LA REPRISE DU PROCESSUS DE PAIX SOUS LES AUSPICES D'UN NOUVEAU MEDIATEUR A
Communiqué de Presse
CS/1113
LA REPRISE DU PROCESSUS DE PAIX SOUS LES AUSPICES D'UN NOUVEAU MEDIATEUR A
19991112NOMMER d'URGENCE VIVEMENT ENCOURAGEE AU CONSEIL DE SECURITE
Les délégations appellent le Burundi à mettre fin à sa politique de regroupement forcé de la population
Le processus de paix au Burundi se trouve dans une phase très critique qui n'incite pas à l'optimisme, a affirmé, ce matin, M. Ibrahima Fall, Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, devant le Conseil de sécurité qui tenait un débat public sur la situation au Burundi. M. Fall a attribué cette situation aux tensions politiques internes, à l'insécurité, à la dégradation de la situation humanitaire et au vide politique créé sur le plan externe par le décès du Médiateur du processus de paix d'Arusha, l'ancien Président tanzanien Julius Nyerere. La polarisation des positions, dans l'intervalle, risque de se refléter dans le prochain cycle de négociations qui pourrait devenir un champ clos d'affrontements sans concessions entre les délégations avec pour conséquence de repousser encore la signature d'un accord de paix final, a-t-il estimé.
Le représentant du Burundi a invité le Secrétaire général à contribuer aux efforts en vue de la désignation rapide d'un nouveau médiateur. Il a fait part de la conviction de son Gouvernement qu'il ne peut y avoir qu'une solution politique au conflit et que toutes les parties, y compris les factions armées, doivent être associées aux négociations. Le représentant a expliqué que les regroupements de populations dans des "sites de protection", une politique condamnée par l'ensemble des délégations, visait à protéger les populations à la suite de la recrudescence de la violence. Outre que le regroupement n'était pas forcé, il était aussi temporaire. Il a expliqué la recrudescence de la violence par la présence de bases rebelles dans les pays limitrophes du Burundi, ainsi que par la collusion entre les rebelles et des éléments génocidaires rwandais (Interahamwe et ex-Far) qui ont amorcé un mouvement de repli vers le Burundi après la signature des Accords de Lusaka. S'agissant de l'assassinat des deux membres du personnel de l'ONU, il a indiqué qu'une Commission judiciaire avait été mise sur pied et remettrait les conclusions de son enquête au Gouvernement avant la fin novembre. Le Gouvernement burundais s'engage à offrir des garanties de sécurité plus fermes
(à suivre- 1a)
- 1a - CS/1113 12 novembre 1999
à tous ceux qui veulent se rendre sur le terrain, a-t-il, déclaré, plaidant pour la poursuite de l'aide humanitaire. Le représentant a en outre averti que l'économie du Burundi est au bord de l'effondrement et faute d'assistance, on peut craindre une explosion sociale qui risque de mettre le sort du pays entre les mains des extrémistes.
Le représentant de la Tanzanie a déclaré, pour sa part, que si les négociations ne reprennent pas rapidement, les progrès accomplis à ce jour partiront en fumée. Il a appelé à réfléchir à la manière d'intégrer au mieux les éléments armés au processus de paix pour éviter que leurs actions inquiétantes ne menacent l'ensemble du processus. Il a rejeté les allégations selon lesquelles son pays servirait de base arrière aux rebelles burundais. Le succès du processus de paix dépend à la fois du soutien matériel dont il bénéficiera et de l'aide à la reconstruction et au renforcement des institutions qui sera fournie dès qu'un accord sera conclu, a fait valoir le représentant.
Comme le Sous-Secrétaire général, les délégations qui ont pris la parole au cours du débat se sont inquiétées de la recrudescence de la violence dans le pays, en particulier à l'encontre de la population civile, et ont unanimement condamné l'assassinat dans une embuscade des deux fonctionnaires de l'ONU le mois dernier. La détérioration de la situation humanitaire a été évoquée par la majorité d'entre elles. Ainsi, pour la Chine, la fragilité actuelle de la situation fait craindre la répétition du génocide rwandais. Engageant les Etats voisins à tout mettre en oeuvre pour éviter les débordements de violence, la représentante des Etats-Unis a insisté en particulier sur la nécessité de faire en sorte que les camps de réfugiés ne servent pas de base arrière aux rebelles. Le représentant de la France a, quant à lui, attiré l'attention du Conseil sur la situation de conflit qui prévaut dans toute la région et sur les liens entre la crise au Burundi et la situation en République démocratique du Congo voisin. Il a invité le Conseil à réfléchir à l'articulation entre l'application de l'Accord de Lusaka et le processus d'Arusha, un souhait également exprimé par plusieurs autres délégations.
Les membres suivants du Conseil de sécurité ont pris la parole au cours du débat : Fédération de Russie, Chine, Argentine, Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, Bahreïn, France, Gambie, Brésil, Namibie, Gabon, Malaisie, Pays-Bas et Slovénie. Outre le Burundi, les Etats Membres suivants sont aussi intervenus : Finlande (au nom de l'Union européenne et des pays associés), Norvège et Tanzanie.
LA SITUATION AU BURUNDI
Rappel des faits
Le Burundi est déchiré par une guerre civile depuis l'assassinat par des militaires, en octobre 1993, de Melchior Ndadaye, premier Président élu démocratiquement trois ans plus tôt. Après de nouvelles élections multipartites son ancien ministre des affaires étrangères, M. Sylvestre Ntibantunganya devient Président. Des persécutions et des assassinats sont perpétrés sur toute l'étendue du pays. Le 25 juillet 1996, le Gouvernement du Président Sylvestre Ntibantunganya est renversé par un coup d'Etat militaire qui porte au pouvoir le major Pierre Buyoya, ancien Président de 1987 à 1993. Lors d'une réunion à Arusha (Tanzanie) le 31 juillet, les chefs d'Etat des pays de la région imposent un embargo au Burundi, exigeant le retour à l'ordre constitutionnel et des négociations avec la rébellion. Le Conseil de sécurité condamne à l'unanimité le renversement du Gouvernement légitime et engage, lui aussi, le régime à assurer le retour à l'ordre et à la légitimité constitutionnelle.
Un premier pas en ce sens est fait en septembre lorsque le Gouvernement annonce que le Parlement est restauré et que les partis politiques sont autorisés. En mars 1997, le Gouvernement et le Conseil national pour la défense de la démocratie (CNDD), principal mouvement rebelle) approuvent à Rome le texte d'un accord établissant un cadre et un agenda pour de futures négociations. Le 6 juin 1998, une Constitution de transition est promulguée par le major Buyoya qui signe avec le Président de l'Assemblée nationale deux textes concrétisant le "Partenariat politique" proposé par le régime. Quelques jours plus tard, Pierre Buyoya prête serment comme président de transition. Il nomme deux Vice-Présidents dont un chef de l'opposition. Les premières négociations de paix directes se sont ouvertes en juin 1998 à Arusha. Les progrès réalisés depuis, en particulier en ce qui concerne la représentativité politique des diverses tendances intérieures, ont abouti à la levée de l'embargo régional le 23 janvier 1999. Les pourparlers de paix sont néanmoins quasiment au point mort depuis le décès, le mois dernier, de l'ancien Président tanzanien, Julius Nyerere, qui en était le médiateur.
Alors que les violences se poursuivent sur le terrain, on estime qu'environ 200 000 personnes, dont une majorité de civils, ont été tuées depuis 1993. En octobre dernier, le représentant sur place du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et un fonctionnaire du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été abattus dans une embuscade, avec sept autres personnes, à la suite de quoi l'ONU a suspendu pendant trois jours ses activités dans le pays.
Déclarations
M. IBRAHIMA FALL, Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, a déclaré que depuis le dernier briefing informel que le Secrétariat a présenté au Conseil le 22 octobre dernier, la situation concernant le processus de paix à l'intérieur et à l'extérieur du Burundi n'a pas évolué de manière fondamentale. Le processus de paix se trouve toujours dans une phase très critique qui n'incite pas à l'optimisme, en raison des tensions politiques internes, de l'insécurité, de la détérioration de la situation humanitaire et du vide politique créé sur le plan extérieur par la disparition du Médiateur, Julius Nyerere. Sur le plan intérieur, la situation demeure inquiétante tant aux niveaux politique, que sécuritaire, économique et humanitaire. Le Burundi fait face à une crise politique inquiétante et le partenariat politique est confronté à de graves difficultés qui menacent son existence même, a déclaré M. Fall, citant en particulier la rupture au sein du FRODEBU (Front pour la démocratie au Burundi). On assiste à une crispation des positions semblable à bien des égards au climat politique de la période antérieure au partenariat, a expliqué le Sous-Secrétaire général. Il semble, a-t-il dit, que l'on soit en présence de deux camps opposés qui conçoivent différemment la poursuite du processus d'Arusha. Le premier de ces camps demande notamment que les négociations aient lieu en dehors de la Tanzanie et exigent que la priorité soit accordée à l'arrêt des hostilités. L'autre camp accuse le gouvernement d'être à la base de la situation actuelle de cristallisation des positions et de chercher à diviser les partis politiques en vue de perpétuer le statu quo. Ce camp plaide pour la poursuite des pourparlers à Arusha sous la supervision de la région. Le Gouvernement et le Parlement, initiateurs, artisans et acteurs du partenariat intérieur pour la paix ne semblent plus être sur la même longueur d'onde et ne se reconnaissent apparemment plus dans les orientations inscrites dans l'Accord sur la plate-forme politique du régime de transition. Cette polarisation des positions risque également de se refléter dans les prochaines séries de négociations qui pourraient devenir un champ d'affrontement sans concessions entre les délégations avec pour conséquence de repousser plus encore l'échéance de la signature d'un accord final de paix, a averti M. Fall.
Le Sous-Secrétaire général a estimé que la détérioration de la situation sécuritaire n'était certainement pas faite pour améliorer la situation politique. A cette insécurité ambiante, qui se caractérise par des actes de violence récurrents, est venu s'ajouter ces derniers temps un autre problème, à savoir le départ de nombreux Burundais en direction de la Tanzanie où se trouvent déjà près de 300 000 réfugiés. L'ONU a maintes fois fait part aux plus hautes autorités du pays de son opposition à la politique de regroupement des populations, a rappelé M. Fall. Pourtant, le Gouvernement maintient qu'il n'y a pas d'autre alternative pour protéger les populations civiles, les couper de la rébellion et sécuriser la capitale. Il affirme que la situation s'améliore dans les sites de protection, dont il envisage de réduire la taille, tout en rapprochant les paysans de leurs champs de culture. En réalité, a affirmé M. Fall, les conditions dans ces camps suscitent d'immenses inquiétudes.
Depuis mi-septembre, quelque 304 000 personnes ont été regroupées dans 58 camps de regroupement, dans des conditions alimentaires et sanitaires déplorables, sinon inexistantes. 20 de ces sites ont été visités et ont bénéficié d'une aide humanitaire, mais on dispose de peu d'informations sur le reste des camps, a-t-il déclaré. La situation des regroupés et des déplacés, dont le nombre total est évalué à 830.000, a encore été aggravée par la suspension des activités humanitaires intervenue avec l'imposition de la phase IV de sécurité, après le tragique incident qui a coûté la vie à deux fonctionnaires de l'ONU. De même, les projets financés par le système des Nations Unies ont également été interrompus et la semaine dernière, la FAO a attiré l'attention sur les risques de famine dans le pays. M. Fall a particulièrement attiré l'attention sur la situation des femmes et des enfants. L'ONU et la communauté internationale devraient envisager les voies et moyens de venir en aide aux populations, mais il faut que l'insécurité cesse d'empêcher la libre circulation du personnel humanitaire et que toutes les parties au conflit respectent la neutralité et le travail de ceux qui risquent leur vie pour venir en aide au peuple burundais.
Le Sous-Secrétaire général a indiqué qu'après le décès de Julius Nyerere, plusieurs initiatives avaient été lancées en vue de la poursuite des négociations d'Arusha. Ainsi, une série de consultations a été organisée du 25 au 30 octobre à Dar-es- Salaam, mais sans la participation du Gouvernement, de l'UPRONA (Union pour le progrès national) et de l'Assemblée nationale, qui ont conditionné leur participation à la présence d'un nouveau médiateur. La facilitation envisagerait de reprendre les travaux des quatre commissions à Arusha à partir du 15 novembre. Cette reprise des travaux des commissions est néanmoins conditionnée par la tenue du Sommet que le Président ougandais Museveni, Président en exercice de l'Initiative régionale de paix au Burundi, avait l'intention de convoquer le 17 novembre à Arusha, avec pour ordre du jour, la désignation du nouveau médiateur. Ce Sommet vient toutefois d'être repoussé à une date ultérieure. Alors que le Gouvernement burundais souhaiterait un médiateur sud-africain, certaines des parties au conflit, notamment le FRODEBU et le CNDD ont rejeté cette option. Le Gouvernement qui n'a pas d'objection majeure à ce que la Tanzanie soit associée au nouveau mécanisme de la médiation, reste ferme sur la question de l'inclusion aux pourparlers des groupes armés. A cet égard, M. Fall a souligné le fait que le FDD avait réitéré son souhait de prendre part aux négociations. Il a indiqué qu'un large consensus semblait se dégager sur la mise en place urgente d'un nouveau mécanisme de médiation (médiateur unique ou collège de médiateurs) et la poursuite des négociations sur la base des acquis d'Arusha.
M. Fall a encore rappelé que le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Kieran Prendergast, se trouvait dans la région depuis le début novembre pour solliciter les vues des principaux acteurs sur les mesures à prendre afin de maintenir le processus de paix sur les rails et examiner ce que l'ONU pourrait faire pour faire avancer ce processus de paix. M. Prendergast s'est rendu en Ethiopie où il a notamment rencontré le Secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine (OUA). De là, il s'est rendu au Kenya, en Tanzanie, au Burundi, au Rwanda, en Ouganda et au Zimbabwe, et se trouve actuellement en Afrique du Sud. Il devrait conclure sa tournée dans la région le 16 novembre avant de rejoindre le Secrétaire général au Sommet de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Turquie, et être de retour à New York vers la fin du mois. Après avoir fait rapport au Secrétaire général, il rendra compte au Conseil de sécurité des résultats de sa mission, a indiqué M. Fall.
M. MARC NTETURUYE (Burundi) a fait état de progrès réels dans le processus de paix même si les délais fixés par le Gouvernement et par la Facilitation n'ont pas été respectés. Il a indiqué néanmoins que le décès de Mwalimu Nyerere, Facilitateur des pourparlers inter-burundais, avait freiné l'élan des négociations de paix. Le Gouvernement a demandé au Secrétaire général de l'ONU de contribuer à trouver dans les plus brefs délais un nouveau Facilitateur qui devra s'attacher à régler le problème principal que sont les hostilités. Les factions armées qui estiment avoir été écartées des négociations d'Arusha doivent y être associées. Le Gouvernement du Burundi a toujours prôné des négociations où toutes les parties seraient représentées. Une solution durable au conflit doit être avant tout politique.
Evoquant la question de la sécurité, le représentant a indiqué que la situation est normale, à l'exception du Bujumbura Rural où l'on observe encore des embuscades sur les routes desservant la capitale et les provinces du Sud-Est où les combats sont causes de nouveaux afflux de réfugiés vers la Tanzanie. Le représentant a attiré l'attention sur la contribution des pays limitrophes au retour de la sécurité et de la paix au Burundi dans la mesure où les rebelles ont des bases aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. L'évolution encore plus grave tient à la collusion des rebelles avec les éléments génocidaires rwandais (Interahamwe et ex-Far). En perspective des accords de Lusaka, ils ont commencé un mouvement de repli vers le Burundi, soit directement, soit via la Tanzanie, pour semer la mort et la désolation. Ainsi, le conflit en République démocratique du Congo est susceptible de compliquer davantage une situation déjà tendue dans toute la sous-région.
Le représentant a donné des explications sur les regroupements de population dans des "sites de protection" de la région de Bujumbura Rural. Il a expliqué que cette initiative a fait suite à la recrudescence de la violence. Il s'agissait d'éviter que les populations des collines et des quartiers périphériques de la capitale ne soient prises entre deux feux. Ce regroupement n'est pas forcé et il est temporaire. Les préoccupations d'ordre humanitaire sont légitimes. Le Gouvernement s'est préparé à organiser l'assistance mais compte tenu de ses moyens limités, il a demandé l'aide de la communauté internationale. Malheureusement, a convenu le représentant, cette aide est aujourd'hui compromise par l'application de la phase IV qui limite le mouvement du personnel humanitaire dans le pays suite à l'assassinat de deux membres de l'ONU en mission humanitaire dans le pays. Il a indiqué qu'une Commission judiciaire mise sur pied par le Procureur général de la République doit remettre au Gouvernement les résultats de l'enquête sur les circonstances de la mort des deux responsables onusiens avant la fin de ce mois de novembre. Il a indiqué par ailleurs que des ONG s'organisent pour reprendre la fourniture de l'aide et le Gouvernement a accordé des garanties plus fermes de sécurité à tous ceux qui veulent se rendre sur les lieux. Nous demandons aux Nations Unies et aux ONG de ne pas se décourager mais de continuer à venir en aide aux nécessiteux. Le Gouvernement de son côté, fait tout pour que toutes les familles regagnent leurs foyers.
Le représentant a qualifié de déplorable la situation socio-économique du pays. Le soupir de soulagement que les Burundais avaient poussé à la suite de la suspension de l'embargo en janvier 1998 a été de courte durée. Ceux-là mêmes qui avaient aidé à faire pression sur la région n'ont pas voulu reprendre leur coopération avec le Burundi "jusqu'à ce que l'Accord de paix soit signé". Aujourd'hui l'économie est au bord de l'effondrement. La monnaie s'est dépréciée de 100% et l'inflation frappe terriblement les plus démunis. Il y a lieu de craindre l'explosion sociale qui risque de mettre le sort du pays entre les mains des extrémistes. Le Gouvernement, a ajouté le représentant, a déjà présenté aux parties un plan de paix qui constitue un véritable compromis auquel sont parvenus le Gouvernement à base élargie et l'Assemblée nationale elle aussi, élargie aux différents partis politiques. Ce partenariat pour la paix mérite d'être soutenu d'autant qu'il mène des négociations avec l'opposition extérieure armée et non armée pour parvenir à un accord de paix globale.
M. VALDIMIR SERGEEV (Fédération de Russie) s'est inquiété de la violence contre la population civile au Burundi, due surtout à des extrémistes opposés au processus de paix, qui profitent du vide actuel causé par le décès du médiateur Julius Nyerere. Il a également condamné les violences contre des collaborateurs des organisations internationales. La Fédération de Russie appuie le processus de paix, et condamne de manière décisive ces attaques.
Le représentant s'est dit préoccupé par le déplacement et le regroupement forcé des populations civiles. Il a appelé au respect strict des droits de l'homme, et à s'abstenir de toute violence qui puisse faire l'échec au processus d'Arusha.
Pour relancer les pourparlers, il a notamment évoqué des négociations entre toutes les parties au processus de paix, cette responsabilité incombant avant tout aux Burundais eux-mêmes. Il a soutenu les efforts des dirigeants de toute la région qui s'efforcent de parvenir à un règlement pacifique. Il a exhorté les parties concernées à désigner dans les meilleurs délais et, avec l'aide de l'ONU, un nouveau médiateur pour prendre la succession de Julius Nyerere.
M. SHEN GUOFANG (Chine) a attribué la situation préoccupante qui prévaut au Burundi, à l'interruption du processus d'Arusha, à la pauvreté et à l'absence de sécurité qui provoquent des flux de réfugiés. Il a condamné l'assassinat des deux fonctionnaires de l'ONU tués dans une embuscade au Burundi et a demandé au Gouvernement burundais de prendre des mesures pour améliorer la sécurité des travailleurs humanitaires. Il a exprimé des craintes de voir se répéter au Burundi le massacre tragique qui a eu lieu au Rwanda. Même si l'on n'en est pas encore là, c'est aujourd'hui qu'il faut tirer les leçons du passé et prendre des mesures pour promouvoir le processus de paix avant d'en arriver au point de non retour. A cet égard, il s'est félicité des initiatives visant à sortir de l'impasse actuelle et a exprimé l'espoir qu'un nouveau médiateur acceptable par toutes les parties sera bientôt désigné. De l'avis de la Chine, un règlement politique négocié est la seule voie vers le rétablissement de la paix et de la promotion de la réconciliation. Les hostilités doivent cesser; les parties doivent revenir à la table de négociation en vue de conclure un accord, a-t-il déclaré.
Pour la Chine, la pauvreté est la cause principale des troubles au Burundi. Partant, il a demandé à la communauté internationale de fournir une assistance humanitaire plus généreuse. Le représentant a indiqué que le Président Buyoya se rendrait bientôt en Chine. A cette occasion, la Chine apportera son appui au processus de paix au Burundi dans la mesure de ses moyens. La paix et la stabilité au Burundi dépendent de la paix et de la stabilité dans toute la région des Grands Lacs, une région où il y a trop d'armes et où les conflits se nourrissent les uns des autres, a déclaré le représentant, engageant la communauté internationale à promouvoir le règlement des troubles dans toute la région.
M. FERNANDO ENRIQUE PETRELLA (Argentine) a estimé qu'il était nécessaire de sensibiliser la communauté internationale au conflit qui prévaut au Burundi. Le premier pas vers la paix est l'arrêt immédiat des attaques des groupes armés contre la population civile, a-t-il déclaré. Il a observé que la politique de regroupement forcé de la population rurale menée par le Gouvernement suscite de graves préoccupations. Pour l'Argentine, le partenariat interne comme le processus d'Arusha sont des cadres de dialogue qui doivent être préservés et améliorés, sous peine de voir l'espace politique conquis par les extrémistes. Le représentant a préconisé la nomination dans les meilleurs délais d'un nouveau médiateur acceptable par toutes les parties. Pour être efficace, le processus d'Arusha doit être ouvert à toutes les parties qui ont montré ou sont disposées à faire preuve d'un esprit de compromis, en vue d'une solution pacifique au conflit. Il ne faut pas qu'il y ait d'exclusions injustifiées, ni délibérées.
La situation humanitaire est particulièrement préoccupante, a souligné le représentant, qui a appelé la communauté internationale à agir avec générosité et détermination. La sécurité et la liberté de mouvement du personnel humanitaire doivent être garanties par toutes les parties, et il s'est déclaré confiant que l'enquête menée par le Burundi sur l'assassinat permettra de traduire en justice les coupables de l'assassinat des deux fonctionnaires de l'ONU. De l'avis de l'Argentine, la crise économique est au coeur du problème et les mécanismes nécessaires permettant de revitaliser l'assistance économique en faveur de la population burundaise doivent être trouvés. Soulignant l'importance du contexte régional, le représentant a estimé que la paix et les institutions démocratiques au Burundi seraient renforcées par la consolidation de l'Etat de droit dans tous les pays de la région des Grands Lacs. Partant, l'Argentine appuie la proposition de la
France de convoquer une conférence internationale sur la région des Grands Lacs, sous les auspices de l'ONU et de l'OUA, dès que les conditions le permettront.
Mme NANCY SORDERBERG (Etats-Unis) s'est déclarée profondément inquiète du retard pris dans le processus de paix. On assiste à une reprise des attaques contre les civils, et à l'opposition d'inconditionnels à la résolution pacifique du conflit au Burundi par un large processus de négociation. Concernant le soit-disant "regroupement" de 340 000 personnes près de la capitale, la représentante l'a qualifié de violation majeure des droits de l'homme qui suscite à juste titre de graves préoccupations humanitaires. La représentante a déclaré qu'elle était choquée par le récent assassinat dans la province de Rutana des représentants de l'UNICEF et du PAM, et a regretté ce coup dur pour l'aide humanitaire.
La représentante a appelé le Conseil à exiger la reprise immédiate du processus de paix avec un nouveau médiateur acceptable par toutes les parties au processus de paix au Burundi, et à condamner les violences qui minent les négociations. Les Nations Unies doivent réaffirmer leur responsabilité en matière de protection des droits de l'homme et en matière de coordination des ONG au Burundi. Pour assurer leur sécurité, elle a demandé à toutes les parties de respecter la neutralité, la liberté de mouvement et la sécurité du personnel des Nations Unies et d'autres membres d'organisations humanitaires internationales. Pour permettre au processus d'Arusha de déboucher sur un accord de paix, elle a préconisé une approche souple et efficace acceptable par toutes les parties burundaises. Elle a engagé les Etats voisins à tout faire pour éviter un débordement des violences, à prendre les mesures qui s'imposent pour empêcher que les camps de réfugiés servent de bases arrières aux rebelles. Elle a demandé le démantèlement des camps de regroupement et un accès sans restriction de ces derniers aux organisations internationales. La représentante a demandé à la communauté des donateurs de fournir une aide économique aussitôt que possible pour remédier à la situation économique désespérée du Burundi.
M. ROBERT R. FOWLER (Canada) a déclaré que le processus de paix d'Arusha reste le meilleur espoir de mettre un terme à la violence et à l'instabilité. Il a réaffirmé le soutien vigoureux que son gouvernement continue d'apporter à ce processus. Déplorant le décès du Facilitateur de ce processus, M. Julius Nyerere, le représentant a estimé qu'il convient de nommer rapidement un nouveau médiateur si l'on veut conserver la dynamique des négociations menées jusqu'ici et l'engagement des parties dans ce processus. Il s'est d'ailleurs félicité de la nomination de M. Ayité Jean-Claude Kpakpo au poste de conseiller principal de l'ONU auprès du Facilitateur du processus au Burundi. M. Fowler a qualifié d'opportun le renforcement du rôle de l'ONU dans ce processus et a encouragé le Secrétaire général à envisager de nommer un Représentant spécial au Burundi pour appuyer le processus de paix et contribuer à la coordination de l'action humanitaire.
Le représentant a rappelé que la situation humanitaire au Burundi reste mauvaise. Il a exhorté toutes les parties au conflit à mettre un terme au cycle de violence et de tueries perpétrées sans discernement et le Gouvernement burundais en particulier, à prendre les mesures qui s'imposent pour mettre fin à l'impunité. M. Fowler a fait remarquer que le climat d'insécurité qui règne dans le pays, restreint la capacité du personnel humanitaire à venir en aide aux populations dans le besoin. A cet égard, il a également engagé toutes les parties à fournir des assurances concrètes quant à la sûreté, la sécurité et la liberté de mouvement du personnel humanitaire. Le représentant s'est déclaré préoccupé par les rapports faisant état de la présence déstabilisatrice au Burundi d'Interhamwe et de forces ex-rwandaises venues de la République démocratique du Congo (RDC). Il a estimé que la paix ne pourra pas être rétablie au Burundi sur une base durable en l'absence d'un règlement du conflit en RDC. M. Fowler a estimé que les efforts visant à restaurer la paix dans l'ensemble de la sous-région doivent impérativement recevoir l'appui de la communauté internationale, puisqu'elle a prouvé dans le passé sa volonté d'apporter son aide. Cependant, la responsabilité de rétablir une paix durable incombe principalement aux Burundais.
M. STEWART ELDON (Royaume-Uni) a déclaré que la situation au Burundi devenait de plus en plus complexe et précaire, et que les récentes violences contre le personnel humanitaire, le décès du Médiateur Julius Nyerere et la lenteur du processus d'Arusha sont causes de profondes inquiétudes. Pour le Royaume-Uni, la première priorité est de mettre un terme à la souffrance de la population burundaise. Il a regretté que la situation humanitaire se dégrade inexorablement dans le pays vu que les organisations humanitaires ont dû restreindre leurs activités et sont à présent dans l'impossibilité même de livrer les secours d'urgence hors de Bujumbura. M. Eldon a estimé que le Gouvernement du Burundi devait faire de son mieux pour que les personnes regroupées dans des camps puissent retourner chez elles le plus rapidement possible. La violence persistante contre les civils est inacceptable et nous appelons toutes les parties à respecter les droits de l'homme et le droit humanitaire international. A son avis, Il n'existe pas de solution militaire et, avec la nomination d'un nouveau facilitateur, les parties doivent se consacrer à la recherche d'un règlement négocié, faire preuve de souplesse et s'engager de manière constructive. En cette période critique, les Nations Unies devraient s'impliquer plus activement, politiquement et humanitairement, a-t-il conclu.
M. RASHID AL-DOSARI (Bahreïn) a regretté que la situation globale du Burundi, tant politique, économique qu'humanitaire, se détériore de la façon la plus dangereuse. Le décès du Médiateur a laissé un vide politique majeur. Ce n'est pourtant pas le facteur principal du pourrissement de la situation au Burundi, a noté le représentant. Il semble que les soi-disant partenaires politiques n'ont pas la volonté politique nécessaire de parvenir à une paix qui respecte les droits de toutes les populations, quelle que soit leur origine ethnique, a-t-il ajouté. Il a estimé que c'est là la raison des atermoiements dans le processus de paix. Il a demandé à toutes les parties de consentir à régler leurs différends par les voies de la paix car la communauté internationale ne permettra pas que les problèmes se règlent par la force.
Le représentant a appelé à la fin de toutes les violences, en particulier dans la capitale, et la nomination rapide d'un successeur à Julius Nyerere pour maintenir l'élan qu'il a su insuffler au processus de paix. Il a demandé aux parties de permettre l'acheminent de l'aide humanitaire vers toutes les régions, et en particulier vers les camps de regroupement pour éviter les épidémies. Il a lancé un appel à la communauté internationale pour qu'elle fournisse immédiatement l'aide humanitaire nécessaire. Il a condamné par ailleurs l'assassinat de deux membres de la mission de l'ONU, et a demandé que leurs meurtriers soient traduits le plus rapidement possible devant la justice. Le personnel des Nations Unies et les personnels associés doivent être protégés, a conclu le représentant, qui attend de nouvelles informations après le retour, de la région, du Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Kieran Prendergast.
M. ALAIN DEJAMMET (France) a condamné les attaques commises par les groupes rebelles contre les populations civiles et contre les organisations humanitaires, et a déploré les violations des droits de l'homme qui accompagnent le regain des tensions. Le représentant a estimé qu'il fallait que le processus de réconciliation au Burundi, tant interne qu'externe, reprenne son cours et progresse, et a appelé la communauté internationale à aider les Burundais à réaliser cette réconciliation. Evoquant la visite récente dans la région des Grands Lacs et au Burundi du Ministre délégué à la coopération et à la francophonie, M. Charles Josselin, il a proposé quelques orientations pour guider l'action du Conseil à cet égard. De l'avis de la France, il faut que le processus de réconciliation s'appuie sur les résultats obtenus dans le cadre des négociations d'Arusha. La France espère que la médiation reprendra le plus rapidement possible et appuie les efforts que le Secrétaire général a entrepris, par l'envoi d'un émissaire dans la région, pour aider à la revitalisation du processus externe. Il faut également que toutes les parties, notamment la rébellion armée, participent aux négociations en vue d'un règlement, et à cet égard l'arrêt des hostilités constitue une priorité.
M. Dejammet a invité la communauté internationale à appuyer la reprise du processus de paix de manière très concrète. Le Burundi connaît une situation de tensions que les difficultés économiques n'ont fait qu'aggraver. Pour sortir de ce cercle vicieux, il faut que les progrès du processus de paix soient appuyés par une aide internationale à la réconciliation, à la reconstruction et à la démocratisation. Enfin, il a invité le Conseil à avoir à l'esprit les liens avec la situation en République démocratique du Congo. La mise en oeuvre de l'Accord de Lusaka est nécessaire pour permettre le redressement plein et entier du Burundi. Le Conseil devra ainsi réfléchir à l'articulation entre l'application du processus de Lusaka et la reprise du processus d'Arusha, a déclaré le représentant. Il a remercié l'Argentine pour son appui à la proposition française d'organiser une conférence sur la région des Grands Lacs.
M. BABOUCARR-BLAISE ISMAILA JAGNE (Gambie) a estimé que suite au décès de Mwalimu Nyerere et à la reprise des hostilités, les factions burundaises sont encore bien loin de trouver la paix. Il est donc urgent de redoubler d'efforts pour sauvegarder le processus de paix, a-t-il ajouté. Tout d'abord, un médiateur doit être désigné aussi rapidement que possible afin de poursuivre le travail entrepris par feu le Président Nyerere. Le représentant a recommandé à ce poste un ancien chef d'Etat africain qui satisfasse toutes les parties burundaises.
Le représentant a noté avec intérêt le fait que celles-ci aient pris en considération certaines candidatures dont il sera discuté prochainement au Sommet des pays de la région des Grands Lacs. Les Comités mis en place dans le cadre du processus de paix d'Arusha doivent poursuivre leur travail car il est impossible de tout reprendre du début, a-t-il également suggéré. Le fait que ni le personnel humanitaire, ni le personnel des Nations Unies ne sont épargnés n'arrange pas la situation. A cet égard, la Gambie condamne l'attaque de Ratana et toute attaque contre des civils non armés. Si la Gambie comprend les inquiétudes du Burundi pour la sécurité de ses citoyens, elle considère que déraciner des gens, dans des camps, loin de leur ferme n'est pas la meilleure solution au problème. Le représentant a d'autre part demander à toutes les parties de garantir la sécurité et la liberté de mouvement de tout le personnel humanitaire. Il s'est déclaré préoccupé par la présence de combattants dans les camps de réfugiés qui doivent n'accueillir que des civils. Au vu des risques d'une crise humanitaire à la prochaine saison et de la détérioration de la situation économique, le représentant a lancé un appel à la communauté des donateurs pour qu'elle maintienne son aide au Burundi.
M. LUIZ TUPY CALDAS DE MOURA (Brésil) a déclaré que la situation au Burundi est source de graves préoccupations car elle fait peser une menace majeure sur la paix et la stabilité dans la région des Grands Lacs. La méfiance permanente entre les deux groupes ethniques principaux fait craindre une tragédie humanitaire au Burundi. L'absence de progrès vers l'établissement d'un dialogue politique entre les parties a provoqué des souffrances humaines énormes. Dans des circonstances si difficiles, une solution durable à la crise ne peut être trouvée que par des moyens politiques et diplomatiques. Le processus d'Arusha doit se poursuivre avec le ferme appui de l'ONU et de la communauté internationale. Il faut trouver sans tarder un médiateur des pourparlers d'Arusha pour succéder à Julius Nyerere, récemment décédé.
Le Brésil déplore les actes de violence commis contre le personnel humanitaire au Burundi et le meurtre de deux membres du personnel de l'ONU en octobre dernier. Le Conseil doit énoncer clairement sa volonté de suivre constamment la situation au Burundi. Toutes les parties doivent s'abstenir de commettre des actes de violence et s'engager sans délai à entamer un dialogue politique à base large en vue de créer les conditions favorables à la réconciliation nationale, la démocratie et à la primauté du droit. Pour sa part, la communauté internationale doit être prête à apporter son appui au processus de paix et son aide au relèvement du pays. Le Brésil est favorable à l'organisation d'une conférence internationale sur la paix, la sécurité et le développement dans la région des Grands Lacs, étant entendu que cette conférence, sous les auspices de l'ONU et de l'OUA, devra contribuer à la recherche de solutions globales aux problèmes affectant la région, comme la pauvreté, la stagnation économique, le trafic d'armes, les flux de réfugiés et la persistance de la violence. Le Brésil espère que le rapport que fera le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques à l'issue de sa visite dans la région fournira la base d'une plus grande implication de l'ONU au Burundi. M. MARTIN ANDJABA (Namibie) a déploré que la situation au Burundi, où la violence connaît une certaine recrudescence, ait déstabilisé tout le pays, faisant sentir les conséquences au-delà des frontières. Il a aussi exprimé son inquiétude à propos des réfugiés qui fuient les combats et du sort des populations déplacées dans des camps de regroupement où les conditions humanitaires sont déplorables. Il a souligné le rôle de la Tanzanie, pays parmi les moins développés, qui continue d'accueillir près de 260 000 réfugiés et à en supporter le coût malgré ses maigres ressources.
M. Andjaba a appelé les partis politiques burundais à poursuivre les négociations afin de trouver une solution pacifique au conflit; mais pour ce faire, il faut d'abord arrêter les combats. Il a précisé que seule la participation de tous les Burundais, sans distinction de leur origine ethnique, au processus de développement politique, économique et social, pouvait ramener la paix au Burundi. C'est aux Burundais eux- mêmes de trouver la force et la volonté de se réconcilier. La communauté internationale ne peut que leur porter assistance, a- t-il précisé. Il a enfin condamné l'assassinat des membres du personnel des Nations Unies ayant entraîné la suspension des activités humanitaires de l'ONU.
M. DENIS DANGUE REWAKA (Gabon) a regretté que certaines parties burundaises, profitant du vide créé par le décès brutal du Mwalimu Nyerere, Facilitateur des pourparlers interburundais, ont estimé qu'il fallait rompre le cessez-le-feu et relancer la guerre civile. Il a encouragé tous ceux qui sont déjà engagés dans le processus de paix à s'entendre le plus rapidement possible sur le choix d'un nouveau facilitateur et a demandé que toutes les parties burundaises sans exclusion aucune soient étroitement associées au processus de paix. En effet, l'expérience a montré que celles qui sont considérées comme des groupuscules et qui n'ont aucun poids sont le plus souvent à l'origine de l'insécurité, de l'instabilité et de la recrudescence de la violence. Le Gabon a réitéré sa condamnation des meurtres des fonctionnaires des Nations Unies et des organisations humanitaires survenus le 12 octobre 1999 dans la province de Rutana. Le représentant a exhorté les Burundais à traduire dans les faits l'engagement solennel auquel ils ont souscrit en signant le 21 juin 1998, le Déclaration de la première série de négociations à Arusha. D'autre part, il a rappelé que la misère et l'absence de croissance économique dans lesquelles sont placés certains pays peuvent encourager la poursuite des conflits.
M. HASMY AGAM (Malaisie) a estimé qu'une solution durable ne peut être trouvée au Burundi par des moyens militaires. Il s'est dit très gravement préoccupé face à l'impasse dans laquelle se trouve le dialogue politique. La communauté internationale, et particulièrement les Etats de la région doivent redoubler d'efforts pour faire cesser les conflits et parvenir à une paix durable. La Malaisie, pour sa part, soutient les initiatives des responsables régionaux et de l'OUA qui s'efforcent de parvenir à un règlement négocié du conflit. Cependant, le Conseil de sécurité et la communauté internationale ont aussi un rôle essentiel à jouer. M. Agam a encouragé toutes les parties à s'accorder au plus vite sur la nomination d'un nouveau facilitateur, pour remplacer Julius Nyerere. A cet égard, les efforts en cours sur le plan régional doivent être encouragés, a- t-il déclaré.
Il faut aussi que les efforts soient déployés pour inciter toutes les forces politiques burundaises à participer au processus de dialogue et parvenir ainsi à une approche consensuelle en vue du règlement du conflit. Et afin que l'Accord de paix soit solide et durable, il est primordial qu'aucune partie ne soit exclue de ce processus, a-t-il insisté. A son avis, seul le processus d'Arusha, constitue le meilleur moyen de parvenir à la paix durable. En attendant, la situation humanitaire qui prévaut dans la région est une source de graves préoccupations pour la communauté internationale; celle-ci doit néanmoins continuer de fournir une aide généreuse qui dans le pays doit pouvoir parvenir sans entraves jusqu'aux nécessiteux. M. Agam craint que de nouveaux déplacements de populations n'aient des conséquences graves pour la paix et la sécurité de toute la région des Grands Lacs. Le représentant a indiqué que la communauté internationale ne peut permettre que des actes violents continuent d'être perpétrés dans cette région sans impunité. Il a demandé que les responsables de violations graves du droit humanitaire international soient poursuivis et châtier pour crimes contre l'humanité.
M. PETER VAN WALSUM (Pays-Bas) a rappelé qu'à la suite de la levée des sanctions contre le Burundi, le processus de paix d'Arusha aurait dû déboucher sur un règlement définitif de la situation. Or, la situation qui prévaut à l'heure actuelle est extrêmement préoccupante, a déclaré le représentant, compte tenu notamment de l'avancée des forces extrémistes et de l'assassinat récent de deux membres du personnel des Nations Unies, dont un Néerlandais. Le représentant a demandé que les auteurs de ces assassinats soient traduits en justice. Dans ce contexte de détérioration de la sécurité, il faut tout mettre en oeuvre pour que le droit humanitaire international, la neutralité et l'impartialité de l'assistance humanitaire soient respectés et que soit garantie la sécurité de ceux qui apportent cette aide. Il a également insisté pour que la sécurité et le bien-être des populations rurales regroupées de force demeurent la responsabilité du Gouvernement du Burundi. D'autre part, le processus de paix d'Arusha doit reprendre le plus rapidement possible et il est souhaitable que les parties désignent un successeur au Médiateur, Julius Nyerere. Le représentant a estimé que la situation au Burundi constitue une menace pour la région toute entière et que le processus de paix d'Arusha et de Lusaka dépendent l'un de l'autre car la situation en République démocratique du Congo ne peut être réglée sans stabilité au sein des pays voisins. M. DANILO TÜRK (Slovénie) a estimé que compte tenu des différentes interventions entendues aujourd'hui, le débat du Conseil sur la situation au Burundi était opportun. Le Burundi est à la fois dans une situation politique grave et face à une catastrophe humanitaire. La situation sanitaire des enfants se détériore notamment à toute allure, a constaté le représentant. Si cette tendance devait se poursuivre, la situation ne peut que s'aggraver. Il a demandé que soit mis fin à la violence contre les civils et s'est réjoui de ce que le débat ait donné la possibilité au Conseil d'affirmer son soutien au processus d'Arusha. Il a observé que tous les orateurs avaient exprimé leur regret face à la disparition du Médiateur Julius Nyerere. Il a également regretté que l'espoir de voir le processus d'Arusha aboutir cette année ne soit plus de mise aujourd'hui, et a dit sa déception que la tâche prioritaire consistant à trouver un successeur à Nyerere n'ait pas été mise en oeuvre rapidement.
Le représentant a demandé que toutes les parties soient incluses dans le processus de paix sous peine de rendre inopérant un éventuel accord de paix partiel - accord qui ne serait alors probablement pas accepté par l'ensemble de la population. S'agissant de la sécurité et de la sûreté du personnel humanitaire, il a condamné l'assassinat le mois dernier de fonctionnaires de l'ONU, ce qui montre à quel point la situation est fragile et précaire et plus urgent encore la nécessité de relancer le processus de paix. Souhaitant que la visite du Secrétaire général adjoint offre de nouvelles informations et propositions sur la façon dont le Conseil de sécurité et l'ONU peuvent aider à la mise en oeuvre du processus de paix, il a exprimé l'espoir que le Conseil ne sera alors pas seulement disposé à suivre les évènements, mais à agir en faveur d'un règlement effectif et définitif de la crise.
M. MATTI KAARIAINEN (Finlande) s'exprimant au nom de l'Union européenne et des pays associés, a fait part de sa grave préoccupation au sujet de la lenteur des progrès du processus de paix et la détérioration de la sécurité, de la situation humanitaire et des droits de l'homme au Burundi. En attendant de possibles recommandations du Secrétaire général adjoint, M. Prendergast, à son retour de mission sur place, il constate à quel point le décès du Médiateur, Julius Nyerere, avait laissé un vide au sein du processus de paix d'Arusha. Il a donc appelé à la poursuite des négociations et s'est félicité à cet égard du projet des dirigeants régionaux de parler de l'avenir du Burundi, et de la déclaration du Gouvernement du Burundi de poursuivre ses efforts dans cette direction. Le représentant a engagé toutes les parties à prendre part aux négociations internes et régionales, y compris les mouvements rebelles, afin de mettre fin à la violence et au conflit et ouvrir la voie à une solution pacifique et durable.
Inquiet de la recrudescence de la violence qui touche prioritairement les civils, le représentant a demandé la cessation de toute violence, le respect de la neutralité des camps de réfugiés de la région et le refus de tous les pays de laisser leur territoire servir de base arrière aux bandes armées. Il a vigoureusement condamné l'attaque des membres des organisations internationales, en particulier de l'ONU, et exigé que ses auteurs soient traduits en justice. Il a déploré la reprise de la violence qui a entraîné une augmentation dramatique du nombre de réfugiés et des personnes déplacées. Plus de 1,1 million de Burundais ont été déplacés depuis le début du conflit en 1993. L'Union européenne est particulièrement préoccupée par le regroupement forcé récent de 300 000 civils autour de Bujumbura, couteux en biens matériels et en vies. Elle a demandé que le Gouvernement burundais mette fin à cette politique, et qu'en attendant il améliore les conditions de santé, d'alimentation et de logement des civils. L'Union européenne appelle également toutes les parties à respecter les droits de l'homme et le droit humanitaire international. Il s'est félicité de ce que le représentant du Burundi ait donné des assurances à l'ONU et aux ONG que le Gouvernement burundais laisserait libre- accès à tous les camps. Il l'a invité à donner des garanties de sécurité pour l'aide humanitaire, et à continuer à donner le même accès au Bureau du Haut commissaire pour les droits de l'homme au Burundi. Le représentant a également noté avec intérêt le plan de réforme de la justice et du système pénitentiaire et l'adoption d'un nouveau code de procédure pénale pour lutter contre l'impunité au Burundi.
Le représentant a fait observer que la communauté internationale ne peut rester passive face à la situation actuelle au Burundi. L'Union européenne s'est félicitée de la décision du Secrétaire général de prolonger la présence politique de l'ONU au Burundi, qui peut contribuer à une issue positive du processus de paix. Elle a invité le Gouvernement burundais à poursuivre sa coopération avec l'ONU. Le Conseil de sécurité à un rôle particulier à jouer en aidant le pays et ses citoyens à trouver la paix. Le représentant a rappelé qu'en accord avec la stratégie mise en oeuvre lors des conférences de donateurs d'Ottawa et de New York, l'Union avait accordé pour quelques 15 millions d'euros d'aide humanitaire en 1998. Cette année, environ 10 millions d'euros sont prévus en plus des aides bilatérales. Deux projets de développement suspendus seront remis en oeuvre, et 48 millions d'euros seront alloués à un programme de relèvement en faveur de la réintégration des personnes déplacées. Le représentant a ajouté que l'Union européenne continuera d'appuyer financièrement le processus d'Arusha et la réconciliation au Burundi si les parties se montrent complètement disponibles à jouer leur rôle dans le processus de paix.
M. OLE PETER KOLBY (Norvège) s'est déclaré profondément préoccupé par la recrudescence récente de la violence au Burundi, en particulier dans le sud du pays et dans le Bujumbura Rural, et à invité le Gouvernement à mettre un terme à la spirale de la violence. La communauté internationale, a-t-il déclaré, a une responsabilité particulière en la matière, car elle doit empêcher une seconde tragédie humaine dans la région. La Norvège, qui a activement supporté le processus de paix et a été un des donateurs principaux du processus d'Arusha. Elle a versé 4,5 millions de dollars cette année, sous forme d'aide humanitaire et envisage d'y consacrer davantage. 4,7 autres millions de dollars ont déjà été acheminés vers la région des Grands Lacs par le truchement du système des Nations Unies qui peut et doit jouer un rôle plus actif pour assurer la paix et la sécurité au Burundi, a déclaré le représentant. Il a également regretté la disparition du Médiateur Julius Nyerere à ce moment critique du processus de paix. Craignant que le regain de violence ne menace les pays voisins, il a vivement invité toutes les parties à reprendre leurs efforts pour nommer un nouveau médiateur, et relancer de manière constructive les négociations pour mettre fin au dangereux vide actuel dans le processus de paix.
Le représentant a déclaré que le processus de paix au Burundi devrait être vu dans le contexte régional compte tenu en particulier de la fragile situation en RDC. Sans la mise en oeuvre de l'Accord de Lusaka, il serait difficile de parvenir à la paix au Burundi, a déclaré le représentant. Craignant que les récentes violations du cessez-le-feu en RDC n'aient des effets néfastes sur l'Accord, il a appelé toutes les parties à le respecter et le Conseil de sécurité à suivre de près la situation dans la région.
M. MUSINGA BANDORA (Tanzanie) a déclaré que cette réunion du Conseil a une signification particulière, puisqu'elle a lieu le dernier jour du deuil national de feu Julius Nyerere, l'ancien Président de la Tanzanie qui fut Médiateur dans le processus de paix au Burundi. La violence qui régne actuellement au Burundi concerne non seulement le pays lui-même mais également la sous- région, l'Afrique et la communauté internationale. Le décès du Médiateur et l'aggravation de la crise au Burundi sont causes de préoccupations pour le Conseil, a-t-il observé. Le représentant a rappelé qu'au début du processus de paix d'Arusha, le 21 juin 1998, les parties aux négociations avaient signé une déclaration de principes et d'intentions dans laquelle elle s'engageaient à des négociations sérieuses et de bonne foi jusqu'à ce qu'une solution durable à la crise de leur pays soit trouvée. Elles s'engageaient également à résoudre cette crise de manière pacifique. Les Commissions établies ont été chargées de traiter de cinq domaines de négociations: la nature du conflit au Burundi, les problèmes du génocide et d'exclusion ainsi que leur solution; les questions de relèvement et de bonne gouvernance, d'arrangements constitutionnels, de justice et d'administration; les questions de paix et de sécurité, de défense, de cessation des hostilités et de cessez-le-feu permanent; les questions de réhabilitation et de réinstallation des réfugiés et des personnes déplacées de reconstruction et de développement économique; enfin les garanties de mise en oeuvre des accords qui découleront de ces négociations. Depuis la seconde session de négociations en juillet 1998, de nombreux progrès ont été accomplis malgré la reprise d'hostilités armées, a constaté le représentant. Cette évolution a permis de lever les sanctions au mois de janvier de cette année.
M. Bandora a rappelé que l'intérêt et le souhait de la Tanzanie demeurent la conclusion d'un accord de paix chez son voisin le Burundi. Il a fait observer qu'il continuera, comme par le passé, d'accuser la Tanzanie de soutenir et d'armer des élements agissant au Burundi. C'est une allégation que nous rejetons vigoureusement, a-t-il déclaré. La Tanzanie n'a aucun intérêt à commettre de telles actions, sachant qu'elle serait la première victime de tels agissements. Le Gouvernement de Tanzanie a défié le Burundi à présenter les preuves de telles allégations, jugées fausses et sans fondement.
Rappelant qu'à l'issue de la quatrième session de négociations à Arusha en juillet de cette année, deux des Commissions avaient terminé le gros de leur travail, et que les consultations qui ont suivi ont également permis de résoudre un certain nombre de points de détails, il a cité cinq aspects importants pour permettre au processu de paix de se poursuivre. Premièrement, il est important de ne pas laisser passer trop de temps pour reprendre les négociations sous peine de voir partir en fumée les efforts accomplis jusqu'à ce jour, au lieu de les consolider. Deuxièmement, le représentant ne voit pas de raison pour que le processus au sein des Commissions ne reprendrait pas au plus tôt, celles-ci étant établies par les parties elles-mêmes et ayant largement travaillé sans le Médiateur. Il en est de même pour les consultations informelles établies par les parties pour compléter le processus d'Arusha, a noté le représentant. Quatrièmement, il faut réfléchir sur la façon d'intégrer au mieux les éléments armés au processus de paix pour éviter que leurs actions inquiétantes ne menacent l'ensemble du processus. Enfin, il a exprimé l'espoir que le sommet régional censé avoir lieu à la fin de ce mois permette aux pays de la région de contribuer au choix d'un nouveau médiateur qui puisse inspirer foi et confiance à toutes les parties et présider de manière efficace au processus de négociation.
Evoquant le rôle qui revient au Conseil de sécurité, le représentant a souligné l'importance d'un soutien inconditionnel du Conseil au processus d'Arusha et au principe de négociations pacifiques entre toutes les parties. Le Conseil doit également appeler au soutien matériel indispensable à la poursuite du processus de paix. Le représentant a à ce titre remercié les pays et les organisations qui y ont déjà participé, financièrement et par d'autres moyens. Enfin, les Nations Unies doivent se préparer à faire face à l'issue de ces négociations. Le Burundi aura alors besoin d'aide à la reconstruction et à la réhabilitation de ses institutions pour mettre en oeuvre l'Accord de paix. La population aura également besoin d'aide pour le relèvement et la réintégration des réfugiés et des personnes déplacées. Le Burundi aura surtout besoin du soutien constant de la communauté internationale pour être un pays pacifique et uni.
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