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SG/SM/7039

L'ONU, OUVERTE AUX FORCES PROGRESSISTES DE LA SOCIETE CIVILE ET REVITALISEE PAR UN VASTE PROCESSUS DE REFORME, DEMEURE UN INSTRUMENT UNIQUE EN SON GENRE

22 juin 1999


Communiqué de Presse
SG/SM/7039
OBV/101


L'ONU, OUVERTE AUX FORCES PROGRESSISTES DE LA SOCIETE CIVILE ET REVITALISEE PAR UN VASTE PROCESSUS DE REFORME, DEMEURE UN INSTRUMENT UNIQUE EN SON GENRE

19990622 On trouvera ci-après le texte du discours que le Secrétaire général, M. Kofi Annan, a prononcé aujourd'hui à Saint-Petersbourg (Fédération de Russie) à l'occasion du centième Anniversaire de la première conférence internationale de la paix :

Je suis très heureux de me trouver parmi vous, dans cette belle ville chargée d'histoire, pour une si importante conférence.

Nous nous réunissons à une date qui a profondément marqué l'histoire russe : en effet, le 22 juin 1941, l'Allemagne nazie attaquait la Russie, qui se lança alors dans sa grande guerre patriotique pour défendre son peuple et vaincre les forces du nazisme et du fascisme.

L’endroit où nous nous réunissons est lui aussi mémorable. Avant de vous rejoindre, je suis allé poser une gerbe sur le monument commémorant l'héroïsme de la population de cette ville pendant la seconde guerre mondiale. Ce mémorial nous le rappelle: les citoyens de Saint-Pétersbourg comprennent ce qu'est la cruauté d'un conflit. Ils savent ce qu’est la faim, ils connaissent les horreurs qui ont marqué le XXe siècle. Saint-Pétersbourg est l’endroit idéal pour songer aux perspectives de paix pour le XXIe siècle.

C'est le Gouvernement russe qui, doué de prescience et soucieux du bien-être de l'homme, proposa sur instruction du tsar Nicolas II de convoquer la première Conférence internationale de la paix à La Haye.

Cette conférence avait pour objet de réduire les armements excessifs, de substituer l'ordre au désordre de la guerre et de trouver des moyens efficaces d’assurer à tous les peuples une paix réelle et durable. Il s'agissait là d'un programme ambitieux. Malheureusement, exactement un siècle plus tard, ce programme n’a rien perdu ni de son actualité, ni de son urgence.

En 1899, la Russie a demandé aux 26 gouvernements réunis à La Haye d'envisager de réduire leurs budgets d’armement. Aujourd'hui, les dépenses militaires mondiales se chiffrent à 750 milliards de dollars par an; c’est autant de précieuses ressources qui ne peuvent être consacrées à la satisfaction de besoins de base tels que la santé et l'éducation, et qui alimentent le commerce mondial des armements.

( suivre)

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La Russie a également demandé que les gouvernements interdisent à leurs armées et marines de guerre d'utiliser tout nouveau type d'armes à feu ou d'explosifs. Aujourd'hui, l’homme se sert trop de son intelligence pour mettre au point de nouvelles armes, plutôt que de se concentrer sur la lutte contre la maladie, la protection de l'environnement et l’élimination de la pauvreté.

Les guerres auxquelles nous assistons aujourd'hui — essentiellement des conflits internes dans lesquels des civils sont les principales cibles — laissent à penser que la guerre est plus brutale et chaotique que jamais. Et le recours à la force est d'une ténacité inquiétante : les différends ne sont pas réglés par des voies pacifiques, la logique de la guerre l'emporte sur tous les fronts et les belligérants semblent ne se rendre compte de ce qu'ils ont fait que lorsque tout est réduit en cendres.

Mais si la première Conférence internationale de la paix n'a pas réussi à atteindre certains des objectifs qu'elle s'était fixés, il ne fait aucun doute qu'elle a fait date :

— Dans l'évolution des lois de la guerre; — Dans le développement du droit international humanitaire moderne; — Et dans les efforts tendant à institutionnaliser le règlement pacifique des différends.

Au sens le plus large, la Conférence peut compter comme l'un des berceaux de la diplomatie multilatérale. L'Organisation des Nations Unies elle-même, et la Cour internationale de Justice, en sont l'émanation.

Passons en revue certaines des réalisations et contributions de la Conférence.

La Conférence a rejeté l'opinion selon laquelle la guerre était l'ultime et légitime recours d’un Etat à la force totale. La communauté internationale a décidé d'introduire une certaine mesure d'humanité dans les conflits armés internationaux.

La Conférence a réaffirmé la distinction fondamentale entre combattants et civils et élaboré des normes pour veiller à ce que les malades, blessés et civils ne prenant pas part aux hostilités soient protégés dans toute la mesure du possible.

La Conférence a adopté la Convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux, qui a porté création de la Cour internationale d'arbitrage. Bien qu'elle ait été sous-utilisée depuis lors, la Cour se modernise afin que les États aient davantage recours à cette pratique qui pourrait bien être l'un des secrets les mieux gardés de la diplomatie.

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La Convention énonce également toute une gamme de méthodes de règlement des conflits par des moyens pacifiques - notamment la médiation, les bons offices, les enquêtes et la conciliation - qui ont par la suite été incorporés à l'Article 33 de la Charte des Nations Unies.

L'Organisation des Nations Unies s’est efforcée de construire sur les bases ainsi posées. Aujourd'hui, dans chacun des principaux domaines de préoccupation de la Conférence de La Haye — les lois et coutumes de la guerre, la prolifération des armements et le règlement pacifique des différends — la communauté internationale dispose des moyens nécessaires pour accomplir les progrès voulus.

Les lois et coutumes de la guerre figurent parmi les nombreuses questions qui sont de plus en plus réglementées par le droit international. Les Conventions de Genève de 1949 sont au nombre des quelque 500 traités multilatéraux déposés auprès du Secrétaire général dans le cadre de l'élaboration, commencée il y a des siècles, de règles, coutumes et précédents juridiques qui influent sur pratiquement tous les aspects de l'entreprise humaine.

Ces accords constituent le cadre d'une société internationale dans laquelle le droit prévaut sur le recours arbitraire à la force. En bref, ils constituent le canevas d'un monde meilleur — mais uniquement s'ils sont ratifiés et appliqués, uniquement si ce cadre est pleinement exploité.

Les institutions sont un facteur clef de la transformation des lois écrites en règles observées dans la vie de tous les jours. Aujourd'hui, nous avons l'occasion de créer une institution — la Cour pénale internationale — qui donnerait des armes à la justice pénale internationale, renforcerait la lutte contre l'impunité et confirmerait le principe de la responsabilité pénale individuelle.

Je voudrais donc saisir cette occasion pour appeler les États qui ne l'ont pas encore fait à signer et à ratifier le Statut de Rome dont le texte a été approuvé il y a un an.

S'agissant de la prolifération des armements, les possibilités qui s'offrent à nous se doublent de sérieuses menaces. La fin de la guerre froide nous a permis d'envisager un monde qui s'engagerait irréversiblement sur la voie de l'élimination définitive des armes nucléaires, chimiques et biologiques. Nous avons d'ailleurs assisté à une très importante réduction des arsenaux nucléaires de la part des deux grandes puissances nucléaires et à la création de zones exemptes d'armes nucléaires dans de vastes régions du monde.

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Nous avons assisté, depuis 1996, à l'adoption du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires et à l'entrée en vigueur de la Convention sur les armes chimiques.

Pourtant, les essais nucléaires auxquels ont procédé l'année dernière l'Inde et le Pakistan, ainsi que la récente reprise des combats le long de la ligne de contrôle entre les deux nations, sont profondément préoccupants. Il est temps de tenir compte de l'opinion de plus en plus répandue tant dans les États dotés de l'arme nucléaire que dans les autres, selon laquelle des progrès encore plus rapides doivent être accomplis au cours des années à venir sur la voie d’un désarmement nucléaire complet.

La fin de la guerre froide a également créé de nouvelles possibilités de règlement pacifique des conflits.

En Amérique centrale, l'ONU a aidé des nations épuisées et dévastées par des conflits civils à négocier des accords qui ont transformé la région. De longs conflits ont également été réglés au Cambodge, au Mozambique, en Namibie et ailleurs. Le Nigéria et l’Afrique du Sud ont connu des passations de pouvoirs pacifiques — non sans souffrances, bien sûr, mais sans que l'on assiste aux cataclysmes meurtriers que tant redoutaient.

Aujourd'hui, au Timor oriental, il semble que l'on soit sur le point de sortir de l'impasse grâce à une consultation populaire organisée par l'ONU et rendue possible grâce à un accord que mon Représentant personnel a aidé les parties à conclure.

Cela dit, je serai le premier à admettre qu'échecs et retards ont également caractérisé nos récents efforts. Ce sont ces expériences, davantage que nos succès, qui nous poussent à engager l'ensemble de la communauté internationale à poursuivre l'oeuvre de renforcement de l'Organisation.

Libre de conflit idéologique, s'appuyant sur la technologie, ouverte aux forces progressistes de la société civile et revitalisée par un vaste processus de réforme, l'Organisation demeure un instrument unique en son genre. Elle est la source de la légitimité internationale, un cadre multilatéral de prise de décisions, et un instrument de sécurité collective et de diplomatie préventive. Mais elle est en droit d'attendre plus des États Membres — davantage de ressources et davantage de volonté politique - si l'on veut qu'elle s'acquitte des tâches qui lui ont été confiées.

Une fois de plus, notre capacité d'agir est mise à l'épreuve. Je me réfère bien entendu aux responsabilités écrasantes que le Conseil de sécurité nous a confiées au Kosovo.

( suivre)

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La Russie a joué un rôle crucial dans les efforts tendant à mettre fin aux hostilités dans les Balkans et à permettre au Conseil de sécurité d'adopter une résolution. On peut maintenant espérer que le conflit au Kosovo pourra être réglé de la seule façon acceptable pour la communauté internationale, c’est-à-dire que tous les habitants de cette région éprouvée pourront regagner leurs foyers dans la sécurité et jouir d'une autonomie et d'une auto-administration considérables. Le monde a une grande dette de reconnaissance à l’égard du Président Boris Yeltsin, de son Ministre des affaires étrangères, M. Ivanov, et de son Envoyé spécial, M. Chernomyrdin, pour le rôle que chacun d'entre eux a joué dans l'aboutissement de ces efforts.

Lorsque je me suis rendu à Moscou en avril, j'ai dit aux dirigeants russes que si le Conseil de sécurité pouvait rétablir son unité d'action en cherchant des solutions à ce conflit, d'autres problèmes pourraient être réglés dans des domaines où il est indispensable de progresser et où la Russie a également un important rôle à jouer. Il s'agit bien entendu, avant tout, de la situation en Iraq. Dans ce pays et dans d'autres régions du monde, vous pouvez jouer un rôle central dans l'action que mène l'Organisation des Nations Unies en vue de régler les conflits. L'attachement de la Russie à l'intégrité de l'Organisation et à la primauté du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales est ferme et clair.

Au cours des années à venir, le monde ferait bien de se souvenir de certains des termes inscrits dans le préambule de la Convention de La Haye, rédigé par le juriste russe Fedor de Martens, qui a parlé de façon émouvante des “principes du droit des gens", des "lois de l'humanité" et des "exigences de la conscience publique".

La conscience publique s’émeut à l’idée de voir ce siècle violent se terminer comme il a commencé, l'humanité n'ayant toujours pas réussi à prévenir les conflits et n'ayant toujours pas trouvé les moyens de les régler. Les conflits sont manifestement toujours aussi nombreux et la tournure qu’ils prennent parfois nous rappelle un passé que nous croyions révolu à jamais.

Pourtant, je veux croire encore que la communauté internationale — somme des interactions entre des particuliers, des institutions et des lois — commence à tirer les leçons des échecs et des tragédies du siècle écoulé.

Gardons l'espoir qu’au cours du nouveau siècle qui s'annonce, la haine et le désespoir qui sont autour de nous, et qui avaient déjà motivé les participants à la première Conférence internationale de la paix, pourront être définitivement éliminés. Je vous remercie de votre attention.

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