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SG/SM/7045

LA LUTTE CONTRE LE SIDA EXIGE UNE APPROCHE DE SANTE PUBLIQUE QUI TIRE PROFIT DES RESSOURCES PUBLIQUES ET PRIVEES ET DES MOYENS D'ACTIONS LOCAUX ET MONDIAUX

25 juin 1999


Communiqué de Presse
SG/SM/7045


LA LUTTE CONTRE LE SIDA EXIGE UNE APPROCHE DE SANTE PUBLIQUE QUI TIRE PROFIT DES RESSOURCES PUBLIQUES ET PRIVEES ET DES MOYENS D'ACTIONS LOCAUX ET MONDIAUX

19990625 On trouvera ci-après le discours prononcé par le Secrétaire général, M. Kofi Annan à la première Conférence à la mémoire de Diana, Princesse de Galles, qui s'est tenue à Londres le 25 juin dernier sur le thème "Le Sida: un défi mondial" :

Je vous remercie, Monsieur le Président [Michael Adler, Président du National Aids Trust (Royaume-Uni)], de m'avoir présenté en des termes aussi généreux.

Je tiens également à remercier le National Aids Trust d'avoir organisé cette manifestation et de m'avoir convié à m'adresser à vous tous aujourd'hui. C'est un grand honneur pour moi.

Pour commencer, je suis très ému d'avoir été invité à donner la première Conférence organisée à la mémoire de la Princesse Diana. Aujourd'hui, nous rendons hommage à Diana, mais surtout, nous lui témoignons notre reconnaissance d'avoir été qui elle fut et de s'être employée à améliorer le sort de tant d'êtres humains.

Je suis également très honoré de prendre la parole dans l'enceinte de la Banque d'Angleterre. Bien peu nombreux sont les non-initiés à qui cette vénérable "vieille dame" confère un tel privilège!

Mais, surtout, je suis content de pouvoir parler du VIH/sida, un problème mondial qui préoccupe énormément l'Organisation des Nations Unies.

De fait, aucune maladie n'a jamais présenté un caractère aussi international.

Je voudrais vous parler en particulier des effets catastrophiques du sida sur le monde en développement — tout spécialement en Afrique. Mais j'ai aussi quelques bonnes nouvelles à vous annoncer — au sujet des nouvelles formes de partenariats internationaux et intersectoriels, qui contribuent à rendre le monde meilleur et plus sûr. Et je voudrais vous dire comment les chefs d'entreprise, particulièrement, peuvent et doivent se mobiliser en plus grand nombre et multiplier les angles d'attaque pour lutter contre la pandémie de sida.

Certains pensent peut-être que la crise est passée puisque l'on a trouvé des médicaments plus efficaces. Il n'en est rien, hélas. Le sida demeure incurable. Dans aucun pays, on n'a réussi à arrêter la progression du VIH. Même dans le monde industrialisé, le taux d'infections nouvelles est inchangé depuis 10 ans.

Bref, la crise du sida continue — et elle continue de s'aggraver.

Toutefois, mes amis, nous ne sommes pas impuissants. Ensemble nous pouvons lutter contre cette pandémie. Pour ce faire, il faut d'abord déjouer la conspiration du silence et surmonter les préjugés qui l’entourent depuis trop longtemps. Pour les séropositifs et les malades du sida, cette conspiration est un ennemi tout aussi mortel que la maladie elle-même.

Commençons par admettre quelques faits indubitables :

- Le sida est loin d'être un simple problème médical.

- Le sida est loin d'être un simple problème national.

- La crise du sida est loin d'être terminée.

Aujourd'hui, plus de 33 millions de personnes sont infectées. Le sida a déjà fait plus de 14 millions de morts. À la fin de 1997, il avait déjà privé de leur mère plus de 8 millions d'enfants.

Et la pandémie se répand dans de nouvelles directions — par exemple, en Europe orientale où, il y a cinq ans seulement, le virus était encore presque inconnu.

En Inde, le VIH est maintenant solidement implanté dans la population. Il se répand même dans les zones rurales que l'on croyait épargnées. Dans l'État méridional de Tamil Nadu, qui compte 45 millions d'habitants, une enquête a révélé l'an passé que près d'un demi-million de personnes étaient déjà infectées, et que, dans les villages, le taux d'infection était désormais trois fois plus élevé que dans les villes. Il y a plus de séropositifs en Inde que dans n'importe quel autre pays du monde.

En Asie de l'Est et dans le Pacifique, le taux d'infections nouvelles a augmenté de 70 % entre 1996 et 1998.

Si nous n'intervenons pas immédiatement, ces régions pourraient connaître une crise comparable à celle que traverse l'Afrique, où des nations entières sont menacées par le sida.

Normalement un enfant qui naîtrait au Botswana dans les six années à venir devrait avoir une espérance de vie moyenne de 70 ans. À cause du sida, cet enfant a une chance sur deux de mourir avant l'âge de 41 ans.

( suivre)

- 3 - SG/SM/7045 25 juin 1999

Pendant que vous et moi vaquons à nos occupations, on compte au moins quatre nouvelles infections à la minute parmi les jeunes Africains.

Et chaque jour, l'Afrique enterre 5 500 de ses fils et de ses filles morts du sida.

Le sida ne constitue pas seulement une tragédie indicible pour des millions de personnes et pour leurs proches. Il est catastrophique pour l'économie d'un pays. Partout dans le monde en développement, il réduit à néant le résultat fragile d'expériences réussies au prix d'immenses efforts. Il emporte avec lui les soutiens de famille et ceux qui s'occupent des enfants, des personnes âgées et des infirmes. C'est le tissu social lui-même qu'il détruit.

En 1997, déjà, au Sommet économique de Davos, Nelson Mandela avait lancé cette mise en garde : "Le sida tue ceux sur lesquels compte la société pour faire pousser les récoltes, travailler dans les mines et les usines, diriger les écoles et gouverner les nations."

Dans son pays — dans cette même Afrique du Sud qui, il y a cinq ans, faisait naître l'espoir au coeur de tous les Africains — une femme enceinte sur cinq est aujourd'hui atteinte du sida.

En Afrique, le secteur de la santé est submergé par les soins aux malades atteints du sida, au détriment des autres. Dans certains pays, les dépenses liées au sida absorberont bientôt la moitié ou plus du budget de la santé.

En Côte d'Ivoire, tous les deux jours, un enseignant meurt du sida.

Dans toute l'Afrique australe, des filles doivent quitter l'école pour s'occuper de leurs parents mourants. Des garçons doivent quitter l'école pour prendre soin de leurs frères et soeurs orphelins.

Du fait de leur position vulnérable, les femmes sont de plus en plus nombreuses à être infectées, ce qui entraîne par ricochet une augmentation des cas d'infection chez les nourrissons. Les femmes ont donc à porter un double ou triple fardeau, puisqu'elles doivent s'occuper en même temps de leur mari et de leurs enfants malades.

Et ainsi de suite. Aggravé par la pauvreté, le problème du sida appauvrit encore la société, ce qui ouvre la voie à de nouvelles infections. Il apporte dans son sillage discrimination, préjugés et, souvent, violations des droits de l'homme.

Le sida dépouille ainsi l'Afrique non seulement de son présent, mais aussi de son avenir.

( suivre)

- 4 - SG/SM/7045 25 juin 1999

Ses conséquences économiques vont du mondial au local, des prévisions financières à l’atelier. Selon une enquête menée dans les milieux d'affaires kényens, le sida coûte aux sociétés près de 4 % de leur profit annuel, et en 2005, du fait du sida, le produit national brut du Kenya sera de 15 % inférieur à ce qu'il aurait pu être.

Pour les entreprises prises individuellement, l'effet peut être paralysant. Les société africaines doivent composer avec un taux d'absentéisme croissant, la perte d'une main-d'oeuvre qualifiée aux effectifs déjà limités et l'augmentation des dépenses liées à la maladie, à l'invalidité et au décès.

Dans tous les pays en voie de développement, toutes les entreprises ont déjà pâti, peu ou prou, de cet état de choses. Conjugués, ces phénomènes ont de sérieuses répercussions macroéconomiques, dont les effets se font sentir même dans le monde industrialisé.

Vidée de ses ressources par le sida, l'Afrique, dont d'éventuels partenaires commerciaux attendaient avec impatience qu'elle devienne pour eux un débouché, a maintenant peu de chances de jouer ce rôle avant de longues années. Et si la pandémie continue de gagner du terrain en Asie, les échanges avec ce continent fléchiront aussi lorsque les millions de personnes contaminées tomberont malades et mourront.

Cet enchaînement de mort et de désespoir paraît sans fin.

Pour citer mon collègue, le docteur Peter Piot qui dirige ONUSIDA, l'épidémie est devenue "un défi permanent à l'ingéniosité et à la solidarité humaines".

Or, ce défi ne peut pas être relevé sans ressources. En consacrant chaque année 150 millions de dollars à la lutte contre le sida en Afrique, nous sommes manifestement très loin du compte. Pour que les pays contaminés soient à même de mener une série d'interventions efficaces, si minimes soient-elles, il faudrait multiplier par six le montant des ressources disponibles.

Au Royaume-Uni comme ailleurs dans l'Occident prospère, les "cocktails" de médicaments se sont révélés remarquablement efficaces — même si le VIH ne cesse de muter si rapidement et si diligemment que les chercheurs et les médecins ont du mal à suivre. Mais même si ces cocktails pouvaient résoudre le problème du sida, à l'heure actuelle, ils sont beaucoup trop chers pour les pays où il est le plus urgent de trouver une solution. Pour la grande majorité de ceux qui sont concernés aujourd’hui, les 10 000 à 60 000 dollars que coûte chaque année un régime antirétroviral représente une somme tout simplement astronomique.

( suivre)

- 5 - SG/SM/7045 25 juin 1999

L'un de nos objectifs doit être de mettre ce régime à leur portée. Il faut que nous trouvions des thérapies efficaces d’un coût soit suffisamment modique pour être abordables dans les pays en développement — où elles empêcheraient par exemple la transmission du virus de la mère à l'enfant et permettraient de lutter contre des infections liées au sida, comme la tuberculose. Nous devons renforcer les services de santé pour être à même de faire face à l'augmentation de la demande.

Les besoins sont particulièrement urgents en Afrique subsaharienne, où résident le plus grand nombre de séropositifs, où les services de santé sont précaires et où les moyens financiers sont les plus limités. Les premiers résultats de l'expérience tentée dans plusieurs pays montrent que la chose est possible.

Toutefois, quels que soient nos succès dans l'amélioration et le renforcement des traitements, notre espoir le plus cher et notre objectif premier doivent être de parvenir à prévenir l'infection.

La pièce manquante, l'arme secrète que nous cherchons, c'est un vaccin efficace. Pour le trouver, il faudra de la patience, de la détermination et des fonds. Mais nous devons essayer et essayer encore.

Les nombreux défis scientifiques et éthiques qui entrent en jeu ne peuvent être relevés que grâce à une entière collaboration entre les pouvoirs publics, la communauté scientifique et les milieux industriels. ONUSIDA et ses parrains se battent sur plusieurs fronts pour accélérer la mise au point de vaccins nouveaux et pour trouver des moyens scientifiquement et éthiquement acceptables de les tester, pour le bien du monde en développement.

C'est ainsi que le secrétariat d'ONUSIDA veille à ce que les firmes pharmaceutiques utilisent des souches de VIH provenant de pays en développement comme base des vaccins qu'elles étudient. Grâce à des années de préparation en collaboration entre l'OMS et ONUSIDA, il a été possible de procéder en février dernier aux premiers tests d'un vaccin ougandais anti-VIH.

La Banque mondiale, autre parrain d'ONUSIDA, recherche les failles du marché qui ont abouti à une insuffisance des investissements consacrés à la recherche d'un vaccin antisida, et elle met au point des instruments financiers qui devraient stimuler les investissements privés.

Par l'intermédiaire de son Comité consultatif Vaccins, ONUSIDA est un cadre tout désigné pour la planification et la coordination des efforts à l'échelle mondiale. Les partenaires de la recherche comprennent entre autres le Medical Research Council du Royaume-Uni et l'International AIDS Vaccine Initiative — il s'agit d'un partenariat réellement universel dans lequel le National AIDS Trust représente la partie britannique.

( suivre)

- 6 - SG/SM/7045 25 juin 1999

Cette initiative a réussi à mobiliser des fonds apportés par des gouvernements - dont le premier a été, l'année dernière, le Gouvernement du Royaume-Uni -, par des chefs d'entreprise comme Bill Gates, qui a engagé 25 millions de dollars, et par la société en général.

On se rend de plus en plus compte que le sida est l'affaire de tout un chacun. C'est la devise d'ONUSIDA, qui est coparrainé par sept organismes représentant différents membres de la famille des Nations Unies dont les mandats vont de la santé au développement. La Banque mondiale, le FNUAP, l'OMS, le PNUD, le PNUCID, l'UNESCO et l'UNICEF travaillent de concert, avec l'aide du secrétariat d'ONUSIDA, pour veiller à ce que les pays tirent avantage de leurs compétences et de leur soutien communs.

De plus en plus, ONUSIDA conjugue ses efforts avec des entités extérieures au système des Nations Unies — qu’il s’agisse d’activistes, de chefs d'État, ou encore d’entreprises privées et publiques.

Au cours des deux dernières décennies, nous avons tiré des leçons des succès remportés et des échecs essuyés en Afrique et ailleurs. Aujourd'hui, nous en savons beaucoup plus sur la manière de prévenir les infections, sur les soins à apporter aux séropositifs, ainsi que sur les moyens d'atténuer les effets du sida pour les familles des malades et pour leurs pays.

Il s'agit maintenant de faire fond sur les succès remportés et de les transposer dans d'autres pays pour qu'ils touchent le plus grand nombre. À cette fin, ONUSIDA collabore avec les gouvernements, les organismes de secours, les groupes de pression et le secteur privé.

Comme je l'ai dit au début, la première bataille qu'il nous faut gagner, si nous voulons remporter la guerre contre le sida, consiste à briser le mur de silence qui entoure la maladie et à vaincre les préjugés.

C'est encore plus vrai en Afrique qu'ailleurs. Depuis environ un an, de nombreux gouvernements africains ont enfin compris que reconnaître officiellement l'existence du problème, et commencer ainsi à s'y attaquer, est davantage susceptible d'attirer les investisseurs que de les décourager. Bien des dirigeants africains ne craignent plus de parler ouvertement du sida et s'efforcent d'enrôler tous les secteurs de la société dans la lutte contre la pandémie.

Au Botswana, le Président Mogae a lancé, en septembre dernier, un plan national de lutte contre le sida, qui est financé à hauteur de 80 % par des fonds botswanais.

Au Lesotho, le budget consacré à la lutte contre le sida a été doublé.

Au Swaziland, le Gouvernement a déclaré la guerre au sida "pas seulement en paroles mais dans les faits".

( suivre)

- 7 - SG/SM/7045 25 juin 1999

En Namibie, un nouveau programme national de lutte contre le sida a été approuvé et, en Afrique du Sud, un nouveau partenariat, associant tous les secteurs du Gouvernement et de la société civile, a été lancé en octobre dernier.

On prend aussi de plus en plus conscience que le combat contre le sida et la lutte en faveur des droits de l'homme doivent aller de pair. Dans le monde entier, des malades du sida et des séropositifs voient leurs droits bafoués. Pour que cela change, il faut que les pouvoirs publics et les entreprises unissent leurs efforts et travaillent avec les communautés concernées. À cet effet, l'ONU a publié l'année dernière des directives internationales sur le sida et les droits de l'homme, qui définissent les responsabilités respectives du secteur public et du secteur privé. En particulier, elles encouragent le secteur privé à adopter des codes de conduite garantissant que les droits des séropositifs et des malades du sida seront pleinement respectés.

Aucune entreprise, aucun gouvernement ne peut espérer venir seul à bout du sida. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une nouvelle approche de la santé publique qui tire parti de toutes les ressources, publiques ou privées, et de tous les moyens d'action, locaux ou mondiaux.

Les ressources que l'on parviendra à mobiliser ne seront pas gaspillées. L'exemple de l'Ouganda et de la Thaïlande, pour ne citer que ceux-là, montre qu'il est possible d'enrayer la propagation de la maladie, à condition de reconnaître l'ampleur du problème, d'adopter une politique de prévention bien conçue et d'y allouer les ressources nécessaires.

Les entreprises ont elles aussi un rôle crucial à jouer : elles peuvent informer et éduquer sur le sida et le VIH et mobiliser les efforts des communautés dans lesquelles elles sont implantées.

Glaxo Wellcome, une société britannique, a lancé "Positive Action", un fonds international qui a déjà consacré plus de 25 millions de livres sterling à la lutte contre le sida. Ainsi, en partenariat avec le Fonds international de solidarité thérapeutique créé par le Président Chirac et son ministre de la santé, Bernard Kouchner, Positive Action a cofinancé un programme de prévention et de traitement en Côte d'Ivoire. L'objectif premier du programme, qui s'étend sur quatre ans, est d'éviter que les mères infectées ne contaminent leur enfant.

Cette entreprise a compris que le sida était vraiment l'affaire de tous. Heureusement, elle n'est pas la seule.

Sur les encouragements de son client britannique The Body Shop, une entreprise népalaise, "Get Paper", a commencé par ouvrir un guichet d'information sur le sida à l'intention des routiers et des chauffeurs d'autobus. Six ans plus tard, ses efforts de prévention touchent 12 % de la population et attirent régulièrement des financements étrangers.

( suivre)

- 8 - SG/SM/7045 25 juin 1999

La stratégie de prévention que la société Chevron a adoptée au Nigéria pour protéger ses employés et l'ensemble de la communauté n'est pas moins créative ni moins efficace.

En Afrique du Sud, Eskom, une compagnie de production d'électricité qui emploie plus de 37 000 personnes, a fait de la prévention du sida un de ses chevaux de bataille il y a déjà six ans. Les employés et leur famille bénéficient maintenant d'une couverture médicale qui prend en charge les frais de dépistage, de suivi et de traitement.

Au Zimbabwe, la société Rio Tinto a pris des mesures pour protéger ses employés : elle a constitué des groupes de volontaires qui conseillent leurs collègues et organisent des campagnes de sensibilisation. De plus, Rio Tinto distribue des préservatifs à ses mineurs, qui vivent loin de leur épouse pendant de longues périodes.

Le mois dernier, Bristol-Myers Squibb, un des nouveaux partenaires d'ONUSIDA en Afrique, a lancé une initiative de lutte contre le sida et s'est engagé à consacrer 100 millions de dollars sur cinq ans à "Secure the Future", organisme mixte qui appuie des projets de recherche, d'éducation et d'action sociale dans toute l'Afrique australe.

Ce sont là des exemples encourageants qui montrent que l'engagement des entreprises peut faire changer les choses. Je ne peux manquer d'évoquer ici l'oeuvre de pionnier accomplie par Business Leaders Forum, qui a été créé à l'initiative du Prince de Galles et collabore étroitement avec ONUSIDA, l'OMS et le Global Business Council.

Toutes ces initiatives ne sont pas le fruit d'une philanthropie surannée ni de la défense d'intérêts étroits, mais d'une alliance entre des convictions profondes et un réalisme à toute épreuve.

De plus en plus, les hommes d'affaires prennent conscience que leurs responsabilités et leurs intérêts ne concernent pas leurs seuls actionnaires, mais toute la société et même la planète tout entière.

Si l'on peut considérer que la propagation du sida est une des retombées tragiques de la mondialisation, du moins voit-on apparaître l'amorce d'une réponse mondiale.

Aujourd'hui, je voudrais m'adresser aux entreprises, non seulement de ce pays, mais dans les autres pays industrialisés et dans le monde en développement, et leur demander d'agir à trois niveaux :

- Soyez solidaires de vos employés et de leur famille et combattez les préjugés et la discrimination en permettant à ceux de vos employés qui sont séropositifs de continuer à travailler et à apporter ainsi leur contribution à la société;

( suivre)

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- Protégez les collectivités dans lesquelles vous êtes implantées en y menant des actions de prévention et de sensibilisation, notamment en organisant la distribution de préservatifs;

- Voyez plus loin et associez-vous aux nombreuses organisations, gouvernementales ou non, qui, dans le monde entier, sont à la pointe du combat contre le sida.

Ce combat est, qui pourrait le nier, un devoir moral. Mais c'est aussi, et c'est heureux, un impératif commercial.

Je sais que beaucoup d'entre vous participent déjà activement à la lutte contre le VIH et le sida. L'action menée par le National AIDS Trust pour sensibiliser l'opinion pourrait servir d'exemple dans d'autres pays du monde industrialisé.

Je sais qu'il reste des problèmes à régler au Royaume-Uni, mais je sais aussi que les résultats de votre action se font déjà sentir dans d'autres pays, parmi les plus touchés.

À eux tous, les gouvernements, les ONG, les entreprises et les médias détiennent une quantité énorme de savoir, de savoir-faire, d'influence et de fonds. Le Global Business Council sur le VIH/sida, dont Glaxo Wellcome a été l'un des principaux artisans, s'emploie à mobiliser ces ressources, notamment en favorisant la création de conseils nationaux au Botswana, au Brésil, au Mexique, en Afrique du Sud et en Thaïlande. C'est ici aussi que le National AIDS Trust a pris l'initiative de créer une antenne nationale du Global Business Council. J'espère que d'autres pays suivront votre exemple.

Permettez-moi, pour conclure, de revenir sur ce que je considère comme l'essentiel de mon message :

Le sida continue de se propager, et pas seulement dans des pays lointains. C'est une véritable épée de Damoclès qui pèse sur le destin de toute une génération et menace la survie de l'humanité.

La question n'est donc pas de savoir si le sida continuera de faire des victimes : il en fera encore beaucoup. La question est de savoir si la pandémie étendra ses ravages à la génération suivante et à celle d'après.

Si Diana, Princesse de Galles, était encore parmi nous aujourd'hui, je lui dirais :

En avouant au monde votre propre vulnérabilité, vous avez conquis le coeur de millions de personnes. Et, dans ce pays, vous avez été parmi les premières à vous insurger contre la conspiration du silence et contre les préjugés.

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Et c'est peut-être même cette vulnérabilité qui vous a donné un courage à la mesure de votre compassion, une incroyable capacité d'écoute, une volonté de tendre la main et de parler au nom des plus faibles et des plus démunis. C'est peut-être cette vulnérabilité assumée qui a donné à tant d'autres l'envie de faire comme vous.

Peut-être faut-il une sensibilité particulière pour faire ce que Diana a fait. Mais cela ne nous empêche pas d'être inspirés par son exemple. Nous ne pouvons tout simplement pas abandonner à leur sort les plus démunis de la terre et les condamner à la mort et au désespoir. Ce serait faire injure à la générosité et à l'engagement de Diana que d'honorer sa mémoire en se contentant de paroles.

Dans certaines régions d'Afrique, le terme qui désigne le sida pourrait se traduire par "la honte tombée du ciel". Je pense que le ciel nous couvrira effectivement de honte si nous rejetons les malades du sida, si nous ne parvenons pas à surmonter les préjugés et à mettre fin à la discrimination.

Aujourd'hui, nous avons l'occasion de conjuguer le réalisme le plus rigoureux à l'idéalisme le plus généreux, de servir nos propres intérêts tout en nous montrant solidaires. Cela n'arrive pas souvent.

Au nom de la Princesse Diana, au nom de tous les malades du sida et de ceux, bien plus nombreux encore, qui continueront de vivre sous sa menace, nous devons saisir l'occasion qui s'offre à nous, ou nous couvrir à jamais de honte.

Le choix est-il vraiment si difficile?

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À l’intention des organes d’information. Document non officiel.