En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/7164

ALLOCUTION DU SECRETAIRE GENERAL DES NATIONS UNIES A TELECOM 99

12 octobre 1999


Communiqué de Presse
SG/SM/7164


ALLOCUTION DU SECRETAIRE GENERAL DES NATIONS UNIES A TELECOM 99

19991012

La déclaration suivante a été faite aujourd’hui par le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, à Télécom 99, Huitième exposition et forum mondiaux des télécommunications:

Je suis heureux de pouvoir assister en personne à cette manifestation avec vous. Certes, grâce aux travaux de beaucoup de personnes ici présentes, j’aurais pu y participer par téléconférence, par le Web ou par satellite, pour ne nommer que quelques-uns des prodiges récents des télécommunications. Le pouvoir de ces nouvelles technologies est tel que bientôt peut-être l’idée de prendre l’avion pour faire plusieurs milliers de kilomètres paraîtra quelque peu anachronique, pour ne pas dire vieillotte. Mais dans un cas comme dans l’autre, que nous soyons diplomates internationaux ou prophètes d’Internet, notre mission est la même : rapprocher les êtres humains.

Nous sommes venus à Genève pour y voir l’avenir, l’avenir que sont en train de façonner les étonnantes technologies nouvelles de la communication et de l’information. Avec ce pouvoir qu’elles ont d’ouvrir de nouveaux horizons, les télécommunications offrent une extraordinaire dynamique d’intégration des peuples et des nations dans l’économie mondiale, le seul véritable espoir que nous ayons de faire reculer la misère.

Avec ce pouvoir qu’elles ont de favoriser l’ouverture et la transparence, elles empêchent de plus en plus le tyran, le pollueur et le gouvernant incapable d’échapper aux regards d’autrui.

Et avec ce pouvoir qu’elles ont d’animer le dialogue mondial, les télécommunications nous rendent la diversité plus familière et notre propre interdépendance plus sensible.

C’est vous, industriels et hommes d’affaires, cadres et pionniers de l’industrie des télécommunications, qui avez su non seulement faire fonctionner plus efficacement les marchés mais encore participer à la création d’une économie totalement nouvelle, l’économie de la connaissance. L’information, c’est le pouvoir. La connaissance est la nouvelle richesse mondiale, le nouveau capital du monde des affaires, la prémisse même de tout progrès.

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La libération et la démocratisation par l’information sont aussi anciennes que la pierre de Rosette ou la presse à imprimer de Gutenberg. Ce qu’il y a de nouveau aujourd’hui, c’est le sentiment que la révolution des télécommunications met sous nos yeux, sur notre table de travail, à portée de nos mains, d’extraordinaires possibilités, dans tous les domaines de la vie moderne.

Aux Nations Unies, nous sommes convaincus que ce pouvoir peut être maîtrisé davantage et mis encore plus au service de notre combat mondial en faveur du bien-être de l’homme, c’est-à-dire de la lutte pour les droits fondamentaux, le développement humain, la liberté de l’homme et la sécurité de l’humanité. Nous tenons à faire tout ce que nos pourrons pour vous seconder dans vos travaux, à ne rien épargner pour que vous puissiez faire tout votre possible.

Vous connaissez tous le visage public des Nations Unies : nos opérations de maintien de la paix et de secours, nos programmes de démocratisation et d’alphabétisation, nos campagnes de vaccination des enfants contre les maladies mortelles.

Les initiatives de ce genre créent des sociétés stables et sont les fondements sur lesquels les marchés peuvent s’enraciner et l’état de droit se développer. Nous savons que les investisseurs ne veulent pas risquer leurs capitaux dans des environnements où l’insécurité est chronique.

Mais notre mission a aussi un aspect moins spectaculaire, moins bien connu, qui fait essentiellement partie de la capacité qu’ont les entreprises de faire des affaires.

L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle protège les marques et les brevets de produits, par exemple les logiciels d’ordinateur. L’aviation, les transports maritimes, la météorologie, la poste, les statistiques ... autant d’activités fondées sur des règles et des normes mises en place par les institutions et les organismes des Nations Unies. L’UIT elle-même mérite une place éminente dans ce tableau.

Ces services techniques participent dans toute leur diversité à l’infrastructure fondamentale de l’économie mondiale. Ils facilitent la libre circulation des biens, des capitaux et des idées. Ils fraient la voie à la prospérité. Faute des règles qu’ils instaurent à l’échelle planétaire, nous vivrions dans une véritable jungle.

On peut dire évidemment que, sous certains aspects importants, nous vivons déjà dans une jungle. Nous avons besoin de votre aide pour la faire reculer.

Dans trois jours d’ici, la population de la planète passera la barre des 6 milliards d’habitants. Or, 5 milliards d’entre eux vivent dans des pays en développement. Pour beaucoup de ceux-là, les prouesses scientifiques et techniques de notre temps pourraient tout aussi bien avoir été réalisées sur une autre planète.

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Ils manquent de tant de choses : travail, logement, nourriture, soins médicaux, eau potable. Aujourd’hui, être tenu à l’écart des services de télécommunications de base est une privation presque aussi dure que la pénurie de ces autres choses, qui risque même de réduire les chances de remédier à leur absence. Les télécommunications sont une question qui intéresse non seulement le ministre des télécommunications de chaque pays, mais aussi le ministre de l’éducation, celui de la santé et bien d’autres encore.

Le quart des pays du monde n’a pas encore atteint le niveau le plus modeste de l’accès aux télécommunications, la télédensité de 1, c’est-à-dire un téléphone pour 100 habitants. La moitié de la population mondiale n’a jamais donné ni reçu un coup de téléphone. Mais au moins pouvons-nous dire que le fossé des infrastructures est en voie de se combler.

Mais il y a plus inquiétant : le fossé de l’information. Ce sont de plus en plus souvent des données, et non des voix humaines, qui sillonnent le réseau mondial des communications. Ce que je crains, c’est que nous ajoutions une nouvelle ligne de faille à la fracture déjà très prononcée entre riches et pauvres, une ligne de partage numérique entre les nantis de l’information et les démunis.

L’accès aux télécommunications est décisif. La capacité de recevoir, d’enregistrer et de partager l’information à l’aide des réseaux électroniques, la liberté de communiquer sans entraves par-delà les frontières naturelles doivent devenir une réalité pour tous les habitants de la Terre.

C’est à cette fin que l’UIT accueille, ici à Télécom 99, un programme spécial à l’intention des pays les moins avancés. J’invite instamment les représentants de l’industrie des télécommunications à s’intéresser de près à ces pays. Sous la surface et au-delà des images de désespoir, vous devrez de nouveau marcher des milieux juridiques et réglementaires accueillants et des perspectives authentiques. J’espère aussi que vous soutiendrez cette autre initiative de l’UIT consistant à organiser un sommet mondial sur la société d’information.

Nous pouvons trouver à Genève aujourd’hui, mais dans un autre lieu, l’illustration parfaite de la manière dont les Nations Unies et les professionnels des télécommunications peuvent mettre leur vocation et leurs forces en commun. Le site web NETAID qui se met en place aujourd’hui est réputé le plus important jamais créé. Il doit permettre à chacun de nous, où qu’il se trouve, de venir en aide aux pauvres sur un simple clic de souris.

Je tiens à féliciter tous ceux qui ont contribué à la réalisation de cette manifestation, en tout premier lieu la société CISCO Systems et son Président directeur général, M. John Chambers, ainsi que le Programme des Nations Unies pour le développement, dirigé par M. Mark Malloch Brown. (Le Secrétaire général invite M. Chambers et M. Malloch Brown à se lever et se faire connaître, puis le rejoindre à la tribune.)

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Ils ont bénéficié de l’appui décisif de KPMG et d’Akamai. NETAID offre l’exemple d’un partenariat mondial qui doit nous inspirer. Il est lui aussi une autre illustration de la manière dont les Nations Unies et les milieux d’affaires mondiaux démontrent que les objectifs sont complémentaires et qu’ils sont en synergie.

A l’orée d’un nouveau millénaire, nous ouvrons un nouveau chapitre de l’histoire de l’humanité, chapitre où nous verrons, mieux que jamais auparavant, que nous avons en commun la même destinée.

La force qui soutient l’ONU face aux enjeux qui l’attendent c’est la force de ces valeurs universelles : la liberté, la tolérance et l’égalité des droits.

Mais c’est aussi la force de ceux qui oeuvrent avec nous à la promotion de ces valeurs et à leur concrétisation dans la vie quotidienne.

Il y a longtemps que je pense que l’industrie des télécommunications figure parmi les alliés naturels des Nations Unies pour cette entreprise. «Nations Unies» est un raccourci pour «Nous, peuples des Nations Unies». Nous avons la possibilité de donner du pouvoir à ces peuples mêmes.

C’est pourquoi j’ai proposé un pacte global entre les Nations Unies et le monde des affaires, pacte qui visera à promouvoir les valeurs universelles et le libre commerce. J’ai besoin que vous me suiviez dans cette entreprise.

Il m’arrive, quand je regarde le journal télévisé, ou même au cours de mes fonctions de Secrétaire général, d’avoir l’impression que l’avenir ne sera fait que de conflits, de famine, de pollution et de désespoir.

Mais quant je considère ce que votre industrie est venue exposer à Genève, le tableau me paraît bien différent et beaucoup plus encourageant. Il me tarde d’étudier avec vous la manière dont nous pouvons concilier ces deux images, c’est-à-dire comment nous pourrons utiliser la grande promesse qu’annonce l’une pour éviter le cauchemar de l’autre.

«Et n’oubliez pas la bienfaisance et la libéralité», dit la Bible. Ce n’est que si nous suivons ce précepte que nous pourrons réaliser les objectifs de Télécom 99. Alors nous atteindrons ce nouveau monde que les télécommunications mettent à notre portée. Alors tous les peuples et toutes les nations pourront participer à la vie du monde.

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