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FEM/1080

LES EXPERTES ESTIMENT QUE LE PASSAGE A L'ECONOMIE DE MARCHE PEUT DONNER L'OCCASION A LA GEORGIE DE PRENDRE UN NOUVEAU DEPART EN FAVEUR DES FEMMES

11 juin 1999


Communiqué de Presse
FEM/1080


LES EXPERTES ESTIMENT QUE LE PASSAGE A L'ECONOMIE DE MARCHE PEUT DONNER L'OCCASION A LA GEORGIE DE PRENDRE UN NOUVEAU DEPART EN FAVEUR DES FEMMES

19990611 "Si la rémunération des femmes demeure inférieure à celle des hommes, ce n'est pas en raison de leur sexe, mais parce qu'elles travaillent majoritairement dans des secteurs mal rémunérés", a expliqué, cet après-midi, Mme Rusudan Beridze, Vice-Secrétaire du Conseil national de la sécurité de la Géorgie pour les droits de l'homme et Présidente de la Commission nationale pour l'élaboration d'une politique d'Etat de promotion des femmes, en présentant les réponses de son pays aux questions formulées, mercredi dernier, par les expertes sur le rapport initial de la Géorgie. Mme Beridze répondait ainsi aux nombreuses observations des expertes quant à l'égalité des chances des femmes par rapport aux hommes dans le domaine de l'emploi. Elle a expliqué ensuite que depuis le passage à l'économie de marché, un grand nombre de travailleurs, parmi lesquels beaucoup de femmes, sont indépendants et à la merci de la situation du marché, qui pour l'instant s'est traduite par une baisse générale des salaires. Pour répondre à ce problème, et malgré les limitations imposées par la crise économique et financière actuelle, le Parlement a instauré un salaire minimum ainsi qu'une grille de salaire égalitaire. Mme Beridze a aussi indiqué que le Parlement géorgien s'apprêtait à modifier le Code pénal pour faire des violations du droit à l'égalité des personnes un crime.

Faisant écho aux inquiétudes que les expertes avaient exprimées quant à la privatisation des services de santé, Mme Beridze a expliqué que cette réforme ne concernait pour l'instant que les services de pharmacie et que la Loi sur l'assurance maladie, adoptée en 1997, se fonde sur le principe de solidarité, faisant obligation aux employeurs comme aux employés de verser des cotisations sociales.

Réagissant aux nouvelles informations données par l'Etat partie, une experte du Comité a dit comprendre l'attitude de rejet de certaines des politiques qui étaient appliquées par le régime soviétique. Toutefois, se référant notamment au système des quotas, elle a estimé que toutes ces politiques n'étaient pas nécessairement mauvaises, et elle a demandé au Gouvernement géorgien de bien les évaluer avant de les rejeter en bloc.

Plusieurs expertes se sont inquiétées du nombre élevé d'avortements et de la montée de la violence domestique. Le manque de moyens ne devrait pas empêcher le Gouvernement géorgien de s'attaquer à ces problèmes par des campagnes de sensibilisation et d'information du grand public, peu coûteuses par définition.

S'ils comprennent bien les difficultés liées à la crise économique et au passage à l'économie de marché, les membres du Comité ont jugé que cette transition pouvait parfaitement donner aux autorités la possibilité de tout recommencer sur des bases nouvelles, lui permettant notamment de lutter contre la féminisation traditionnelle de certaines professions.

Lundi 14 juin, à partir de 10 heures 30, le Comité examinera le rapport initial et le deuxième rapport périodique combinés du Belize.

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Réponses de la Géorgie aux observations des expertes du Comité

Mme RUSUDAN BERIDZE, Vice-Secrétaire du Conseil national de sécurité de la Géorgie pour la défense des droits de l'homme et Présidente de la Commission d'Etat pour l'élaboration d'une politique d'Etat pour la promotion des femmes, a précisé que les autorités géorgiennes ont prévu de créer un département spécial chargé des questions de la femme après les élections présidentielles de l'an 2000. Un bureau chargé de cette question devrait aussi voir le jour au sein du Ministère de l'éducation après les élections parlementaires prévues en novembre prochain. La Géorgie a commencé à examiner sa législation sous l'angle sexospécifique. De son côté, le Département des statistiques traite les données sous l'angle sexospécifique. Un projet de recherche envisagé pour renforcer le rôle de la femme dans les prises de décision n'a pas trouvé de financement pour l'instant. Toutefois, une banque de données est en cours d'élaboration pour faire le point en ce qui concerne les femmes ayant des postes à haute responsabilité.

Le Ministère de l'économie cherche à encourager l'indépendance économique des femmes. Un programme est spécialement destiné aux femmes rurales, sur lesquelles des données statistiques doivent encore être rassemblées. Le Ministère des réfugiés se charge de son côté d'étudier les migrations des femmes et leur incidence sur l'économie nationale. Plusieurs programmes gouvernementaux sont par ailleurs réalisés en faveur des femmes célibataires, familles nombreuses, retraités ou encore handicapés. Il est par ailleurs prévu de donner des primes aux médecins et aux enseignants qui travaillent dans les régions montagneuses du pays. La question de la participation des femmes dans les pourparlers de paix n'a pas encore été tranchée.

Le Gouvernement géorgien et plusieurs ONG s'occupent de formation professionnelle. Les ONG sont impliquées par ailleurs dans le suivi des décisions prises lors du Sommet de Beijing. Elles organisent notamment des ateliers et des séminaires pour informer les femmes de leurs droits. Les autorités prévoient des séminaires sur le sexisme à l'intention des médias. La Convention a été traduite, et 2000 exemplaires ont été publiés, ce qui est insuffisant, mais les crédits manquent pour continuer. En Géorgie, les droits de la femme sont défendus par une vingtaine d'ONG qui s'occupent, selon les cas, des minorités ethniques, des femmes d'affaires, ou encore de questions culturelles.

L'article 14 de la Constitution géorgienne garantit l'égalité entre hommes et femmes, a rappelé Mme Beridze, ajoutant que conformément au nouveau Code pénal en cours d'adoption, la violation de l'égalité des personnes sur la base de la race ou du sexe sera considérée comme un délit. Le mandat de l'ombudsman, chargé de protéger les libertés, concerne tous les citoyens géorgiens, y compris les femmes. Par ailleurs, la décision de célébrer

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une "Journée des mères", dont l'appellation a été contestée par les expertes, a fait l'objet d'un débat en Géorgie, et rien ne dit qu'elle ne sera pas supprimée à l'avenir. Il est envisagé de rémunérer les travaux ménagers qui, il est vrai, continuent à incomber généralement aux femmes.

Mme Beridze a reconnu que beaucoup demeurait à faire dans l'éducation. Elle a indiqué qu'un groupe de travail a été mis en place pour envisager les modifications éventuelles à apporter aux manuels scolaires. En ce qui concerne la représentation des femmes au sein du Gouvernement, lors des nominations, c'est l'expérience et les qualités professionnelles qui prévalent sans distinction de sexe. Elle a admis toutefois que ce principe n'est pas toujours respecté.

Les limitations au travail des femmes, visent à protéger leur santé et non à limiter leurs possibilités. La législation du travail géorgienne prévoit qu'à travail égal les femmes et les hommes doivent recevoir un salaire égal. Depuis le passage à l'économie de marché, un grand nombre de travailleurs sont indépendants et à la merci du marché et les salaires ont de manière générale baissé avec la crise économique et financière. Pour répondre à ce problème, le Parlement a instauré un salaire minimum ainsi qu'une grille de salaire égalitaire. Cependant les traitements des femmes demeurent inférieurs à ceux des hommes et ceci non pas en raison de leur sexe mais parce qu'elles travaillent majoritairement dans des secteurs mal rémunérés. Les conditions d'adaptation à l'économie de marché sont très douloureuses, mais depuis 1997, les chômeurs peuvent bénéficier d'allocations.

S'agissant de la santé, Mme Beridze a rappelé que les femmes géorgiennes représentent environ 53,5% de la population totale. Leur espérance de vie est de 76 ans. La privatisation dont il a été fait état lors de la présentation du rapport ne concerne pour l'instant que les services de pharmacie. En 1997, le Parlement a adopté la Loi relative à l'assurance médicale fondée sur le principe de solidarité puisqu'aussi bien l'employeur que l'employé cotisent à l'assurance-maladie. Les femmes enceintes bénéficient de 7 visites et de l'accouchement gratuits. L'avortement demeure un moyen de contraception. Pour lutter contre ce problème, des spécialistes sont formés et habilités à distribuer gratuitement des contraceptifs. L'avortement est jugé illégal lorsqu'il est pratiqué hors du milieu hospitalier ou par une personne qui n'a pas les compétences médicales requises. Un projet de réforme de la Loi sur l'avortement est actuellement devant le parlement.

Pour ce qui est des femmes rurales, Mme Beridze a expliqué que, depuis 1995 et avec l'aide des institutions financières internationales, un projet de développement des zones rurales est en cours de réalisation. Il se fonde essentiellement sur le développement du microcrédit destiné en priorité aux femmes. Aujourd'hui, 60% des personnes qui bénéficient d'un microcrédit sont des femmes. Au début de l'an 2000, un programme spécial ciblant les zones de montagnes sera lancé. La représentante a précisé que les femmes aussi bien que les hommes ont le droit de posséder la terre.

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L'accès à l'enseignement est égal pour les habitants des villes et pour les habitants des campagnes. L'éducation primaire est gratuite pour tous et il n'y a pas d'analphabètes dans le pays. Lorsque la situation économique se sera améliorée, le Gouvernement envisage de rendre l'enseignement secondaire également gratuit, a indiqué Mme Beridze, avant de reconnaître qu'il est possible que les infrastructures scolaires dans les campagnes soient un peu inférieures à celles de villes. Dans tous les cas, les enseignants sont, eux, également qualifiés.

En Géorgie, le mariage religieux n'est pas reconnu juridiquement. Dans les cas de divorce avec enfant, s'il y a conflit, c'est le Tribunal qui décide de la garde des enfants et si l'enfant a plus de 10 ans, c'est à lui que revient la décision. La famille est protégée et toutes les décisions sont prises dans l'objectif de défendre la cellule familiale, a assuré Mme Beridze en conclusion.

Observations des expertes

L'experte de l'Allemagne, Mme HANNA BEATE SCHOPP-SCHILLING, a souhaité revenir sur la Journée des mères. Elle a dit comprendre l'attitude de rejet de certaines des politiques qui étaient appliquées par le régime soviétique. Toutefois elle a estimé que toutes ces politiques n'étaient pas nécessairement mauvaises, notamment le système de quotas, et elle a demandé au Gouvernement géorgien de les évaluer avant de les éliminer en bloc. Elle a regretté que Mme Beridze n'ait fait aucune mention de la violence à l'égard des femmes. A cet égard, elle a évoqué l'exemple de l'ex-Allemagne de l'Est où l'existence de toute violence domestique a été niée jusqu'à la chute du Mur de Berlin. Mme Schöpp-Schilling a émis l'espoir que l'Etat partie disposera d'une législation sur la violence à l'égard des femmes dans les années à venir. Cette loi devrait s'accompagner d'un programme de formation des personnes traitant avec ces femmes ainsi que d'une campagne de sensibilisation de la population, ce qui ne demande pas des moyens énormes. L'experte a aussi déploré l'absence de précisions sur la traite des femmes et elle a suggéré, à ce sujet, à la Géorgie de prendre contact avec les pays voisins, tels la Turquie, et même avec l'Allemagne, où l'on sait que de nombreuses femmes sont retrouvées.

L'experte a dit comprendre les difficultés rencontrées en matière d'emploi dans un système de libre-concurrence. Toutefois, selon elle, le passage à l'économie de marché pourrait justement donner aux autorités l'opportunité de lancer une action en faveur de la promotion des femmes.

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Commentaires des experts

Mme CARMET SHALEV, experte d'Israël, est revenue sur le problème de discrimination indirecte, illustré par le fait que les femmes occupent le plus souvent des emplois sous-payés. Il faut se demander pourquoi le travail des femmes est mal considéré, et donc insuffisamment rémunéré, a demandé l'experte, ajoutant que ce problème doit être abordé sous l'angle discriminatoire, contrairement à ce que semble penser le Gouvernement géorgien. Abordant le problème de la santé, l'experte a mis l'accent sur une contradiction : les soins médicaux, gratuits pour les jeunes enfants, n'empêchent pas un accroissement de la mortalité infantile. Tout le monde a-t-il vraiment accès à ces soins, a demandé l'experte qui s'est également inquiété du nombre élevé d'avortements.

Soucieuse d'aider la délégation à élaborer son prochain rapport, l'experte des Philippines, Mme ROSARIO MANALO, a suggéré d'utiliser certains modèles issus du passé culturel de la Géorgie pour élaborer des programmes de défense des droits des femmes. Des études devraient également être conduites dans les secteurs où les femmes sont quasiment à égalité avec les hommes (journalisme, publicité) pour aider les femmes dont les professions sont moins bien considérées.

L'experte de l'Italie, Mme IVANKA CORTI, a fait remarquer que les difficultés économiques poussent parfois les femmes à se livrer à la prostitution, un phénomène que le Gouvernement géorgien doit prendre très au sérieux. Il est impératif de lutter contre ce phénomène qui s'apparente à de l'esclavage, et représente un véritable danger pour la société, a noté l'experte, qui a souhaité que des mesures soient prises à ce sujet.

Evoquant à son tour le problème de la traite des femmes et de la prostitution, Mme SAVITRI GOONESEKERE, experte du Sri Lanka, a rappelé que les femmes souffrent du manque d'accès à des emplois correctement rémunérés. Elle a regretté que le Gouvernement n'intervienne pas pour lutter contre la prostitution des jeunes filles.

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