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SG/SM/7009

LA CODIFICATION DES DROITS DE L'HOMME DOIT ALLER DE PAIR AVEC LA FIN DE LA CULTURE DE L'IMPUNITE QUE LA FUTURE COUR PENALE INTERNATIONALE PEUT MATERIALISER

27 mai 1999


Communiqué de Presse
SG/SM/7009


LA CODIFICATION DES DROITS DE L'HOMME DOIT ALLER DE PAIR AVEC LA FIN DE LA CULTURE DE L'IMPUNITE QUE LA FUTURE COUR PENALE INTERNATIONALE PEUT MATERIALISER

19990527 Vous trouverez, ci-dessous, l'allocution faite par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, à la Faculté de droit de l'Université de Lund en Suède, le 27 mai :

C'est un grand honneur que vous me faites en m'accueillant aujourd'hui parmi vous. Et il est particulièrement encourageant pour moi de me trouver entouré de jeunes hommes et de jeunes femmes qui se consacreront à la défense des droits de l'homme et à l'application du droit humanitaire au siècle prochain.

Comme certains d'entre vous le savent peut-être, ma femme est diplômée en droit d'une faculté bien moins ancienne que la vôtre, celle de Stockholm. Mais elle ne me contredira pas si j'affirme que nous sommes tous les deux ravis d'être ici.

Nous sommes particulièrement heureux de vous rendre visite au mois de mai. C'est un mois de réjouissance pour les étudiants de nombreux pays. Mais à Lund, le sacre du printemps a ses charmes propres, grâce aux hautes coiffes blanches que vous arborez et à votre célèbre hymne du 1er mai, "Blommande sköna dalar" [Bloomander sherna daalar].

En ce dernier printemps du XXe siècle, c'est des droits de l'homme et du droit humanitaire que je suis venu vous parler.

L'an dernier, nous avons fêté le cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Je n'ai pas besoin de vous le rappeler. La Suède tout entière doit le savoir grâce à Telia [la compagnie nationale de télécommunications suédoise] qui a eu la merveilleuse idée d'imprimer un article de la Déclaration sur la couverture de chaque exemplaire de l'annuaire téléphonique de cette année.

Mais ce n’est pas tout: il y a trois grands anniversaires à célébrer cette année.

Premièrement, le centenaire de la première Conférence internationale de la paix tenue à La Haye en 1899, qui a véritablement inauguré les efforts destinés à structurer les affaires internationales sur la base de la coopération et de la concertation plutôt que de laisser régner la loi de la jungle.

Il y a 100 ans, les grandes puissances de l'époque craignaient déjà suffisamment les armes destructrices qu’elles mettaient au point pour essayer de faire en sorte qu’elles ne soient jamais utilisées.

Étant donné le carnage qui devait s'ensuivre à peine 15 ans plus tard, on ne peut guère conclure au succès de leur entreprise. Mais elles se sont tout de même mises d'accord pour abolir une arme particulièrement cruelle, la balle "dum-dum". C'est ainsi que s'est engagé le processus qui nous a conduit à l'interdiction d'autres armes tout aussi monstrueuses, comme les armes chimiques et biologiques, et aujourd'hui, enfin, les mines terrestres antipersonnel.

La Conférence de La Haye a également débouché sur la création de la première institution chargée d'aider les États qui le souhaitent à régler pacifiquement leurs différends : la Cour permanente d'arbitrage. Cette Cour se trouve toujours à La Haye — je m'y suis rendu la semaine dernière — et elle fait un travail très utile. Je souhaiterais que davantage d'États aient plus souvent recours à elle.

Le deuxième anniversaire de cette année est celui des quatre Conventions de Genève, signées il y a 50 ans. Ces conventions sont l’aboutissement d’un effort plus ambitieux que jamais visant à définir les comportements acceptables en temps de guerre.

Cette démarche peut sembler pernicieuse, et certains ont fait valloir qu'il ne fallait surtout pas atténuer l'horreur de la guerre, car plus l'on prendrait conscience de son atrocité, moins on accepterait de la faire.

Même Florence Nightingale, qui a fait plus que quiconque pour alléger les souffrances provoquées par la Guerre de Crimée en portant secours aux blessés, a refusé son soutien à la fondation de la Croix-Rouge, car elle craignait que cette institution ne contribue à rendre la guerre civilisée aux yeux des hommes.

La communauté internationale, quant à elle, n'a pas retenu cet argument, à juste titre selon moi. Même si nous appelons de tous nos voeux l'abolition de toute forme de guerre, nous devons bien admettre que si cela arrive un jour, ce ne sera pas demain. Dans l'intervalle, nous nous devons au moins d'instaurer un code de conduite assurant un minimum d'humanité, afin que ceux

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qui optent pour la mesure la plus radicale, le recours à la force armée, puissent régler leur conduite face à leurs semblables. Or, c'est précisément ce que les Conventions de Genève nous ont offert : un ensemble de règles universelles régissant le comportement des belligérants, que la guerre elle-même soit ou non considérée comme légitime.

Le troisième anniversaire à célébrer cette année est celui de la Convention relative aux droits de l'enfant — la première Convention qui associe des articles relatifs aux droits de l'homme à des dispositions du droit international humanitaire et du droit des réfugiés.

Si l’on met cette convention en regard d'autres traités adoptés depuis un demi-siècle — de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes de 1979 — on s’aperçoit que la Déclaration universelle est aujourd’hui bien plus qu’une simple déclaration. Ses principes sont désormais intégrés dans l'imposant corpus du droit international humanitaire, par lequel la grande majorité des États ont accepté d'être juridiquement liés.

Grâce à ces instruments, presque partout dans le monde, les individus se voient reconnaître un large éventail de droits que les gouvernements s’engagent à respecter, du moins en théorie.

Sur le papier, ai-je dit. Et c’est là que le bât blesse car, dans la pratique, la situation est malheureusement souvent différente.

Depuis 1945, nous n’avons pas connu de conflit de l'ampleur cataclysmique des deux guerres mondiales. Depuis 1989, nous n'avons plus l'impression de vivre sous la menace d'un conflit mondial, même s'il n'est pas raisonnable pour autant de croire que tout danger est définitivement écarté.

Toutefois, des conflits de moindre envergure se multiplient et, pour ceux qui sont directement touchés, ils font autant de mal qu'une guerre mondiale.

En outre, il semble que la nature des guerres ait changé, et plutôt pour le pire.

Aujourd'hui, il s'agit surtout de conflits civils — à l'intérieur même d'un pays plutôt qu'entre différents pays. Conflits civils en ce sens aussi que les victimes sont avant tout des civils qui ne prennent pas part aux combats.

Environ 90 % des victimes de la Première Guerre mondiale étaient des soldats, et seulement 10 % étaient des civils.

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Pour ce qui est de la Seconde Guerre mondiale, même en comptant ceux qui ont péri dans les camps de la mort, les civils n'ont représenté que la moitié, ou un peu plus, des victimes.

Aujourd'hui, en revanche, les trois quarts des victimes des conflits sont probablement des civils.

Je dis "probablement" car personne ne le sait vraiment. Les organismes de secours comme la Croix-Rouge et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés consacrent à juste titre leurs ressources à venir en aide aux vivants plutôt qu'à comptabiliser les morts.

Les forces armées comptabilisent leurs propres pertes en vies humaines et tirent parfois orgueil du nombre d'ennemis tués, mais il n'existe aucun organisme chargé de compter le nombre de civils tués. Les victimes des conflits les plus violents d'aujourd'hui ne sont pas simplement anonymes mais aussi littéralement innombrables.

Pourquoi les civils sont-ils devenus les principales victimes des conflits? Ce n'est pas tant dû aux armes utilisées. Les armes de haute technicité permettent de plus en plus de viser un objectif précis, du moins lorsque ceux qui s'en servent savent précisément ce qu'ils visent. En fait, ce sont des armes relativement peu perfectionnées qui ont fait la plupart des victimes des conflits récents, comme au Rwanda, où il ne s'agissait même pas d'armes à feu. Le plus souvent, celui qui tue a en face de lui celui qu’il tue.

Mes amis, la triste vérité est qu'aujourd'hui les civils ne tombent pas seulement sous des "balles perdues". Il ne s'agit pas de victimes accidentelles ou de "dommages collatéraux", pour reprendre l'euphémisme actuellement utilisé. Trop souvent, ils sont délibérément pris pour cible.

Trop souvent, les conflits d'aujourd'hui sont menés au nom de l'appartenance ethnique. Un groupe de personnes est amené par ses dirigeants à croire que son existence même est menacée par un autre groupe et qu'il est impossible pour les deux groupes de cohabiter en paix et en sécurité.

Bien trop souvent, cette croyance se nourrit d'elle-même. Certains sont persuadés qu'ils ne peuvent vivre en sécurité chez eux que si le groupe ethnique auquel ils appartiennent constitue la majorité dans leur région, voire dans leur pays. Parfois même, l'existence d'un groupe minoritaire différent est perçue comme une menace.

Dans une telle situation, l'objectif est d'agresser avant d'être agressé, d'expulser, voire d'exterminer l'"autre" avant d’en être soi-même victime.

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Peut-être l'extermination, au sens littéral du terme, est-elle encore l'exception et non la règle. Du moins faut-il l'espérer. Mais, même lorsque l'objectif ne consiste qu'à s'approprier un territoire en expulsant la population — pratique du "nettoyage ethnique", pour reprendre l'horrible expression actuellement employée —, la violence et le massacre de civils deviennent partie intégrante d'une stratégie. La terreur, vous le savez, est le meilleur moyen de convaincre les gens de partir de chez eux.

Tout homme valide appartenant au groupe ennemi est alors perçu comme un "terroriste" potentiel, qu'il faut tuer avant qu'il ne tue. Cela ne signifie pas pour autant que les femmes, les enfants et les personnes âgées soient toujours épargnés. Loin de là!

Nous avons tous vu les photos effroyables d'enfants de la Sierra Leone dont les mains ou les pieds ont été mutilés dans le but de terroriser le reste de la population. Nous avons tous lu des articles sur des femmes violées en Bosnie, et maintenant au Kosovo, dans le cadre de campagnes systématiques visant à humilier et à terroriser leur famille. La semaine dernière encore, les réfugiés en Albanie et en Macédoine m'ont fait part d'un grand nombre de témoignages similaires.

À Blace, point de franchissement de la frontière avec le Kosovo, j'ai tenu la main d'une centenaire qui m'a demandé, les larmes aux yeux : "Comment cela peut-il m'arriver à mon âge?" J’ai parlé à une jeune mère qui avait accouché trois semaines auparavant, terrée dans la montagne. Une femme tenant dans ses bras un enfant de 3 ans m'a dit qu'elle avait vu pour la dernière fois son mari au moment de son arrestation et était restée depuis sans nouvelles de lui.

Au camp de Stenkovac en Macédoine, j'ai écouté un vieil homme en fuite depuis deux mois avec tous les habitants de son village, qui avait cherché partout un refuge et ne l'avait finalement trouvé que dans le camp. En Albanie, au camp de Kukës, j'ai rendu visite dans un hôpital de campagne à une jeune femme qu'un coup de feu avait blessée à la jambe alors qu'elle s'enfuyait de chez elle avec son nouveau-né. À la frontière entre l'Albanie et le Kosovo, j'ai rendu visite dans une tente aux quelques membres d'une famille qui m'ont accueilli avec une dignité, un courage et un calme incroyables et ont seulement demandé à être autorisés à retourner chez eux. Je n'ai pu leur répondre que tel était également notre voeu, de même que celui, impérieux, de la communauté mondiale.

Ce que j'ai vu dans ces camps a avivé mon indignation profonde devant les souffrances délibérément infligées à la population du Kosovo. Je n'en ai été que plus convaincu de la nécessité de trouver aussi vite que possible une solution qui permette aux Kosovars de regagner leurs foyers rapidement et en toute sécurité, dans le respect de leurs droits politiques et fondamentaux.

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Il n'est, de toute évidence, pas suffisant de codifier les droits de l'homme et les principes du droit humanitaire. Nous disposons maintenant de codes, et c’est très important car si l'on veut modifier les comportements, il vaut mieux avoir pour point de départ un ensemble de règles acceptées.

Toutefois, la vraie difficulté, celle qui consiste à faire appliquer les règles, est encore devant nous. Pour la surmonter, c’est à différents niveaux qu’il faut agir.

En tout premier lieu, il faut mettre un terme à la culture d'impunité, qui fait que celui qui tue des dizaines de milliers de personnes a plus de chance d’échapper à la justice que celui qui en tue une. Il s'agit là d'une monstruosité que la communauté internationale est à juste titre déterminée à combattre.

Pour que les crimes effroyables commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda ne restent pas impunis, le Conseil de sécurité a créé deux tribunaux qui font actuellement un travail énorme. Leurs procureurs sont tenus de porter devant la justice tous les auteurs de crimes contre l'humanité. Nous devons tous, et en particulier les gouvernements, leur prêter l'appui dont ils ont besoin et coopérer avec eux. En effet, comment décourager le crime à l’avenir si des criminels connus aujourd’hui échappent à la justice?

Aujourd’hui même, nous avons tous, je crois, entendu la nouvelle de l’inculpation du Président Milosevic, et d’autres hauts fonctionnaires de son gouvenement, par le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie à La Haye. Cela montre que la Cour a des moyens d’action.

Toutefois, les tribunaux spéciaux mis en place pour sanctionner les violations les plus flagrantes déjà commises ne sont pas suffisants. Il faut que les mêmes principes de justice soient appliqués quel que soit le pays où de tels crimes sont commis.

C'est pourquoi la Cour pénale internationale, dont le Statut a été adopté à Rome l'année dernière, est si importante. Jusqu'à présent, le Statut de la Cour a été signé par 82 États et ratifié par deux d’entre eux. Je ne crois pas qu'il y ait de meilleur moyen pour les États de marquer le passage à l'an 2000 que de faire tout pour que la Cour voit le jour dès le début du nouveau siècle et d’Etats que possible participent à ses travaux.

La justice pénale peut jouer un rôle dissuasif essentiel. Mais de nombreux autres éléments doivent être réunis si l'on veut que les droits de l'homme soient réellement respectés et le droit humanitaire réellement appliqué. Les pays qui se sont le mieux comportés à cet égard — et je suis heureux de pouvoir dire que la Suède figure parmi ceux-là — sont loin de compter uniquement sur la dissuasion pour inciter à la bonne conduite.

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Si les individus s'abstiennent de recourir à la violence, s'ils s'efforcent de régler leurs différends d'une manière civilisée, c'est parce qu’au fil du temps, ils ont appris à attendre d'eux-mêmes et des autres un tel comportement. C'est parce qu'ils vivent dans une société dotée d'institutions qui leur permettent d'exprimer leurs revendications par des moyens pacifiques, et de rechercher des solutions qui tiennent compte des intérêts de chacun.

Une telle société ne saurait être créée du jour au lendemain. Elle ne saurait se reconstruire aisément lorsqu’elle a été déchirée par un conflit.

Mais il est encore beaucoup plus difficile de la réaliser lorsque les ressources sont limitées et que beaucoup vont le ventre vide, ce qui est le cas dans bien trop de pays aujourd’hui. Mais, en eux-mêmes, l'argent et la richesse ne suffisent pas. En fait, des changements économiques soudains, qui enrichissent une partie de la population et plonge le reste dans l'insécurité, entraînent souvent un déclin de la civilité et un accroissement de la violence même si le revenu moyen s'élève.

C'est pourquoi, aux Nations Unies, nous accordons de plus en plus d’importance à la société civile et à la bonne conduite des affaires publiques. C'est aussi la raison pour laquelle nous considérons que nos programmes de développement sont intégralement liés aux activités que nous menons pour promouvoir la paix et la sécurité. Nous avons appris que lorsqu'il néglige les facteurs sociaux et politiques, le développement ne résiste pas aux conflits; et, inversement, que la prévention des conflits et la consolidation de la paix après les conflits sont vouées à l'échec si la société ne peut se développer.

Il est extrêmement difficile de gagner honnêtement et sainement sa vie en situation de conflit; et il y a tout lieu de s'attendre à ce que ceux qui ne peuvent gagner honnêtement et sainement leur vie soient entraînés dans des conflits. Le cercle vicieux de la guerre et de la pauvreté doit être remplacé par le cercle vertueux de la paix et de la prospérité. C'est là la raison d'être des Nations Unies.

Pour conclure, j'aimerais évoquer trois champions de l’idéal internationaliste, trois grands Suédois parmi tous ceux qui ont si bien su nous montrer comment donner corps aux valeurs universelles.

Le premier est celui de mon illustre prédécesseur, Dag Hammarskjöld, qui lui aussi prit la parole à cette université il y a exactement 40 ans et dont j'ai aujourd’hui visité la résidence d'été à Backåkra. Point n’est besoin de rappeler ici la carrière de ce fils d'un Premier Ministre suédois qui servit lui-même le gouvernement de son pays avant de devenir le deuxième Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies en 1953.

Durant son mandat, Dag Hammarskjöld a mis en place les principaux éléments du maintien de la paix, sur lesquels la communauté internationale s'est appuyée tout au long de la guerre froide et continue de s’appuyer à ce

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jour. Et, comme vous le savez, il a fait le sacrifice suprême de sa vie lorsque son avion s'est écrasé, le 18 septembre 1961, alors qu'il se rendait en mission en Afrique centrale pour tenter d'y instaurer la paix.

Mon deuxième exemple est celui du comte Folke Bernadotte, qui n'a pas seulement été le premier médiateur des Nations Unies mais aussi le premier envoyé des Nations Unies à mourir pour la cause de la paix. Avant de donner sa vie au cours de sa mission en Palestine, il avait également servi dans une institution à laquelle nous sommes pour ainsi dire redevables de la notion même de droit humanitaire, à savoir la Croix-Rouge.

Folke Bernadotte avait appris très tôt que l'intervention humanitaire exigeait un courage particulier. En négociant pour la libération des prisonniers des camps nazis durant la Seconde Guerre mondiale, il avait conscience que sa tâche était de "négocier avec le diable afin de libérer les peuples de l'enfer". De nos jours, il semble que ce soit trop souvent le cas des Nations Unies.

Permettez-moi enfin d'évoquer un nom qui revêt une signification particulière pour moi, comme pour cette université: celui de M. Raoul Wallenberg. Comme vous le savez peut-être, mon épouse est sa nièce. Et ici, à Lund, un institut portant son nom est consacré, comme il se doit, à l'étude des droits de l'homme et du droit humanitaire.

Son nom devrait revêtir une importante signification pour tout le monde. Diplomate, représentant un pays neutre en temps de guerre, il nous a montré que l'humanité comptait plus que la neutralité. Les êtres humains que nous sommes ne peuvent pas être neutres — ou du moins n'ont pas le droit de l'être — quand d'autres êtres humains souffrent. Chacun de nous a le devoir d'intervenir. Peu importe ce que vous faîtes. Même crier “Ça suffit - je n’en peux plus!”, c’est une action. Chacun de nous dois s’engager — de faire ce qu'il peut pour aider ceux qui sont dans le besoin même s'il est moins dangereux et plus facile de ne rien faire.

Raoul a bien senti que c'était là son devoir, et le prix qu'il a payé a été terrible. À ce jour, le sort qui lui a été réservé demeure un mystère. En réalité, le vrai mystère est celui-ci : pourquoi, face à des crimes horribles et à des souffrances affreuses, si peu de personnes ont-elles réagi comme lui?

C'est là une question que nous devrions tous nous poser : à sa place, qu’aurais-je fait? Et, plus important encore, que ferais-je aujourd'hui et qu’est-ce que je ferai à l’avenir?

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Si vous prenez tous ces trois héros suédois comme modèles et êtes fermement déterminés à agir comme ils l'ont fait, le siècle qui s'ouvre verra les droits de l'homme et le droit humanitaire enfin appliqués, pas seulement dans les traités et les déclarations, mais dans la vie quotidienne. Que ce siècle, votre siècle, soit celui du renouveau, que vous chantez si éloquemment dans l'hymne du 1er mai : "Klarare våren talar/Bättre vi den förstå". [Plus clairement chante le printemps, plus clairement nous l'entendons.]

Je vous remercie.

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