DSG/SM/52

LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE CONTINUE À AVOIR BESOIN DE L'ENGAGEMENT, DES ENERGIES ET DES IDEES DES ANCIENS FONCTIONNAIRES INTERNATIONAUX

24 juin 1999


Communiqué de Presse
DSG/SM/52


LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE CONTINUE À AVOIR BESOIN DE L'ENGAGEMENT, DES ENERGIES ET DES IDEES DES ANCIENS FONCTIONNAIRES INTERNATIONAUX

19990624 Vous trouverez, ci-après, le texte de l'allocution que la Vice- Secrétaire générale Louise Fréchette a prononcée le 20 mai à New York à l'occasion d'un banquet organisé par l'Association des fonctionnaires internationaux :

Je me réjouis d'être parmi vous aujourd'hui. Je sais combien ces rencontres et ces banquets annuels revêtent une signification pour vous dans la mesure où ils vous offrent l'occasion de rétablir de vieux contacts et de renouer avec les activités de l'Organisation. Sachez que ces rencontres ont toutes autant d'importance pour nous, vos "successeurs". Certes, vous êtes d'anciens fonctionnaires internationaux, mais vous demeurez des membres actifs de la communauté des Nations Unies dont l'apport nous est précieux dans l'oeuvre d'édification d'un monde meilleur que nous menons. Permettez-moi de saisir cette occasion pour vous dire combien l'actuelle génération de fonctionnaires du Secrétariat apprécie à sa juste valeur votre expérience, votre sagesse et les sacrifices que vous avez consentis pendant vos années de service. Nous savons que nous continuons sur votre lancée.

Je me réjouis tout particulièrement d'être en présence d'un auditoire qui en sait autant sur l'ONU. J'insiste sur ce point pour deux raisons.

Premièrement, parce que je me suis rendu compte que je dois passer une grande partie de mon temps avec d'autres auditoires à dissiper certains mythes sur l'Organisation — mythes et préjugés qui vous sont sans aucun doute familiers et qui peuvent entamer la foi du public dans l'Organisation.

Deuxièmement, parce que lorsqu'on en vient à l'un des mythes les plus destructeurs préjudiciables — celui selon lequel l'ONU est incapable de changer, que nous vivons hors du "monde réel", que nous ne sommes qu'un moulin à paroles et un "tigre de papier", le tout à la fois — vous savez en fait que l'ONU n'a pas cessé de changer, d'évoluer et de s'adapter depuis sa fondation.

En réalité, je soupçonne même certains d'entre vous de tenir la génération actuelle pour coupable de perpétuer un nouveau mythe, à savoir que le processus de réforme mis en branle par le Secrétaire général il y a deux ans est sans précédent, historique et quelque chose d'entièrement nouveau. Nombre d'entre vous, je sais, ont connu des réformes plutôt profondes au milieu des années 80. Ne m'avez-vous pas dit tout récemment, vous-même, M. Saddler, que l'ONU a connu presque toute son existence durant, un type de réforme ou un autre. Aussi êtes-vous en droit de vous demander ce que les réformes actuelles ont vraiment de nouveau.

Laissez-moi vous le dire. Cela nous conduira naturellement à nombre d'autres questions qui pourraient, je pense, nous être d'un certain intérêt.

J'hésite à commencer par moi-même, mais ma présence ici constitue l'un des faits nouveaux les plus tangibles. Le poste de Vice-Secrétaire général n'a pas été créé pour ajouter un nouvel échelon à la hiérarchie. La structure hiérarchique n'a pas changé. Personne ne me fait rapport ni ne fait rapport par mon intermédiaire mais, bien entendu, nombre de dossiers atterrissent sur mon bureau.

Je me vois comme "facilitatrice", quelqu'un qui intervient lorsque le besoin se fait sentir. Le travail se répartit plus ou moins comme suit : le Secrétaire général a le regard tourné vers l'extérieur et l'adjoint, le regard tourné vers l'intérieur. Il continue d'être plongé dans des questions de paix et de sécurité, dans des crises politiques et des opérations de maintien de la paix. Je consacre la plupart de mon temps aux questions économiques et sociales, aux questions de gestion interne, de réforme, de gestion des ressources humaines et budgétaires; et somme toute à rationaliser les activités de l'Organisation.

Je représente l'ONU à certaines réceptions, pour décharger un peu le Secrétaire général. Je fais suffisamment d'interventions publiques et reçois des visiteurs de l'extérieur. En un mot, j'aide le Secrétaire général à exercer son autorité. Nous ne passons pas beaucoup de temps ensemble car, par définition, sa présence, exclut la mienne.

Ma présence ici s'inscrit également dans le cadre d'un autre changement majeur : je m'adresse à vous en tant que membre d'un groupe de plus en plus nombreux de femmes occupant des postes de responsabilité à l'ONU. Certains d'entre vous se souviennent peut-être de l'époque où les postes de responsabilité du Secrétariat étaient un domaine réservé exclusivement aux hommes. Aujourd'hui, plusieurs des chefs de programmes des Nations Unies, les plus illustres et les plus efficaces sont des femmes. Je pense notamment à Carol Bellamy, Catherine Bertini, Gro Harlem Brundtland, Sadako Ogata, Mary Robinson, Nafis Sadik, Elizabeth Rehn, Ann Hercus, Rafiah Salim, Angela King, etc. Nous n'avons pas encore atteint l'objectif de parité

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au Secrétariat, mais nous sommes sur la voie. Ce qu'il faut peut-être surtout retenir, c'est que la promotion de la femme est fondamentalement considérée comme étant au coeur de tout plan viable de développement et de protection de l'environnement.

De toute évidence, qu'ils soient hommes ou femmes, les chefs doivent commander et contrôler leurs troupes. C'est pour cette raison qu'une structure d'encadrement entièrement nouvelle a été mise en place. Jusqu'à l'année dernière, les responsables des divers départements, fonds et programmes ne disposaient pas, en tant que telle, d'une instance au sein de laquelle ils pouvaient se retrouver pour échanger des informations, élaborer des politiques et harmoniser leurs stratégies. À présent, le groupe d'encadrement supérieur, façonné à la manière d'un conseil de cabinet, se réunit tous les mercredis, relié par téléconférence aux bureaux des Nations Unies à Genève, Rome, Vienne et Nairobi.

En outre, les activités d'une trentaine d'entités des Nations Unies ont été regroupées en quatre principaux domaines prioritaires — paix et sécurité, affaires économiques et sociales, opérations de développement et affaires humanitaires. Un comité exécutif s'occupe de chaque domaine. Les droits de l'homme, dois-je m'empresser d'ajouter, sont un domaine qui recoupe les quatre autres. Nous assistons déjà à une meilleure coordination, et il y a moins de doubles emplois, bien qu'il reste encore évidemment beaucoup à faire à cet égard, notamment faire que l'esprit de coopération qui règne dans la direction se propage dans tout l'organigramme.

En définitive, néanmoins, l'ONU n'est pas une affaire d'organigramme et de structure, mais d'individus. Nous devons avoir les gens qu'il faut, ayant les compétences qu'il faut, aux postes qu'il faut, au moment qu'il faut. C'est pourquoi nous avons également engagé d'importantes réformes sur la gestion de nos ressources humaines. Des experts d'autres institutions intergouvernementales et entreprises du secteur privé y participent en nous prodiguant des conseils et en les illustrant par les pratiques les meilleures. Il s'agira toutefois d'une réforme interne destinée à satisfaire les besoins de l'Organisation et à offrir aux membres du Secrétariat des carrières intéressantes. Un de nos objectifs est de décentraliser la prise de décisions autant que possible et de simplifier les règles, tout en favorisant la transparence et des normes de comportement professionnel élevées.

Les réformes administratives sont indissociables de la question des ressources financières. Je suis sûre que vous vous souvenez tous d'avoir eu le sentiment d'être microgérés par des organismes intergouvernementaux, ou de souhaiter avoir une plus grande souplesse dans l'allocation des ressources humaines et financières ou dans la définition de priorités en vue de la réalisation d'une longue liste de mandats. Pour reprendre une maxime politique bien connue à l'heure qu'il est, "nous vous avons compris".

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C'est pour cette raison que nous avons proposé que la durée des nouveaux mandats soit limitée et aussi que l'ONU passe à une budgétisation fondée sur les résultats et qui mette l'accent sur les "résultats", plutôt que sur les "apports" tels que le personnel et le matériel. Nous pensons que ces mesures correctives auraient déjà dû être mises en place, mais qu'en raison de leur nature fondamentale, elles pourraient mettre du temps à être pleinement appliquées.

Telles sont certaines des réformes que des experts comme vous peuvent qualifier autrement que de simples retouches. Comme vous le savez, elles s'étendent à l'ensemble du programme de l'Organisation. S'il est vrai que le Secrétaire général a mis en place presque toute la structure qui relève directement de son autorité, il n'en demeure pas moins qu'il reste beaucoup à faire dans des domaines qui sont du ressort exclusif des Etats Membres et dont, de loin, le moins important est la réforme du Conseil de sécurité.

Tout cela, ne l'oublions pas, s'effectue dans des conditions très difficiles causées par une crise financière chronique. En fait, il y a deux crises financières. La première est mondiale, en ce sens que les Etats Membres doivent à l'Organisation plus de 2,6 milliards de dollars au titre du budget ordinaire et du budget des opérations de maintien de la paix. Les Etats-Unis sont en tête de liste, suivis de douzaines d'autres pays qui ne se sont pas non plus acquittés entièrement de leurs contributions.

En même temps, depuis 1994, en vertu de la règle dite de "croissance nominale zéro", le budget ordinaire s'est en fait contracté en termes réels d'année en année. Cela a peut-être eu des effets salutaires. Nous avons dû nous attacher à éliminer le gaspillage et à donner aux Etats Membres davantage pour leur argent. Mais comme on dit : "Point d'argent, point de Suisse", on n'a rien pour rien. Ceux qui veulent obtenir davantage de l'ONU doivent être disposés à verser plus. Nous en sommes arrivés au point où des coupes supplémentaires risqueraient de nous rendre moins à même de fournir aux Etats Membres les services qu'ils attendent de nous.

Il s'agit d'un domaine où l'Association des anciens fonctionnaires internationaux peut être particulièrement utile, notamment nombre d'entre vous ici présents qui êtes ressortissants des Etats-Unis. Je sais combien vous défendez les intérêts de l'ONU, rédigeant des lettres et des articles pour les journaux, appelant dans le cadre d'émissions radiophoniques, intervenant dans des établissements et devant des groupes de jeunes et adhérant à des organisations et coalitions non gouvernementales. À maints égards, vous êtes les fantassins et les troupes de choc, à la "pointe" du débat. Votre influence est plus grande que vous ne voulez le croire. Chaque mot de soutien devient un message retentissant sur l'importance de l'Organisation des Nations Unies. Continuez donc à faire entendre vos voix.

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Ce faisant, la plupart d'entre vous se montreront également fidèles à l'esprit d'une autre entreprise de l'ONU : l'Année internationale des personnes âgées, que nous célébrons cette année et qui met beaucoup l'accent sur un vieillissement actif et une participation de tous, pour le bien de tous.

On l'a appelé l'âge du vieillissement et l'âge de la longévité. Au cours des 50 dernières années, la durée de vie moyenne s'est allongée de 20 ans. Il s'agit d'une bonne nouvelle, qui vient tempérer les prévisions pessimistes sur le sujet du vieillissement, sans doute fallacieuses. Le "vieillissement de la société" se ressent également à l'ONU. Dans les cinq prochaines années, plus de 1 200 fonctionnaires atteindront l'âge de la retraite. C'est à la fois une chance et une perte — une chance de renouveler les effectifs de l'Organisation, mais une perte de la mémoire institutionnelle et une rupture de la continuité. Cette perte peut être quelque peu atténuée par le travail de l'Association des anciens fonctionnaires internationaux. En réalité, votre nombre va continuer à s'accroître, ce qui donnera encore plus de poids à vos activités de plaidoyer.

J'ai relevé un bon nombre de mythes aujourd'hui. Laissez-moi vous quitter sur une réalité : la réalité d'un monde qui continue à avoir besoin de votre engagement, de vos énergies et de vos idées. Vous demeurez un élément vital de la communauté internationale. En dépit de son expérience et de ses vraies réalisations, cette communauté n'a pas encore réussi à éliminer la faim, à vaincre le racisme et à trouver les moyens d'empêcher que n'éclatent de terribles conflits tels que celui qui a chassé les populations du Kosovo hors de chez elles ou ceux qui se déroulent en Afrique et dont la presse mondiale ne se fait pas suffisamment l'écho, mais où le désespoir est profond.

À l'aube d'un nouveau siècle, nous continuons d'avoir du pain sur la planche et nous avons besoin de votre soutien. Faites-nous part des idées et des craintes qui vous animent à tous points de vue. Je vous remercie une fois de plus de m'avoir invitée à me joindre à vous.

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