit- il en revanche des derniers vestiges du passé?
Une autre condition à réunir est la tolérance du changement dont la cadence est d'une portée sans égale dans l'histoire de l'humanité. Cette cadence effrénée nous impose d'adopter de nouveaux modes de vie. Un autre point crucial est la tolérance de l'apprentissage qui doit prendre l'allure d'une autoroute à deux voies fonctionnant dans les deux sens. La doctrine du libéralisme qui a été forgée par l'Amérique du Nord et l'Europe occidentale, n'est pas forcément une valeur partagée par d'autres régions du monde. Les difficultés auxquelles nous devront faire face seront, notamment, d'ordre conceptuel. Qu'est-ce qu'une civilisation? Qui sont les représentants de la civilisation occidentale? La question de la représentation se pose également. Qui participera à ce dialogue? L'autre difficulté est d'ordre politique. La manifestation du pouvoir et de la puissance interviendra au cours de ce dialogue qu'on le veuille ou pas. Il faudra veiller à ce que ce dialogue ne donne pas seulement la parole aux nantis et aux puissants mais également aux plus démunis.
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Dialogue avec les délégations
Ouvrant la série de questions et de commentaires, le représentant de l'Inde a commenté l'idée de la création d'un "tronc commun à l'humanité", avancée par les participants à la table ronde comme base du dialogue entre civilisations. Il faudra, peut-être, partir des différentes croyances spirituelles du monde et les considérer comme "éléments communs" constitutifs de ce tronc commun, a-t-il proposé. La représentante d'un Institut d'enseignement de Brooklyn a souhaité que les jeunes et les femmes des différentes cultures et civilisations soient encouragés à tenir un dialogue sur les questions sexospécifiques. Le représentant du Conseil iraqo-américain s'est, pour sa part, interrogé sur l'existence d'études ou de plans pour intégrer au dialogue les travailleurs qui pourraient craindre que la participation à un tel dialogue ne leur coûtent leur emploi.
Quel est l'objectif ultime du dialogue entre les civilisations? Comment s'assurer du sens de responsabilité ou de la sincérité de tous? a demandé le représentant d'une Communauté chiite du Michigan, en souhaitant savoir comment concilier l'intérêt national, prôné par les puissants, avec l'intérêt humain qui sous-tend les appels au dialogue entre les civilisations?
Répondant aux questions des participants, M. GIANDOMENICO PICCO, a indiqué que les Nations Unies s'apprêtent à publier une étude sur les disparités horizontales. M. FARIDZADEH a souligné l'importance de l'héritage spirituel de l'humanité sur la base duquel il faut construire un dialogue entre les civilisations et les cultures. M. FALK a, quant à lui, évoqué la problématique de la représentation de la civilisation. Il existe une signification minimum de la civilisation qui est associée en partie à la Déclaration universelle des droits de l'homme. La démocratie est mise en danger par la discipline du capitalisme mondial qui pousse les partis politiques vers une uniformité dont les moteurs sont les forces du marché. Il nous faut rechercher une voie qui permette à la démocratie de s'épanouir.
M. SERAGELDIN a estimé, pour sa part, que les forces du marché ne sont pas indépendantes des forces gouvernementales. Par exemple, la consommation d'eau a baissé de 20 % en raison de la loi sur l'eau salubre, ce qui montre que des mesures incitatives inventées par les hommes ont des conséquences sur le marché qui ne peut pas exister seul. On ne peut pas parler de marchés libres mais de marchés compétitifs. Ce siècle a été celui de l'émancipation, de l'autodétermination, de la reconnaissance des droits de l'homme, de l'autonomisation de la femme. Le dialogue sera crucial car une vue d'ensemble sera dégagée sur des questions qui ont fait jusqu'ici l'objet d'un traitement fragmentaire. M. MAHBUBANI a évoqué le paradoxe qui existe entre le fait que nous disposons d'un flot d'informations inégalé dans toute l'histoire de
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l'humanité et la subsistance d'îlots d'ignorance. La Déclaration universelle des droits de l'homme est un minimum mais est-elle la réponse dont a besoin l'humanité? Pour ce qui est de l'avenir de la démocratie, il a souligné que les sociétés en sont à différents stades d'évolution. On ne peut pas appliquer des concepts étrangers, ni changer les mentalités du jour au lendemain.
En conclusion, le Modérateur de la table ronde, le Représentant personnel du Secrétaire général pour le dialogue entre les civilisations, a souligné que le système des relations internationales actuel se caractérise par la complexité des peuples par opposition à la période de la guerre froide où "les choses étaient beaucoup plus simples". Aujourd'hui, a-t-il dit, nous avons dépassé le système bipolaire pour parvenir à un système multipolaire. Le dialogue entre les civilisations peut donc être un outil utile pour appréhender les différents comportements et pensées. Ce dialogue doit ouvrir la porte à une meilleure perception de l'identité de l'autre et donner ainsi un visage humain à la mondialisation. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si l'appréhension d'une autre civilisation est une menace à sa propre civilisation ou le début de la vie et de la croissance. L'ONU, a conclu M. Giandomenico Picco, a choisi la deuxième réponse.
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