En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/7066

LE PARTENARIAT QUI LIE L'ONU ET L'OUA N'A PAS DE PRIX, DECLARE KOFI ANNAN DEVANT LES CHEFS D'ETAT REUNIS A ALGER

14 juillet 1999


Communiqué de Presse
SG/SM/7066
AFR/155


LE PARTENARIAT QUI LIE L'ONU ET L'OUA N'A PAS DE PRIX, DECLARE KOFI ANNAN DEVANT LES CHEFS D'ETAT REUNIS A ALGER

19990714 "Ensemble, nous pouvons trouver la voie d'une paix stable et d'un développement durable en Afrique"

On trouvera ci-après le texte de l'allocution prononcée par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, à l'Assemblée annuelle des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), le 12 juillet à Alger :

Je suis très honoré de me trouver à nouveau parmi vous. Permettez-moi tout d'abord de remercier le Gouvernement et le peuple algériens pour leur hospitalité. Laissez-moi aussi, avec tous ceux et celles qui sont ici présents, féliciter de nouveau le Président Abdelaziz Bouteflika pour sa récente élection.

L'Algérie occupe une place particulière dans le coeur de tous les Africains, en particulier ceux qui, comme moi, se souviennent d'avoir suivi au jour le jour sa lutte de libération nationale et sa contribution majeure à l'unité et à la solidarité de l'Afrique, ainsi que son combat pour la coopération Sud-Sud.

Depuis votre élection, Monsieur le Président, vous avez pris des décisions courageuses pour restituer à l'Algérie sa véritable identité dans l'unité et la concorde et lui redonner la place qui est la sienne en Afrique et dans le monde. Une fois de plus, je vous souhaite plein succès dans cette noble entreprise.

L'Algérie n'est pas, loin de là, le seul pays d'Afrique qui connaisse des changements importants et propices. Ne serait-ce que la semaine dernière, nous avons vu l'heureuse conclusion d'un accord de paix pour la Sierra Leone et la signature d'un accord de cessez-le-feu qui laisse présager la fin des combats en République démocratique du Congo. Je voudrais féliciter les présidents africains et les autres dirigeants dont l'engagement personnel a contribué de façon décisive à faire aboutir ces longues et difficiles négociations. L'Organisation des Nations Unies, pour sa part, veillera à ce que ces accords soient bien appliqués.

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L'an dernier, on a enfin pu sortir de l'impasse causée par la catastrophe de Lockerbie. Je saisis cette occasion pour remercier le Roi Fahd et l'ex-Président Mandela pour le concours qu'ils nous ont apporté, à l'Organisation des Nations Unies et à moi-même en ma qualité de Secrétaire général, pour dénouer la crise. Toutefois, nos efforts n'auraient pas abouti sans la pleine coopération du colonel Kadhafi. Je l'en remercie.

Au cours des derniers mois, nous avons vu l'Afrique du Sud tenir ses deuxièmes élections démocratiques, et le Nigéria revenir à un régime civil par un processus libre, juste et démocratique. L'ex-Président Abubakar a fait preuve d'une grande sagesse politique en menant le pays dans cette direction. Le Président Obasanjo, élu à l'issue du processus démocratique, dirige maintenant le pays avec clairvoyance et dynamisme.

Et, dans deux semaines, nous verrons le Libéria mettre au bûcher les armes de la guerre civile dans un geste symbolique de bon augure pour la consolidation de la paix dans ce pays.

Toutefois, dans le même temps, de sanglants conflits persistent en Angola, en République du Congo et entre l'Éthiopie et l'Érythrée. L'Organisation des Nations Unies continuera de faire tout ce qui est en son pouvoir pour faire cesser ces hostilités. Au Sahara occidental, le personnel des Nations Unies poursuit ses efforts en vue d'organiser un référendum. Et, en République centrafricaine, nous avons monté une opération de maintien de la paix multidimensionnelle, qui a été chargée d'organiser des élections, de procéder au désarmement et de mener à bien d'autres tâches encore.

À côté de ces conflits, nous avons été témoins, l'an passé, aux Comores, en Guinée-Bissau et au Niger, de nouvelles transgressions d'un principe sur lequel nous étions pourtant tous tombés d'accord il y a deux ans à Hararé, à savoir que la volonté du peuple est la source du pouvoir en Afrique et qu'un gouvernement régulièrement élu ne peut être renversé par la force.

C'est d'ailleurs la persistance et le nombre des conflits en Afrique qui ont justifié l'élaboration du rapport spécial que j'ai présenté l'an dernier au Conseil de sécurité et à l'Assemblée générale.

L'un des points essentiels que je souligne dans ce rapport est que la paix et le développement sont inextricablement liés. Le développement de l'Afrique a toujours été l'une des principales préoccupations de l'Organisation des Nations Unies. Il y a une bonne raison à cela : un développement harmonieux est, à long terme, le meilleur moyen de prévenir les conflits. Les gouvernements donateurs, désireux de capter l'attention des médias, oublient souvent ce lien essentiel. Et nous, Africains, avons aussi tendance à l'oublier.

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J'ai d'ailleurs recommandé dans mon rapport que les États africains réduisent leurs dépenses d'armement, qui ne devraient pas dépasser 1,5 % de leur produit national brut, et gèlent leur budget de défense pendant 10 ans. Pourtant, dans trop de pays encore, on assiste à la tendance inverse.

Les gouvernements ne sont bien sûr pas les seuls à acheter des armes. Pour endiguer le flux, et surtout le trafic d'armes, il faut la coopération active et énergique des pays qui les fabriquent.

Et si les armes grèvent lourdement les budgets, la guerre, elle, mène à la ruine. Elle réduit à néant les progrès réalisés. Elle assombrit l'avenir de nations entières, voire de tout le continent. Elle met en péril le développement des pays voisins, même les mieux gouvernés.

Tant que nous ne viendrons pas à bout de ces conflits, l'Afrique ne parviendra pas à attirer les capitaux privés et l'aide publique dont elle a si cruellement besoin. Elle ne réussira pas non plus à libérer la créativité et l'esprit d'entreprise de ses habitants.

La semaine passée, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, en coopération avec la Chambre internationale du commerce, a publié une étude indiquant que les entreprises américaines et japonaises qui investissent en Afrique y obtiennent de meilleurs taux de rendement que partout ailleurs dans le monde.

Alors, me direz-vous, comment se fait-il que les investisseurs ne se bousculent pas aux portes de l'Afrique? Ces bons résultats économiques sont sans doute, aujourd'hui, l'un des secrets les mieux gardés.

Le continent a aussi enregistré des taux de croissance économique impressionnants ces dernières années. Ces résultats sont particulièrement remarquables, compte tenu de l'incidence des conflits, de la crise asiatique et de la faiblesse des cours des matières premières.

Mais la plupart des dirigeants de multinationales ne prennent pas la peine d'examiner de près les perspectives qu'offre tel ou tel pays africain. Ce qu'ils connaissent de l'Afrique se limite à quelques grands titres ou à de brefs reportages télévisés qui montrent un continent déchiré par les conflits. C'est cette image qu'il nous faut modifier. Pour bon nombre de pays africains, c'est une caricature. Pour d'autres, elle a un fond de vérité. Mais nous avons tous l'obligation de faire changer les choses, et c'est aussi notre intérêt.

Et, comme si nous n'étions pas déjà assez éprouvés, il nous faut aussi faire face à ce fléau qu'est le sida. À chaque minute qui passe, quatre jeunes Africains sont infectés. À chaque jour qui passe, l'Afrique enterre plus de 5 000 de ses enfants, fauchés par le sida.

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Ce n'est pas seulement une tragédie pour les proches des victimes, c'est aussi une catastrophe pour l'économie. Comme l'a dit Nelson Mandela, "le sida tue ceux qui travaillent dans les champs, dans les mines et dans les usines, qui enseignent à nos enfants et gouvernent nos nations".

Nous, Africains, devons réagir. Nous devons regarder la vérité en face, même si elle n'est pas belle à voir et attaquer le problème de front. En ma qualité de Secrétaire général de l'ONU, je peux vous assurer que si vous agissez ainsi, nous serons à vos côtés. L'Organisation des Nations Unies, ses fonds et ses programmes soutiendront vos initiatives.

D'ailleurs, malgré les revers, je trouve dans l'Afrique d'aujourd'hui des motifs de réconfort.

La plupart des Africains font face à leurs problèmes avec courage et imagination. Ils méritent notre aide et ont montré qu'ils savent en tirer parti.

Certains d'entre eux sont des opposants au régime en place, ou vivent dans des pays où il n'y a pour ainsi dire pas de gouvernement. Mais le gouvernement n'est pas toujours l'ennemi! Bien au contraire, de plus en plus de gouvernements africains montrent qu'ils savent à quoi ils sont en butte, et prennent des décisions difficiles, courageuses pour surmonter les problèmes. Si le rendement du capital est si élevé dans de nombreux pays africains, c'est en grande partie grâce aux décisions de dirigeants éclairés, qui ont libéralisé les échanges, affermi l'état de droit et veillé au respect des droits de l'homme, amélioré la gouvernance et renforcé les institutions.

Nos campagnes en faveur de l'allégement de la dette semblent porter leurs fruits, même si beaucoup reste encore à faire. Et, comme nous l'avons vu, les Africains ont aussi pris l'initiative dans le domaine du rétablissement et du maintien de la paix sur leur continent.

En somme, l'Afrique dans son ensemble présente une image qui est loin d'être aussi sombre qu'il apparaît à certains observateurs.

Nous sommes à l'aube du nouveau millénaire, lequel amènera dans son sillage l'Assemblée du millénaire des Nations Unies, qui se tiendra en décembre l'année prochaine et à laquelle je vous convie tous à participer.

Je ne doute pas que votre propre conférence sur le rôle de l'Afrique au XXIe siècle, initiative de mon ami Salim Salim, le Secrétaire général de l'OUA, contribuera grandement à cette manifestation.

Au cours de la semaine dernière, j'ai eu le privilège de me rendre dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest.

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J'ai pu constater qu'une direction avisée transformait les perspectives d'une nation, mais j'ai vu aussi les ravages causés par une mauvaise gouvernance et le mépris du bien public. J'ai vu des réfugiés qui souffraient d'être déracinés et des victimes d'actes barbares conserver leur dignité et leur foi dans l'homme, à l'image de Nelson Mandela, l'une des plus grandes figures de ce siècle, dont la stature et l'exemple honorent non seulement notre continent mais le monde entier.

J'ai vu le passé de l'Afrique dans la "Maison des esclaves" sur l'île de Gorée, au Sénégal.

Et j'ai vu son avenir dans les partenariats qui se nouent dans chacun des pays que j'ai visités : partenariat entre des groupes religieux, comme en Sierra Leone; partenariat entre la population guinéenne et les 700 000 réfugiés qu'elle accueille; partenariat entre le gouvernement et la société civile; et partenariat entre les nations elles-mêmes.

Il est un autre partenariat qui, pour moi, n'a pas de prix : c'est celui qui continue à lier l'ONU et l'OUA.

Les deux organisations ont une longue et riche tradition de valeurs partagées et d'actions communes : comme défenseurs des droits et de l'autosuffisance de l'Afrique, comme partenaires dans la lutte pour la décolonisation et contre l'apartheid, comme promoteurs du développement de l'Afrique.

Ensemble, nous pouvons, j'en suis sûr, trouver la voie d'une paix stable et d'un développement durable en Afrique. Nous savons ce que nous avons à faire. Allons donc de l'avant, unis dans notre amour pour l'Afrique et notre foi inébranlable dans son peuple.

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