En cours au Siège de l'ONU

CS/1098

LE CONSEIL DE SECURITE DOIT MIEUX SOUTENIR LES INITIATIVES FAVORABLES AU RETOUR A LA PAIX DANS LES ZONES EN CONFLIT D'AFRIQUE

30 septembre 1999


Communiqué de Presse
CS/1098


LE CONSEIL DE SECURITE DOIT MIEUX SOUTENIR LES INITIATIVES FAVORABLES AU RETOUR A LA PAIX DANS LES ZONES EN CONFLIT D'AFRIQUE

19990930

Réuni depuis hier matin pour examiner la situation de l'Afrique, à la lumière du rapport de suivi du Secrétaire général sur l'application de ses recommandations concernant les causes de conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durables en Afrique, le Conseil de sécurité a achevé ce soir son débat de niveau ministériel. Les défis que doit relever l'Afrique en matière de sécurité et de développement sont également ceux de la communauté internationale. Mais les Africains doivent, néanmoins, être les premiers concernés par ces défis puisqu'il s'agit de leur continent et de leur avenir. Le concept de bonne gouvernance semble être un principe clef pour promouvoir la paix et le progrès sur le continent, mais pour que l'Afrique accède à la démocratie et à la bonne gouvernance, il est important que la communauté internationale et les Nations Unies lui fournissent des ressources adéquates. Il faudrait relancer et redonner de la vigueur à toutes les initiatives prises en faveur des pays africains, les institutions des Nations Unies devant intensifier leurs efforts dans ce sens. De même, la communauté internationale doit trouver une solution au problème de la dette excessive qui écrase l'Afrique par le biais d'une action politique concertée. Toutefois, les actions internationales devraient prendre en considération le cadre de travail de l'OUA et travailler dans le contexte et les réalités des économies des pays africains. Tels sont, entre autres, les propos tenus par les intervenants au cours de ses quatre réunions du Conseil.

Dans le cadre du Mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des conflits de l'OUA, les groupes sous-régionaux ont créé leurs mécanismes respectifs, et si ces efforts déployés pour renforcer la capacité de l'Afrique en matière de maintien de la paix sont louables, ils n'exonèrent pas la communauté internationale et le Conseil de sécurité de leurs obligations en matière de maintien de la paix et de la sécurité. L'ONU et le Conseil ne devraient pas tirer prétexte d'une quelconque difficulté à mobiliser des ressources financières et logistiques pour se désengager du continent africain. L'Afrique assume largement sa part de responsabilité dans la recherche de solutions aux problèmes qui l'affectent, ont fait observer de nombreuses délégations. La preuve en est que des initiatives purement africaines ont permis, dans le cadre de la SADC, de conclure le 10 juillet dernier, l'Accord de Lusaka sur la République démocratique du Congo.

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Maintenant qu'est assurée l'adhésion de toutes les parties à cet Accord, le Conseil doit aider à la mise en oeuvre effective de ses clauses et déployer des observateurs et des soldats chargés du maintien de la paix.

Tout en se félicitant des initiatives prises par les Nations Unies et les institutions de Bretton Woods établissant des principes pour la lutte contre la corruption en Afrique, certains intervenants ont, toutefois, insisté sur la nécessité de prendre des mesures vigoureuses pour contrôler les flux de capitaux de l'Afrique vers les banques des pays développés - souvent le fruit de la corruption - et de demander le soutien des gouvernements étrangers dans lesquels se trouvent les banques en question pour rapatrier ces fonds dont l'Afrique a cruellement besoin. C'est notamment la position du Nigéria qui demande à l'ONU d'élaborer et d'adopter une convention à cet égard.

Outre le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, et le Secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), M. Salim Ahmed Salim, cinquante-deux délégations - pour la plupart au niveau ministériel - ont présenté leurs vues sur la question au cours de ce débat de deux jours.

Dans le cadre de la séance d'aujourd'hui, les représentants des délégations suivantes ont fait une déclaration : Philippines, Rwanda, Tanzanie, Inde, Slovaquie, Soudan, Sénégal, Mozambique, Ghana, Togo, Jamahiriya arabe unie, Afrique du Sud, Finlande, Jamaïque, Egypte, Portugal, Indonésie, République de Corée, Belgique, République démocratique du Congo, Maroc, Emirats arabes unis, Comores, Cuba, Swaziland, Uruguay, Zambie, Ouganda, Pakistan et Nigéria.

Les représentants du Canada et des Etats-Unis ont tenu à souligner le rôle crucial que l'Ambassadeur Gambari (Nigéria) a joué en sa qualité de président du Comité spécial des opérations de maintien de la paix et, en particulier dans la conclusion de l'Accord de Lomé sur la Sierra Leone. A l'instar des autres délégations, ils lui ont exprimé leurs voeux de succès dans ses nouvelles fonctions.

Le rapport d'étape du Secrétaire général sur l'application des recommandations du Secrétaire général figurant dans le rapport sur les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durables en Afrique, a été présenté dans notre communiqué CS/1097 du 29 septembre.

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La situation en Afrique

Déclarations

M. DOMINGO L. SIAZON JR., Secrétaire des affaires étrangères des Philippines: la communauté internationale a fait un certain nombre de pas dans la bonne direction, sur le continent africain, mais nous devons faire plus et nous devons être disposés à mettre en place des régimes juridiques pour pénaliser ceux qui persistent à pourvoir des armes dans les zones de conflits en Afrique, en dehors des besoins légitimes de défense. Nous devons également prendre toutes les mesures nécessaires pour arrêter le flux des petites armes et les mauvais profits qui en découlent. Des initiatives similaires à celles prises par l'OCDE, dans le domaine de la lutte contre la corruption devraient être appliquées au trafic illicite des petites armes. Il me semble que le Conseil de sécurité devrait prendre en considération de telles mesures. La Conférence internationale sur les armes légères et de petit calibre, prévue pour 2001, devrait également prendre en considération de telles approches comme mesures possibles pour prévenir la prolifération des armes légères.

Par ailleurs, c'est un impératif moral que de fournir une assistance humanitaire aux victimes des conflits. Toutefois, si l'aide humanitaire constitue une réponse immédiate, elle doit également être envisagée comme une étape nécessaire vers le rétablissement complet, la réhabilitation et le développement. Elle doit, dans la mesure du possible, permettre d'établir les bases solides d'une croissance après les conflits.

Le renforcement des fondations économiques est nécessaire pour permettre le développement durable des pays africains. La mobilisation de ressources adéquates pour ce développement est essentielle. Or, de nombreux pays africains continuent de compter sur les financements de l'Aide officielle pour le développement. Il est donc important qu'il n'y ait pas de réduction de ces aides. A ce sujet, je partage l'avis du Secrétaire général, lorsqu'il déclare que les coupes faites dans les budgets de l'aide à l'Afrique ces dernières années ont bloqué le continent dans ses efforts de mise en oeuvre de réformes politiques et économiques, plutôt que de l'aider.

Les défis que doit relever l'Afrique sont également ceux de la communauté internationale. Mais les Africains doivent, néanmoins, être les premiers concernés par ces défis. Or, le concept de bonne gouvernance semble être un principe clef pour promouvoir la paix et le progrès sur le continent. Pour avoir travailler avec beaucoup d'Africains, je sais combien ils sont décidés à établir la paix et engagés en faveur du développement de leur continent. Je sais aussi que le peuple africain est prêt à prendre son avenir en main. Pour que l'Afrique accède à la démocratie et à la bonne gouvernance, il est important que la communauté internationale et les Nations Unies lui fournissent des ressources adéquates. Nous devons redonner vigueur à toutes les initiatives prises en faveur des pays africains.

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Les agences des Nations Unies doivent intensifier leurs efforts. De même que la communauté internationale doit trouver une solution au problème de la dette extérieure excessive de l'Afrique au travers d'une action politique concertée. Cependant, toute action internationale doit prendre en considération le cadre de travail de l'OUA et travailler dans le contexte des économies des pays africains. Les Philippines, pour leur part, continuent d'entretenir et d'initier des relations avec les pays africains qui permettront de partager nos traditions démocratiques et libérales.

M. AUGUSTIN IYAMUREMYE, Ministre des affaires étrangères et de la coopération régionale de la République rwandaise: nous sommes fiers d'annoncer que le Rwanda a pu trouver des solutions aux deux problèmes majeurs qui se posaient à sa sécurité. Nous avons pu mettre fin au génocide dont nous avons été victimes et avons pu faciliter, avec l'aide du Haut Commissariat aux réfugiés et de la Croix-Rouge internationale, le retour dans leurs foyers de 3 millions de réfugiés. La sécurité et la paix règnent désormais sur toute l'étendue de notre territoire, mais les forces génocidaires, entre autres les milices INTERAHAMWE et les anciennes Forces armées rwandaises (ex-FAR) sont plus actives que jamais. Fortement armées par leurs alliés, elles sont dirigées par les anciens politiciens et officiers supérieurs des ex-FAR, tous acquis à l'idéologie du génocide. Nous avons plusieurs fois, dans le passé, et hélas sans être entendus, tiré la sonnette d'alarme contre cette idéologie et nous réitérons aujourd'hui cet appel à la communauté internationale pour lui signaler que les mêmes forces du mal rôdent en ce moment autour du Rwanda, prêtes à reprendre leur ignoble besogne. Nous demandons au Conseil de sécurité d'agir pour que l'Accord de cessez-le-feu signé à Lusaka en Zambie, soit scrupuleusement respecté par toutes les parties concernées. Le Rwanda pour sa part, veillera à ce qu'aucune menace venue de l'extérieur ne remette en cause sa sécurité, et nous demandons à la communauté internationale de nous soutenir dans cette tâche. L'Accord de Lusaka stipule clairement que le "Conseil de sécurité de l'ONU, agissant conformément aux dispositions du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et en collaboration avec l'OUA, sera appelé à constituer, faciliter et déployer une force de maintien de la paix en République démocratique du Congo (RDC) afin d'assurer la mise en oeuvre de cet Accord; et compte tenu de la situation particulière de la RDC, lui confiera le mandat de poursuivre tous les groupes armés en RDC." En ce qui nous concerne, le terme "groupes armés" désigne clairement les forces génocidaires et les milices INTERHAMWE.

Au Rwanda, personne aujourd'hui n'a le droit de se faire justice. L'impunité n'y a plus droit de cité, et nous prenons l'engagement que plus jamais une situation semblable à celle du génocide ne se reproduira. Les composantes Hutu, Tutsi et Twa de la société rwandaise ont vécu en paix pendant des siècles. Mais au lieu de consolider l'harmonie entre ces groupes, le colonialisme a contribué à la désagrégation de notre société, et a institutionnalisé les clivages ethniques. La cause des conflits dans notre région, aujourd'hui, est bien connue et a été correctement identifiée par les

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Chefs d'Etat et de Gouvernement des pays de la SADC et des Grands Lacs. L'Accord de Lusaka est la solution aux problèmes qui se posent, et la communauté internationale doit contribuer efficacement à sa mise en application. Notre pays lui lance de nouveau un appel urgent, pour prévenir la résurgence de l'idéologie génocidaire et du révisionnisme intellectuel qui l'accompagne qui veut nier et minimiser le génocide de 1994.

M. JAKAYA M. KIKWETE, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la Tanzanie: les dirigeants africains prennent de plus en plus la direction des affaires en matière de développement et de règlement des conflits. Dans le cadre du Mécanisme de prévention, de gestion et de résolution des conflits de l'OUA, les groupes sous-régionaux ont créé leurs mécanismes respectifs et si ce fait ne dispense par les Nations Unies et le Conseil de sécurité de leur responsabilité en matière de paix et de sécurité internationales, il montre de toute évidence que l'Afrique assume sa responsabilité dans la recherche de solutions aux problèmes africains. C'est ce contexte qui a permis à la SADC de conclure l'Accord de Lusaka le 10 juillet dernier sur la République démocratique du Congo. Maintenant qu'est assurée l'adhésion de toutes les parties à cet Accord, le Conseil doit accélérer les choses et déployer des observateurs et des soldats chargés du maintien de la paix. Abordant la situation au Burundi, le représentant a indiqué que le processus de paix initié par la région et poursuivi maintenant par l'ancien Président, Julius Nyerere évolue bien. Il faut espérer, a-t-il ajouté, que le prochain cycle de discussions qui doit commencer le 1er novembre 1999 résoudra certaines des questions en suspens pour que l'accord de paix puisse être réalisé et mis en oeuvre le plus rapidement possible. La communauté internationale doit continuer à presser pour une pleine participation de tous les acteurs clés au processus de paix.

Le Ministre a également évoqué la situation en Angola et demandé pourquoi et pendant combien de temps Jonas Savimbi sera autorisé à défier le monde, en particulier le Conseil de sécurité. Il a appelé le Conseil et la communauté internationale dans son ensemble à contribuer à mettre fin à cette intransigeance. C'est en raison des atrocités qu'il a commises que l'Afrique a condamné Jonas Savimbi pour crimes de guerre. Le Conseil doit faire de même et prendre des mesures spécifiques pour le tenir responsable de ces actions, a insisté le Ministre. Evoquant les rôles de l'OUA dans le règlement du conflit entre l'Ethiopie et l'Erythrée, de la CEDEAO au Sierra Leone et de l'IGAD en Somalie, le Ministre a, d'autre part, espéré que le Conseil de sécurité lèvera les sanctions imposées à la Libye du fait de la souplesse dont elle a fait preuve dans l'affaire Lockerbie. Le représentant a poursuivi son intervention en faisant part des défis que doit relever l'Afrique dans le domaine du renforcement de sa capacité de maintien de la paix. Il a souhaité un appui plus concret en soulignant le caractère inadéquat et inefficace des mécanismes existants tels que le Fonds d'affectation spécial et les Accords relatifs aux forces en attente. Le Conseil, a-t-il dit, doit réfléchir sérieusement au fonctionnement d'arrangements plus efficaces et mieux financés. Le

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représentant a également abordé la question des réfugiés pour dire que s'ils sont souvent le produit des conflits, ces réfugiés peuvent également être une cause potentielle de conflits. Le monde a été témoin, a-t-il précisé, de la manière dont un pays peut devenir le foyer de "réfugiés" dont l'objectif ultime est renverser le pouvoir dans leur pays d'origine. Il s'agit là d'un cas d'abus d'hospitalité, a souligné le représentant. Il a terminé son intervention en invoquant la question de la dette et en soulignant qu'une action urgente était nécessaire dans le domaine. Il s'agit bien, a-t-il déclaré, d'un défit.

M. JOSEPH KOKOU KOFFIGOH, Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Togo: à la suite du rapport initial du Secrétaire général sur l'Afrique, invitant les Etats africains à prendre les mesures nécessaires à l'avènement de la démocratie et de l'état de droit et exhortant la communauté internationale à coopérer avec les organisations régionales et sous- régionales, le processus engagé est encourageant. Il faut souhaiter qu'il débouche sur des actions concrètes devant permettre à l'Afrique de s'engager résolument dans la voie du progrès et du développement. A cet égard, il importe de rappeler que le Conseil de sécurité n'est appelé à procéder à une évaluation des progrès accomplis en ce qui concerne la promotion de la paix et de la sécurité en Afrique que l'année prochaine. Il est à espérer que, au lieu d'entamer la dynamique créée, le débat public de ce jour incitera à plus d'actions concrètes.

Les Etats africains ont très tôt pris conscience du fait que l'avenir de l'Afrique leur incombe au premier chef, et s'emploient à initier des actions devant concourir au développement durable du continent. Les élections démocratiques deviennent progressivement la règle, et la bonne gouvernance, la transparence et l'état de droit s'imposent lentement mais sûrement dans toutes les régions du continent. De même, les mécanismes africains de règlement des conflits se sont beaucoup développés, en particulier celui de la CEDEAO. La gestion des périodes post-conflit n'a pas été gérée de manière adéquate en Afrique. Dans bien des cas, les parties au conflit accumulent d'importants stocks d'armes qui peuvent contribuer à la reprise des hostilités. Il est par conséquent impérieux que la communauté internationale appuie les pays concernés à mener à bien leurs programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion et qu'elle réponde à leurs besoins à long terme en matière de reconstruction et de relèvement. A cet égard, je me réjouis de la proposition du Secrétaire général de créer une Force des Nations Unies en Sierra Leone.

Si les efforts déployés pour renforcer la capacité de l'Afrique en matière de maintien de la paix sont louables, ils n'exonèrent cependant pas la communauté internationale et le Conseil de sécurité de leurs obligations en tirant prétexte des mesures d'assistance financière et logistique, au demeurant timides, pour se désengager de ce continent. Les conflits récents en Afrique ont montré combien des considérations historiques ou même

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linguistiques pouvaient compliquer les efforts régionaux de règlement de conflit. Dans de tels contextes, un engagement direct des Nations Unies paraît parfois indispensable pour préserver la paix. Face à ces impératifs, il est regrettable que la même attention n'est pas accordée à toutes les crises ou situations de conflit. Il est à espérer que les opérations en cours et les initiatives futures contribueront à corriger cette tendance de marginalisation de l'Afrique qui ne demande qu'à être accompagnée dans ces efforts de promotion d'une paix et d'un développement durables.

Mme VASUNDHARA RAJE, Ministre d'Etat aux affaires étrangères de l'Inde: nous avons noté l'année dernière que la plupart des problèmes que le Secrétaire général a identifié dans son rapport sur l'Afrique ne relèvent pas du mandat du Conseil de sécurité. Toutefois, comme ce débat aborde tous les défis auxquels l'Afrique doit faire face, j'aborderai également les questions dont la solution se trouve en dehors des prérogatives du Conseil. En ce qui concerne les moyens de réponse aux situations de conflit, nous pensons qu'il faut éviter les efforts de médiation rivaux et favoriser des groupes de contact et des conférences spéciales à condition que toutes les parties au conflit soient disposées à y prendre part. L'Inde a participé au processus de Interlaken dont l'objectif devrait être de trouver des moyens pour mieux cibler les sanctions afin d'alléger leur impact sur les innocents, en Afrique et ailleurs, plutôt que de chercher à faciliter la tâche des banques internationales à travers lesquelles les sanctions financières sont imposées. Compte tenu de l'importance des flux de capitaux de l'Afrique vers les banques dans les pays développés (environ $22 milliards de 1982 à 1992), qui sont souvent le fruit de la corruption, il faut à la fois prendre des mesures contre la corruption sur le continent africain et demander le soutien des gouvernements étrangers dans lesquels se trouvent les banques en question afin de rapatrier ces fonds dont l'Afrique a besoin. Pour ce qui est des violations des embargos sur les armes imposés par le Conseil de sécurité, le Secrétariat collabore avec les Etats africains pour en faire une offense criminelle sous la législation nationale de ces pays. Cependant, toute législation africaine en ce sens serait inutile sans avoir en parallèle des législations strictes dans les pays exportateurs d'armes. Nous sommes surpris de constater que le rapport du Secrétaire général n'aborde pas la question des mercenaires en Afrique, d'autant plus qu'il est bien connu qu'ils soutiennent un certain nombre de conflits en cours et ont commis d'horribles violations des droits de l'homme. Le rapport omet également la question du terrorisme.

Nous nous félicitons des efforts internationaux pour renforcer les capacités de maintien de la paix en Afrique. Cela ne dispense cependant pas le Conseil de sécurité de ses responsabilités de maintien de la paix et de la sécurité envers l'Afrique, et ne doit pas servir d'excuse pour ne plus y déployer des opérations de maintien de la paix lorsque cela est nécessaire. En général, tout ce que fait le Conseil de sécurité pour l'Afrique risque

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d'être inutile s'il n'y a pas des efforts internationaux concrets pour résoudre les problèmes sous-jacents aux conflits, en particulier le développement de ce continent qui est une condition essentielle pour la paix et la stabilité. Dans ce contexte, nous devons aborder les problèmes spécifiques de chaque sous-région, voire chaque pays en vue de mettre en place des solution adaptées à la réalité locale. Compte tenu de l'importance des investissements étrangers directs pour la promotion du développement, le Secrétaire général demande aux pays africains de mettre en place des environnements macro-économiques stables afin d'attirer ces capitaux. Il faut toutefois noter que seuls les pays qui disposent de ressources naturelles semblent attirer cette forme d'investissements. Sachant que ce sont les pays dépourvus de ressources naturelles qui en ont le plus besoin, il y a un réel décalage entre l'offre et la demande auquel il faut trouver des solutions. Pour ce qui est de la santé, l'Afrique fait face aux fléaux de la malaria et du sida. Le rapport de l'Organisation mondiale de la santé décrit désormais la malaria comme un problème socio-économique et pas uniquement de santé, au point de le considérer comme une cause et non plus une conséquence du sous- développement. On estime en outre le nombre de personnes touchées par le virus du sida à 54 millions en Afrique. Compte tenu du coût annuel estimé à $3000 par an et par malade, il est légitime de se demander d'où viendra l'argent. Cela nous amène au problème de la non-application des technologies et sciences nouvelles dans le domaine de la santé dans les pays en développement et par conséquent à la nécessité de trouver des moyens de financement, en particulier pour l'Afrique.

M. JAROSLAV CHLEBO, Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères de la Slovaquie: il ne fait aucun doute que le continent africain a progressé sur le chemin de la stabilité et de la prospérité. Malgré tout, à l'aube du nouveau millénaire, l'Afrique reste sous la menace d'un grand nombre de conflits et de tensions. Une réponse pacifique adéquate et rapide à ces discordes est essentielle pour l'établissement d'une paix et d'un développement durables en Afrique. Une coopération claire et active entre ce continent et la communauté internationale est aussi l'une des clefs de la prévention des conflits. L'objectif est d'aider l'Afrique à créer un environnement prompt à la croissance économique de ses pays. Si l'assistance fournie par la communauté internationale est importante, elle ne peut pas, toutefois, remplacer la responsabilité de l'Afrique elle-même, qui doit se montrer capable d'apporter des réponses politiques plutôt que militaires et se conformer aux principes de bonne gouvernance et de strict respect des droits de l'homme. Nous nous félicitons à ce sujet de la détermination des dirigeants africains à soutenir la démocratie, réaffirmée lors du 35e sommet de l'Organisation de l'unité africaine à Alger.

La Slovaquie soutient pleinement la coopération et la coordination entre les Nations Unies et l'Afrique pour ce qui est du maintien de la paix. Les opérations de maintien de la paix, tout comme les organisations régionales et sous-régionales africaines jouent un rôle indispensable dans le traitement et

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la recherche d'une solution aux conflits. Lorsque ces derniers sont terminés, il faut en outre accorder une attention toute particulière au suivi des processus de réconciliation et de reconstruction qui passent par la création de conditions favorables au développement économique. Le Mozambique est à cet égard un bon exemple, puisque ce pays s'est attaché à résoudre un conflit interne tout en réaffirmant sa détermination à lutter contre l'une des conséquences les plus meurtrières des conflits armés - la prolifération de mines antipersonnel. Depuis son accession à l'indépendance en 1993, la Slovaquie a participé à bon nombre d'opérations de maintien de la paix en Afrique et dans d'autres régions du monde. Elle a notamment été présente en Angola, au Rwanda, à la frontière entre le Rwanda et l'Ouganda, au Libéria et en Sierra Leone. La Slovaquie se tient prête à envoyer une unité de 150 personnes spécialisée dans le déminage dans le cadre de la MINURSO, la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un referendum au Sahara occidental; nous sommes aussi disposés à faire partie d'une éventuelle mission en Ethiopie et en Erythrée.

M. MUSTAPHA OSMAN ISMAIL, Ministre des relations extérieures du Soudan: nous avons étudié de près le rapport intérimaire du Secrétaire général dont nous débattons aujourd'hui. L'un des paragraphes de ce rapport dit que le Conseil a créé un groupe de travail en vue d'examiner les initiatives régionales et sous-régionales et visant à aider les Gouvernements-hôtes à assurer la neutralité des personnes dans les camps de réfugiés. Nous aurions souhaité voir les textes complets des propositions et des recommandations faites figurer dans le rapport du Secrétaire général et nous pensons que les vues des Etats devraient y être reflétées, notamment en ce qui concerne les conséquences des sanctions. Sur la question du ciblage des sanctions, nous aimerions réaffirmer la nécessité de prendre en considération le point de vue des Etats Membres. Le rapport ne prend d'autre part pas en compte les documents et décisions adoptées par l'Assemblée générale sur la question des sanctions. Concernant les trafics d'armes, nous estimons que l'identification des marchands d'armes devrait être accompagnée par celle de l'identification des compagnies qui fabriquent ces armes et de celle de leurs circuits d'exportation.

Concernant le conflit du Sud-Soudan, notre Gouvernement a déployé beaucoup d'efforts pour y mettre fin, notamment au sein de l'IGAD. Nous avons récemment annoncé un cessez-le-feu pour pouvoir faire respecter les droits des populations vivant dans les zones de conflits et faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, et notre Gouvernement est prêt à déclarer un cessez-le-feu permanent dans tout le Sud du pays, si les mouvements rebelles l'acceptent, ceci pour donner une chance aux initiatives de l'IGAD d'aboutir. Du haut de cette tribune, nous aimerions lancer un appel à la communauté internationale pour que les mouvements rebelles du Sud-Soudan soient traités de la même façon que l'UNITA de Jonas Savimbi en Angola, et soient condamnés comme criminels de guerre. D'autre part, il convient de considérer la mise en oeuvre

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d'initiatives de développement, en vue de donner une chance au processus de paix au Soudan. Sur une question importante, le Canada a parlé dans son allocution, de trafic d'esclaves au Soudan. Ce pays, le Canada, n'a même pas de représentation diplomatique et n'a jamais envoyé ne serait-ce qu'une mission d'information dans notre pays. Comment peut-il donc se permettre de porter un jugement et une accusation aussi grave contre notre pays? De nombreuses organisations, dont la Ligue des Etats arabes ont dénoncé les accusations sans fondement portées contre le Soudan par des Gouvernements mal informés et des ONG mal intentionnées agissant sous de soit-disant bannières humanitaires. Récemment l'une de ces organisations "Christian international solidarity", a d'ailleurs vu son accréditation auprès de certaines instances de l'ONU retirée du fait de ses excès contre le Soudan. Il n'y a que des pratiques d'enlèvements de personnes dûs à des conflits tribaux au Soudan. Nous cherchons à éliminer les causes de ces incidents qui se produisent entre tribus rivales, et notre Gouvernement traite avec le plus grand sérieux les accusations de pratique d'esclave portées contre notre pays. Nos lois punissent toute pratique de travail forcé ou d'asservissement d'êtres humains, et nous sommes prêts à coopérer avec tout observateur international et toute représentation diplomatique ayant des informations sur des pratiques d'esclaves au Soudan. Devant cette assemblée, nous demandons au Gouvernement du Canada d'accepter d'envoyer une délégation au Soudan, en vue de s'informer, et dans le même temps nous demandons au Conseil de sécurité de mener une enquête sur les fausses accusations de soutien au terrorisme portées contre nous par les Etats-Unis pour justifier leurs bombardements illégaux contre notre territoire l'an dernier.

M. JACQUES BAUDIN, Ministre des affaires étrangères et des Sénégalais de l'extérieur: mon pays se félicite de la décision du Conseil de sécurité de renforcer son appui aux initiatives régionales et sous-régionales en matière de prévention, de gestion et de règlement des crises en Afrique; de créer un mécanisme d'appui aux gouvernements des pays hôtes pour leur permettre de maintenir et de sauvegarder la sécurité et la neutralité des camps de réfugiés; et de renforcer les capacités africaines de maintien de la paix. Il importe de mettre en oeuvre, avec tous les moyens requis, les dispositions de la résolution 1197 (1998) du Conseil relatives à la création au sein de l'OUA, d'un système d'alerte rapide sur le modèle de l'ONU actuellement en cours et au renforcement du Centre de gestion des conflits de l'OUA. De même, devraient être versées les contributions sollicitées pour financer le Fonds d'affection spéciale de l'ONU et le Fonds de l'OUA pour la paix. Les mécanismes d'échange d'informations entre l'ONU et l'OUA, l'ONU et les organisations sous-régionales telles que la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et la Communauté économique pour le développement des Etats d'Afrique australe (SADC), devraient être sensiblement améliorés. Même s'il incombe, en premier lieu, à l'Etat d'accueil la responsabilité première du maintien de la sécurité et du caractère civil et humanitaire des camps et zones d'installation des réfugiés, la communauté

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internationale a l'obligation impérieuse d'assister les gouvernements dans cette tâche et surtout de supporter l'essentiel des charges des Etats africains dont les capacités financières et logistiques sont limitées.

Le Sénégal, qui a pris une part active dans l'adoption du Moratoire de la CEDEAO sur l'importation, l'exportation et la fabrication d'armes légères, reste disposé à participer au Registre des armes classiques des Nations Unies et à contribuer à la mise en place de registres régionaux et sous-régionaux appropriés. Dans le même esprit, il apportera sa contribution au succès de la Conférence régionale de l'OUA sur les armes légères, décidée par le Sommet de l'OUA. Par ailleurs, la délégation sénégalaise estime que les pays qui sortent d'un conflit, doivent bénéficier d'un traitement exceptionnel. C'est une condition fondamentale pour assurer le succès des efforts de reconstruction, de réinsertion des ex-combattants et de réconciliation nationale. A cet égard, elle se félicite de la proposition du Secrétaire général de créer un groupe réunissant le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et les Nations Unies chargé d'étudier les modalités d'appui exceptionnelles aux pays en situation "post-conflit" ou ceux noyés sous les vagues de réfugiés créés par l'instabilité dans la région. Dans ce cadre, il importe au plus haut point de prendre en compte la situation des enfants soldats.

M. LEONARDO SANTOS SIMAO, Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Mozambique: tout en reconnaissant que le sort de notre continent est entre nos mains, le Mozambique est fermement convaincu que la communauté internationale doit apporter l'appui nécessaire pour assurer la continuité des progrès accomplis jusqu'ici. L'Afrique reste marginalisée. C'est pourquoi, la communauté internationale doit prendre des mesures concrètes pour renforcer les efforts de l'Afrique à l'égard de l'intégration régionale, permettant ainsi au continent d'être pleinement intégré dans l'économie mondiale. A cet égard, les pays développés doivent inverser le déclin de l'aide publique au développement (ODA) en faveur de l'Afrique, alléger ou annuler la dette et atténuer l'impact de la détérioration des échanges commerciaux tout en permettant l'accès des marchandises africaines aux marchés mondiaux. Le Rapport sur le développement humain de 1999 contient des statistiques très négatives concernant les pays africains. Il est regrettable de noter que les conflits en Afrique continuent de nous préoccuper tous sur le continent et de préoccuper tous les pays avides de paix. Nous participons tous à la recherche de solutions pour ces conflits qui affaiblissent le développement des pays africains. L'Angola et la République démocratique du Congo (RDC) continuent de préoccuper les pays d'Afrique australe. Le maintien de la paix et de la sécurité est la responsabilité principale du Conseil de sécurité. Toutefois, les mécanismes régionaux doivent également contribuer à réaliser cet objectif. Dans le cas de la Communauté économique pour le développement des pays d'Afrique australe (SADC), l'instabilité en Angola et en RDC affecte également l'ensemble de la région. Tenant compte de ce facteur, les pays de la SADC sont prêts à

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collaborer avec les Nations Unies pour contrôler l'application des sanctions contre l'UNITA. Cette coopération renforcera les efforts du Conseil de sécurité et de la communauté internationale tout entière visant à établir une paix durable en Angola. En dépit de certains progrès positifs accomplis en RDC, notamment la signature de l'Accord de Lusaka par toutes les parties au conflit, la lenteur de la mise en oeuvre de cet Accord constitue une importante préoccupation pour toute la région. A cet égard, le Mozambique appelle le Conseil de sécurité à adopter des mesures concrètes visant à imposer un cessez-le-feu efficace. A cette fin, le déploiement rapide et ponctuel des forces de maintien de la paix, dotées d'un mandat approprié en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, ainsi que de ressources adéquates, constitue un impératif pour parvenir à une paix et une stabilité durables en République démocratique du Congo.

M. JAMES VICTOR GBEHO, Ministre des affaires étrangères du Ghana: en vertu de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité doit assumer pleinement ses obligations pour maintenir la paix et la sécurité en Afrique. Les missions de maintien de la paix régionales et les autres efforts déployés par l'Afrique ne doivent pas servir de prétexte pour le Conseil de sécurité d'ignorer ses obligations à l'égard des pays africains. Il importe de s'acquitter de cette obligation en Afrique de l'ouest non seulement parce qu'on éprouve un sentiment légitime de confronter et de gérer les conflits africains, mais également parce que la réponse de la communauté internationale a été, récemment, soit silencieuse, soit tiède, et dans certains cas trop faible et trop tardive. Le Ghana est convaincu que le devoir du Conseil de sécurité de maintenir la paix sans ambivalence doit être soutenu. Si les mots de réconfort, d'appui et de solidarité, qui ont été adressés à l'Afrique, au cours de ce débat, étaient à moitié traduits en engagements, on perdrait moins de temps à se lamenter du fléau qui affecte le continent.

La situation de l'Afrique a souvent exigé une assistance moins onéreuse en termes de ressources humaines et militaires qu'il n'est nécessaire pour la gestion après les conflits. En fait, comme l'indique clairement le rapport du Secrétaire général, la cause de nombreux conflits en Afrique réside dans la situation socio-économique difficile à laquelle le continent est confronté. Il n'y aura donc pas de paix, ni de sécurité tant qu'on ne répondra pas efficacement à la question de la pauvreté. La communauté internationale doit également appuyer les efforts visant à mettre fin au trafic illicite des armes légères et de petit calibre. Le Ghana envisage de co-parrainer prochainement avec le Canada la tenue d'un atelier de travail sous-régional visant à renforcer le Moratoire de Mali et à établir un cadre pour écarter les enfants des conflits.

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M. ABUZED OMAR DORDA (Jamahiriya arabe libyenne): nous espérons, après l'ouverture dont il a fait montre ces derniers temps, que le Conseil ne reviendra pas à la pratique des réunions à huis clos alors qu'il est censé travailler en faveur de toute la communauté internationale. Il est du devoir de la Libye de soutenir les luttes de libération et les combats contre les inégalités qui ont eu lieu au cours des ces dernière décennies sur le continent africain. Il n'est, d'autre part, pas besoin de rappeler à l'Afrique qu'elle aurait une quelconque dette de gratitude envers qui que ce soit. Car dans ce cas il faudrait plutôt parler de ce qui a été dérobé au continent par ses détracteurs d'aujourd'hui. L'Afrique est oubliée et marginalisée par la communauté internationale, contrairement à d'autres parties du monde en faveur desquelles on bat le tambour dès que surgit un problème. Certains Etats ne daignent même pas s'acquitter de leurs obligations financières vis-à-vis de l'Organisation des Nations Unies, alors qu'ils prétendent lui imposer leurs volontés. Ceux-là, que nous ne nommerons pas, risquent même de perdre bientôt leur droit de vote. La Somalie et l'Angola sont des exemples de pays oubliés par l'ONU. Que fait par exemple l'ONU en Afrique de l'Ouest? Pas grand chose. L'Afrique attend des mesures concrètes et pas seulement des discours.

En ce qui concerne les conflits armés, l'OUA a pris des mesures au nom du continent, et le Conseil se devrait de respecter et de soutenir ces décisions en ce qui concerne notamment l'appui financier. Quant à la démocratie, personne n'est en droit de prétendre nous imposer un quelconque modèle. Nous avons nos réalités, qui appellent des solutions originales et nos solutions ne peuvent dépendre de modèles étrangers. On ne peut faire fi des particularités et des singularités de chaque nation et de chaque peuple. La génération occidentale actuelle, qui a survécu à deux guerres mondiales, ne connaissait certainement pas la démocratie parlementaire. Souvenons-nous que certains pays, comme le Portugal, vivaient encore sous des dictatures militaires il y a peu. En Afrique, l'appartenance à un groupe ethnique ou religieux peut être plus forte que l'allégeance à une idéologie ou à un parti politique. Les institutions financières internationales, quant à elles, ne devraient pas imposer de conditionnalités qui seraient favorables à un modèle politique ou à un autre. Une aide devrait être accordée aux groupements économiques régionaux, et sachant que la plupart des pays ne font pas encore partie de marchés établis, le FMI devrait abandonner ses vieux dogmes et clichés.

M. DUMISANI S. KUMALO (Afrique du Sud): les pays qui, comme le nôtre, ont lutté pour leur libération contre le colonialisme avec le soutien des Nations Unies pensent qu'il est important que les institutions multilatérales fournissent le cadre de discussions approprié au sein duquel la communauté internationale pourra débattre des voies et moyens les plus positifs pour promouvoir les intérêts des pays en développement en crise. Tout en notant

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que le Conseil de sécurité doit demeurer saisi des questions de paix et de sécurité en Afrique, nous pensons que des débats sur les mêmes thèmes à l'Assemblée générale ajouteraient à notre sagesse commune sur la manière de traiter de ces problèmes. L'Afrique du Sud est satisfaite que le rapport du Secrétaire général sur les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durables en Afrique ait conduit à l'adoption de la résolution 53/92 en décembre 1998, et nous sommes en faveur de l'idée de mettre en place un mécanisme de suivi de la mise en oeuvre des recommandations contenues dans ce rapport. Mais il est décevant de noter que très peu a été fait en vue de donner une impulsion décisive au processus et de créer un groupe de travail à composition non limitée au sein de l'Assemblée générale, en vue de superviser la mise en oeuvre de la résolution 53/92.

L'Afrique du Sud pense qu'il existe un lien intrinsèque entre la paix et le développement, et ce lien exige l'adoption d'une approche intégrée de la prévention, de la résolution et de la gestion des conflits. A cet égard, nous soutenons toute action mondiale visant à promouvoir le développement et les efforts de mobilisation de la communauté internationale en faveur de l'Afrique. Le système des Nations Unies, en particulier les institutions de Bretton Woods, devrait apporter, dans cette optique, son soutien au continent dans un cadre coordonné. Ce soutien continu de la communauté internationale est d'une importance cruciale pour l'Afrique, si on veut lui donner la chance de créer un environnement favorable à la promotion d'un développement durable. L'une des causes des frustrations de l'Afrique et des pays en développement envers la communauté internationale, vient de son manque de réponses aux situations de conflits qui affectent notre continent. Cette attitude vaut aujourd'hui de nombreuses critiques aux Nations Unies. La réponse rapide et l'engagement de l'ONU au Kosovo et ailleurs, mettent en exergue son manque d'enthousiasme quand il s'agit de l'Afrique. Nous pensons qu'il est plus qu'urgent de déployer une force de maintien de la paix en République démocratique du Congo pour permettre au processus de paix de s'implanter dans ce pays.

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Mme MARJATTA RASI, (Finlande) au nom de l'Union européenne et des pays associés: nous constatons, d'une part, certains signes de progrès politiques et socio-économiques en Afrique, et, d'autre part, que plus du tiers des pays africains ont été ou sont actuellement le théâtre de conflits armés. L'Union européenne est profondément préoccupée par le nombre croissant de conflits armés en Afrique, l'afflux important d'armes et d'équipements militaires et le rôle croissant d'acteurs non-gouvernementaux. Les Etats africains sont les premiers responsables de leur avenir. Le recours à la force ne conduit pas à une paix durable et le pouvoir sans responsabilité, l'usage de la force sans contrôle sont inacceptables. Il est indispensable de lancer un processus de démocratisation, de partage du pouvoir et de respect des droits de l'homme en Afrique, que ce soit sous la forme de gouvernements à large base ou en garantissant des élections légitimes. Les nations africaines doivent avoir une vision de leur avenir dans un contexte global.

L'Union européenne soutient le rôle essentiel des Nations Unies dans les domaines de la paix et de la sécurité internationales et se félicite de l'engagement renouvelé du Conseil de sécurité pour contribuer au règlement des conflits en Afrique. Il est important de renforcer les capacités de prévention des conflits de l'ONU, ainsi que celles permettant de s'attaquer aux causes des conflits. L'Union européenne estime qu'il importe que les organisations humanitaires puissent accéder librement aux réfugiés, aux personnes déplacées et aux populations vulnérables dans les situations de conflit. Elle condamne fermement le refus arbitraire à ce droit, d'autant plus que la majorité des victimes des conflits en Afrique sont des civils et, en particulier, des femmes et des enfants. De plus, il faut porter les responsables de ces violations devant la justice, et, partant, mettre fin au régime de l'impunité. A cet égard, l'Union réaffirme l'importance du rôle des tribunaux internationaux et appelle les pays qui ne l'ont pas encore fait à signer et ratifier le Statut de Rome.

L'Union européenne se félicite des efforts des Etats africains, des organisations régionales et sous-régionales et, en particulier, de l'OUA, dans le domaine du règlement pacifique des conflits et se déclare disposée à contribuer au renforcement des capacités de prévention de conflits en Afrique. En outre, le développement durable constitue une priorité pour l'Union, qui est du reste la plus grande source de l'aide au développement de l'Afrique. Une politique active de développement avec les pays de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique fait partie intégrante de ses responsabilités à l'échelle mondiale. Le fardeau de la dette extérieure des pays africains constitue toujours un obstacle majeur à leur développement durable. A cet égard, l'Union européenne se félicite des progrès réalisés, récemment, au Sommet économique de Cologne, en particulier le fait de reconnaître que l'objectif central de l'allègement de la dette africaine est l'élimination de la pauvreté.

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M. SEYMOUR MULLINS, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Jamaïque: la Jamaïque apprécie les efforts déployés par le Secrétaire général au cours des dernières années pour donner effet aux recommandations stipulées dans son rapport et qui concernent notamment le soutien aux initiatives régionale et sous-régionales dans le domaine de la prévention des conflits; la création d'un mécanisme international d'assistance aux gouvernements-hôtes en vue d'assurer la neutralité des camps de réfugiés et le renforcement effectif des régimes de sanctions imposés par le Conseil de sécurité. Mais nous espérons aussi que des actions plus concrètes seront prises par le Conseil de sécurité pour trouver une solution aux conflits qui affectent le continent africain. Le Conseil devrait être conscient de l'impression qui existe concernant ses atermoiements quand il s'agit d'autoriser le déploiement de forces de maintien de la paix en Afrique, alors qu'il consacre plus de ressources à d'autres parties du monde pour atteindre les mêmes objectifs.

La Jamaïque demeure fermement convaincue que la meilleure approche en ce qui concerne les questions africaines, est celle qui reconnait et inclut les efforts déployés par les organisations régionales africaines comme l'OUA, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), et la Communauté de développement des Etats d'Afrique australe (SADC), dont les initiatives ont grandement contribué à la restauration de la paix et de la stabilité en Afrique. Nous notons avec appréciation les efforts de l'OUA en vue de résoudre les problèmes qui se posent dans la région des Grands Lacs, et nous espérons que l'Accord signé à Lusaka servira de base au rétablissement de la paix et à la réconciliation entre les différentes parties en conflit. La prolifération des armes légères est un sujet de vive préoccupation, comme l'ont souligné de nombreuses délégations au cours du débat consacré par le Conseil à cette question la semaine dernière, et nous insistons que des mesures soient mises en place pour mettre fin à l'usage, au transfert, à la fabrication illégale et au commerce de ces armes.

M. AHMED ABOUL GHEIT (Egypte): Le Secrétaire général a évoqué dans son rapport des questions qui ne relèvent pas de la compétence du Conseil de sécurité. La délégation égyptienne se demande pourquoi le Secrétaire général n'a pas adopté la même approche que celle qui l'a guidé dans l'élaboration de son premier rapport sur les causes de conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durables en Afrique. La détermination des pays africains de prévenir et de régler les conflits régionaux a été soulignée lors du récent Sommet de l'OUA, tenu à Alger en juillet dernier. Le sentiment qui s'est fait jour dans les déclarations exprimées par les chefs d'Etat et de gouvernement devant l'Assemblée générale voudrait que l'Afrique ait un rôle important dans le règlement des conflits sur le continent. On ne saurait évoquer la situation en Afrique, sans parler de la situation dramatique qui continue de sévir dans la Corne de l'Afrique. La Somalie connaît une situation

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indescriptible et il faudra l'assister pour établir la réconciliation nationale et lui permettre de vivre dans des conditions décentes.

L'Erythrée et l'Ethiopie ont subi de nombreuses pertes inutiles et il est temps que l'on mette fin au conflit sanglant qui les oppose. Le conflit qui a déchiré la République démocratique du Congo, auquel ont participé six pays de la région, a causé de nombreuses victimes et un nombre considérable de personnes déplacées. L'envoi d'observateurs militaires, suivi d'une mission de maintien de la paix de grande envergure est indispensable pour rétablir un climat de paix dans le pays. L'Egypte contribue au règlement des conflits en Afrique, notamment en fournissant des contingents aux différentes missions de maintien de la paix. La contribution égyptienne est également apportée au Kosovo et au Timor oriental, et l'Egypte estime que la réussite d'une mission de la paix dépend de la coopération de tous.

M. JAIME GAMA, Ministre des affaires étrangères du Portugal: plus que l'analyse des causes des conflits qu'il fournit, le rapport du Secrétaire général d'avril 1998 se distingue par les propositions concrètes qui y sont faites pour éliminer l'existence de ces causes et, par là, ouvrir la voie au développement durable de l'Afrique. Le Portugal n'a eu de cesse de répéter que la communauté internationale commettrait une grave erreur de jugement en laissant l'Afrique, ses conflits et ses difficultés, dans l'indifférence. En effet, en aidant l'Afrique à résoudre ses problèmes, c'est l'ensemble de la communauté internationale que nous aidons car il est de l'intérêt vital de tous que les sociétés soient plus libres et plus démocratiques, que les droits de l'homme soient respectés et que les économies prospèrent. La réalité exige que nous développions avec l'Afrique une coopération plus étroite et plus dynamique, conjointement avec ses peuples et ses gouvernements. Si la communauté internationale se doit d'aider l'Afrique, les Africains eux-mêmes doivent aussi assumer leurs responsabilités dans la construction d'un avenir meilleur. A cet égard, nous aimerions mettre en avant les efforts remarquables du Mozambique en vue de réaliser, sans accrocs, sa transition de la guerre à la paix, ainsi que ceux de la Guinée-Bissau en faveur de la réconciliation nationale.

Lorsqu'il exerce sa responsabilité fondamentale du maintien de la paix, le Conseil de sécurité devra autant que possible s'efforcer d'agir de manière coordonnée avec les organisations régionales africaines. En outre, il est purement irréaliste d'exiger des Nations Unies qu'elles apportent une solution rapide et complète aux conflits en Afrique si les parties belligérantes refusent de faire preuve de la volonté politique nécessaire et de satisfaire aux accords qu'elles ont signés. Dans le cas de l'Angola, par exemple, les Nations Unies ont investi des ressources matérielles et humaines importantes en vue de parvenir à une solution négociée, sans réussite jusqu'à ce jour, l'UNITA violant non seulement les résolutions du Conseil de sécurité mais également le Protocole de Lusaka. Il nous faut désormais nous pencher sur la

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manière dont l'ONU peut répondre aux crises qui menacent les valeurs fondamentales inhérentes à la dignité humaine. Il suffit, dans ce contexte, de se remémorer ce qui s'est passé au Rwanda. Sur le plan économique, l'Afrique ne devrait pas seulement demeurer exportatrice de matières premières vers les pays les plus développés, ce qui la marginalise, au même titre que la mondialisation. L'Afrique devrait être, au contraire, pleinement intégrée à l'économie mondiale et être mise de manière équitable en concurrence avec les régions plus développées. A cet égard, la réduction de la dette africaine est un élément fondamental dans la mesure où cela permettra de dégager des ressources pour mettre en oeuvre des projets et programmes de développement. L'allègement et l'effacement de la dette doit cependant s'accompagner dans les pays endettés d'importantes réformes macro-économiques et politiques.

M. HARRY HARYONO (Indonésie): l'Accord de paix de Lomé sur la Sierra Leone, l'Accord-cadre de l'OUA sur le conflit entre l'Erythrée et l'Ethiopie, ainsi que l'Aaccord de cessez-le-feu pour la République démocratique du Congo témoignent de la détermination de ces pays de rechercher des solutions à leurs problèmes et celles des organisations régionales et sous-régionales d'assumer, de premier chef, leur obligation de régler les conflits. Ces accords témoignent également du rôle que jouent les Nations Unies pour faciliter la réalisation des objectifs, en particulier dans le maintien de la paix. En dépit de ses difficultés, le maintien de la paix demeure un élément vital pour assister les pays africains à régler leurs conflits. C'est pourquoi, la coopération entre les Nations Unies et les organisations régionales et sous- régionales pour renforcer la capacité africaine en matière de maintien de la paix dans les domaines de la formation, de la diffusion de l'information, de la police civile et de l'appui logistique demeure cruciale. Si le renforcement de la capacité des pays africains dans le domaine du maintien de la paix représente une priorité, le Conseil de sécurité ne devra pas en trouver prétexte pour se décharger de son obligation en vertu de la Charte en matière de maintien de la paix et de la sécurité, ni pour justifier son découragement ou son désengagement dans la conduite de telles opérations. La délégation indonésienne fait observer que, d'une part, la disponibilité des armes et des munitions constitue un obstacle au règlement politique négocié des conflits. D'autre part, il faudra reconnaître que les guerres civiles ne constituent pas entièrement un phénomène interne dans la mesure où les armes utilisées dans ces conflits proviennent souvent de sources étrangères.

De nombreuses initiatives prises en Afrique n'ont pas seulement promu une meilleure compréhension des conséquences du trafic illicite d'armes, mais elles ont également permis de mettre en oeuvre une stratégie visant à extirper, tant bien que mal, les causes inhérentes des conflits et à dénoncer la non-ingérence dans les zones de tension des Etats qui poursuivent des intérêts spécifiques. La lutte pour rétablir la paix et la sécurité en Afrique est intrinsèquement liée à la croissance économique et au développement. Pendant des années, la promotion de la paix et du

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développement en Afrique a été une préoccupation importante de la communauté internationale. De nombreuses initiatives des Nations Unies et d'autres organisations en témoignent. L'Indonésie appuie l'appel de l'OUA en faveur d'un accord international pour éliminer la dette des pays africains les plus pauvres.

M. LEE SEE-YOUNG (République de Corée): l'Afrique est le continent de l'espoir et connaît en ce moment de nombreux et importants changements positifs. Des dirigeants élus démocratiquement ont prêté serment dans deux Etats africains très importants, l'Afrique du Sud et le Nigéria, et nous espérons que ces événements donneront une nouvelle impulsion aux forces démocratiques du continent africain. Nous saluons également le travail infatigable et le gouvernement éclairé du Président de l'Algérie et actuel Président de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA), Abdelaziz Bouteflika, et du Secrétaire général de l'OUA, M. Salim Ahmed Salim. Ils jouent un rôle primordial dans la promotion de la paix et du développement en Afrique.

Des progrès importants se sont également produits dans des situations de conflit complexes par le biais de l'accord de paix au Sierra Leone, de la conclusion d'un cessez-le-feu en République démocratique du Congo et du processus de transition électoral en République de Centrafrique.

Ma délégation est en accord avec le Secrétaire général en ce qui concerne l'importance de la prévention des conflits en Afrique. En Afrique, la fréquente apparition de facteurs imprévus requiert un renforcement des mécanismes de prévention des conflits par le biais de mécanismes d'alarme et d'action rapides. La création de structures post-conflit d'aide au rétablissement de la paix en Guinée-Bissau, au Libéria et dans d'autres pays peut servir d'exemple en matière de prévention des conflits. Nous estimons aussi que le Fonds créé par le Secrétaire général pour une action préventive a été et peut continuer à être un instrument utile pour renforcer les capacités des Nations Unies en matière de prévention des conflits en Afrique et ailleurs.

Ma délégation estime en outre qu'il est indispensable de réagir avec rapidité pour pouvoir empêcher le déclenchement de conflits catastrophiques et soulager les souffrances humaines. Avec d'autres délégations, nous souhaitons souligner l'importance que revêt le contrôle du flux des armes en Afrique, car ce phénomène y a souvent favorisé les conflits. Les embargos sur les armes devraient être imposés et appliqués strictement dans toutes les situations de conflit. Nous saluons les efforts déployés par le Secrétariat afin d'encourager les Etats africains à adopter des législations nationales criminalisant la violation des mesures d'embargo sur les armes décidées par le Conseil de sécurité. Nous estimons qu'il est important de minimiser les souffrances humaines qui découlent de ces sanctions en imposant des sanctions mieux ciblées et en révisant régulièrement les mécanismes de sanction.

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Nous avons assisté à l'échec des initiatives visant à assurer aux camps de réfugiés leur caractère sûr et humanitaire dans certaines situations de conflit, et particulièrement dans la région des Grands Lacs. Enfin, nous partageons la conviction du Secrétaire général selon laquelle un mode de gouvernement démocratique et un développement durable sont essentiels pour la paix et la prospérité à long terme de l'Afrique.

M. ANDRE ADAM (Belgique): ma délégation s'associe à la déclaration faite au nom de l'Union européenne par la présidence finlandaise, notamment pour ce qui a trait à la mise en oeuvre des recommandations du Secrétaire général sur les causes de conflits et la promotion de la paix et du développement durable en Afrique. Le Conseil de sécurité doit faire preuve de vision et exercer ses responsabilités pour le rétablissement de la paix dans un continent qui, dans le monde actuel, totalise le plus grand nombre de victimes de conflits, morts, blessés, disparus, réfugiés, déplacés, victimes des mines anti-personnel, sans parler des endémies comme le sida, le paludisme ou la maladie du sommeil, qui font des ravages sans précédent en Afrique. Les Accords de Lusaka ont suscité un grand espoir. Il s'agit maintenant de les mettre en oeuvre. Il faudra que les parties concernées fassent la preuve de leur volonté politique de résoudre les problèmes qui sont à l'origine du conflit actuel et doivent chercher des solutions durables au niveau de la région tout entière. Pour les encourager et les soutenir, un effort important de la communauté internationale sera nécessaire et le Conseil de sécurité doit jouer, dans ce contexte, un rôle moteur. Dans certaines régions d'Afrique, le désespoir est tel que nombreux sont ceux qui ne voient de perspective d'amélioration de leur sort que dans la lutte armée. Il faut changer cette mentalité en démontrant que seule la paix peut apporter le bonheur et la prospérité, seule la paix et certainement pas des victoires militaires remportées pour des enjeux illusoires et au prix de souffrances indicibles.

C'est pourquoi, il faudra que la paix s'accompagne d'un pacte de partenariat comportant des engagements concrets sur les plans économique, financier et social. Un tel pacte mobilisera les énergies et les ressources des pays donateurs, des institutions financières internationales et les pays bénéficiaires. La Belgique y apportera sa part et intensifiera ses contacts directs, sa coopération et son soutien financier. La Belgique dispose d'une réserve d'hommes et de femmes ayant l'expérience de l'Afrique centrale, de ses coutumes, de ses langues et de son économie. Les Instituts belges d'agronomie ont développé une grande expertise en agriculture et en élevage des régions tropicales et l'institut de médecine tropicale d'Anvers jouit d'une réputation mondiale justifiée. La délégation belge souligne que la coopération financière et technique ne peut toutefois s'exercer que dans un climat assurant son efficacité.

M. YUKIO SATOH (Japon): le Programme d'action de Tokyo, adopté lors de la deuxième Conférence internationale de Tokyo sur le développement en Afrique (TICAD II), que le Japon a co-parrainé avec les Nations Unies en octobre 1998, appelle à des efforts communs et une coopération en vue de mieux répondre aux

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problèmes posés par la pauvreté et les conflits. Ces efforts devront être soutenus par une participation active des pays africains eux-mêmes, une coopération plus étroite entre les pays africains, les pays développés et les organisations internationales, ainsi qu'une coopération entre l'Asie et l'Afrique. Le processus de la TICAD est déjà entré dans sa phase de mise en oeuvre. Le mois dernier, le Japon a co-parrainé avec le Kenya, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Fonds monétaire international (FMI), un séminaire sur la gestion de la dette. En étroite coopération avec la Malaisie, le Japon a créé à Kuala Lumpur un Centre pour la promotion des investissements et de la technologie Asie-Afrique pour faciliter les flux d'investissements et les informations sur le commerce concernant l'Afrique. Le Japon envisage de tenir quatre conférences de suivi sous- régionales en Afrique d'ici à la fin 2000, en vue de promouvoir davantage la mise en oeuvre du Programme d'action de Tokyo.

Soulignant que la dette constitue une des questions les plus graves, auxquelles les pays africains sont confrontés, le Japon précise qu'il contribue à alléger les problèmes de la dette en rééchelonnant le paiement de la dette et en octroyant des dons à cette fin. Le Japon entend déployer d'autres efforts en mettant en oeuvre l'engagement pris dans le cadre du Sommet du G7, tenu à Cologne en juin dernier. Le Japon est également déterminé à continuer à accorder une aide publique au développement des pays africains, en dépit des restrictions budgétaires nationales, tout en renforçant sa coopération avec les différents organes et institutions des Nations Unies. Concernant les questions de maintien et de restauration de la paix, le rôle des organisations régionales, notamment, l'OUA et la CEDEAO, le Japon estime que ce rôle devra être davantage renforcé, alors que l'étroite coopération entre ces organisations régionales et les Nations Unies est, de toute évidence, cruciale pour maximiser les efforts internationaux nécessaires pour rétablir la paix dans les pays en conflit. A cet égard, le Japon a indiqué qu'il versera des contributions au fonds d'affectation spéciale au processus de paix de l'OUA. Le Japon a également l'intention de contribuer au succès de la Conférence internationale sur les armes légères et de petit calibre, qui se tiendra d'ici à 2001.

M. ANDRE MWAMBA KAPANGA (République démocratique du Congo): mon pays subit depuis le 2 août 1998 une agression armée qualifiée d'insensée et d'inutile par le Secrétaire général de l'OUA. Les souffrances et la misère que ce genre d'agression a imposé à notre peuple doivent révolter la conscience universelle et amener la communauté internationale à y mettre fin. Il y va de la crédibilité de l'ONU. La RDC en ce qui la concerne, a participé à toutes les rencontres, organisée tant en Afrique qu'ailleurs dans le monde, visant à mettre fin à ce conflit, au contraire de ses agresseurs rwandais et ougandais, qui ont usé de manoeuvres dilatoires pour prolonger leur occupation du territoire congolais. Le 10 juillet 1999, sous la houlette du Président Frédéric Chiluba de Zambie et sous l'égide de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) et de l'OUA, les Chefs d'Etats de six pays

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impliqués dans le conflit de la RDC, ont signé l'Accord de paix de Lusaka, qui instaure le cessez-le-feu en République démocratique du Congo. Mon pays attache une importance particulière à la mise en oeuvre et à la réussite de cet Accord, et mon Gouvernement, en acceptant la mise en place dans le cadre de cet Accord, d'un mécanisme de désarmement des milices et des groupes armés qui se trouvent sur notre territoire, a clairement démontré sa volonté de paix. Les clauses de l'Accord, qui exhortent les pays d'origine des membres de ces groupes armés à prendre le mesures nécessaires pour les rapatrier requièrent une assistance des Nations Unies, ce qui permettrait d'enlever aux pays agresseurs tout prétexte de retour armé sur notre territoire. Je tiens à démentir de la manière la plus catégorique les allégations mensongères proférées par la délégation du Rwanda, quand elle a prétendu, ce matin, que les milices INTERHAMWE auraient été intégrées dans les Forces armées congolaises (FAC). Pour simple rappel, souvenez-vous que jusqu'au 2 août 1998, les FAC étaient commandées par des officiers supérieurs rwandais, qui n'ont trouvé dans leurs rangs aucun INTERHAMWE.

Parlant de l'Accord de Lusaka, je tiens à faire remarquer qu'il a fallu 51 jours, pour que les parties rebelles, sous l'aval de leurs parrains ougandais et rwandais en les personnes de MM. Museveni et Bizimungu, respectivement Présidents de l'Ouganda et du Rwanda, acceptent de le signer. Mais depuis lors, aucune clause de l'Accord n'a pu être appliquée, nos agresseurs s'en servant plutôt comme prétexte pour prolonger leur occupation de notre territoire. La Commission militaire mixte, malgré la nomination de son Président, reste lettre morte, le Dialogue national intercongolais prévu dans l'Accord n'a pas démarré, et le repli des troupes, quant à lui, n'est toujours pas amorcé. Fait à relever, malgré la trêve exigée par le Secrétaire général de l'ONU pour les journées nationales de vaccination des enfants congolais contre la poliomyélite, les troupes ougandaises et rwandaises se sont même livrées des combats fratricides sans merci sur notre sol, à Kisangani, et ces pays continuent de masser des troupes et des équipements de guerre autour des villes de Mbuji-Mayi, Beni, et Butembo. Ces faits se déroulent sous l'oeil indifférent de la communauté internationale, le Conseil de sécurité ne s'inquiétant même pas des violations commises contre ses résolutions 1234 et 1258. Le traitement discriminatoire et la marginalisation dont nous sommes victimes sont inexplicables pour nos populations, qui voient les interventions massives de la communauté internationale en Bosnie ou au Kosovo. Le sort des réfugiés africains de Somalie, de Sierra Leone, du Soudan, de l'Angola ou de la RDC, ne mérite-t-il pas la même attention? Comment ne pas noter avec indignation que lorsqu'il s'agit d'un conflit africain, le Conseil ne se décide jamais à agir, ou alors ne le fait qu'en traînant les pieds, invoquant des raisons budgétaires pour justifier son inaction. Ma délégation interpelle donc les Africains que sont le Président de l'Assemblée générale et le Secrétaire général des Nations Unies pour leur dire que les peuples et les Nations d'Afrique ne comprendraient pas que sous leur mandat commun, l'Afrique demeure la mal-aimée et la laisser-pour-compte

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du Conseil de sécurité de l'ONU. Nous demandons le déploiement rapide et massif des forces onusiennes de maintien de la paix en République démocratique du Congo, et un soutien en faveur de l'organisation rapide et de la réussite des négociations politiques inter-congolaises.

M. AHMED SNOUSSI (Maroc): devant l'ampleur des défis à relever en Afrique, notamment en ce qui concerne le rétablissement de la paix et de la sécurité et la réduction de la pauvreté, la communauté internationale se doit d'apporter son plein appui aux efforts africains. Le renforcement du mécanisme africain de règlement des conflits, la réduction de la dette extérieure et l'ouverture des marchés aux exportations africaines pourraient améliorer radicalement le paysage sécuritaire, économique et social du continent s'ils faisaient l'objet d'actions concrètes, résolues et coordonnées. Le Maroc, pour sa part, est persuadé que ce n'est que par un partenariat véritable aussi bien national qu'international que l'Afrique pourra atteindre le taux de croissance de 7% jugé nécessaire pour réduire sensiblement la pauvreté, tel que l'a recommandé le Sommet sur le développement social. S'agissant du problème des armes en Afrique et, plus particulièrement dans les régions qui connaissent des conflits, le Maroc fait siennes les recommandations du Groupe d'experts sur les armes légères, pour la tenue d'une conférence internationale dont d'objectif serait d'intensifier et de renforcer les efforts déployés au niveau régional et international pour combattre, empêcher et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects. Le défi posé par les petites armes en Afrique, sous ses aspects humanitaire, sécuritaire et de développement devrait inciter les pays exportateurs à exercer un contrôle plus serré sur les exportations de ces armes vers les pays en conflit ou sortant d'un conflit armé. A cet égard, le Maroc lance un appel pour la mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité imposant un embargo sur les armes et encourage les différents moratoires sur les transferts d'armes vers les pays africains où sévissent des conflits armés.

L'approche africaine du règlement des conflits suppose nécessairement que les pays donateurs appuient le mécanisme africain de règlement des conflits par des ressources à la fois financières, matérielles et de formation. L'expérience du Conseil de sécurité en matière de sanctions comme moyen visant à maintenir la paix et la sécurité a démontré les énormes insuffisances de ce mécanisme et la gravité de ses conséquences sur le plan humanitaire. Les sanctions en tant que moyen de persuasion ou de dissuasion doivent demeurer un procédé exceptionnel auquel le Conseil de sécurité ne peut recourir qu'après avoir épuisé les autres moyens de règlement des différends.

M. MOHAMMAD J. SAMHAN (Emirats arabes unis): en dépit des changements positifs intervenus en Afrique, comme le soulignent les Secrétaires généraux de l'ONU et de l'OUA, une délégation continue d'être préoccupée par la situation humanitaire dans les pays africains en conflit. Il faudra mettre

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fin à la libre circulation d'armes légères et de petit calibre dans les pays en conflit. Les Emirats arabes unis se félicitent des engagements pris par les pays africains dans le cadre du récent sommet de l'OUA. La communauté internationale doit continuer à renforcer la capacité nationale des pays africains afin de leur permettre de réaliser un développement durable et d'intégrer l'économie mondiale. L'assistance fournie par les Emirats arabes unis à l'Afrique est de plus de 5 milliards de dollars. La délégation des Emirats arabes unis émet l'espoir que le Conseil de sécurité sera bientôt en mesure de lever les sanctions imposées à la Libye afin d'atténuer les souffrances de la population et de lui permettre de retrouver sa place au sein de la communauté internationale.

M. SOUEF MOHAMED EL-AMINE, Ministre des affaires étrangères et de la coopération des Comores: depuis plus de deux ans, l'archipel des Comores connaît une crise unique en son genre qui met en cause les fondements mêmes de l'Etat et menace son unité et son intégrité territoriale. Une de ses îles s'est révoltée en proclamant tantôt son rattachement à l'ex-puissance coloniale, tantôt l'indépendance pure et simple. L'Etat comorien ne peut en aucun cas accepter une balkanisation de l'Archipel. L'OUA, saisie du dossier, n'a ménagé aucun effort pour parvenir à un règlement pacifique, juste et durable. Ce choix douloureux des séparatistes a été motivé par la précarité de la situation économique, l'inquiétude et le désespoir quant à l'avenir après avoir constaté le tableau sombre et négatif de la situation économique et sociale. Le problème est beaucoup plus économique que politique et toute initiative visant à le résoudre devra prendre en compte à la fois les deux volets. La médiation engagée par l'OUA a abouti à l'organisation de la conférence inter-comorienne tenue à Madagascar. Malheureusement, les séparatistes ont refusé de signer les Accords de paix. Les Comores ont effleuré récemment une catastrophe humanitaire qui a pu être évitée grâce à l'interposition de l'Armée nationale de développement. Un gouvernement de transition a été aussitôt mis en place pour instaurer la paix et jeter les bases solides pour un Etat de droit dans le cadre de la mise en oeuvre des Accords d'Antananarive. Les efforts déployés à Moroni et les bons offices de l'Organisation panafricaine doivent être soutenus par les Nations Unies et toute la communauté internationale pour garantir la sécurité, la paix et la stabilité dans la région.

M. BRUNO RODRIGUEZ PARRILLA (Cuba): sans vouloir critiquer la raison d'être de cette réunion, Cuba est convaincue que la solution aux problèmes de l'Afrique ne tient des décisions du seul Conseil de sécurité. La réalité internationale fait que l'Afrique est le champ de beaucoup plus de conflits armés que n'importe quel autre continent. Plus d'un tiers des pays du continent africain connaissent ou ont récemment connu des situations de conflits armés. Si nous voulons réellement trouver des solutions durables et efficaces à ces guerres, nous ne pouvons ignorer le fait que les problèmes actuels que rencontre le continent africain sont aussi la conséquence de

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plusieurs siècles d'exploitation coloniale éhontée, qui ont fait des nations africaines de simples pourvoyeuses de ressources naturelles et de matières premières au service et au profit du bien-être des autres. Ces situations sont aussi, et Cuba tient à le rappeler, le résultat à long terme de l'esclavage dont les peuples du continent africain ont été les victimes, et qui a privé l'Afrique de ressources humaines de plusieurs dizaines de millions de ses hommes et femmes. Sur la même lancée, nous dénonçons "l'ordre économique international" actuel, inique, injuste et totalement insensible, qui continue d'assigner à l'Afrique le rôle de simple pompe d'où sortent les profits des autres en lui refusant dans le même temps toute véritable perspective de décollage économique endogène, et la met simplement au service des stratégies financières commerciales et autres des pays industrialisés parmi lesquels se comptent les Etats qui, il n'y a pas longtemps, étaient encore les maîtres coloniaux du continent.

Le continent africain a reçu l'an dernier moins de cinq milliards de dollars en investissements étrangers directs, soit à peine 3% des transferts financiers internationaux. D'un montant de 4,9 milliards de dollars en 1997, le déficit de la balance de paiements du continent a grimpé de façon vertigineuse, pour atteindre 16 milliards de dollars en 1998. La charge de la dette des pays d'Afrique est égale à plus de 300 milliards de dollars, soit plusieurs fois le montant des exportations annuelles du continent. Les efforts et les sommes consacrés par la communauté internationale à l'aide à l'Afrique, même sur le plan humanitaire ne satisfont même pas 50% des besoins réels. Les médias occidentaux, dont l'activité semble définir les actions de leurs gouvernements, ignorent royalement les conflits et le nombre de leurs victimes en Afrique, leur intérêt se portant plutôt sur les régions qui leur semblent plus proches des soucis et des intérêts et des sensibilités culturelles de leurs publics. L'Afrique est la plus grande victime de la pandémie du sida, et c'est un véritable scandale que les pays riches et développés ne prêtent aucune attention aux besoins de l'Afrique contre cette plaie de fin de siècle. Cuba est solidement engagé sur le plan sanitaire en Afrique, et nous fournissons à l'Afrique plus de 3000 médecins malgré nos moyens limités, ce qui nous place devant les pays soit-disant développés. Près de 27.000 Africains ont été formés dans nos universités et autres institutions médicales, et nous sommes disposés à fournir des ressources humaines supplémentaires à toute campagne d'envergure sur le plan sanitaire en Afrique.

M. MOSES M. DLAMINI (Swaziland): en dépit des efforts initiés par le Secrétaire général, il y a deux ans, pour promouvoir la paix et le développement durable en Afrique, le continent africain reste handicapé par un certain nombre de fléaux tels que la guerre, la maladie et la pauvreté. Certains de ces fléaux sont une conséquence directe de son histoire coloniale. Des propositions concrètes d'action ont été faites dans le domaine de la prévention des conflits et du maintien de la paix au niveau régional et sous régional. Toutefois, ces intentions ne peuvent demeurées mots et aux vues des

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hostilités qui sévissent sur le continent africain, la communauté internationale doit élaborer une nouvelle approche susceptible de prévenir de futurs conflits civils. L'Afrique continue à compter sur le solide et véritable partenariat établi avec la communauté internationale comme sur les Nations Unies pour endiguer les problèmes humanitaires du pays.

En ce qui concerne le conflit en République démocratique du Congo, nous saluons l'accord de cessez-le-feu et espérons vivement que toutes les parties se plieront aux exigences de cet accord. Je souhaiterais à cet égard réitérer l'appel du Président Chiluba au Conseil de sécurité la semaine dernière pour envoyer de toute urgence une force de maintien de la paix en République démocratique du Congo. En effet, des milliers de congolais sont réfugiés dans les Etats avoisinants et de nombreux autres ont été déplacés à l'intérieur du pays. Dans le cas de l'Angola, et ce malgré les efforts communs des Nations Unies, de l'Organisation de l'unité africain (OUA) et la Communauté de développement pour l'Afrique australe (SADC), la situation ne s'est pas améliorée et la communauté internationale doit condamner les actes de déstabilisation menés par le mouvement rebelle de Jonas Savimbi et ne fait qu'il n'a pas respecté le Protocole de Lusaka.

Nous nous associons au Secrétaire général pour demander aux Etats membres leur contribution au fonds d'affectation spéciale mis en place pour l'Afrique et ainsi rendre effectifs les efforts du Secrétariat pour offrir à ce pays une capacité de maintien de la paix. Transformer l'Afrique en une région pacifique est une responsabilité à laquelle ne peut déroger la communauté internationale.

M. JORGE PEREZ OTERMIN (Uruguay): nous appuyons toute initiative visant à trouver une solution pacifique aux conflits, et en particulier la création par la Communauté économique des Etats d'Afrique occidentale d'un "Conseil de médiation et de sécurité" destiné à faciliter le dialogue entre les parties, en vue de prévenir et de résoudre les conflits dans la région. Et ce, tout en respectant les principes de souveraineté, d'indépendance politique et d'intégrité territoriale, qui sont à la base de toute cohabitation internationale pacifique. La résolution 1209 approuvée l'an dernier par le Conseil de sécurité, relative à la circulation illicite d'armes en Afrique constitue un premier pas nécessaire et opportun de la part de l'Organisation pour prévenir les conflits. Le Conseil de sécurité doit toutefois redoubler d'efforts pour que ses mandats soient correctement appliqués en Afrique et atteignent leurs objectifs, évitant ainsi des échecs comme celui qui s'est produit en Angola. Déterminer le moment précis de l'envoi d'une mission de la paix est aussi important que décider de son retrait.

L'Uruguay a participé à des missions au Rwanda, au Libéria, au Mozambique et en Angola. Il participe actuellement à des opérations de paix au Sahara occidental, en République démocratique du Congo et en Sierra Leone, et soutient le processus de paix entre l'Erythrée et l'Ethiopie. Nous

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démontrons ainsi à la communauté internationale qu'en dépit de nos moyens limités, notre détermination à venir en aide à l'Afrique reste très solide. Nous continuerons à soutenir la pacification, la démocratisation et le droit, pour tous nos frères africains, d'accéder à des conditions de vie décentes. M. PETER L. KASANDA (Zambie): les conflits en Afrique ont eu des conséquences désastreuses pour les vies des peuples africains. Mais de plus et plus, les Africains prennent conscience qu'ils doivent trouver eux-mêmes des solutions à ces problèmes africains. Les efforts de notre organisation régionale, l'OUA, et de nos organisations sous-régionales, comme la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et la Communauté pour le développement de l'Afrique Australe (SADC), commencent à trouver des solutions à des problèmes brûlants. Par exemple, les dirigeants de la SADC et de la région centre-africaine ont posé en coopération avec l'OUA et les Nations Unies les bases qui ont permis que la paix s'établisse en République démocratique du Congo. Ces efforts ne pourront cependant pas être couronnés de succès si le Conseil de sécurité n'assume pas ses responsabilités en RDC. Lors de sa récente réunion avec les membres du Conseil de sécurité, le 21 septembre 1999, le Président de la Zambie, M. Frederick Chiluba, a présenté au Conseil, en tant que médiateur de la SADC pour la RDC, des propositions visant à trouver une voie vers la paix en République démocratique du Congo. Les institutions établies conformément à l'Accord de cessez-le-feu fonctionnent déjà, et il ne faut pas laisser se créer un vide que les hommes de guerre pourraient occuper. Le Conseil de sécurité doit agir rapidement et envoyer un force de maintien de la paix en RDC. L'organisation d'un dialogue politique national sera rendue d'autant plus facile que la confiance de la population est renforcée.

Alors que les efforts pour trouver des solutions et empêcher les conflits en Afrique commencent à se développer, le très large accès aux armes légères demeure une importante préoccupation. La vente incontrôlée d'armes légères a notamment contribué à miner les régimes de sanctions partout où ils ont été appliqués. L'Angola est un cas-type. Il faut boucher les trous qui demeurent dans le régime de sanctions contre l'UNITA pour couper l'approvisionnement en armes du mouvement rebelle de Savimbi et réduire ainsi sa capacité à semer la guerre contre le peuple angolais. A cet égard, ma délégation voudrait particulièrement féliciter le président du Comité du Conseil de sécurité, établi conformément à la Résolution 864 (1993), concernant la situation en Angola, pour l'excellent travail que le comité à fait dans ce domaine.

M. SEMAKULA KIWANUKA (Ouganda) a estimé que le processus de paix ne devrait pas être tenu en otage par des divisions internes et des désaccords mineurs en République démocratique du Congo (RDC). Les comités qui ont été établis doivent pouvoir poursuivre leurs travaux dès que possible. Jusqu'à ce que certaines mesures soient mises en oeuvre, l'accord de paix reste fragile. Un soutien logistique et financier conséquent est nécessaire de toute urgence

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afin de maintenir la paix et d'arrêter ceux qui peuvent vouloir à nouveau prendre les armes. L'Ouganda estime que les Nations Unies ont un rôle clé à jouer dans la mise en oeuvre de l'Accord. Il se félicite des efforts entrepris pour déployer des militaires et la police civile pour surveiller la situation. Pourtant, cela n'est pas suffisant dans la mesure où il faut bien plus qu'une simple surveillance. L'Accord de Lusaka doit être mis en oeuvre. Le déploiement de forces de maintien de la paix et l'instauration d'un dialogue national devrait guider le processus de démocratisation. L'Ouganda est loin d'être satisfait des réponses données par le Conseil de sécurité lorsqu'il s'agit des problèmes touchant l'Afrique. L'on sait ce qui est arrivé au Rwanda. Le contraste avec ce qui s'est passé au Kosovo et au Timor oriental est trop évident. Cela est pire qu'une simple négligence. Le Conseil de sécurité a l'obligation de répondre à tous les conflits de façon équitable, lorsqu'il s'agit de décider de l'urgence de la situation et des actions concrètes à entreprendre. Le processus de paix de Lusaka demande une action rapide. Le Conseil de sécurité a le devoir de le défendre et de faire en sorte qu'il n'y ait plus de retard dans la mise en oeuvre de toutes les clauses de l'Accord.

M. INAM UL HAQUE (Pakistan): la pauvreté en Afrique est exacerbée par la détérioration constante des termes de l'échange, la baisse des prix des matières premières, le renforcement du protectionnisme dans les pays développés, l'impact négatif des mesures d'ajustement structurel, le déclin de l'aide publique au développement, ainsi que la dette extérieure. L'Afrique est confrontée à un climat économique international hostile, où l'exploitation d'économies plus faibles continue et les conflits se multiplient dans la mesure où la communauté internationale ne souhaite pas accepter sa responsabilité. Le Pakistan exprime pleinement sa solidarité et appuie les efforts déployés par les pays africains visant à trouver un règlement pacifique aux conflits en Afrique et à assurer un développement économique et social pour leur population en faisant face aux causes inhérentes d'instabilité dans ce grand continent. En dépit de ses difficultés financières, le Pakistan maintient des missions diplomatiques dans un grand nombre de pays africains et met en oeuvre depuis les années 80 un programme d'assistance technique multidimensionnel. Par ce programme, le Pakistan assure une formation dans différents domaines à de jeunes cadres africains et entend renforcer ce programme. Concernant la question de maintien de la paix en Afrique, le Pakistan espère que le renforcement des mécanismes de médiation ainsi que le contrôle efficace du trafic illicite d'armes auront un impact positif sur les efforts visant à promouvoir la stabilité et la paix en Afrique.

M. IBRAHIM A. GAMBARI (République fédérale du Nigéria): le Nigéria partage totalement la substance des déclarations faites par le Secrétaire général de l'OUA, M. Salim Ahmed Salim, et par le représentant du Président en exercice de l'OUA, le Président de l'Algérie, M. Abdelaziz Bouteflika. Nous sommes au regret de constater qu'entre les discours et les analyses

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pertinentes qui sont faites sur les conflits en Afrique et la réalité, il manque des actions concrètes aux niveaux national, sous-régional et mondial. Le monde n'a pas seulement besoin de suivre les débats qui ont lieu dans cette salle, car pour l'Africain moyen, des solutions aux problèmes qui l'affectent seraient plus importantes que des discours. Notre continent fait face à une prolifération de conflits, à une période où il a peu de moyens d'action et de pression sur le reste de la communauté internationale pour l'amener à mobiliser les ressource humaines, matérielles, logistiques et politiques qui sont indispensables à la résolution de ses problèmes. La relation entre la paix et le développement est clairement illustrée par ce qui se passe en Afrique, où le manque de développement durable est directement lié à la prolifération et à l'intensification des guerres et des conflits qui, à leur tour, bloquent les perspectives de développement du continent. L'Afrique a cependant enregistré, par ses efforts personnels, des succès dans la recherche de solutions aux conflits qui l'affectent, par exemple, au Libéria. Dans la sous-région d'Afrique de l'Ouest, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et son Groupe de contrôle (ECOMOG) ont aussi joué un rôle important dans la restauration de la paix et de la stabilité en Sierra Leone. Leurs actions ont abouti à la signature de l'Accord de paix de Lomé. Mais les efforts que nous déployons dans le cadre de la CEDEAO et de l'ECOMOG, ont besoin d'être relancés et soutenus, car il serait irréaliste de penser qu'un petit groupe de pays peut, à lui seul, assumer une telle part disproportionnée dans les tâches de maintien de la paix et de la sécurité de la région. Le Conseil de sécurité doit donc assumer ses pleines responsabilités de paix et de sécurité en Sierra Léone, en autorisant, entre autres choses, le déploiement de six bataillons pour la nouvelle mission de maintien de la paix de l'ONU dans ce pays, comme cela a été proposé par le Secrétaire général. L'ONU et les organisations régionales devront souligner l'importance de la prévention des conflits et mettre en place des mécanismes et des indicateurs communs d'alerte avancée. Le Conseil de sécurité devra soutenir, de façon active, les efforts des dirigeants africains jouissant d'une grande expérience et d'une crédibilité suffisante, pour arriver à promouvoir la paix entre les Etats africains.

Sur le plan économique et financier, l'Afrique est confrontée à une dette énorme qui, si elle était de 48,5 milliards de dollars à la fin des années 70, s'élève aujourd'hui à plus de 300 milliards de dollars, et beaucoup de pays africains dépensent beaucoup plus aujourd'hui pour honorer leur service de la dette que pour assurer la santé et l'éducation de leurs populations. Sur un autre plan, fort embarrassant et curieux, comme le disait récemment M. James Wolfenshon, le Président de la Banque mondiale, les 37% de la fortune privée de l'Afrique sont déposés dans des banques hors d'Afrique. En Asie, le montant est de 4%, et en Amérique latine de 17%. Une part substantielle de l'argent déposé par des Africains concerne des fonds mal acquis. M. Wolfenshon a proposé que soit discutée et adoptée une convention internationale sur le retour des capitaux illégalement détournés vers l'Afrique. Nous espérons que les Nations Unies soutiendront cette proposition.

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