FEM/1092

LES EXPERTES RELEVENT UNE CONTRADICTION ENTRE LE BON INDICE DE DEVELOPPEMENT DU CHILI ET LES DIFFICULTES QUE RENCONTRENT LES FEMMES DANS LA SPHERE ECONOMIQUE

22 juin 1999


Communiqué de Presse
FEM/1092


LES EXPERTES RELEVENT UNE CONTRADICTION ENTRE LE BON INDICE DE DEVELOPPEMENT DU CHILI ET LES DIFFICULTES QUE RENCONTRENT LES FEMMES DANS LA SPHERE ECONOMIQUE

19990622 La délégation chilienne annonce qu'un projet de loi sur le divorce devrait être adopté avant la fin de l'année 1999

La poursuite de l'examen des Deuxième et Troisième rapports périodiques du Chili a, cet après-midi, donné aux membres du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes l'occasion de faire de nouveau de nombreuses remarques concernant l'avortement, certaines expertes notant que la législation actuellement en vigueur est encore plus stricte que du temps de la dictature militaire. Il faudrait au moins autoriser l'avortement thérapeutique, faciliter la stérilisation, proposer des moyens contraceptifs aux victimes de viol et mettre en oeuvre un programme d'éducation sexuelle intégral, a suggéré une experte. Le nombre élevé de mères adolescentes (40 000 par an) et le fait que 18% des pères de ces enfants sont eux-mêmes des adolescents révèle le caractère inapproprié ou du moins insuffisant de l'éducation sexuelle des jeunes gens, a-t-il été noté. L'absence de toute législation condamnant le harcèlement sexuel a provoqué l'étonnement de nombreuses expertes, qui ont fait remarquer que ces pratiques concernent non seulement le monde du travail, mais aussi l'école et le milieu carcéral. L'absence de données concernant la prostitution ou encore l'ampleur de l'épidémie VIH/sida a aussi été soulignée.

Le phénomène des grossesses précoces, l'ampleur de l'abandon scolaire qui touche près de 50% des jeunes filles ainsi que l'inégalité de rémunération dont les femmes sont victimes sont, selon plusieurs membres du Comité, autant de facteurs indiquant que les mentalités n'ont pas beaucoup évolué et que la société chilienne considère toujours que la femme doit en premier lieu s'occuper de son foyer et de ses enfants. Y aurait-il aussi là l'explication de la contradiction qui existe entre l'indice de développement élevé dont jouit le pays et le fait que les femmes rencontrent des difficultés pour intégrer la sphère économique, a-t-il été fait remarquer. Une experte a aussi regretté que les femmes chiliennes, qui ont joué un rôle essentiel important dans la lutte contre la dictature militaire, n'aient pas aujourd'hui une place plus importante dans la vie politique.

En réponse aux questions des expertes, Mme Josefina Bilbao, Ministre des affaires féminines et Directrice du Service national des femmes (SERNAM), a expliqué que le SERNAM ne met pas lui-même en oeuvre les politiques qu'il élabore. Cette fonction incombe aux différents ministères du Gouvernement, ce qui garantit une approche transectorielle et permet au SERNAM de faire pression pour qu'une perspective sexospécifique soit intégrée à toutes les politiques publiques. En matière de santé, M. René Castro, Responsable du Programme de la santé des femmes au sein du Ministère de la Santé, a précisé que la décision d'interdire l'avortement, prise à la fin de la dictature militaire, n'a pas fait l'objet d'un véritable débat dans le pays. Les statistiques officielles parlent de 100 000 avortements par an, un chiffre sans doute inférieur à la réalité, a reconnu M. Castro, ajoutant que les moyens manquent pour permettre d'offrir des produits de contraception en quantité suffisante.

Abordant le thème des femmes dans le monde du travail, Mme Maria Ester Feres, du Ministère du Travail et de la sécurité sociale, a indiqué que la plupart des problèmes rencontrés par les femmes concernent également les hommes. Toutefois, au cours de la dernière décennie, le travail des femmes a augmenté à un rythme deux fois supérieur à celui des hommes. Pour renforcer la participation des femmes au marché du travail, le Gouvernement articule sa politique autour de la formation et du partage des tâches domestiques. La différence de salaire entre les hommes et les femmes s'explique par le fait qu'au Chili il n'existe aucune loi posant le principe "à travail égal/salaire égal", a expliqué également Mme Feres.

"D'ici la fin de l'année, le Chili ne devrait plus être l'un des derniers pays occidentaux à ne pas posséder de loi sur le divorce", a indiqué Mme Bilbao del Segundo, expliquant qu'un projet de loi est en passe d'être examiné par le Sénat, où le Gouvernement actuel n'a pas la majorité. Les partisans de cette loi sont prêts à lancer une campagne de lobbying très importante afin de convaincre, un par un, chacun des sénateurs, et faire en sorte que le texte soit adopté d'ici fin 1999, a indiqué la Ministre.

Le Comité tiendra sa prochaine réunion vendredi 25 juin, à partir de 15 heures, pour conclure les travaux de sa présente session.

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Suite des observations des expertes

Mme YOLANDA FERRER GOMES, experte de Cuba, a rendu hommage au travail du Service national de la femme (SERNAM) qui a mis en place un programme d'égalité des chances, tout en s'étonnant du retard pris dans l'adoption d'une loi sur le divorce. Egalement préoccupée par la question de l'avortement, l'experte a évoqué les terribles conséquences des avortements clandestins pour les femmes les plus pauvres, en particulier, qui n'ont pas les moyens de se rendre à l'étranger pour avoir recours à l'interruption de grossesse. Il faudrait au moins autoriser l'avortement thérapeutique, faciliter la stérilisation et mettre en oeuvre un programme d'éducation sexuelle intégral destiné aux filles et aux garçons, a suggéré l'experte, ajoutant que les victimes de viols devraient aussi se voir proposer des moyens contraceptifs. L'écart s'est creusé entre les couches les plus pauvres et les plus nanties de la société chiliennes, a-t-elle aussi remarqué. Quelles ont été les effets des privatisations sur les populations défavorisées notamment en matière d'éducation et de santé ? Mme Ferrer a également réclamé des détails sur ce qui est fait au Chili pour préserver la culture des communautés ethniques tels que les Mapuche. Il est regrettable de constater que les femmes, qui ont mené un combat héroïque contre la dictature, n'ont pas plus de place dans la vie publique du Chili démocratique, a aussi noté l'experte.

Pour l'experte de l'Egypte, Mme NAELA GABR, le Chili devrait déployer de plus amples efforts en vue d'améliorer les lois sur la famille. Mme Gabr s'est aussi inquiétée de la responsabilité financière de la femme non mariée, de la santé des jeunes femmes enceintes, et estimé que les populations autochtones et les femmes rurales devraient faire l'objet davantage d'attention.

Mme ROSALYN HAZELLE, experte de Saint-Kitts-et-Nevis, a évoqué la création d'un programme d'éducation sexuelle et de services de planification familiale appropriés. Faisant remarquer que le rapport mentionne que 43,6% des mères de la tranche d'âge de 10 à 19 ans sont des filles mères, l'experte s'est déclarée surprise et a demandé à partir de quel âge les jeunes filles peuvent se marier. Le nombre élevé des grossesses d'adolescentes (40 000 par an) et le fait que 18% des pères de ces enfants sont eux-mêmes des adolescents révèle le caractère inapproprié ou du moins insuffisant de l'éducation sexuelle des jeunes gens. Mme Hazelle a posé la question de savoir s'il y avait une relation entre l'importance du nombre de grossesses précoces et les violences éventuelles, voire les viols dont elles auraient pu être victimes ? Au sujet de la lutte contre la violence à l'égard des femmes, Mme Hazelle a fait observer que le rapport n'indique pas si les personnels de police et de justice reçoivent une formation spécifique sur ce fléau. La création d'un poste de ombudsman pour les droits des femmes est-elle effectivement envisagée comme le suggère le rapport ? Quelles seraient ses fonctions, serait-il indépendant ou relevant du SERNAM ?

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L'experte du Bangladesh, Mme SALMA KHAN, s'est dite très impressionnée par le fait que l'indice de développement du Chili soit si élevé. Pour elle, il ne fait aucun doute que l'action menée par le Gouvernement pour combattre l'extrême pauvreté a permis d'obtenir un si bon indice. Toutefois, elle s'est demandée si les efforts déployés pour alléger l'extrême pauvreté n'entraînaient pas désormais des effets inverses et une discrimination renforcée à l'égard des femmes. On sait par exemple que les entreprises tendent à embaucher plus d'hommes, afin de ne pas atteindre le seuil de 20 femmes, ce qui les obligerait à ouvrir ou payer des services de garderie d'enfants. Constatant que les inégalités de salaires entre les hommes et les femmes s'accroissent parallèlement à l'importance des postes à responsabilité, Mme Khan s'est interrogée sur le sérieux avec lequel les autorités chiliennes combattent réellement ce problème. Existe-t-il par exemple un organe de suivi et de contrôle des conventions de l'OIT qui ont été ratifiées ? Les femmes peuvent-elles aussi bénéficier de programmes de recyclage dans des secteurs non traditionnels qui leur permettraient d'obtenir un niveau supérieur de salaire ? Mme Khan a également demandé si l'on connaissait le nombre de femmes ayant obtenu un emploi depuis les amendements apportés à la législation. Abordant la situation des femmes rurales, dont beaucoup exercent une activité saisonnière, elle a souhaité savoir si des programmes de formation et d'aide leur sont offerts durant les périodes, parfois assez longues, d'inactivité. Relevant que les femmes n'ont que peu accès au crédit, elle a demandé si l'on a identifié les obstacles à l'attribution de micro- crédits aux femmes. Quels sont les résultats de la loi sur la protection et le développement de la femme indigène adoptée en 1993 ? A-t-elle vraiment été appliquée ?

Mme YUNG-CHUNG KIM, experte de la République de Corée, s'est particulièrement arrêtée sur la nouvelle législation relative à la filiation, qui doit entrer en vigueur dans 3 à 4 mois. Il s'agit en l'occurrence de la plus grande avancée législative, a-t-elle estimé. S'agissant de l'éducation, elle s'est inquiétée du niveau élevé de l'échec scolaire. Presque 50% des jeunes filles abandonnent l'école (contre 42,8% des garçons), ce qui est expliqué dans le rapport par le fait qu'elles doivent contribuer aux travaux domestiques de leurs parents. L'experte a estimé que ce phénomène révèle que les comportements traditionnels sont loin d'avoir disparu et elle a demandé ce que le Gouvernement entend faire pour modifier ces schémas. Mme Kim a également déploré l'absence de statistiques concernant les femmes présentes dans l'enseignement supérieur, tant du côté des étudiantes que des enseignantes. Abordant le domaine de l'emploi, elle a demandé combien de femmes exercent des postes décisionnels et quelle est la formation qu'elles ont reçu. Elle a, en conclusion, souhaité savoir pourquoi jusqu'à maintenant aucune loi sur le harcèlement sexuel n'a été promulguée.

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Mme ROSARIO MANALO, experte des Philippines, a souhaité en savoir plus sur les mesures prises par le Chili pour lutter contre le harcèlement sexuel. Elle a par ailleurs remarqué une contradiction entre le niveau de développement élevé du pays et les difficultés rencontrées par les femmes pour en intégrer la sphère économique, et souhaité obtenir de plus amples statistiques à ce sujet. La valeur du travail des femmes à la maison doit être reconnu et elle est en droit d'en obtenir des compensations, a-t-elle ajouté. Mme Manalo a fait remarquer que la question de la prostitution n'est pas du tout abordée dans le rapport. Comment les prostituées sont-elles protégées par la loi, en particulier en matière de santé ? Qu'en est-il de l'épidémie VIH/sida ? Un programme de prévention a-t-il été mis en place, a demandé l'experte. Au Chili comme aux Philippines, la loi sur le divorce pose problème. Il faudra veiller à ce que les conditions autorisant le divorce ne soient pas trop difficiles à réunir, surtout pour l'épouse, a-t-elle fait remarquer.

Abordant à son tour le problème du harcèlement sexuel, Mme AHOUA OUEDRAOGO, experte du Burkina Faso, a souhaité savoir si le projet de loi mis au point à ce sujet va être bientôt adopté. L'experte a demandé aux autorités de veiller à ce que le harcèlement ne se cantonne pas au milieu du travail car de tels agissements peuvent aussi se produire à l'école ou dans le milieu carcéral. Mme Ouedraogo a souhaité avoir des statistiques ventilées par zones géographiques pour en savoir plus sur la situation de la femme rurale en matière de revenus, de santé, de niveau d'instruction ou d'espérance de vie.

L'experte de l'Argentine, Mme ZELMIRA REGAZZOLI, a souhaité savoir ce qu'il en est de l'égalité des chances des jeunes sur le marché du travail. Elle a aussi demandé si le SERNAM a prévu d'agir pour protéger les femmes détenues contre les abus sexuels et leur permettre d'élever leurs enfants, et souhaité par ailleurs avoir des données sur la violence à l'égard des personnes âgées. Rappelant l'urgence d'adopter des lois autorisant l'avortement thérapeutique, réglementant le harcèlement sexuel et le divorce, Mme Regazzoli s'est aussi préoccupée du sort des populations autochtones et des femmes rurales. Ces deux catégories de populations ont-elles accès au crédit, aux programmes de formation, peuvent-elles être propriétaires foncières ? Les femmes peuvent-elles entrer dans les forces armées, et, le cas échéant, jusqu'à quel grade ? Peuvent-elles faire leur service militaire, a également demandé l'experte.

L'experte du Japon, Mme CHIKAKO TAYA, s'est inquiétée du fort taux de chômage chez les jeunes de 20 à 24 ans (14%) et chez les femmes les plus pauvres (jusqu'à 26%). Quel pourcentage de femmes pauvres sont couvertes par les programmes du SERNAM en matière de formation et d'accès à l'emploi, a-t-elle demandé.

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Réponses de l'Etat partie

Reprenant la parole pour réagir aux commentaires des expertes, Mme JOSEFINA BILBAO, Ministre des affaires féminines et du Service national de la femme du Chili, a indiqué que le Deuxième Plan quinquennal sur l'égalité des chances allait mettre l'accent sur l'évaluation des politiques et programmes mis en oeuvre. Elle a expliqué que le SERNAM n'est pas une institution créée uniquement par le Gouvernement, mais proposée par celui-ci et décidée par le Parlement. Cette particularité a pour aspect positif d'assurer sa continuité quels que soient les changements de gouvernements. Il ne s'agit pas d'un organisme s'occupant lui-même et seul des affaires féminines. Sa mission est davantage de faire pression sur tous les ministères pour qu'ils introduisent une perspective sexospécifique à toutes leurs politiques. C'est pourquoi le SERNAM ne travaille pas directement avec les femmes. Cependant, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de contact avec les femmes, a insisté le Ministre. Le SERNAM n'exécute pas non plus lui-même les programmes qu'il élabore. Mais puisqu'il est chargé de les coordonner, il a l'occasion de s'entretenir avec tous les représentants de la société civile. Le nouveau défi à relever est d'instituer des relations plus organiques avec les ONG, a admis Mme Bilbao. Les autorités publiques aident déjà financièrement les organisations les plus petites, par le biais d'un fonds. Il ne faut pas oublier que durant 20 années, le régime militaire n'a rien fait pour promouvoir la participation des femmes, a fait observer en conclusion le Ministre.

Mme CARLA GONZALEZ, Directrice de la Division de la coordination interministérielle du Secrétariat général de la Présidence de la République chilienne, a donné des informations supplémentaires sur la manière dont le Gouvernement gère les questions relatives aux femmes. Si le Gouvernement s'est abstenu de créer un véritable ministère c'est pour ne pas aggraver le cloisonnement qui existe déjà à ce niveau. L'approche adoptée est transectorielle et le SERNAM fait véritablement office de coordonnateur, mettant en relations des ministères qui autrefois travaillaient séparément. De plus, le SERNAM associe les fonctionnaires aux sujets liés à la femme, et ce faisant il participe à l'élimination des schémas traditionnels.

En réponse aux questions sur la santé, M. RENE CASTRO, Ministère de la santé, a indiqué que le Programme "santé de la femme", en place depuis 1994, fait appel à des personnels médical ou non. Des "matrones" en particulier, qui s'occupent traditionnellement de la santé des femmes, ont été mises à contribution. Le système de santé est très fragmenté au Chili : les 28 services répartis dans tout le pays gèrent chacun leur propre budget et ont pour seule contrainte de suivre les directives du Ministère. La décision d'interdire l'avortement a été prise à la fin de la dictature militaire sans qu'il y ait eu de véritable débat. Les statistiques officielles parlent de 100 000 avortements par an, un chiffre sans doute largement inférieur

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à la réalité. Cela dit, le nombre d'avortements et de décès consécutifs à l'interruption de grossesse a semble-t-il diminué ces dernières années. La santé génésique figure parmi les 16 priorités du programme 1996-2000 mais beaucoup reste à faire, a reconnu le docteur Castro, notamment en matière d'identification des groupes à risques auxquels les campagnes d'information devraient s'adresser en priorité. L'avortement étant pénalisé, la conduite illégale des médecins est également supposée être dénoncée. Dans les faits, la plupart des médecins ne rapportent aux autorités que les cas graves, quand il y a eu décès de la patiente. Les moyens manquent pour permettre d'offrir des produits de contraception en quantité suffisante. Le nombre de grossesses chez les adolescentes, qui reste encore élevé, a néanmoins baissé sur le long terme, a précisé M. Castro, ajoutant qu'en 1991, le Ministère de l'éducation a émis une circulaire qui recommande aux écoles de ne pas expulser les filles enceintes; les établissements privés n'ont malheureusement pas appliqué cette directive. La sexualité n'est plus un sujet tabou au Chili, et des discussions sont désormais courantes entre les jeunes, les parents, les professeurs et le personnel de santé, a précisé le docteur Castro, ajoutant que la question de l'autorisation de l'époux, nécessaire pour obtenir une stérilisation, est en cours de révision. L'épidémie VIH/sida concerne les hommes en grande majorité (95%). Le tabagisme des femmes, qui est en augmentation, a fait l'objet de diverses campagnes d'information et de sensibilisation ces dernières années.

En ce qui concerne l'emploi, Mme MARIA ESTER FERES, Directrice au Ministère du Travail et de la sécurité sociale, a précisé qu'il fallait envisager la participation économique des femmes dans le contexte plus général du développement du pays. Ceci revient à dire que la plupart des problèmes rencontrés par les femmes concernent également les autres groupes de la société. De plus, avec la crise asiatique, des difficultés sous-jacentes ont été mises à jour et la croissance est désormais négative. Toutefois, sur la dernière décennie, le travail des femmes a augmenté à un rythme deux fois supérieur à celui des hommes. Mme Feres a également fait remarquer que la majorité de la main-d'oeuvre chilienne, tous sexes confondus, a une formation ne dépassant par le niveau secondaire. Pour renforcer la participation des femmes au marché du travail, il faudrait promouvoir deux questions : la formation et le partage des tâches domestiques. Plus de 40% des personnes bénéficiant des programmes officiel de formation sont des femmes. La formation est gratuite, les employeurs prenant une partie des coûts, grâce au jeu des exonérations fiscales. Le Gouvernement s'efforce actuellement d'amener les petites entreprises à offrir également des programmes de formation.

La grande majorité des réformes législatives concernent les conditions de travail de la femme, a poursuivi Mme Feres. Par exemple, depuis qu'on a levé l'interdiction du travail de nuit, un tiers des femmes actives travaillent désormais de nuit. Il existe aussi des réformes portant

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tout particulièrement sur la lutte contre la discrimination. Malheureusement, au niveau judiciaire, nous ne sommes pas encore parvenus à faire accepter par les instances les plus hautes la nécessité d'éliminer la discrimination, a déploré la Directrice. Dans le but de garantir le respect des droits, de grandes campagnes d'information ont été lancées pour familiariser les travailleuses avec leurs droits. Il en est ainsi notamment dans le domaine des emplois domestiques ainsi que dans le secteur de l'industrie textile. L'écart des salaires entre les hommes et les femmes s'explique par le fait qu'au Chili il n'existe aucune loi posant le principe "à travail égal/salaire égal". Mme Feres a ajouté en outre que depuis 4 ans le SERNAM cherche à faire adopter le projet de loi sur le harcèlement sexuel, mais sans succès. Toutefois, la Direction du travail a fait le nécessaire pour que, dès à présent, elle puisse recevoir les plaintes des victimes et traiter de ce problème. En ce qui concerne l'obligation faite aux entreprises employant plus de 20 femmes d'ouvrir des services de garderie, elle a indiqué que 30% des employeurs reconnaissent d'eux-mêmes ne pas respecter cette disposition. Pour pallier cette lacune, le SERNAM envisage de proposer un système national de garde des enfants pour les personnes qui travaillent. Nombreuses sont les difficultés de mise en route du projet.

Reconnaissant que le système privé d'assurance maladie est discriminatoire, Mme Feres a expliqué que l'Etat cherche à pallier cette situation en améliorant sensiblement le système de santé publique auquel toutes les femmes sans revenus, sans emplois ou à revenus intermittents peuvent avoir accès. L'objectif est d'offrir d'ici quelques années des services d'aussi bonne qualité que le secteur privé. En ce qui concerne la réforme du système de retraite, qui allie financement public et capitalisation privée, il apparaît que les modifications récentes du marché du travail, qui tend de plus en plus à la précarité, vont bientôt poser un réel problème, notamment pour la retraite des femmes.

Reprenant la parole, Mme JOSEFINA BILBAO DEL SEGUNDO a fait savoir que le Chili ne compte pas rester longtemps l'un des derniers pays occidentaux à ne pas posséder de législation en matière de divorce. Le projet de loi en la matière est prêt, il doit passer au Sénat où le Gouvernement actuel n'a pas la majorité, a-t-elle expliqué, ajoutant que les partisans de cette loi sont prêts à lancer une campagne de "lobbying" très importante afin de convaincre, un par un, chacun des sénateurs, et faire en sorte que le projet de loi soit adopté d'ici à la fin de l'année 1999. Un projet de loi punissant les délits sexuels, en préparation depuis quatre ans, est lui aussi en passe d'être examiné par le Sénat. En réponse à une question relative aux femmes détenues, Mme Bilbao del Segundo a indiqué que chaque prison possède un espace réservé aux enfants, qui peuvent rester avec leurs mères jusqu'à l'âge de deux ans. Des campagnes de réinsertion sont également prévues pour aider les prisonnières à retrouver leur place dans la société. L'armée chilienne accueille des femmes, qui sont nombreuses à accéder aux grades d'officier

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et de sous-officier. Le Chili compte même la seule femme générale de l'Amérique latine, et des femmes pourront bientôt devenir pilotes dans l'armée de l'air. Evoquant pour finir l'abandon scolaire, généralement lié à la pauvreté, Mme Bilbao del Segundo a indiqué qu'il concerne 7,2% des filles et 7,7% des garçons au niveau primaire.

Observation finale

Dans ses remarques de conclusion, la Présidente du Comité, Mme AIDA GONZALEZ, a félicité la délégation chilienne pour toutes les informations complémentaires qu'elle a pu fournir au Comité, ce qui a permis de combler certaines lacunes des rapports écrits. Elle a souligné tout particulièrement les progrès réalisés en matière législatives, tant avec la réforme constitutionnelle qu'avec la modification de la loi sur la filiation. Elle a salué également le travail effectué en faveur des femmes les plus pauvres, ainsi que pour lutter contre la violence domestique. Il y a cependant encore un certain nombre de points qui méritent des efforts particuliers, ainsi l'accès des femmes à l'emploi, envisagé de manière globale et avec toutes les conséquences qu'il a sur la famille; le droit au divorce; la nécessité que la femme puisse exercer pleinement et librement ses droits en matière de santé reproductive notamment; le problème des grossesses précoces; ainsi que la persistance de l'interdiction et de la pénalisation de l'avortement. Avant de conclure, Mme Gonzalez a indiqué qu'il ne fallait pas non plus négliger la situation spécifique des femmes vivant en milieu rural.

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