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FEM/1084

LES AUTORITES NEPALAISES SONT INVITEES A LUTTER CONTRE L'ANALPHABETISME QUI TOUCHE LES TROIS QUARTS DES FEMMES DU ROYAUME

15 juin 1999


Communiqué de Presse
FEM/1084


LES AUTORITES NEPALAISES SONT INVITEES A LUTTER CONTRE L'ANALPHABETISME QUI TOUCHE LES TROIS QUARTS DES FEMMES DU ROYAUME

19990615 Les expertes s'inquiètent des mauvaises conditions sanitaires et de l'extrême sévérité de la Loi sur l'avortement

Poursuivant cet après-midi l'examen du rapport initial du Népal, qui a ratifié la Convention en 1991, le Comité sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes s'est longuement penché sur la situation des femmes en matière d'éducation, cherchant à comprendre les causes du taux d'analphabétisme anormalement élevé des Népalaises (72% en 1998). Les expertes ont fait remarquer que l'ampleur de l'analphabétisme constituait une véritable entrave à tout effort visant à améliorer la formation des femmes ou à promouvoir les femmes rurales. Le principe de l'école gratuite et obligatoire est-il appliqué au Népal, se sont-elles demandées, invitant les autorités à mettre en place des programmes de formation professionnelle à l'intention des femmes, en particulier dans les campagnes. Rappelant l'importance de l'école dans la lutte contre les comportements traditionnels, les membres du Comité ont demandé si le Gouvernement népalais prévoyait de réviser les programmes et les manuels scolaires qui perpétuent des stéréotypes.

Autre domaine ayant soulevé de nombreuses remarques de la part des expertes : la santé des Népalaises, qui ont une espérance de vie inférieure à celle des hommes, principalement en raison des risques liés à la maternité. Le fait que seulement 10% des femmes accouchent dans des structures spécialisées a été source de nombreuses préoccupations et les expertes ont fait remarquer que pour être efficace, le programme de maternité sans risque doit être holistique et aborder la question des infrastructures. En outre, il a semblé contradictoire d'affirmer vouloir améliorer la politique sanitaire alors que la législation en matière d'avortement interdit même aux victimes de viol de subir une interruption de grossesse et que les mariages d'enfants sont encore autorisés. Plusieurs expertes ont suggéré à l'Etat partie de s'inspirer pour leur politique nationale de la recommandation générale sur la santé formulée récemment par le Comité. L'importance du trafic des femmes, à des fins de prostitution notamment, a été perçu comme une forme moderne d'esclavage qui exige que le Gouvernement adopte une attitude interventionniste.

Au nom de la délégation du Népal, M. Tirtha Man Shakya, Secrétaire général du Ministère du Droit et de la Justice, s'est dit très encouragé par les remarques constructives des expertes et a indiqué qu'il répondrait à leurs questions vendredi 18 juin, à partir de 15 heures.

La prochaine réunion plénière aura lieu jeudi, 17 juin, à partir de 10 heures 30. Le Comité examinera les troisième et quatrième rapports périodiques de l'Espagne.

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EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DU NEPAL

Suite des observations et questions des expertes

Poursuivant ses observations sur l'Article 6 concernant les mesures à prendre par les Etats pour supprimer le trafic des femmes, Mme SAVITRI GOONESEKERE, experte du Sri Lanka, a fait remarquer que la prostitution est une forme moderne d'esclavage, souvent liée à la coutume. Il est important que le Gouvernement népalais ne considère plus ce problème comme une conséquence de la pauvreté mais engage une politique interventionniste pour lutter contre la traite des femmes et des enfants. Que faites-vous pour mieux protéger les frontières, quelles sont les recours pour les familles des jeunes filles enlevées, a demandé l'experte, soulevant aussi le problème du mariage des enfants et de l'envoi à l'étranger de nombreuses jeunes filles pour y être mariées. Le fait que les jeunes filles n'ont pas accès à l'éducation aggrave le problème a remarqué Mme Goonesekere, qui a également souhaité avoir des précisions sur le rapatriement des jeunes filles enlevées en attente dans des camps.

L'experte d'Israël, Mme CARMEL SHALEV, a fait remarquer que les mères célibataires ne sont pas autorisées à faire enregistrer leurs enfants, ce qui est une violation très claire de l'Article 9 de la Convention, relatif à l'égalité des droits de l'homme et de la femme en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants. Quel est le sort de ces enfants non enregistrés, n'existent-ils pas juridiquement, n'ont-ils pas droit à la santé, à l'éducation et de jouir de tous les droits accordés à un être humain dans son pays ? a demandé l'experte.

Abordant l'Article 10 sur l'égalité en ce qui concerne l'éducation, Mme CHIKAKO TAYA, experte du Japon, a souhaité savoir quel est le pourcentage du budget national alloué à l'éducation. Le programme lancé en 1992 prévoit-il de corriger les cursus et les manuels scolaires qui comportent des stéréotypes; comporte-t-il des mesures spéciales pour les habitants vivant dans les régions les plus reculées du pays, a-t-elle aussi demandé, estimant par ailleurs qu'il faudrait lancer de nouveaux programmes permettant aux femmes d'avoir largement accès aux centres de formation professionnelle. Mme YUNG-CHUNG KIM, experte de la République de Corée, s'est dite quant à elle préoccupée par le taux d'analphabétisme des Népalaises, qui était de 72% en 1998, et fait remarquer que ce problème fait entrave à tout effort visant à améliorer la formation des femmes ou à promouvoir les femmes rurales. Où en est l'éducation gratuite et obligatoire au Népal, a demandé l'experte. Quelles sont les mesures prises pour permettre aux femmes et aux petites filles d'avoir accès à l'éducation ? Qu'en est-il de la fourniture gratuite de matériel scolaire ? Qui est responsable de la rédaction et de la publication des manuels, les personnes du corps enseignant sont-elles soucieuses d'équité entre les filles et garçons ?

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Remarquant par ailleurs le rapport ne fournit aucun renseignement sur la place des femmes dans l'enseignement supérieur, Mme Kim a voulu savoir si les Népalaises ont accès aux domaines scientifiques et techniques. Encourage-t-on les femmes à aller enseigner dans des zones reculées ou à choisir des carrières qui ne sont pas traditionnellement féminines ? Pourquoi la protection sociale est-elle répartie entre deux ministères, et comment coordonnent-ils leurs actions ? a-t-elle aussi interrogé. Mme ANNE LISE RYEL, experte de la Norvège, a voulu savoir si l'école primaire est obligatoire ou si le choix d'envoyer ou non les enfants à l'école est laissé aux familles. Mme Ryel a émis des doutes quant à l'impact de la décision visant à rendre obligatoire la présence d'au moins une enseignante femme dans les écoles est importante.

Revenant à l'Article 9, Mme GOONESEKERE a fait remarquer que la législation nationale contrevient à trois traités internationaux en matière de nationalité et de citoyenneté. Le rapport affirme pourtant que les textes internationaux prévalent sur la loi nationale.

Pour sa part, l'experte du Bangladesh, Mme SALMA KHAN, est revenue brièvement sur l'Article 7 de la Convention relatif à la participation des femmes à la vie politique et publique. Elle a relevé une disparité énorme entre la représentation des femmes au niveau national et au niveau local. Afin que les femmes occupent davantage de postes décisionnels, elle a encouragé l'Etat partie à appliquer dans l'administration, qui a souvent valeur de modèle, une politique d'ouverture des postes intermédiaires et décisionnels aux femmes. Passant ensuite à l'Article 11 sur l'élimination de la discrimination dans le domaine de l'emploi, elle a rappelé que les femmes représentent environ 46% de la population active et qu'elles sont à 90% employées dans l'agriculture. Elle a souhaité savoir si le pays avait cherché à introduire de nouvelles technologies rendant le travail de la terre plus facile. Les femmes peuvent-elles être propriétaires des terres qu'elles cultivent ? Existe-t-il en plus du programme de formation aux techniques agricoles, un programme d'aide au crédit ? Mme GOONESEKERE a souhaité, quant à elle, en savoir plus sur l'emploi des fillettes, qui travaillent pour beaucoup dans la fabrication des tapis et dans les métiers artisanaux. Ces fillettes bénéficient-elles d'une protection quelconque, notamment en matière de harcèlement sexuel ?

Sur l'Article 12 consacré à l'élimination de la discrimination dans le domaine des soins de santé, Mme SHALEV a attiré l'attention du Népal sur la recommandation générale formulée par le Comité, qui donne des éclaircissements sur la manière dont les Etats parties doivent interpréter les obligations qui leur incombent. Elle a fait remarquer que le projet de loi visant à amender la législation sur l'avortement, par lequel les femmes auraient besoin de l'approbation écrite de leur époux et par lequel les femmes célibataires se verraient refuser le recours à l'avortement, n'est pas conforme

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à la Convention. Elle a recommandé à l'Etat partie d'appréhender la question des mariages précoces comme un problème de santé publique et, pour lutter contre le phénomène de la violence domestique et sexuelle, de former les personnels policiers, judiciaires et soignants à ces questions. Elle s'est dite très préoccupée par la manière dont les personnes atteintes du VIH/sida sont traitées. Le rapport indique en effet que ces individus doivent être placés en quarantaine, ce qui constitue tout simplement une violation de leur liberté de mouvement. Mme SHALEV a également demandé des précisions sur le statut des femmes réfugiées originaires du Tibet et du Bouthan en précisant qu'elles avaient droit au même titre que les Népalaises aux soins de santé. L'experte du Ghana, Mme CHARLOTTE ABAKA, a regretté que le Gouvernement ne reconnaisse pas la discrimination indirecte dont les femmes sont victimes en matière de santé, notamment en raison des risques liés à la maternité. Le programme de maternité sans risque pour être efficace doit être holistique et aborder notamment la question des infrastructures disponibles, a fait observer l'experte. Par exemple, dans les campagnes, les difficultés de transport liées à l'absence de routes praticables expliquent le fait que de nombreuses femmes préfèrent encore accoucher chez elles. Mme Abaka s'est aussi inquiétée des conditions sanitaires de travail des femmes. Compte tenu du caractère pluriethnique de la société népalaise, elle a demandé si certains groupes ethniques avaient plus accès aux soins de santé que d'autres, surtout au moment de l'accouchement. L'experte a regretté l'absence d'informations sur l'origine des complications post-partum et sur les conditions de santé mentale des Népalaises. Elle a aussi demandé si la législation sur l'avortement opère une distinction entre les interruptions volontaires de grossesse et les fausses-couches. Mme GOONESEKERE a, quant à elle, mis l'accent sur la politique appliquée par le Gouvernement en ce qui concerne le mariage des enfants et l'avortement. Elle a jugé que l'objectif de la maternité sans danger ne pourra pas être atteint tant que les mariages précoces seront autorisés et tant que la législation sur l'avortement sera aussi sévère. Le fait qu'une femme tombée enceinte à la suite d'un viol ne puisse pas recourir à l'avortement conduit-il par exemple à des pratiques d'infanticides ?

Abordant l'Article 14 sur les femmes rurales, Mme FENG CUI, experte de la Chine, s'est félicitée des efforts du Gouvernement pour améliorer leur situation, tout en souhaitant savoir si les autorités ont lancé un programme global, notamment en matière d'alphabétisation, de lutte contre la pauvreté ou de contrôle des naissances. Le Gouvernement est-il en mesure d'évaluer l'impact des programmes de microcrédits et a-t-il prévu de les étendre à d'autres régions ou à d'autres secteurs, a demandé l'experte. Sachant qu'une très grande majorité de femmes népalaises vit de l'agriculture, Mme ZELMIRA REGAZZOLI, experte de l'Argentine, a souhaité avoir des détails sur le contenu des programmes qui leur sont destinés et savoir s'il ont été couronnés de succès.

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Abordant l'Article 16, Mme KIM a demandé au Gouvernement népalais d'abroger d'urgence les dispositions législatives discriminatoires. Mme GOONESEKERE a soulevé le rôle primordial de la Cour suprême dans la défense des droits des femmes. Pour l'experte, il est important de réviser et d'harmoniser avec les dispositions de la Convention la législation en matière d'héritage et de mariage. Abordant la question du divorce, Mme Ryel a fait remarquer qu'hommes et femmes doivent être, à égalité, en mesure d'invoquer les mêmes raisons, ce qui ne semble pas être le cas actuellement. Tel que le rapport est rédigé, le gouvernement semble approuver la violence domestique, ce qui n'est sans doute pas le cas, a noté l'experte avant de demander une révision de la législation en la matière. Mme KHAN a souhaité savoir ce que prévoient les autorités pour lutter contre la polygamie, couramment pratiquée au Népal (selon certaines sources, jusqu'à 64% des mariages seraient polygames). En cas de divorce, la femme peut-elle toucher immédiatement une pension alimentaire ou doit-elle attendre plusieurs années, quel est l'usage en matière de garde des enfants, a demandé l'experte, avant de faire remarquer qu'en Inde et au Bangladesh, une loi interdit la pratique de la dot. Bien que difficile à mettre en oeuvre, elle permet aux femmes de faire valoir leurs droits. Une telle loi est-elle envisageable au Népal, s'est interrogée l'experte, qui a demandé par ailleurs si chacune des castes ont leurs propres réglementations ou si une seule législation s'impose à toutes.

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